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Forêt usagère de La Teste-de-Buch

La forêt usagère de La Teste-de-Buch ou Grande Montagne de La Teste recouvre depuis le début de l'ère chrétienne une partie du territoire de l'actuelle commune de La Teste-de-Buch en Gironde. C'est au XXIe siècle la dernière forêt usagère de France : les propriétaires (privés) du foncier, dits ayant-pins, détiennent le monopole de l'exploitation de la résine de pin sur leur parcelle mais ne sont pas propriétaires des arbres ; les habitants du territoire de l'ancien captalat de Buch, dits usagers, peuvent disposer du bois pour leurs besoins personnels de chauffage et de construction.

Forêt usagère de La Teste-de-Buch
Image illustrative de l’article Forêt usagère de La Teste-de-Buch
Localisation
Coordonnées 44° 33′ 57″ nord, 1° 10′ 50″ ouest[1]
Pays Drapeau de la France France
Région Nouvelle-Aquitaine
Département Gironde
Géographie
Superficie 3 900 ha
Altitude
· Maximale
· Minimale

76 m
12 m
Compléments
Protection Réseau Natura 2000
Statut Forêt usagère, privée
Essences Pin maritime, Chêne
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Forêt usagère de La Teste-de-Buch
Géolocalisation sur la carte : Gironde
(Voir situation sur carte : Gironde)
Forêt usagère de La Teste-de-Buch

Vieille de deux mille ans, poussée sur d'anciennes dunes de sable fixées, cette pineraie-chênaie jouit d'une diversité écologique unique dans les Landes de Gascogne. Cet écosystème précieux est la conséquence des modalités d'exploitation originales maintenues pendant plusieurs siècles par son statut juridique spécifique. Depuis que la chimie de synthèse a rendu caduque vers 1977 le gemmage et que le besoin en bois de construction s'est tari, l'intérêt des propriétaires et des usagers pour leur patrimoine commun a faibli. Les parties prenantes (propriétaires, associations de défense des usagers, communes, association de protection de la nature, chasseurs, pouvoirs publics, etc.) ne parviennent plus à trouver d'accord, et la forêt est à l'abandon et mal entretenue.

En juillet 2022, un incendie gigantesque la ravage presque entièrement.

Localisation et géographie

La forêt de La Teste pousse sur une bande côtière située entre le bassin d'Arcachon au nord et l'étang de Cazaux au sud. Elle recouvre depuis la période gallo-romaine un chapelet de dunes paraboliques qui se sont accumulées dans la région entre 2000 et 500 av. J.-C.[2]. Ces reliefs modestes (sept dunes dépassent les 50 mètres d'altitude, la plus haute le Truc de la Truque culmine à 76 mètres) mais tourmentés, juxtaposant dans un désordre déroutant les monts (trucs) et les pseudo-vallées (bats), lui valent le surnom de « Grande Montagne »[2].

Au cours de notre ère, de nouvelles poussées dunaires de type barkhane, qui ont notamment érigé la dune du Pilat l'ont isolée de l'océan et en ont progressivement rogné la frange occidentale et la moitié septentrionale. Sous l'effet de cette avancée des dunes modernes et de l'urbanisation de la ville d'Arcachon, la superficie de la Grande Montagne a progressivement décru de 4 600 hectares environ vers la Révolution à quelque 3 700 hectares au début du XXIe siècle[2].

La forêt est bordée au sud-est par l'étang de Cazaux, au nord par les agglomérations de La Teste-de-Buch et d'Arcachon, au nord-ouest par la dune du Pilat, et pour le reste par des forêts privées ou domaniales[3]. Sa présence contribue vraisemblablement au maintien en hauteur de la dune du Pilat[3].

Aujourd'hui, la Grande Montagne n'est traversée que par[4] :

  • la route départementale D218, qui écorne son coin nord ouest en reliant Arcachon à Biscarosse ;
  • la piste 214, une route goudronnée propriété de l’État, d'est en ouest dans le tiers nord de la forêt. Elle relie la route départementale D218 près de la dune du Pilat[5] à la route départementale D112 qui dessert le hameau de Cazaux depuis l'agglomération principale de La Teste ;
  • dans sa moitié sud, un réseau de routes en impasse qui dessert des puits de pétrole installés à partir de 1959 ;
  • des chemins forestiers significativement moins entretenus depuis la fin de l'exploitation de la gemme des pins.

Le statut usager

Gemmage d'un pin bouteille à Arcachon en 1890.

Les grands principes qui régissent la propriété et l'usage de la Grande Montagne sont fondés sur des textes dont le plus ancien conservé remonte à 1468, mis à jour à plusieurs reprises depuis : les baillettes (décisions unilatérales du seigneur) et les transactions (accords formalisés entre les parties) :

  • les parcelles appartiennent à des propriétaires privés (la Grande Montagne n'est pas une copropriété et ne relève pas non plus du domaine public) ;
  • les propriétaires sont dits ayant-pins : ils ne possèdent pas les arbres qui poussent sur leur parcelle, mais détiennent l'exclusivité de l'exploitation commerciale de leur résine ;
  • les personnes dont la résidence principale se situe sur le territoire de la commune depuis dix ans ou plus sont les usagers[alpha 1]. Elles peuvent collecter le bois mort pour leur besoin de chauffage et abattre des pins vifs pour construire ou réparer leur habitation ou embarcation (à l'exclusion de toute utilisation commerciale)
  • le bois récupéré par les usagers ne peut sortir du territoire de la commune, ni pour sa transformation ni pour son utilisation
  • des syndics d'ayant-pins et d'usagers valident les demandes, veillent à effectuer les prélèvements par rotation et à gérer la forêt « en bons pères de familles ».

Historique

La présence de la forêt est attestée depuis l'époque romaine[3].

Au Moyen-Âge, la Grande Montagne appartient aux seigneurs locaux, les Captaux de Buch. Ceux-ci ont depuis une époque indéterminée concédé (« baillé ») à leurs vassaux divers droits, contre rémunération. Chaque seigneur qui hérite le captalat révise à sa guise ces droits et leur prix[6].

  • le premier texte (perdu) dont il est gardé trace voit Gaston 1er de Foix-Grailly dans la première moitié du XVe siècle accorder aux habitants de la seigneurie les droits payants de récolter la résine gemmée (gema, galipot), de la transformer en brai (rouzina), et gratuits de ramasser du bois de chauffe (busca) et de construction (fusta)[7] ;
  • le , la baillette de son fils Jean de Foix-Grailly-Candale confirme et réévalue ces droits, accordés à la quarantaine de familles locales[7] ;
  • en 1500, Gaston II de Foix-Grailly-Candale vend pour un forfait annuel les droits de pâturage (herbatge) et de glandage (de ramasser les glands, pour nourrir les cochons)[7] ;
  • la baillette de Gaston III de Foix-Grailly-Candale en 1535 introduit la nomination de syndics représentants des habitants, l'interdiction de vendre ou de transporter le bois en dehors du Captalat et invoque l'importance de gérer la forêt avec soin[8] ;
  • en 1601 survient une crise avec le nouveau Captal, Jean-Louis d'Epernon : un nouvel acte n'est signé qu'après trois ans de « fermeture » de la forêt. Il clarifie que les ayant-pins acquièrent la propriété de concessions d'extraction de résine (mais ni du foncier, ni des arbres). Bernard d'Épernon son fils confirme en 1645 ces principes[9] ;
  • en 1746, François-Alain Amanieu de Ruat signe une transaction qui accorde aux ayant-pins la propriété du foncier et limite les droits des usagers. Devant les protestations de ceux-ci, un nouveau texte est conclu le : les ayant-pins conservent l'acquis d'être désormais propriétaire du foncier (et de leurs cabanes, et de la gemme, mais toujours pas des arbres) et les usagers récupèrent leur droits gratuits sur le bois. Le Captal ne conserve plus comme revenus que les droits de glandage et de pâturage, et le privilège de pouvoir utiliser, à titre d'usager, son bois pour son château situé au Teich, hors du Captalat[10]

C'est dans cet état contractuel qu'intervient la Révolution française. Certains usagers tentent d'obtenir que la forêt, ancien bien seigneurial, devienne communale : le tribunal arbitral réuni le 8 fructidor an II () les déboute, confirmant à la fois la propriété des ayant-pins acquise en 1746, mais aussi les servitudes à leur charge au profit des usagers, indissociables de leur titre de propriété. On dénombre alors 104 parcelles, détenues par 38 familles[11].

En 1917 une nouvelle transaction est signée pour régir les modalités d'exploitation des arbres tués par des catastrophes naturelles : plusieurs querelles entre ayant-pins et usagers sont en effet survenues après un ouragan en 1897 et un incendie en 1898. Les prévoit que les revenus de la vente du bois soient désormais partagés entre les propriétaires (50%), les communes de La Teste-de-Buch et de Gujan[alpha 2] (33%) et une caisse syndicale chargée d'administrer les affaires communes entre usagers et ayant-pins (17%)[12].

Enfin, différentes révisions sont promulguées en 1952, 1955 et 1977 (ce dernier limité à une durée de cinq ans)[13].

Conflits et problématiques contemporaines

Des conflits récurrents entre les parties impliquées animent les délibérations du conseil municipal de La Teste[14], les colonnes de la presse régionale[15] et les tribunaux de Bordeaux :

  • la possibilité ou non pour les usagers de couper des chênes pour du bois de chauffage : les transactions limitent aux seules fins de travaux de construction la possibilité de prélever un chêne vif ; mais ce bois constitue un combustible de meilleure qualité que le pin, et était peu prisé par les propriétaires du temps du gemmage. Des coupes abusives ont donc souvent lieu[16].
  • le droit d'usage pour les habitants du Cap-Ferret : jusqu'en 1976 l'extrémité de la presqu'île du Cap Ferret relevait de la commune de La Teste, avant qu'elle ne rallie celle de Lège pour des raisons pratiques. En tant qu'habitants de l'ancien territoire du Captalat, les quelque 2 000 personnes qui y résident à l'année sont de droit usagers de la forêt. Mais ce privilège doit-il se limiter à ceux qui y vivaient déjà dix ans avant le changement de rattachement ? Le débat n'est pas tranché, et en 2008 un Ferretcapien organise un abattage d'arbres et son transport en grande pompe jusqu'au Cap Ferret par pinasse pour éviter que le bois ne « sorte des anciennrs limites du Captalat » ![17]
  • débat similaire pour les habitants d'Arcachon, ville détachée de La Teste en 1857 pour faciliter son expansion urbaine[18]. Les rares habitants de l'époque ont alors renoncé à leur droit d'usage en échange de la pleine propriété de parcelles. Mais qu'en est-il des nouveaux-venus[19] ?
  • la représentation des usagers : au titre des transactions, les usagers sont censés s'organiser en syndicat. Mais sous la pression de l’État et après plusieurs épisodes judiciaires il est tranché en 1976 que ce sont les conseils municipaux des communes de La Teste et de Gujan-Mestras qui représentent les usagers[20]. Cependant une association d'usagers, l'ADDU-FU, tend à revendiquer ce rôle[21].
  • le libre accès au massif forestier : les transactions interdisent aux propriétaires de barrer les chemins ou de clôturer leur parcelle. La circulation de véhicules à moteur et l'organisation de randonnées ou autres événements sont cependant réglementées[22].
  • la possibilité de construire ou d’améliorer le bâti, au-delà de la rénovation qu'autorise sous condition le plan d'occupation des sols de la centaine de cabanes de résinier recensées en 1901[23], dans un contexte de tentation avérée de spéculation foncière et immobilière[24]

Propriétaires en 2016

Les 3 895,52 ha cadastrés en 2016 se divisent en 388 parcelles, groupées en 161 propriétés[25].

Surface (ha)
Personnes physiques 2391 61%
Personnes morales 343 9%
Mixte physique et morale 37 1%
Établissements publics (principalement Conservatoire du littoral) 171 4%
Collectivités territoriales (principalement communes de La Teste et de Gujan-Mestras) 237 6%
Bien non délimités entre leurs propriétaires 684 18%
Inconnu 33 1%
Total 3896

Les propriétaires exacts d'environ 875 ha ne sont pas identifiables (titres lacunaires, biens non délimités, indivisions complexes)[25]. Cette situation empêche l'obtention d'un quorum de propriétaires ayant-pins[26].

50 propriétés couvrent plus de 25 hectares, représentant ensemble 71 % de la surface du massif[25] ; le reste est très morcelé, avec des propriétés parfois inférieures à l'hectare[26]. Les propriétaires d'au moins 51 % de la forêt résident dans l'ancien captalat ; ceux d'au moins 82 % habitent dans les départements de la Gironde ou des Landes[26].

Tentatives de cantonnement

La carte dressée par E. Durègne en 1901 fait figurer les parcelles historiques de la Grande Montagne.

Le cantonnement consiste à donner en toute propriété à une collectivité une partie de forêt, en échange des droits d’usage qu’elle exerçait sur l’ensemble du massif. Très fréquents en France sous le Second Empire, ces actes ont mis fin à toutes les autres forêts usagères du pays.

À partir des années 1970, plusieurs voix s'élèvent pour mettre fin au statut usager de la Grande Montagne en la cantonnant :

  • celles de propriétaires ayant-pins, dont le patrimoine foncier ne leur procure plus de revenu depuis la disparition des débouchés commerciaux du gemmage[alpha 3]. Seuls ceux qui habitent sur le territoire de l'ancien captalat ont sur le bois les droits d'usagers, et tous sont assujettis aux charges et obligations classiques d'un propriétaire foncier (taxe foncière, obligation de bonne gestion du boisé, taxe pour la DFCI, etc.)[28]. À noter qu'une partie non négligeable d'entre eux plutôt ceux d'entre eux qui vivent à l'année sur les communes concernées ne souscrit pas au cantonnement[29] ;
  • celles des services de l’État, qui s'alarment du faible rendement de cette forêt, et de sa dégradation progressive qu'ils jugent inquiétante faute d'entretien.

S'y opposent des associations de défense de l'environnement comme la SEPANSO, convaincues que l'écosystème précieux du massif est dû à son statut particulier, et les associations d'usagers.

En septembre 1977 les partisans du cantonnement déposent simultanément une assignation en justice des deux communes concernées et une proposition de règlement à l'amiable, qui offre la totale propriété de 745 ha aux communes. Treize des propriétaires demandeurs cèderaient une partie de leur parcelle. En mars 1981 la cour d'appel de Bordeaux rejette la demande[30]. Un pourvoi en cassation n'aboutit pas, au motif que la demande n'est pas soutenue par la totalité des propriétaires[31] (soixante-dix-neuf n'ont en effet pas cautionné la démarche[32]).

Profitant en 1985 d'un amendement du Code forestier qui assouplit le quorum nécessaire amendement poussé par un sénateur girondin pour traiter spécifiquement ce cas , des propriétaires formulent une nouvelle offre de cantonnement amiable en 1987, proposant aux communes 120 ha : la démarche échoue à nouveau.

En 2010, un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux met définitivement fin à toute tentative de cantonnement, prenant acte de l'impossibilité d'identifier tous les propriétaires[33].

Végétation

La végétation est à la fois typique des Landes de Gascogne et marquée par le statut usager de la forêt, exploitée pour la seule production de résine[34]. Au fil des siècles, celui-ci a eu pour conséquence directe ou effet collatéral[35] - [34] :

  • d'éviter toute coupe rase et tout semis en ligne, largement pratiqués dans le reste des Landes, au profit de coupes pied par pied de type « jardinage », qui favorisent la régénération et la présence simultanée de spécimens d'âges différents ;
  • de préserver les grands pins adultes tant qu'ils sont aptes au gemmage et de favoriser leur croissance par rapport à celle des chênes pédonculés ;
  • sous ces grands pins, d'une densité de 120 à 130 par hectare d'entretenir un sous-bois assez clair, d'accès facile ;
  • de disposer d'un humus fertile ;
  • d'entretenir jusqu'au milieu de XXe siècle une réseau dense de chemins pédestres et de petits sentiers (« menades ») qui permettaient aux résiniers d'accéder à chaque pin

Depuis la fin du gemmage en revanche l'intérêt d'entretenir les sous-bois s'est estompé, et une végétation très dense s'est développée[34].

La forêt est ainsi une pineraie-chênaie naturelle (pins maritimes et chêne pédonculé) en futaie irrégulière. La strate arbustive se compose de houx, d'aubépine, de néflier, de prunier, de prunellier, d'églantier, de poirier sauvage, de sorbier des oiseleurs, de sorbier domestique, de viorne. Elle abrite fougère aigle, chèvrefeuille, houx fragon, ciste, bourdaine, bruyère à balai, bruyère cendrée, callune, ajonc. La strate herbacée est riche en potentille, canche, germandrée et garance[36]. La végétation des versants sud-ouest des anciennes dunes paraboliques est plus luxuriante et diversifiée que celle des faces nord-est, que n'envahissent guère que les chênes pédonculés, quelques houx et la fougère aigle[4].

Deux types de spécimens de pins maritimes, modifiés par l'action de l'homme, multiséculaires et en voie de disparition sont protégés par un arrêté préfectoral[37] :

  • les pins dits bouteille, tellement gemmés que des bourrelets de cicatrisations ont provoqué un élargissement important de la base de leur tronc et des anfractuosités qui abritent de nombreuses espèces d'oiseaux ;
  • les pins dits borne, hauts et lisses car jamais gemmés, que les propriétaires laissaient pousser aux angles de leurs parcelles pour en signaler les limites.

La forêt est parsemée de clairières autour des cabanes des anciens résiniers, qui servaient de potager ou d'aire de pacage, désormais plus ou moins refermées (138 ha au début du XXIe siècle)[38], mais aussi de trouées naturelles consécutives à la propagation d'une maladie cryptogamique des pins due à l'armillaire[39].

Au nord-ouest, protégé des vents dominants par la dune du Pyla, l'arbousier et le ciste à feuilles de sauge se font plus abondants[40].

Sur la frange est de la forêt, et particulièrement à proximité de l'étang de Cazaux, on comptabilise quelque 290 ha de zones humides ou marécageuses. Elle sont majoritairement couvertes d'aulnes, de saules et de bouleaux, sous lesquels poussent bourdaine, marisques, molinie bleue, jonc, myrte des marais, écuelle d'eau, lysimaque, osmonde royale, bruyère blanche, etc[41].

Protection

En 1943, la partie de la forêt située à l'ouest de la RD218[alpha 4] est inscrite à l'inventaire des sites[42]. La totalité de la Grande Montagne est inscrite en 1977[42] puis classée en juin 1994[43].

Un projet de classement en forêt de protection n'aboutit pas, car incompatible avec la présence des forages pétroliers[44]. Il aurait sonné le glas du statut usager, en assujettissant la gestion du massif au Code forestier[45]. Elle est cependant classée en zone spéciale de conservation dans l'inventaire du patrimoine naturel nationale, et en Zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique[46].

Elle bénéficie du label Natura 2000 depuis fin 2005[47].

Toponymie

Les principales dunes, les « vallées », les cabanes de résinier et même les parcelles cadastrales portent des noms gascons qui datent souvent du Moyen-Âge[48].

Autre présence humaine

  • 123 cabanes où vivent les résiniers sont recensées en 1901, réparties dans la forêt[23]. Elles sont souvent dotées d'un puits, de ruchers, d'un potager et d'un verger[39]. Un dénombrement en 2020 n'en identifie plus que 85. Quelques-unes d'entre elles sont utilisées comme habitation permanente (32 en 1976[49]), certaines sont autonomes en électricité[23]. L'incendie de 2022 en détruit une cinquantaine[50].
  • Depuis 1948 la nécropole du Natus abrite à l'orée de la forêt les dépouilles de plus de 950 tirailleurs sénégalais, de 11 soldats russes et de 2 militaires français morts au camp militaire du Courneau tout proche, aménagé pendant la Première Guerre mondiale pour « l'hivernage » des unités coloniales d'Afrique subsaharienne en poste sur le front. Beaucoup y succombèrent d'épidémies de pneumonie durant l'hiver 1916-1917[51].
  • Dans la partie sud de la forêt, Esso a installé à partir de 1959 quatre-vingt-treize forages pétroliers ; 47 sont encore en activité en 2021, exploités par Vermilion REP[52]. C'est le deuxième champ pétrolifère de France[3]

Incendies et tempêtes

Incendie de 2022 : zone affectée au 17 juillet.

La mémoire est conservée dans les archives qu'un ouragan en 1799 abat plus de 40 000 pins, faisant chuter de 90 % la production de résine. Exactement deux siècles plus tard, les 166 km/h de la tempête Martin couchent de nombreux arbres au sud-ouest de la forêt usagère.

Des parties de la Grande Montagne ont été la proie d'incendies notamment en 1708 (un mort), en 1716 (2 700 ha, dans le sud), en 1811, en 1822 (140 ha dans le tiers sud de la forêt, d'origine humaine), 1843, 1863, 1865, au printemps 1893 (277 ha dans le nord-ouest du massif, sur plusieurs mois), en 1898 (755 ha dans le tiers sud de la forêt), en juillet 1912 (300 ha), en 1929, en septembre 1943 après un bombardement[46] (535 ha à nouveau dans le tiers sud du massif), juillet 1952 (190 ha), 1973 (62 ha). Depuis, les feux ont été limités (500 à 700 pins en 1981 au total, 0,8 ha en 2001 après une rave party, deux fois 2 ha en 2003...). La résilience de la forêt usagère aux incendies est controversée : certains pointent que le manque d'entretien des sous-bois et des chemins forestiers compliqueraient la tâche des pompiers ; d'autres estiment que la diversité botanique, la proportion de feuillus et le relief sont de nature à freiner la progression d'un brasier[53] - [54].

Du 12 au 23 juillet 2022, un feu hors norme ravage le massif. Il se déclare vers 15 h 00 le mardi 12 juillet[5], après qu'un véhicule utilitaire est victime d'un grave problème électrique sur la piste 214. Favorisé par la canicule, l'incendie se déplace rapidement vers le sud jusqu'au 17 juillet, avant qu'un retournement des vents ne le rabattent vers le nord. Au total, 7 000 ha de forêt usagère, domaniale ou privée sont touchés, 20 000 personnes sont évacuées avant que les pompiers ne parviennent à juguler les flammes[55] - [56] - [57].

En septembre, des scientifiques, notamment de l'INRAE, lancent une pétition pour réclamer l'interruption des coupes systématiques des arbres restants et le repeuplement du massif par régénération naturelle, et non pas par des plantations afin de préserver son originalité et sa diversité du massif[58]. Une cartographie aérienne réalisée en décembre 2022 distingue les zones, majoritaires, où la photosynthèse est encore active au sommet des résineux et celles où les arbres sont morts[59].

Bibliographie

  • Jean-Michel Mormone, Patrick Boyer et Jean-Pierre Caule, 1914 – 1918, Le Bassin d'Arcachon, La Teste de Buch, Société historique et archéologique d'Arcachon et du Pays de Buch, , 158 p. (ISBN 978-2-9529434-1-3, lire en ligne)
  • Robert Aufan, La Forêt usagère de La Teste-de-Buch, des origines à nos jours, Les Établissements, , 286 p. (ISBN 9782491505042). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Bruno Cinotti (CGEDD) et Françoise Lavarde (CGAAER), La forêt usagère de la Teste de Buch - Un fragile équilibre entre propriété et usage : Rapport du CGAAER n° 21092 et CGEDD n° 014045-01, , 66 p. (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Un propriétaire peut donc être à la fois ayant-pins sur sa parcelle, et usager de l'ensemble de la forêt.
  2. Gujan-Mestras depuis 1936, le territoire de la commune de Gujan relevait aussi du captalat de Buch sous l'Ancien Régime. Ses habitants en avaient donc les droits d'usagers.
  3. Le prix de revient d'un litre de gemmage est en 2022 deux fois et demi plus élevé que le prix de marché mondial du produit[27].
  4. Simultanément au classement de la dune du Pilat : classement de la parcelle Hourn Peyran, inscription des parcelles Menoy, Lartigon, Les Arrouacs et Les Baillons.

Références

  1. Centre approximatif de la forêt via Google Earth.
  2. Aufan 2021, p. 15-21.
  3. Cinotti & Lavarde 2022, p. 9.
  4. Aufan 2021, p. 121.
  5. Uhart, « Incendies en Gironde : ce que l'on sait des feux de Landiras et La Teste-de-Buch qui ont détruit plus de 5 000 hectares », Franceinfo, (consulté le )
  6. Aufan 2021, p. 36-37.
  7. Aufan 2021, p. 37.
  8. Aufan 2021, p. 38.
  9. Aufan 2021, p. 39.
  10. Aufan 2021, p. 39-40.
  11. Aufan 2021, p. 41-42.
  12. Aufan 2021, p. 42-43.
  13. Aufan 2021, p. 43.
  14. Aufan 2021, p. 185.
  15. Aufan 2021, p. 180.
  16. Aufan 2021, p. 49-50.
  17. Aufan 2021, p. 51.
  18. Aufan 2021, p. 42.
  19. Aufan 2021, p. 51-54.
  20. Aufan 2021, p. 55-58.
  21. Cinotti & Lavarde 2022, p. 59.
  22. Aufan 2021, p. 113.
  23. Aufan 2021, p. 183.
  24. Cinotti & Lavarde 2022, p. 22-23.
  25. Cinotti & Lavarde 2022, p. 45.
  26. Cinotti & Lavarde 2022, p. 46.
  27. Cinotti & Lavarde 2022, p. 56.
  28. Cinotti & Lavarde 2022, p. 15.
  29. Aufan 2021, p. 47.
  30. Aufan 2021, p. 159-160.
  31. Aufan 2021, p. 163.
  32. Aufan 2021, p. 145.
  33. Cinotti & Lavarde 2022, p. 21.
  34. Cinotti & Lavarde 2022, p. 12.
  35. Aufan 2021, p. 113-115.
  36. Aufan 2021, p. 119-121.
  37. Aufan 2021, p. 114.
  38. Aufan 2021, p. 122.
  39. Aufan 2021, p. 124.
  40. Aufan 2021, p. 115.
  41. Aufan 2021, p. 117-119.
  42. Aufan 2021, p. 144.
  43. Aufan 2021, p. 177.
  44. Aufan 2021, p. 159.
  45. Aufan 2021, p. 165.
  46. Cinotti & Lavarde 2022, p. 11.
  47. Aufan 2021, p. 187.
  48. Aufan 2021, p. 21.
  49. Aufan 2021, p. 125.
  50. Jean-Baptiste LENNE, « La Teste // L’avenir en pointillé des cabanes incendiées », sur La Dépêche du Bassin, (consulté le )
  51. Mormone 2008.
  52. Aufan 2021, p. 125-126.
  53. Aufan 2021, p. 116-117.
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  55. « Incendie en cours en Gironde: point du 19 juillet 2022 à 23h00 / Communiqué de presse / Actualités / Accueil - Les services de l'État en Gironde », sur www.gironde.gouv.fr (consulté le )
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