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Extinction Ordovicien-Silurien

L'extinction Ordovicien-Silurien est la disparition d'une proportion significative des espèces vivant sur la Terre (essentiellement marines Ă  cette Ă©poque), il y a environ 445 millions d'annĂ©es, Ă  la limite entre l'Ordovicien et le Silurien[1]. L'extinction Ordovicien-Silurien, appelĂ©e parfois « extinction ordovicienne Â», est considĂ©rĂ©e comme la seconde plus importante des cinq grandes extinctions massives de l'Ă©onothème PhanĂ©rozoĂŻque[2]. Elle aboutit Ă  la disparition de 27 % des familles et de 57 % des genres d'animaux marins[2] - [3] et une estimation de 85 % au niveau des espèces[4].

Intensité des extinctions marines au cours du Phanérozoïque
En haut du graphique, les périodes géologiques sont désignées par leur abréviation. Des pics représentent les cinq plus grandes extinctions.
Millions d'années

Le graphique bleu indique le pourcentage apparent (pas en nombre absolu) de genres d'animaux marins ayant disparu au cours d'un intervalle de temps. Il ne représente pas toutes les espèces marines, mais seulement les espèces marines fossiles. Les 5 plus grandes extinctions sont liées, voir les extinctions massives pour plus de détails.

Source et information sur le graphique

La cause principale de cette extinction majeure paraît liée à une grande phase de volcanisme combinée avec une glaciation à la fin de l'Ordovicien. Cette glaciation aurait entraîné des désordres climatiques et écologiques rendant difficile l'adaptation des espèces et écosystèmes au recul de la mer sur des centaines de kilomètres, puis à son retour en fin de phase glaciaire.

Causes

Comme pour la plupart des extinctions massives un certain nombre de causes, parfois concomitantes et dépendantes, sont invoquées (tectonique des plaques, variations climatiques et écologiques, volcanisme, impacts d'astéroïdes, sursaut gamma, cycles astronomiques, concentration élevée en métaux lourds, etc.). Les scientifiques s'accordent sur les rôles majeurs de la grande glaciation fini-ordovicienne[5].

Glaciation de la fin de l'Ordovicien

Au cours du Cambrien et durant la majeure partie de l'Ordovicien les masses continentales se sont largement dispersées favorisant une radiation évolutive remarquable : la Grande biodiversification ordovicienne.

Ă€ l'Ordovicien supĂ©rieur, certains de ces blocs continentaux entament un rapprochement qui conduira, au cours du Silurien, Ă  la formation du super-continent Laurussia. L'autre super-continent, le Gondwana[Note 1] dĂ©rive vers le sud et, Ă  la fin de l'Ordovicien, il se retrouve sous de très hautes latitudes australes. Il va alors se couvrir d'une Ă©paisse calotte polaire entourĂ©e d'une large banquise. Cette glaciation, qui Ă©tait considĂ©rĂ©e lors d'Ă©tudes antĂ©rieures comme un Ă©vĂ©nement relativement bref, limitĂ© Ă  l'Ă©tage Hirnantien qui termine le système ordovicien, est en fait intervenue sur une pĂ©riode plus longue et s'est installĂ©e de façon plus progressive depuis le Katien (entre environ 453 et 445 millions d'annĂ©es)[5]. Elle culmine Ă  l'Hirnantien (entre environ 445 et 443 millions d'annĂ©es).

C'est lors de l'Ordovicien supérieur que les plantes non vasculaires s'installent et se développent sur la terre ferme[6]. Cette modification majeure de la biosphère aurait accéléré le processus d'altération des silicates sur les continents. Ce processus, en fixant de très grandes quantités de dioxyde de carbone, aurait conduit à la baisse des températures de la Terre et au développement des calottes polaires[6].

Sursaut gamma

Une théorie propose que la Terre ait été frappée par un sursaut gamma issu d'une supernova. Cette irradiation aurait alors provoqué des changements dans l'atmosphère, entraînant une dégradation de la couche d'ozone et un assombrissement global de forte ampleur, cause de la glaciation[7]. Cette théorie ne retient que peu de soutiens dans la communauté scientifique, mais elle a été popularisée par des émissions de vulgarisation comme Animal Armageddon. Le principal obstacle à l'acceptation de cette théorie est la difficulté à la prouver, les traces de la supernova ayant depuis longtemps disparu.

Supervolcans

En juillet 2017 une équipe de recherche de l'Amhesrt College dirigée par David S. Jones annonce que les traces de mercure détectées dans des roches américaines et chinoises vieilles de 446 millions d'années constituent une preuve géologique d'éruptions volcaniques libérant de gigantesques quantités de dioxyde de carbone et de méthane durant la fin de l'Ordovicien[8] - [9].

SĂ©questration du dioxyde de carbone

L'Ă©tude d'anciens sĂ©diments marins datant d'environ 444 Ma (fin de l'Ordovicien) montre une grande abondance de dĂ©rivĂ©s de la chlorophylle, dont la composition isotopique de l'azote coĂŻncide avec celle des algues modernes. En quelques millions d'annĂ©es seulement les quantitĂ©s d'algues mortes sĂ©dimentĂ©es ont plus que quintuplĂ©. Ces algues auraient prospĂ©rĂ© aux dĂ©pens des autres espèces et notamment des cyanobactĂ©ries. Au moins deux fois plus grandes que ces dernières, les algues mortes se seraient rapidement accumulĂ©es au fond des ocĂ©ans au lieu de voir leur carbone recyclĂ©, entraĂ®nant Ă  la fois une rarĂ©faction des organismes marins (et Ă  cette Ă©poque la vie Ă©tait essentiellement limitĂ©e au milieu marin) et une grande glaciation (par diminution de l'effet de serre)[10] - [11].

Conséquences

Conséquences physiques

Les conséquences de cette glaciation sont multiples :

  • la consĂ©quence majeure est la baisse du niveau de la mer[12] - [Note 2] qui entraĂ®ne une rĂ©duction considĂ©rable des environnements de plateforme continentale et par consĂ©quent de leurs habitats et de la biodiversitĂ© marine ;
  • les bassins sont souvent isolĂ©s les uns des autres ou, du moins, les circulations d'eaux ocĂ©aniques sont limitĂ©es. Les eaux s'appauvrissent ainsi en oxygène ce qui peut crĂ©er des zones d'anoxie bassinales. Mais le phĂ©nomène d'anoxie plus gĂ©nĂ©ralisĂ©e, appelĂ© Ă©vĂ©nement anoxique ocĂ©anique (EAO), parait plutĂ´t se dĂ©velopper en dĂ©but de dĂ©glaciation lorsque les contrastes de tempĂ©rature et de salinitĂ© entre les eaux de dĂ©gel et les eaux chaudes des basses latitudes conduisent Ă  une stratification des eaux ocĂ©aniques responsable de l’anoxie et de la sĂ©dimentation d’argiles noires sur de vastes Ă©tendues du globe[13] - [14]. Ces environnements anoxiques sont quasiment dĂ©pourvus de faune ;
  • les teneurs estimĂ©es en dioxyde de carbone (CO2) dans les sĂ©diments dĂ©posĂ©s lors de la glaciation de la fin de l'Ordovicien sont Ă©levĂ©es, ce qui apparait paradoxal car de fortes teneurs en CO2 sont caractĂ©ristiques des pĂ©riodes chaudes de la Terre dites de "super effet de serre" (Greenhouse earth ou hothouse en anglais)[12] - [15]. Ces fortes teneurs sont en fait une consĂ©quence de la glaciation : l'extension des calottes polaires empĂŞche l'altĂ©ration des silicates (phĂ©nomène qui est un grand consommateur de CO2 par la rĂ©action : silicates + CO2 + H2O → cations + bicarbonate + SiO2). Cette augmentation des teneurs en dioxyde de carbone va se traduire assez rapidement par une Ă©lĂ©vation des tempĂ©ratures et le dĂ©but de la dĂ©glaciation[16].

Conséquences biologiques

L'impact sur le monde vivant est considérable avec deux pics principaux d'extinction [12]:

  • un premier en dĂ©but de glaciation, provoquĂ© par la chute assez rapide du niveau marin,
  • un second Ă  la fin de la glaciation lorsque le niveau marin remonte et que les animaux marins doivent se rĂ©adapter Ă  de nouveaux habitats.

L'extinction de l'Ordovicien-Silurien aboutit Ă  la disparition de 27 % des familles et de 57 % des genres d'animaux marins[2]. Elle est considĂ©rĂ©e comme la seconde plus importante des cinq grandes extinctions massives du PhanĂ©rozoĂŻque après celle du Permien-Trias qui interviendra environ 200 millions d'annĂ©es plus tard.

Parmi les groupes d'animaux marins fortement affectés par cette phase d'extinction:

Le taux de disparition de familles d'animaux marins dans la partie supĂ©rieure de l'Ordovicien, sur environ 20 millions d'annĂ©es est le plus Ă©levĂ© jamais enregistrĂ© au cours de l'histoire de la Terre, il est de l'ordre de 20 familles par million d'annĂ©es[17].

Articles connexes

Notes

  1. Il s'agit plus exactement du Proto-Gondwana, car le Gondwana au sens strict ne se formera qu'à partir de la fin du Trias par la division de la Pangée en deux super-continents la Laurasia et le Gondwana.
  2. L'ampleur et les différentes phases de cette chute du niveau marin sont discutées parmi les géologues, globalement la baisse doit se situer entre plusieurs dizaines de mètres et 200 mètres.

Références

  1. http://www.stratigraphy.org/index.php/ics-chart-timescale. ChronostratChart2014-10[1]
  2. (en) J. John Sepkoski Jr., A factor analytical description of the Phanerozoic marine fossil record, Paleobiology, v. 7, 1981, p. 36–53
  3. (en)J. John Sepkoski Jr., A kinetic model of Phanerozoic taxonomic diversity, III. Post-Paleozoic families and mass extinctions, Paleobiology 10, 1984, p. 246-267
  4. (en) Peter M Sheehan (2010), The late Ordovician mass extinction, Annu. Rev. Earth Planet. Sci., 2001.29:331-364. http://usuarios.geofisica.unam.mx/cecilia/CT-ST/Sheehan2001OrdovicianExtintion.pdf
  5. (en) Servais T. et al., Understanding the Great Ordovician Biodiversification Event (GOBE). Influences of paleogeography, paleoclimate and paleoecology, GSA Today, v. 19, 2010, no. 4/5, doi: 10.1130/GSATG37A.1 http://www.geosociety.org/gsatoday/archive/19/4/pdf/i1052-5173-19-4-4.pdf&rct=j&frm=1&q=&esrc=s&sa=U&ei=eu67VNzdEY_baI2_gdAE&ved=0CBoQFjAB&usg=AFQjCNGOJqUjOVYCL_P72pvXfIGCkjLHrA
  6. (en) Timothy M. Lenton, Michael Crouch Martin Johnson, Nuno Pires, Liam Dolan: First plants cooled the Ordovician. In: Nature Geoscience. Band 5, 2012, S. 86–89, doi:10.1038/ngeo1390,
  7. (en) Anne Minard, « Gamma-Ray Burst Caused Mass Extinction? », sur http://news.nationalgeographic.com, National Geographic News,
  8. Rachel Mulot, « Les supervolcans, tueurs de masse », Sciences et Avenir,‎
  9. (en) « A volcanic trigger for the Late Ordovician mass extinction? Mercury data from south China and Laurentia », sur GeoScienceWorld, (consulté le )
  10. (en) « Tiny Algae May Have Prompted a Mass Extinction », sur Eos (consulté le ).
  11. (en) Jiaheng Shen, Ann Pearson, Gregory A. Henkes, Yi Ge Zhang, Kefan Chen et al., « Improved efficiency of the biological pump as a trigger for the Late Ordovician glaciation », Nature Geoscience, vol. 11,‎ , p. 510-514 (DOI 10.1038/s41561-018-0141-5).
  12. (en)Munnecke, A.; Calner, M.; Harper, D. A. T.; Servais, T. (2010).Ordovician and Silurian sea-water chemistry, sea level, and climate : A synopsi, Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, 296 (3–4), 389–413, doi:10.1016/j.palaeo.2010.08.001 DOI 10.1016/j.palaeo.2010.08.001
  13. (en)Page, A., Zalasiewicz, J. & Williams, M., Deglacial anoxia in a long-lived Early Palaeozoic Icehouse, In Budd, G.E.; Streng, M.; Daley, A.C.; Willman, S. Programme with Abstracts, Palaeontological Association Annual Meeting, 51, Uppsala, Sweden, 2007, p. 85
  14. (en)Michael J. Melchin, Charles E. Mitchell, Chris Holmden and Petr Štorch (2013), Environmental changes in the Late Ordovician–early Silurian: Review and new insights from black shales and nitrogen isotopes, First published online October 24, 2013, doi: 10.1130/B30812.1. http://gsabulletin.gsapubs.org/content/early/2013/10/23/B30812.1.abstract
  15. « insu.cnrs.fr/environnement/cli… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  16. (en)Seth A. Young, Matthew R. Saltzman, William I. Ausich, André Desrochers, and Dimitri Kaljo (2010) -Did changes in atmospheric CO2 coincide with latest Ordovician glacial–interglacial cycles, Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, Vol. 296, No. 3–4, 15 October 2010, Pages 376–388. http://www.geology.ohio-state.edu/~saltzman/youngetal_2010.pdf&rct=j&frm=1&q=&esrc=s&sa=U&ei=VsHDVJymJc2U7QbT64G4CQ&ved=0CBQQFjAA&usg=AFQjCNEgWCgM4zXZrTkNp3hyjb9jN675uA
  17. (en)Raup, D. M. and J. John Sepkoski Jr., Mass extinctions in the marine fossil record, Science, 215, 1982, p. 1501-1503. http://www.johnboccio.com/courses/SOC002a/Bak-Sneppan/02_Raup.pdf
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