Accueil🇫🇷Chercher

Brai

Le brai est une substance noirâtre pâteuse et collante obtenue par pyrolyse de matières organiques en conditions anoxiques ou en atmosphère très pauvre en oxygène. Il existe d’une part le brai végétal, extrait d’écorces d’arbres, et d’autre part des brais minéraux, issus de la distillation d’hydrocarbures.

Brai minéral
Image illustrative de l’article Brai
Identification
No CAS 65996-93-2
No CE 266-028-2
Apparence pâte noire à brune[1].
Propriétés physiques
T° fusion 30 à 180 °C[1]
T° ébullition >250 °C[1]
Solubilité dans l'eau : à 20 °C nulle[1]
T° d'auto-inflammation >500 °C[1]
Point d’éclair >200 °C (coupelle ouverte)[1]
Précautions
SGH[2]
SGH08 : Sensibilisant, mutagène, cancérogène, reprotoxique
Danger
H350
SIMDUT[3]
D2A : Matière très toxique ayant d'autres effets toxiques
D2A,
Classification du CIRC
Groupe 1 : Cancérogène pour l'homme[4]

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Brai de bouleau

Brai de bouleau par les NĂ©andertaliens

Le brai vĂ©gĂ©tal est une colle. Il est extrait de l'Ă©corce de bouleau selon une technique mise au point par les NĂ©andertaliens[5] - [6], il y a au moins 200 000 ans, ce qui en fait le plus ancien matĂ©riau synthĂ©tique connu. Une Ă©tude de 2019 a montrĂ© que ces premières productions de brai ont pu ĂŞtre rĂ©alisĂ©es selon une technique relativement simple, faisant intervenir des foyers Ă  ciel ouvert[7]. Le brai fut aussi employĂ© par les Homo sapiens (hommes anatomiquement modernes) pendant toute la PrĂ©histoire. Cette colle servait en particulier Ă  fixer une lame en pierre taillĂ©e Ă  un Ă©pieu, pour NĂ©andertal, ou Ă  une lance, pour Sapiens.

Les prĂ©historiens ont cherchĂ© Ă  reproduire sa technique de fabrication avec le matĂ©riel disponible Ă  l'Ă©poque. La difficultĂ© pour obtenir cette rĂ©sine est de chauffer, Ă  une tempĂ©rature supĂ©rieure Ă  340 °C, des Ă©corces de bouleau sans provoquer leur combustion, qui se produit au-delĂ  de 400 °C Ă  l'air libre. Le procĂ©dĂ© nĂ©cessite donc de soumettre les Ă©corces Ă  une pyrolyse, c'est-Ă -dire une transformation chimique en condition anoxique. Une solution possible consiste Ă  employer deux grandes coquilles d'Ĺ“uf d'oie, dĂ©calottĂ©es et encastrĂ©es l'une dans l'autre : le premier Ĺ“uf contient les Ă©corces ; le second, placĂ© en dessous, sert de rĂ©ceptacle Ă  la rĂ©sine. L'ensemble est scellĂ© hermĂ©tiquement avec de l'argile, puis Ă  demi enterrĂ©. On peut alors chauffer le dispositif avec du charbon incandescent. Une bonne maĂ®trise de ce processus permettait d'obtenir le brai en deux heures. La rĂ©sine extraite Ă  chaud Ă©tait utilisĂ©e après refroidissement[8].

Poignard à lame en silex, emmanchement en bois de sureau avec brai de bouleau, daté entre 2800 et 3000 av. J.-C. Site palafitte d'Allensbach (lac de Constance)[9].

Brai des pins

La signification des mots « goudron », « brai » et « poix » est souvent imprĂ©cise et les termes sont souvent interchangeables. Brai va dĂ©signer l'olĂ©orĂ©sine, la gemme ou la tĂ©rĂ©benthine ; « brai sec Â» va souvent dĂ©signer la colophane ; « bray Â» ou brai gras, dĂ©signe diffĂ©rentes qualitĂ©s de goudron de pin, quelquefois mĂŞlĂ©s de graisses animales, employĂ©e pour le calfatage des navires

En France le pin maritime qui croĂ®t dans les Landes de Gascogne et en Provence a Ă©tĂ© la source de ces produits rĂ©sineux qui ont pu, Ă  une Ă©poque, prendre le nom collectif de « munitions de marine Â». Lorsque les arbres sont gros, on peut en tirer l'olĂ©orĂ©sine qui prend le nom de « gemme Â» lorsqu'on la rĂ©colte, et qui filtrĂ©e et clarifiĂ©e, prend le nom de tĂ©rĂ©benthine. L'arbre est par la suite abattu et dĂ©bitĂ© en planches ou carbonisĂ© pour fabriquer du goudron. Un arbre d'un pied de diamètre rend sans beaucoup de frais dix Ă  douze livres de « brai Â» (gemme) chaque annĂ©e, pendant dix ans ; si après cela on le coupe, il peut produire d'un dixième Ă  un vingtième de son poids en goudron pendant que l'on carbonise son bois[10]. L'autre produit de cette carbonisation est du charbon de bois.

La tĂ©rĂ©benthine des pins connue en France sous le nom de « brai Â» est diffĂ©rente de celle des mĂ©lèzes et des tĂ©rĂ©binthes; on commence sa rĂ©colte dès la mi-mars Ă  l'Ă©poque oĂą s'Ă©tablit sa circulation ; elle devient plus abondante quand les chaleurs sont plus fortes comme en juillet et aoĂ»t. Vers le mois d'octobre, la rĂ©colte cesse, jusqu'au retour du printemps ; cette tĂ©rĂ©benthine ou brai se recueille au moyen des entailles pratiquĂ©es au pied des arbres dans l'aubier de leur tronc. La manière usitĂ©e dans le midi de la France est quand les pins ont quatre pieds de tour de creuser au bas une petite fosse capable de tenir deux ou trois litres, ensuite on pratique au-dessus une entaille dans le corps de l'arbre de façon Ă  enlever avec une herminette bien tranchante outre l'Ă©corce, un copeau d'un dĂ©cimètre carrĂ© et de deux centimètres d'Ă©paisseur ; c'est par cette plaie (la care), que le brai descend depuis le mois de mai jusqu'au mois de septembre, temps pendant lequel on rafraĂ®chit la plaie tous les quinze jours en l'Ă©levant Ă  chaque fois d'un Ă  deux centimètres ; l'ouvrier chargĂ© de cet objet (appelĂ© gemmeur) peut soigner de deux mille cinq cents Ă  trois mille arbres, et s'occuper en outre Ă  puiser le brai dans les fosses Ă  l'aide d'une cuillère de fer, et Ă  le porter dans une auge ou rĂ©servoir de bois destinĂ© Ă  le recevoir.

Afin de l'épurer on le fait écouler par un trou pratiqué au fond, au-dessus d'un lit de paille qui recouvre un second réservoir et sert de filtre.

Cette opération terminée pour le convertir en résine, on le verse dans une chaudière ou on le cuit avec le galipot ou brai sec que l'on a obtenu en grattant les entailles. On veille à ce que le feu ne puisse gagner la matière qui doit être en ébullition pendant plusieurs heures de suite. Afin de n'en rien perdre quand elle se gonfle, on lui ménage pour s'écouler une échancrure au bord de la chaudière. Le trop plein tombe dans un réservoir rempli d'eau destiné à le recevoir. Tant que la résine est encore trop peu cuite elle est sans cesse puisée avec une petite quantité d'eau et reversée dans la chaudière; on reconnaît qu'elle est suffisamment cuite quand après l'avoir laissée refroidir un peu, on la réduit aisément en poudre. On la coule alors dans des moules formés avec du sable battu en la faisant passer encore une fois à travers un filtre de paille ; là elle se fige en pains de soixante quinze à cent kilogrammes, prêts à entrer dans le commerce (une sorte de colophane).

Si au lieu du procédé ci-dessus, on fait cuire la résine avec de l'eau dans un alambic, on l'obtient au fond de la cucurbite (le colophane qui reste au fond de l'alambique) et en outre on recueille dans le récipient un sixième d'esprit de raze, (l'autre nom que l'on a pu donner à l'essence de térébenthine) qui se conserve liquide et se vend plus cher que la résine ; c'est une sorte d'esprit de térébenthine et on s'en sert pour remplacer le véritable qui s'extrait de la térébenthine des mélèzes et des térébinthes.

La paille qui a servi à filtrer le brai ainsi que tous les copeaux et morceaux de bois qui en sont imbibés doivent être mis à part pour servir à la fabrication du goudron ou à celle du noir de fumée[10].

Comme évoqué plus haut le bois de pin coupé en bûches mais aussi les racines du pin permet de produire le goudron de pin dans un four particulier.

Théophile-Jules Pelouze détaille brai sec et brais gras[11]:

  • Brais sec — Le brai sec autrement appelĂ© arcanson est en gĂ©nĂ©ral, sous le point de vue marchand, et abstraction faite de l'espèce vĂ©gĂ©tale dont il provient, une rĂ©sine privĂ©e par la distillation de la plus grande partie de l'huile essentielle qu'elle contenait primitivement. Les marchands ne font aucune distinction ; soit que le brai sec provienne des rĂ©sines des pins maritima, sylvestris, ou larix. Les caractères distinctifs et indiquant la bonne qualitĂ© du brai sec sont la couleur jaune fauve peu foncĂ©e et une certaine transparence. Il se rencontre des sortes oĂą cette transparence est troublĂ©e par l'interposition de divers corps Ă©trangers tels que sable, dĂ©bris charbonneux, etc.et c'est toujours aux dĂ©pens de la valeur rĂ©elle du brai. Souvent aussi il est imprĂ©gnĂ© d'eau frauduleusement introduite pendant la fusion. Pour mieux s'assurer de la qualitĂ© il est bon d'en dĂ©tacher quelques fragments minces et plus faciles Ă  observer. Les qualitĂ©s infĂ©rieures de brai sec offrent une nuance plus brune on y reconnaĂ®t de nombreuses souillures. C'est en première ligne l'AmĂ©rique septentrionale qui approvisionne la France en beaux brais, ils sont apportĂ©s en petits barils neufs complètement remplis de matière coulĂ©e chaude. Quant aux brais dits de Bordeaux de Bayonne et de quelques autres localitĂ©s françaises ils nous arrivent gĂ©nĂ©ralement en grosses futailles appelĂ©es gonnes. Quelquefois la matière y a Ă©tĂ© coulĂ©e Ă  chaud, mais plus souvent elle s'offre en pains concassĂ©s[11].
  • Brais gras — Sous le nom de brai gras on dĂ©signe dans le commerce plusieurs sortes de goudrons Ă©paissis par l'Ă©bullition. C'est encore l'AmĂ©rique du Nord et après elle la Suède qui fournissent les brais gras les plus estimĂ©s ; ceux français sont de beaucoup infĂ©rieurs. — On confond aussi sous le nom de brai gras une partie des produits de la distillation des bois non rĂ©sineux. Cette substance très infĂ©rieure au vĂ©ritable brai gras des bois rĂ©sineux est en gĂ©nĂ©ral d'un fort mauvais emploi dans beaucoup d'arts ce n'est dans le fait qu'un savonule acide saturĂ© de vinaigre de bois[11].

Le brai désigne un « goudron récent qui en refroidissant s'épaissit et perd sa fluidité. À proportion de ce qu'il est plus dur, plus clair, plus transparent, il est meilleur et coûte plus cher. On fait aussi du brai avec de la résine et autres matières gluantes qui font un corps dur, sec et noirâtre; dans cet état on l'appelle brai sec, et il n'est pas propre à être employé ainsi pour la marine. Il faut en faire du brai gras en jetant du suif dedans quand on le fond pour l'employer à enduire les coutures et les carènes des vaisseaux[12]. »

Brais minéraux

Le brai de houille ou de pétrole est un résidu pâteux de la distillation du goudron ou du pétrole. Il est solide à température ordinaire ; il est composé d'un mélange d'hydrocarbures aromatiques et hétérocycliques.

Le brai de houille (en anglais pitch coke) est issu de la distillation du goudron de houille tandis que le brai de pétrole, lui, est issu de la distillation du pétrole.

Usages

Le brai est un liant, utilisé dans la fabrication des anodes et des cathodes.

Mêlé à des fibres, le brai est utilisé pour le calfatage. Il est donc un agent d'isolation, un agent scellant et d'étanchéité.

Classification douanière (système harmonisé)

Le brai de goudron de houille (Coal Tar Pitch) se classe au numĂ©ro 2708.10 dans le « système harmonisĂ© Â» (SH) de la douane.

Toxicologie, santé au travail

Il y a longtemps que l'on a constaté que les ouvriers ou personnes exposées aux goudrons, suies et brais, développaient des maladies spécifiques (cancers notamment)[13].

Le brai de goudron (2009, vol. 100F) a été reconnu par l'IARC comme facteur de risque avéré (avec Preuves humaines suffisantes) pour le cancer du poumon[14].

Notes et références

  1. BRAI DE GOUDRON DE HOUILLE VOLATILE, Fiches internationales de sécurité chimique
  2. Numéro index 648-055-00-5 dans le tableau 3.1 de l'annexe VI du règlement CE N° 1272/2008 (16 décembre 2008)
  3. « Brai de goudron de houille » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 24 avril 2009
  4. IARC Working Group on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans, « Evaluations Globales de la Cancérogénicité pour l'Homme, Groupe 1 : Cancérogènes pour l'homme », sur monographs.iarc.fr, CIRC, (consulté le )
  5. D'après L. K. Miller, C. Oblaender, J. Terp et J. Levangie (dir.), L'Apocalypse de Neandertal, Halifax, Story House Productions & C-Tales Entertainment, (lire en ligne).
  6. D. Binder, G. Bourgeois, F. Benoist et C. Vitry, « Identification de brai de bouleau (Betula) dans le Néolithique de Giribaldi (Nice, France) par la spectrométrie de masse », Revue D'archeometrie, vol. 14, no 1,‎ , p. 37-42 (lire en ligne).
  7. P. Schmidt, M. Blessing, M. Rageot, R. Iovita, J. Pfleging, K. G. Nickel,, L. Righetti et C. Tennie,, « Birch tar extraction does not prove Neanderthal behavioral complexity », PNAS,‎ (DOI 10.1073/pnas.1911137116)
  8. Pierre Lieutaghi (interviewé), Nicolas Marquet (interviewer), « On ne peut plus se passer de printemps, parce qu'on n'a plus d'espérance », Jef Klak, 27 janvier 2015.
  9. [Borrello, Mottes & Schlichtherle 2009] Maria Angelica Borrello, Elisabetta Mottes et Helmut Schlichtherle, « Traverser les Alpes au Néolithique », Le Globe. Revue genevoise de géographie, t. 149 « Alpes et préhistoire »,‎ , p. 29-60 (lire en ligne [sur persee]), p. 45, fig. 7a ; et p. 46.
  10. Cours complet d'agriculture ou nouveau dictionnaire d'agriculture théorique et pratique. Pourrat, 1836. Lire en ligne
  11. Edmond Pelouze. Traité de l'éclairage au gaz tiré de la houille, des bitumes, des lignites, de la tourbe, des huiles, des résines, des graisses. Maison, 1839. Lire en ligne
  12. Dictionnaire universel de commerce. 1805. Lire en ligne
  13. Manouvriez, A. (1876). Maladies et hygiène des ouvriers travaillant a la fabrication des agglomérés de houille et de brai. Baillière.
  14. Monographie CIRC 2007, vol. 98, in Traduction de la liste (02/12/2009) (vol 1 à 100A) du site www.iarc.fr des évaluations faites par le CIRC (groupes 1, 2A, 2B) sur les risques de cancérogénécité pour l'Homme et commentaires sur l'utilisation des agents cités. Cette liste est majorée des conclusions des monographies 100B à 100F dont les résultats des évaluations sont publiés au 02/12/2009, travail piloté par le Dr B. FONTAINE, consulté 2010 01 06

Voir aussi

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.