Gargantuavis
Gargantuavis philoinos
Gargantuavis est un genre Ă©teint d'oiseaux terrestres gĂ©ants contenant l'unique espĂšce Gargantuavis philoinos[1]. Il a vĂ©cu pendant le CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur dans ce qui est maintenant le sud de la France et le nord-ouest de l'Espagne. Ses fossiles ont Ă©tĂ© dĂ©couverts dans plusieurs formations gĂ©ologiques, datĂ©es entre 73,5 et 71,5 millions d'annĂ©es[2] - [3]. Gargantuavis est le plus grand oiseau connu du MĂ©sozoĂŻque. Les quelques os retrouvĂ©s suggĂšrent une taille situĂ©e entre le casoar et l'autruche. De plus, une Ă©tude basĂ©e sur la circonfĂ©rence de son fĂ©mur donne une masse de 140 kg, soit un poids similaire Ă celui des autruches actuelles[1]. Compte tenu de sa masse, Gargantuavis Ă©tait probablement incapable de voler. La largeur de son bassin et la morphologie de son fĂ©mur montrent que lâanimal nâĂ©tait pas adaptĂ© Ă la course rapide[4]. De nombreux aspects de sa biologie sont inconnus, y compris son alimentation car son crĂąne n'a pas encore Ă©tĂ© retrouvĂ©. La niche Ă©cologique de Gargantuavis dans son Ă©cosystĂšme est Ă©galement mystĂ©rieuse car ce grand oiseau marcheur coexistait avec de grands dinosaures carnivores comme les thĂ©ropodes abelisauridĂ©s. Quoi quâil en soit, et contrairement aux hypothĂšses plus anciennes, Gargantuavis montre que l'extinction des dinosaures non-aviens n'Ă©tait pas une condition nĂ©cessaire Ă l'Ă©mergence d'oiseaux terrestres gĂ©ants. Il est possible que certains des Ćufs fossiles trouvĂ©s dans les mĂȘmes rĂ©gions que lui, et habituellement attribuĂ©s aux dinosaures non-aviens, appartiennent Ă cet oiseau[1] - [5] - [2].
DĂ©couverte
Le matĂ©riel a Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ© dans la formation des Marnes rouges intĂ©rieures (dĂ©partement de l'Aude) et dans celle des GrĂšs Ă reptiles du Var[6]. Le premier fossile de Gargantuavis a Ă©tĂ© trouvĂ© en 1995 dans le Var, dans le sud-est de la France. Ce premier spĂ©cimen, un ensemble partiel de vertĂšbres pelviennes (synsacrum), a Ă©tĂ© dĂ©couvert lors de fouilles systĂ©matiques effectuĂ©es prĂšs du village de Fox-Amphoux. Ce spĂ©cimen fut dĂ©crit dans une courte note, mais en raison de sa nature fragmentaire; il ne fut attribuĂ© Ă aucun taxon en particulier[7]. Plusieurs autres spĂ©cimens ont ensuite Ă©tĂ© retrouvĂ©s plus Ă l'ouest, y compris un fĂ©mur incomplet de la localitĂ© de Combebelle prĂšs de Villespassans dans l'HĂ©rault, et un synsacrum plus complet avec une partie des ilia provenant du site de Bellevue Ă Campagne-sur-Aude dans lâAude. Bien quâincomplets, ces spĂ©cimens montraient une combinaison de caractĂšres suffisante pour dĂ©crire et nommer lâespĂšce en 1998. Le nom de genre se rĂ©fĂšre Ă Gargantua, un gĂ©ant et personnage principal du roman Ă©ponyme de François Rabelais, et de avis signifiant "oiseau". LâĂ©pithĂšte spĂ©cifique philoinos, signifiant "amoureux du vin", a Ă©tĂ© choisi car les fossiles de Gargantuavis ont tous Ă©tĂ© trouvĂ©s au milieu des vignes[1]. Ce n'est quâĂ partir de 2013 que de nouveaux restes de Gargantuavis furent dĂ©crits. Ils comprennent une grande vertĂšbre cervicale[8], un fragment de synsacrum et un ilium partiel[3] du site de Montplo-Nord prĂšs du village de Cruzy dans lâHĂ©rault, et deux bassins incomplets de la localitĂ© de Bastide-Neuve Ă Fox-Amphoux[9]. De plus, un synsacrum incomplet provenant du site de Laño dans le ComtĂ© de Treviño, dans le nord-ouest de l'Espagne, est le premier spĂ©cimen de ce taxon trouvĂ© en dehors de la France[10]. Plus rĂ©cemment, un fĂ©mur complet de 23 cm de long dĂ©couvert Ă Cruzy, appartient Ă un individu dont le poids est estimĂ© Ă 50 kg[11].
Description
Gargantuavis est surtout reprĂ©sentĂ© par plusieurs bassins incomplets. Lâholotype fut dĂ©crit comme Ă©tant extrĂȘmement large. La description en 2015 dâun spĂ©cimen mieux conservĂ© a montrĂ© que cette interprĂ©tation Ă©tait due Ă un Ă©crasement dorso-ventral du spĂ©cimen type. Bien que Gargantuavis possĂ©dait un bassin plus Ă©troit que ce que lâon croyait initialement, celui-ci Ă©tait encore trop large pour faire de lui un animal coureur. Le bassin de Gargantuavis, fortement pneumatisĂ©, se distingue surtout par la prĂ©sence de plusieurs caractĂšres archaĂŻques tel un synsacrum nâĂ©tant composĂ© que dâun faible nombre de vertĂšbres fusionnĂ©es (une dizaine), des ilia qui ne se rejoignent pas au-dessus du synsacrum, et un acetabulum placĂ© prĂšs de l'avant du bassin plutĂŽt quâen position mĂ©diane[9] - [2].
En dehors du bassin, le squelette du Gargantuavis nâest reprĂ©sentĂ© que par deux fĂ©murs et une vertĂšbre cervicale. Le fĂ©mur est court et robuste. Il montre une crĂȘte trochantĂ©rique similaire Ă celle de la plupart oiseaux. En revanche il nây a pas de trochanter postĂ©rieur comme câest le cas chez les thĂ©ropodes dromĂ©osauridĂ©s, chez Archaeopteryx, et chez les Ă©nantiornithes[1] - [2]. LâextrĂ©mitĂ© infĂ©rieure du fĂ©mur montre un condyle latĂ©ral divisĂ© en deux semicondyles comme chez les oiseaux modernes[11]. La vertĂšbre cervicale dĂ©crite en 2013 provient de la partie mĂ©diane du cou, lĂ oĂč seule une flexion dorsale Ă©tait possible. Cette vertĂšbre est fortement pneumatisĂ©e et montre une morphologie typiquement avienne avec des faces articulaires en forme de selles. La partie ventrale de la facette articulaire postĂ©rieure est Ă©tonnamment Ă©troite et ne montre pas dâexpansion latĂ©rale Ă lâinverse de ce qui est connu chez la plupart des oiseaux[8] - [2].
En 2009, un chercheur a suggĂ©rĂ© que Gargantuavis n'Ă©tait pas un oiseau mais plutĂŽt un ptĂ©rosaure gĂ©ant[12]. Cependant, les caractĂšres ostĂ©ologiques de Gargantuavis ont clairement dĂ©montrĂ©s sa nature avienne[4]. Ce qui a Ă©galement Ă©tĂ© confirmĂ©e par lâhistologie osseuse de lâanimal, laquelle prĂ©sente des caractĂ©ristiques similaires Ă celle de certains oiseaux, et de nettes diffĂ©rences avec celle des ptĂ©rosaures et des dinosaures non-aviens[13].
Paléogéographie
Ă lâĂ©poque durant laquelle vivait Gargantuavis, l'Europe Ă©tait un archipel. La rĂ©gion du sud de la France et du nord-ouest de l'Espagne, dâoĂč proviennent ses fossiles, faisait partie dâune grande Ăźle appelĂ©e Ăźle IbĂ©ro-Armoricaine, laquelle Ă©tait la plus occidentale des Ăźles de lâarchipel[14]. Les formations rocheuses qui contenaient des fossiles de Gargantuavis ont Ă©galement livrĂ©s des restes abondants de poissons, de tortues, de mammifĂšres, de crocodylomorphes, de ptĂ©rosaures, de divers titanosaures (tels Ampelosaurus et Lirainosaurus), des ankylosaures Nodosauridae, des ornithopodes Rhabdodontidae et des thĂ©ropodes, y compris d'autres oiseaux anciens, comme les Ă©nantiornithes[14]. Lâabondance des Rhabdodontidae et des titanosaures, conjuguĂ© Ă lâabsence des hadrosaures, constitue un assemblage faunique repĂšre pour attribuer approximativement ces formations Ă l'intervalle de temps Campanien supĂ©rieur â Maastrichtien infĂ©rieur[14]. Un Ăąge confirmĂ© plus tard par des preuves magnĂ©tostratigraphiques dans deux localitĂ©s. La localitĂ© type de Gargantuavis, le site de Bellevue dans la Formation des Marnes Rouges infĂ©rieures, est datĂ©e de 71,5 millions d'annĂ©es (partie basale du Maastrichtien infĂ©rieur)[15]. Les GrĂšs Ă reptiles du Var sont datĂ©s du Campanien supĂ©rieur-Maastrichtien infĂ©rieur. Le site espagnol de Laño est lĂ©gĂšrement plus vieux avec un Ăąge de 72 Ă 73,5 millions dâannĂ©es (Campanien terminal)[16].
Paléobiologie
L'anatomie et la biologie de Gargantuavis ne sont pas bien connues en raison de l'incomplĂ©tude des spĂ©cimens. Le bassin plutĂŽt large montre que Gargantuavis n'Ă©tait pas un coureur rapide. Aucun reste crĂąnien n'a encore Ă©tĂ© trouvĂ©, de sorte que la forme de la tĂȘte de lâanimal est inconnue de mĂȘme que son rĂ©gime alimentaire. Cependant, la seule vertĂšbre cervicale connue suggĂšre que Gargantuavis avait un cou assez long et mince, ce qui semble exclure la prĂ©sence d'un crĂąne massif[8]. Contrairement aux oiseaux gĂ©ants terrestres du CĂ©nozoĂŻque qui vivaient dans des Ă©cosystĂšmes sans prĂ©dateurs (ou incluant seulement de petits carnivores), Gargantuavis cohabitait avec des thĂ©ropodes AbĂ©lisauridĂ©s et DromĂ©osauridĂ©s. Aussi, la place de cet oiseau terrestre gĂ©ant dans les Ă©cosystĂšmes du CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur de l'Ăźle IbĂ©ro-Armoricaine n'est pas claire. Il semble avoir Ă©tĂ© un Ă©lĂ©ment peu commun de la faune de cette Ăźle. MalgrĂ© de nombreuses fouilles sur les sites oĂč ses os ont Ă©tĂ© trouvĂ©s, la plupart n'ont livrĂ©s que quelques spĂ©cimens isolĂ©s[9]. Bien que ses fossiles soient rares, la prĂ©sence de Gargantuavis depuis le sud-est de la France jusquâau nord-ouest de l'Espagne montre que cet oiseau Ă©tait malgrĂ© tout largement distribuĂ© dans l'Ăźle IbĂ©ro-Armoricaine[10]. Il est possible que Gargantuavis ait vĂ©cu principalement dans un milieu particulier, non propice Ă la fossilisation (tels que des rĂ©gions forestiĂšres). Peut-ĂȘtre que cet habitat Ă©tait situĂ© loin des riviĂšres et des plaines inondables auxquels correspondent la plupart des gisements fossilifĂšres du Campanien supĂ©rieur et du Maastrichtien infĂ©rieur de France et d'Espagne[5] - [9] - [2].
L'histologie osseuse de Gargantuavis a montrĂ© que cet oiseau avait un premier stade de croissance rapide suivie d'une pĂ©riode prolongĂ©e (d'au moins 10 ans) de croissance cyclique lente avant d'atteindre la maturitĂ© squelettique. Un modĂšle similaire est connu chez les dinornithiformes Ă©teints et chez les kiwis actuels, qui sont Ă©galement des oiseaux insulaires. Le titanosaure Ampelosaurus, trouvĂ© avec Gargantuavis dans le site de Bellevue, montre Ă©galement une rĂ©duction de son taux de croissance. Ce modĂšle de croissance pourrait ĂȘtre liĂ© Ă certaines pressions environnementales comme des pĂ©nuries alimentaires pĂ©riodiques dans un environnement insulaire. Une thĂ©orie soutenue par des Ă©tudes sĂ©dimentologiques et minĂ©ralogiques qui indiquent des Ă©pisodes de climat semi-aride et fortement saisonnier pendant le CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur dans le sud de la France[13].
Classification
La place prĂ©cise de Gargantuavis au sein des oiseaux est incertaine en raison de la nature fragmentaire de ses restes. La forme de son fĂ©mur suggĂšre que Gargantuavis n'Ă©tait pas un reprĂ©sentant gĂ©ant des Ă©nanthiornithes, un groupe d'oiseaux archaĂŻques trĂšs rĂ©pandu au CrĂ©tacĂ©[1] - [11]. Il serait Ă©galement plus avancĂ© que ces derniers en raison dâun plus grand nombre de vertĂšbres dans son synsacrum, et dâune hĂ©tĂ©rocĂ©lie plus dĂ©veloppĂ©e de ses vertĂšbres (Ă en juger par la seule vertĂšbre cervicale connue)[8]. LâextrĂ©mitĂ© distale dâun fĂ©mur complet dĂ©couvert Ă Cruzy montre un condyle latĂ©ral subdivisĂ© en deux semicondyles comme chez les oiseaux actuels[11]. Cependant, sa position prĂ©cise parmi les groupes plus dĂ©rivĂ©s est encore inconnue. Certaines caractĂ©ristiques du bassin et de la vertĂšbre cervicale montrent que Gargantuavis n'Ă©tait pas Ă©troitement liĂ© aux oiseaux terrestres gĂ©ants du CĂ©nozoĂŻque comme les Gastornithidae, les Phorusrhacidae et les Dromornithidae, ni aux grands oiseaux terrestres plus rĂ©cents comme les moas, les oiseaux Ă©lĂ©phants et les ratites actuels. Gargantuavis reprĂ©sente probablement une Ă©volution endĂ©mique sur l'Ăźle IbĂ©ro-Armoricaine au CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur[1] - [8] - [2].
Références
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