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Inversion (linguistique)

En linguistique, l’inversion est un procĂ©dĂ© par lequel on change l’ordre canonique (attendu, consacrĂ©, habituel, normal) de deux entitĂ©s grammaticales, en intervertissant leurs places. Ces entitĂ©s peuvent ĂȘtre les Ă©lĂ©ments d’une forme grammaticale composĂ©e, les composants d’un syntagme, des termes Ă  fonction syntaxique d’une phrase simple ou des propositions d’une phrase complexe[1] - [2] - [3] - [4] - [5] - [6].

L’ordre canonique caractĂ©rise la phrase simple isolĂ©e (non intĂ©grĂ©e Ă  une phrase complexe ni Ă  un contexte plus large, complĂšte quant Ă  sa structure (contenant au moins un prĂ©dicat), Ă©nonciative quant au but de la communication (non interrogative, non impĂ©rative) et positive (non nĂ©gative)[7], ainsi que le syntagme, la phrase simple ou complexe dont aucun composant n’est mis en relief, qui n’exprime pas d’affectivitĂ© (par exemple, ce n’est pas une phrase exclamative) et ne vise aucun but stylistique[8]. L’inversion est l’un des procĂ©dĂ©s par lesquels le locuteur change une ou plus d’une de ces caractĂ©ristiques, pour intĂ©grer sa phrase dans un contexte en thĂ©matisant ou rhĂ©matisant une de ses parties, pour demander une information, pour donner un ordre, pour nier un fait, pour mettre en relief ce qui est important pour lui, pour exprimer un sentiment, pour obtenir un effet stylistique, etc. Par une mĂȘme inversion, on peut rĂ©aliser plusieurs de ces buts.

La mise en relief, l’expression de l’affectivitĂ© et l’obtention d’un effet stylistique font de l’inversion un procĂ©dĂ© rhĂ©torique appelĂ© anastrophe, utilisĂ© surtout dans la littĂ©rature. À part ces raisons, les poĂštes peuvent Ă©galement pratiquer l’inversion rien que pour les nĂ©cessitĂ©s de la versification[9] - [3] - [10].

Inversion grammaticale

Il y a inversion surtout au niveau syntaxique, mais il existe aussi des inversions morphologiques, parfois liées au changement du type de phrase.

Inversion morphologique

Dans certaines langues, l’inversion peut affecter certaines formes verbales composĂ©es. En roumain, par exemple, il peut y avoir inversion entre le verbe auxiliaire et le verbe Ă  sens lexical, ex. am cĂąntat → cĂąntat-am « j’ai chantĂ© »[11], vom porni → porni-vom „nous partirons”[12]. Cette inversion a le but stylistique de crĂ©er une atmosphĂšre archaĂŻque.

En BCMS (bosnien, croate, montĂ©nĂ©grin et serbe), l’ordre canonique des formes verbales composĂ©es est verbe Ă  sens lexical + verbe auxiliaire, quand le sujet n’est pas exprimĂ© par un mot Ă  part, le premier composant est accentuĂ© et le second atone, mais si devant le prĂ©dicat il y a un mot accentuĂ©, par exemple le sujet mot Ă  part, l’auxiliaire reste atone et la place des composants s’inverse, ex. Vid(j)eli smo Mariju → Mi smo vid(j)eli Mariju « Nous avons vu Marija »[13].

En BCMS, la phrase nĂ©gative aussi se caractĂ©rise par cette inversion, le mot nĂ©gatif Ă©tant l’un des mots accentuĂ©s qu’on place devant le verbe : (cnr) Čitao bih « Je lirais » → Ne bih čitao « Je ne lirais pas »[14].

Cette inversion est propre Ă  la phrase interrogative aussi, entre l’auxiliaire et le verbe Ă  sens lexical pouvant ĂȘtre insĂ©rĂ© un autre terme de la phrase :

  • interrogation totale : (sr) Da li sam dobro uradio? « Est-ce que j’ai bien fait ? »[15], (hr) Je li ĆĄto kupio? « A-t-il achetĂ© quelque chose ? »[16]
  • interrogation partielle : (hr) Kada ćeĆĄ se vratiti? « Quand est-ce que tu reviendras ? »[17]

En hongrois il y a inversion Ă  la forme de futur. S’il n’y a aucun mot accentuĂ© devant la verbe, le composant Ă  sens lexical porte l’accent le plus fort et l’ordre est composant Ă  sens lexical + auxiliaire (ex. Keresni foglak « Je vais te chercher »)[18], mais dans le cas contraire, l’ordre est inverse : Gyula PĂ©csen fog lakni « Gyula va habiter Ă  PĂ©cs »[19].

En hongrois, beaucoup de verbes peuvent avoir un prĂ©fixe qui change seulement leur aspect, d’ordinaire d’imperfectif Ă  perfectif, ou Ă  la fois leur aspect et leur sens lexical. Le prĂ©fixe reste un prĂ©fixe si la phrase est canonique, mais si on met en relief le sujet, qui est devant le verbe, ou qu’on mette Ă  sa place un autre terme, pour le mettre en relief, le prĂ©fixe passe aprĂšs le verbe, ex. PĂ©ter kimegy a strandra « PĂ©ter va Ă  la plage » (phrase canonique) → PĂ©ter megy ki a strandra « C’est PĂ©ter qui va Ă  la plage » → A strandra megy ki PĂ©ter « C’est Ă  la plage que va PĂ©ter »[20].

La phrase impérative positive implique elle aussi le passage du préfixe aprÚs le verbe : Menj ki a strandra! « Va à la plage ! »[21]

La phrase nĂ©gative Ă©galement se caractĂ©rise par ces inversions, le mot nĂ©gatif Ă©tant l’un des mots accentuĂ©s qu’on place devant le verbe :

Dolgozni fogok « Je vais travailler » → Nem fogok dolgozni « Je ne vais pas travailler »[22] ;
PĂ©ter kimegy a strandra « PĂ©ter va Ă  la plage » → PĂ©ter nem megy ki a strandra « PĂ©ter ne va pas Ă  la plage »[20].

Ces inversions ont lieu dans la phrase interrogative partielle aussi, celle du préfixe seulement aux formes temporelles simples :

Mikor fog felhĂ­vni? « Quand va-t-il m’appeler ? »[23];
Mikor hívsz meg minket vacsoråra? « Quand est-ce que tu nous invites à dßner ? »[24]

Inversion syntaxique

Dans certaines langues, l’inversion de l’ordre pronom conjoint en fonction de complĂ©ment + verbe contribue au changement du type de phrase selon le but de la communication d’énonciative Ă  impĂ©rative positive. Exemples :

(fr) Vous l’appelez → Appelez-la ![25] ;
(ro) Îl aștepți « Tu l’attends » → Așteaptă-l! « Attends-le ! »[26] ;
(cnr) Ti mi doneseĆĄ čaĆĄu vode « Tu m’apportes un verre d’eau » → Donesi mi čaĆĄu vode! « Apporte-moi un verre d’eau ! »[27]

En roumain, une telle inversion, le verbe Ă©tant Ă  l’indicatif, peut avoir un but stylistique (ex. te rog → rogu-te « je te prie »), ainsi que l’inversion de l’ordre spĂ©cifique Ă  l’impĂ©ratif, pour revenir Ă  l’ordre de ces termes en phrase Ă©nonciative : Uită-te! → Te uită! (verbe pronominal) « Regarde ! »[12]

Une autre inversion afin de changer le type de la phrase selon le but de la communication, cette fois d’énonciative Ă  interrogative, est celle de la place du sujet et du prĂ©dicat, dans certaines langues oĂč l’ordre canonique est sujet + prĂ©dicat.

En anglais, l’ordre gĂ©nĂ©ral de l’interrogation est avec l’inversion entre la copule be « ĂȘtre », les verbes modaux et les verbes auxiliaires avec le sujet, mĂȘme quand celui-ci est exprimĂ© par un mot accentuĂ© : That is true « C’est vrai » → Is that true? « Est-ce vrai ? »[5], Caroline has eaten « Caroline a mangĂ© » → Has Caroline eaten? « Caroline a-t-elle mangĂ© ? »[28], Where did John say that he was going? « OĂč John disait-il qu’il allait ? »[29]

Dans certaines langues, l’inversion prĂ©dicat + sujet se fait seulement dans l’interrogation partielle avec l’accent le plus fort sur le mot interrogatif, indĂ©pendamment du registre de langue :

(ro) CĂąnd Ăźncepe conferința? « Quand est-ce que la confĂ©rence commence ? »[30] ;
(cnr) Đe je olovka? « OĂč est le crayon ? »[31] ;
(hu) Hol jĂĄtszanak a gyerekek? « OĂč jouent les enfants ? »[32]

En français aussi il y a cet ordre des mots, mais seulement dans l’une des deux variantes dans le registre courant, lorsque le sujet est exprimĂ© par un mot accentuĂ©, ex. Quand arrivera FrĂ©dĂ©ric ?[33]

Dans le registre soutenu il y a inversion prĂ©dicat + sujet dans tout type de question, Ă  condition que le sujet soit exprimĂ© par un pronom conjoint : Tu es malade (phrase Ă©nonciative) → Es-tu malade ? Si le sujet est exprimĂ© par un nom ou par un pronom accentuĂ©, il reste devant le verbe mais est repris dans le registre soutenu par le pronom personnel conjoint qui lui correspond : Paul est-il malade ?[34]

Un autre type de phrase oĂč le verbe prend la place du sujet est, dans certaines langues, la proposition incise indiquant le locuteur dans les dialogues, que le sujet soit exprimĂ© par un mot accentuĂ© ou non, y compris en français. Exemple :

(fr) Je reviendrai, dit-elle, dĂšs ce soir[35] ;
(ro) Aici avem o crimă, zise polițistul « LĂ , nous avons un meurtre, dit le policier » [36] ;
(sr) Jeste li ĆŸedni? – upita domaćica « Avez-vous soif ? – demanda la maĂźtresse de maison »[37] ;
(hu) Esik az esƑ – mondta JĂĄnos « Il pleut, dit JĂĄnos »[38].

Inversion pragmatique

Du point de vue pragmatique (logique, communicatif), dans certaines langues, dans la phrase simple isolĂ©e, son thĂšme (ce dont on dit quelque chose) occupe la premiĂšre place et coĂŻncide avec le sujet (ou son groupe nominal), et le reste de la phrase est son rhĂšme (ce qu’on dit du thĂšme). Lorsque la phrase est dans un contexte, il peut ĂȘtre nĂ©cessaire de l’y intĂ©grer par la rhĂ©matisation du sujet, cas dans lequel le prĂ©dicat devient le thĂšme et occupe la place du sujet. Cela arrive, par exemple, lorsque la phrase antĂ©rieure est une question qui vise Ă  identifier le sujet, si l’on n’évite pas la rĂ©pĂ©tition, cas plus rare en dialogue. Exemple :

(fr) – Qui a Ă©tĂ© reçu Ă  l’examen ? – Ont Ă©tĂ© reçus Pierre, Paul et Marie [8].

L’inversion peut aussi ĂȘtre un procĂ©dĂ© de thĂ©matisation de divers termes de la phrase, et non seulement dans des dialogues. Exemples :

(fr) – Que fait Paul Ă  Paris ? – À Paris, Paul travaille – Le complĂ©ment circonstanciel de lieu Ă  Paris est une partie du rhĂšme dans la question et thĂšme dans la rĂ©ponse[39].
(en) – What did you say hapened yesterday? – Yesterday John gave the money to Peter « – Qu’as-tu dit qu’il est arrivĂ© hier ? – Hier, John a donnĂ© l’argent Ă  Peter” – Le complĂ©ment circonstanciel de temps yesterday est une partie du rhĂšme dans la question et thĂšme dans la rĂ©ponse[40].
(BCMS) Slavko vidi Olgu. Olgu vidimo i mi « Slavko voit Olga. Olga, nous la voyons nous aussi » – Le complĂ©ment d'objet direct Olga est une partie du rhĂšme dans la premiĂšre phrase et thĂšme dans la seconde[41].
(hu) – Mit csinĂĄlt JĂĄnos a könyvvel? – A könyvet feltette JĂĄnos a polcra « – Qu’est-ce que JĂĄnos a fait du livre ? – Le livre, JĂĄnos l’a mis sur le rayon » – Le complĂ©ment d'objet indirect a könyvvel est une partie du rhĂšme dans la question et thĂšme dans la rĂ©ponse[42].

Inversion emphatique et affective

Lorsqu’un Ă©lĂ©ment d’information est important pour le locuteur, celui-ci cherche Ă  le mettre en relief. L’un des procĂ©dĂ©s de le faire est l’inversion[43], parfois en mĂȘme temps avec la thĂ©matisation et la rhĂ©matisation. Cette inversion est appelĂ©e emphatique. Elle peut ĂȘtre en mĂȘme temps affective. Dans ces cas, de neutre, objectif, l’ordre des mots devient subjectif[44], tant dans le langage du locuteur ordinaire, qu’en qualitĂ© de procĂ©dĂ© stylistique dans les Ɠuvres littĂ©raires.

En syntagme

Dans certaines langues, il y a inversion Ă  but emphatique entre l’adjectif Ă©pithĂšte et son rĂ©gissant. Dans des langues comme le français ou le roumain, l’ordre canonique est rĂ©gissant + Ă©pithĂšte, l’inversion consiste donc Ă  antĂ©poser l’épithĂšte :

(fr) un paysage splendide → un splendide paysage[45] ;
(ro) Doamna Alexandrescu este o actriță remarcabilă « Madame Alexandrescu est une actrice remarquable » → Doamna Alexandrescu este o remarcabilă actriță! « Madame Alexandrescu est une remarquable actrice ! »[46]

Dans d’autres langues, l’ordre canonique d’un tel syntagme est Ă©pithĂšte + rĂ©gissant. L’inversion de cet ordre a les mĂȘmes buts que ci-dessus :

(hr) Sad ruke ove trudne ĆŸive u srcu tog kamena « Maintenant, ces mains meurtries par le travail vivent au cƓur de cette pierre » (Mak Dizdar) (ordre canonique : ove trudne ruke)[47] ;
(ru) Đ˜ĐłŃ€Đ°Đ”Ń‚ Đž ĐČĐŸĐ”Ń‚, ĐșĐ°Đș Đ·ĐČĐ”Ń€ŃŒ ĐŒĐŸĐ»ĐŸĐŽĐŸĐč, Đ·Đ°ĐČОЎДĐČшОĐč пощу Оз ĐșлДтĐșĐž Đ¶Đ”Đ»Đ”Đ·ĐœĐŸĐč Igraet i voet, kak zver’ molodoĂŻ, zavidevchiĂŻ pichtchu iz kletki jeleznoĂŻ (Alexandre Pouchkine) littĂ©ralement « Il joue et rugit comme une bĂȘte jeune voyant la nourriture depuis la cage de fer » (ordre canonique : ĐŒĐŸĐ»ĐŸĐŽĐŸĐč Đ·ĐČĐ”Ń€ŃŒ molodoĂŻ zver’, Đ¶Đ”Đ»Đ”Đ·ĐœĐŸĐč ĐșлДтĐșĐž jeleznoĂŻ kletki)[4] ;
(hu) TisztessĂ©ges legyen csak ĂłrĂĄm utolsĂł (MiklĂłs ZrĂ­nyi) litt. « Pourvu qu’elle soit honorable, mon heure derniĂšre » (ordre canonique : utolsĂł Ăłram « ma derniĂšre heure »)[10].

En phrase simple

L’inversion emphatique et/ou affective concerne Ă©galement d’autres termes de la phrase que l’épithĂšte, avec leur syntagme et Ă©ventuellement avec des mots supplĂ©mentaires par rapport Ă  la situation oĂč l’ordre est canonique. Dans le mĂȘme temps, c’est sur le mot mis en relief que tombe l’accent le plus fort. Exemples :

  • le prĂ©dicat (verbal ou nominal) :
(fr) Louis est venu → Il est venu, Louis[48] ;
(ro) Mama a venit « Maman est venue » → A venit mama « Elle est venue, maman »[49], Copilul e vesel « L’enfant est gai » → E vesel copilul « Il est gai, l’enfant »[50] ;
(sr) Dečaci vole koĆĄarku « Les garçons aiment le basket » → Vole koĆĄarku dečaci « Ils aiment le basket, les garçons »[37] ;
(hu) A gyerekeik szĂ©pek Ă©s okosak « Leurs enfants sont beaux et intelligents » → SzĂ©pek Ă©s okosak a gyerekeik « Ils sont beaux et intelligents, leurs enfants »[51] ;
(fr) La montagne est haute → Haute est la montagne ![1] ;
(ro) Ești frumoasă « Tu es belle » → (Ce) frumoasă ești! « (Comme) tu es belle ! »[52] ;
(sr) Kinezi su čudni ljudi « Les Chinois sont des gens bizarres » → Čudni su ljudi ti Kinezi! « Des gens bizarres, ces Chinois ! »[53] ;
  • le complĂ©ment d’objet direct :
    • sans mot(s) supplĂ©mentaire(s) :
(ro) O Ăźntreb pe Maria « Je questionne Maria » → Pe Maria o Ăźntreb « C’est Maria que je questionne »[54] ;
(en) I haven’t seen that film yet « Je n’ai pas encore vu ce film » → That film I haven’t seen yet « Ce film, je ne l’ai pas encore vu »[5] ;
(hr) Republikance vodi Stipa « Ce sont les rĂ©publicains que conduit Stipa » (Miroslav KrleĆŸa) (ordre canonique : Stipa vodi republikance « Stipa conduit les rĂ©publicains »)[55];
(ru) ĐŻ ĐČчДра ĐČОЎДл ĐžĐœŃ‚Đ”Ń€Đ”ŃĐœŃƒŃŽ ĐșĐœĐžĐłŃƒ Ia vtchera videl interesnouĂŻou knigu « Hier, j’ai vu un livre intĂ©ressant » → Đ˜ĐœŃ‚Đ”Ń€Đ”ŃĐœŃƒŃŽ ĐșĐœĐžĐłŃƒ я ĐČчДра ĐČОЎДл IntersnouĂŻou knigu ia vtchera videl « C’est un livre intĂ©ressant que j’ai vu hier »[4] ;
(hu) A pincĂ©r a bort az asztalra teszi « Le garçon met le vin sur la table » → A bort teszi az asztalra a pincĂ©r « C’est le vin que le garçon met sur la table »[56] ;
  • avec un mot/des mots supplĂ©mentaire(s) :
(fr) Je vois la ville → La ville, je la vois (reprise par le pronom personnel correspondant)[1], Je ne veux pas voir un vendeur mais le chef de rayon → Ce n’est pas un vendeur que je veux voir, mais le chef de rayon ! (construction de mise en relief)[57];
(ro) Am găsit cartea mea « J’ai trouvĂ© mon livre » → Cartea mea am găsit-o « Mon livre, je l’ai trouvĂ© » (reprise par le pronom personnel correspondant)[58] ;
  • autre complĂ©ment :
(fr) Les habitants du quartier rĂ©clament depuis des annĂ©es l’amĂ©nagement d’un espace de jeux pour les enfants → Depuis des annĂ©es, les habitants du quartier rĂ©clament l’amĂ©nagement d’un espace de jeux pour les enfants[59] ;
(ro) Solului nu i se taie capul « À un ambassadeur, on ne lui coupe pas la tĂȘte » (Constantin Negruzzi)[60] (ordre canonique : ''Nu i se taie capul solului « On ne coupe pas la tĂȘte Ă  un ambassadeur ») ;
(hu) Fel fog hĂ­vni holnap « Il/Elle va m’appeler demain » → Holnap fog felhĂ­vni « C’est demain qu’il/elle va m’appeler »[23] ;
(sr) SasluĆĄao sam vas s velikom paĆŸnjom « Je vous ai Ă©coutĂ©(e)(s) avec grande attention » → S velikom paĆŸnjom sam vas sasluĆĄao « C’est avec grande attention que je vous ai Ă©coutĂ©(e)(s) »[61].

En phrase complexe

Du moins dans certaines langues, dans le cas de certaines propositions subordonnĂ©es, l’ordre des propositions est libre, c’est-Ă -dire l’ordre canonique est proposition rĂ©gissante + subordonnĂ©e, mais il peut ĂȘtre inversĂ© pour mettre la subordonnĂ©e en relief. Exemples :

(fr) Tout le monde reconnaĂźt que ce cinĂ©aste est un grand artiste → Que ce cinĂ©aste soit un grand artiste, tout le monde le reconnaĂźt[62] ;
(ro) Despre cine sĂźntem, de unde venim și unde ne ducem, să nu se afle nimic « Sur qui nous sommes, d’oĂč nous venons et oĂč nous allons, qu’on ne puisse rien savoir » (Mihail Sadoveanu)[63] ;
(cnr) Naći ćete, ako traĆŸite « Vous trouverez si vous cherchez » → Ako traĆŸite, naći ćete « Si vous cherchez, vous trouverez »[64] ;
(hu) Majd elvĂĄlik, hogy mi lesz belƑle « On verra bien ce qu’il/elle deviendra » → Hogy mi lesz belƑle, majd elvĂĄlik « Ce qu’il/elle deviendra, on le verra bien »[65].

Inversions spécifiquement rhétoriques

On ne trouve pratiquement certaines inversions que dans des aphorismes et des Ɠuvres littĂ©raires, surtout des poĂšmes. En français, par exemple, c’est le cas de l’antĂ©position du complĂ©ment du nom : J’aime de vos longs yeux la lumiĂšre verdĂątre (Charles Baudelaire)[9]. On trouve de telles inversions dans la poĂ©sie roumaine aussi : Ei cinară-n mĂąndre muzici / Cu de aur vase, linguri (Mihai Eminescu) litt. « Ils dĂźnĂšrent en belles musiques / Dans en or assiettes, cuillers »[3]. En roumain c’est Ă©galement le cas de l’antĂ©position de l’adjectif possessif : steagul nostru → al nostru steag « notre drapeau »[66].

L’inversion prĂ©dicat + sujet sans anticipation du dernier par un pronom, prĂ©sente dans le registre courant d’autres langues, ne se trouve, en français, que dans la littĂ©rature : Claque le revolver des dĂ©parts, et je tressaute. (Henry de Montherlant)[9]

Le chiasme est un cas spĂ©cial d’inversion, faisant apparaĂźtre dans une mĂȘme phrase des entitĂ©s syntaxiques d’abord dans un certain ordre, puis dans l’ordre inverse. Exemples :

(fr) Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger[67] ;
(ro) Cu zĂąmbetul tău dulce tu mĂąngĂąi ochii mei, / Femeie Ăźntre stele și stea Ăźntre femei litt. « Avec ton doux sourire, tu caresses mes yeux, / Femme parmi les Ă©toiles et Ă©toile parmi les femmes » (Eminescu)[68] ;
(en) The French live to eat, the English eat to live « Les Français vivent pour manger, les Anglais mangent pour vivre »[69] ;
(hu) Éltem ĂĄlom, ĂĄlmom Ă©let « Ma vie est rĂȘve, mon rĂȘve est vie » (Gyula Reviczky)[70].

Références et notes

  1. Dubois 2002, p. 357-358.
  2. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 260-261.
  3. Dragomirescu 2008, article inversiune.
  4. Iartseva 1990, article Đ˜ĐœĐČĐ”ÌŃ€ŃĐžŃ « inversion ».
  5. Bussmann 1998, p. 593.
  6. Crystal 2008, p. 254.
  7. Cf. la typologie de la phrase simple selon Avram 1997, p. 305-320.
  8. Wyler 2019, p. 427.
  9. BDL, page Inversion.
  10. SzathmĂĄri 2008, article InverziĂł.
  11. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 32.
  12. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 51.
  13. Browne et Alt 2004, p. 44. La variante sans j [j] est conforme au standard serbe, et celle avec j – au croate, au bosnien et au montĂ©nĂ©grin.
  14. Čirgić 2010, p. 129.
  15. Klajn 2005, p. 104.
  16. Barić 1997, p. 448.
  17. Barić 1997, p. 449.
  18. Szende et Kassai 2007, p. 235.
  19. Rounds 2001, p. 266.
  20. Szende et Kassai 2007, p. 264.
  21. Szende et Kassai 2007, p. 265.
  22. Szita et Görbe 2010, p. 54.
  23. Rounds 2001, p. 267.
  24. Rounds 2001, p. 124.
  25. Delatour 2004, p. 83.
  26. Cojocaru 2003, p. 58.
  27. Čirgić 2010, p. 177.
  28. Bussmann 1998, p. 113.
  29. Crystal 2008, p. 126.
  30. Moldovan 2001, p. 52.
  31. Čirgić 2010, p. 252.
  32. Rounds 2001, p. 261.
  33. Delatour 2004, p. 185.
  34. Dubois 2002, p. 255.
  35. Grevisse et Goosse 2007, p. 227.
  36. Cojocaru 2003, p. 145.
  37. Klajn 2005, p. 256.
  38. Szende et Kassai 2007, p. 208.
  39. Dubois 2002, p. 337.
  40. Eifring et Theil 2005, chap. 2, p. 41.
  41. Browne et Alt 2004, p. 60.
  42. É. Kiss 2006, p. 73-74.
  43. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 298.
  44. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 517.
  45. Delatour 2004, p. 31.
  46. Cojocaru 2003, p. 51.
  47. Barić 1997, p. 591.
  48. Dubois 2002, p. 456. Ici, il est en fait le morphĂšme de la personne du verbe, qui anticipe le sujet proprement-dit.
  49. Avram 1997, p. 467.
  50. Avram 1997, p. 333.
  51. Kiss 2006, p. 74. La copule signifiant « ĂȘtre » est obligatoirement omise au prĂ©sent de l’indicatif, 3e personne.
  52. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 194.
  53. Klajn 2005, p. 257.
  54. Moldovan 2001, p. 285.
  55. Barić 1997, p. 590.
  56. ErdƑs 2001, page E. Az egyszerƱ mondat szĂłrendje (Ordre des mots dans la phrase simple).
  57. Delatour 2004, p. 199.
  58. Avram 1997, p. 368.
  59. Delatour 2004, p. 197.
  60. Bărbuță 2000; p. 336.
  61. Klajn 2005, p. 259.
  62. Delatour 2004, p. 216.
  63. Bărbuță 2000, p. 341.
  64. Čirgić 2010, p. 316.
  65. KirĂĄly et A. JĂĄszĂł 2007, p. 447.
  66. Avram 1997, p. 99.
  67. Grevisse et Goosse 2007, p. 244.
  68. Bidu-Vrănceanu 1997, p. 100.
  69. Bussmann 1998, p. 177.
  70. SzathmĂĄri 2008, article Kiazmus.

Sources bibliographiques

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