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Extinction du DĂ©vonien

L'extinction du DĂ©vonien est l'une des cinq extinctions massives de la vie animale et vĂ©gĂ©tale enregistrĂ©es au cours de l'histoire de la vie sur Terre. Elle se situe entre environ −380 et −360 millions d'annĂ©es, avec trois Ă©pisodes principaux placĂ©s au sommet des trois Ă©tages gĂ©ologiques du sommet du systĂšme DĂ©vonien. Cette extinction aboutit Ă  la disparition de 19 % des familles et de 35 Ă  50 % des genres d'animaux marins[1] - [2] et une estimation de 75 % au niveau des espĂšces[3].

Intensité des extinctions marines au cours du Phanérozoïque
En haut du graphique, les périodes géologiques sont désignées par leur abréviation. Des pics représentent les cinq plus grandes extinctions.
Millions d'années

Le graphique bleu indique le pourcentage apparent (pas en nombre absolu) de genres d'animaux marins ayant disparu au cours d'un intervalle de temps. Il ne représente pas toutes les espÚces marines, mais seulement les espÚces marines fossiles. Les 5 plus grandes extinctions sont liées, voir les extinctions massives pour plus de détails.

Source et information sur le graphique

Des variations rĂ©pĂ©tĂ©es et significatives du niveau de la mer et du climat, ainsi que l'apparition d'un couvert vĂ©gĂ©tal important sur les continents, pourraient ĂȘtre Ă  l'origine de phĂ©nomĂšnes d'anoxie des ocĂ©ans et de crises biologiques majeures. Les causes de ces changements sont encore dĂ©battues.

Étapes de l'extinction dĂ©vonienne

Trois étapes, dont deux majeures sont généralement distinguées. Par ordre chronologique :

  1. l'extinction de la fin de l'Ă©tage GivĂ©tien, il y a environ −383 millions d'annĂ©es, probablement la moins importante[4] ;
  2. l'extinction de la fin de l'Ă©tage Frasnien, abrĂ©gĂ©e souvent en « F/F » pour indiquer qu’elle se situe au passage des Ă©tages Frasnien/Fammenien, il y a environ −372 millions d'annĂ©es[4]. C'est le pic principal d'extinction du DĂ©vonien, appelĂ© aussi « Ă©vĂ©nement de Kellwasser »[Note 1] ;
  3. l'extinction de la fin de l'Ă©tage Famennien, il y a environ −359 millions d'annĂ©es[4], avec un impact estimĂ© Ă  70 % de celui de l'extinction du Frasnien, appelĂ© aussi Hangenberg event (en)[Note 2].

La pĂ©riode d'extinction dĂ©vonienne s'Ă©tendrait donc sur une durĂ©e allant d'une dizaine (pour les deux principaux Ă©vĂ©nements), Ă  plus d'une vingtaine de millions d'annĂ©es si l'on prend en compte l'extinction du GivĂ©tien[5], ce qui d'ailleurs ne concorde plus avec la dĂ©finition d'une extinction massive qui est censĂ©e ĂȘtre un Ă©vĂ©nement relativement limitĂ© dans le temps (quelques millions d'annĂ©es).

Causes

Une grande variété de causes, parfois concomitantes et souvent inter-dépendantes, a été invoquée pour expliquer l'extinction dévonienne. Le multiphasage de cet événement complique encore plus la recherche des causes directes, des effets physiques induits et de leur répercussion sur la biodiversité.

Expansion des plantes vasculaires sur les continents

Le dĂ©veloppement et l'expansion des plantes vasculaires, dont des arbres, plus profondĂ©ment enracinĂ©es sur les continents au cours du DĂ©vonien, a accru les phĂ©nomĂšnes d'altĂ©ration des roches et de pĂ©dogenĂšse avec la crĂ©ation de sols plus Ă©pais. Lors d'Ă©pisodes Ă©rosifs, ces sols et leurs Ă©lĂ©ments organiques (dĂ©bris vĂ©gĂ©taux, bactĂ©ries, champignons, etc.) vont atteindre les bassins ou dĂ©pressions de plateforme continentale et crĂ©er des environnements eutrophiques stimulant la prolifĂ©ration d'algues toxiques. Ceci conduit Ă  la formation de zones anoxiques quasi dĂ©pourvues de vie[5] et Ă  la sĂ©dimentation d'argiles noires riches en matiĂšre organique. Par ailleurs, la plus forte altĂ©ration des roches et, en particulier, des silicates, va permettre la fixation d'une grande proportion du dioxyde de carbone (CO2) par la rĂ©action : silicates + CO2 + H2O → cations + bicarbonate + SiO2. La sĂ©dimentation des carbonates (calcaires, dolomies,...) et la construction de rĂ©cifs carbonatĂ©s piĂšgent ainsi le carbone du CO2 (puits de carbone). La baisse des teneurs en CO2 de l'atmosphĂšre va conduire Ă  un refroidissement du climat[5]. Les argiles noires dĂ©posĂ©es en environnement anoxique se retrouvent au niveau des trois pics d'extinction du DĂ©vonien.

Glaciations

La prĂ©sence sur le super-continent du Proto-Gondwana de sĂ©diments dĂ©posĂ©s en milieu glaciaire prouve l'existence d'une phase brĂšve mais intense de glaciation Ă  la fin du Famennien[6]. Cet Ă©vĂ©nement, peut-ĂȘtre gĂ©nĂ©rĂ© par la baisse des teneurs en CO2 de l'atmosphĂšre, concourt Ă©galement Ă  une baisse de la biodiversitĂ©. Les autres pics d'extinction du DĂ©vonien ne paraissent pas corrĂ©lĂ©s Ă  des phases de glaciation.

Impacts d’astĂ©roĂŻdes

La dĂ©couverte d’une anomalie en teneur d’iridium dans le DĂ©vonien supĂ©rieur d’Australie avait suggĂ©rĂ© l’impact d’un ou plusieurs astĂ©roĂŻdes comme responsables de la crise de la fin du DĂ©vonien. Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que cette anomalie Ă©tait circonscrite Ă  l’Australie et non confortĂ©e par l’observation de minĂ©raux issus d’un impact. De plus ce niveau australien est postĂ©rieur d’un point de vue stratigraphique Ă  l’extinction de la fin du Frasnien ("F/F")[7].

Éruptions volcaniques

Grzegorz Racki et ses collĂšgues en 2018 ont montrĂ© la prĂ©sence de trĂšs fortes teneurs en mercure, plusieurs centaines de fois supĂ©rieures aux valeurs habituelles, dans des sĂ©diments situĂ©s juste avant la limite Frasnien/FammĂ©nien Ă©tudiĂ©s dans trois rĂ©gions du monde, au Maroc, en Allemagne et en SibĂ©rie[8]. Il semblerait que les traps de Viluy-Iakoutsk en SibĂ©rie orientale soient liĂ©s Ă  cette extinction[9]. Ils soulignent que la prĂ©sence de teneurs trĂšs Ă©levĂ©es en mercure est corrĂ©lĂ©e pour d’autres extinctions massives Ă  d'importants Ă©pisodes volcaniques[10].

Irradiation aux UV-B du fait d'une grave altération de la couche d'ozone stratosphérique

En 2020, John Marshall et ses collĂšgues ont trouvĂ©, sur des spores vĂ©gĂ©tales microscopiques conservĂ©es dans des roches collectĂ©es dans les rĂ©gions montagneuses de l'est du Groenland et dans les Andes, des structures et des parois fortement pigmentĂ©es — Ă  la maniĂšre d'un «  bronzage  » — trahissant des dommages liĂ©s Ă  l'action de rayonnements UV. Ils ont Ă©galement pu montrer que les concentrations en mercure relevĂ©es pour cette Ă©poque prouvaient l'absence d'Ă©ruption volcanique d'Ă©chelle planĂ©taire, qui sinon aurait Ă©tĂ© susceptible d'expliquer l'extinction de masse.

Ces chercheurs ont conclu de ces observations que pendant cette pĂ©riode de rĂ©chauffement climatique intense, la couche d’ozone — qui habituellement protĂšge la Terre des rayons UV — a dĂ» ĂȘtre fortement altĂ©rĂ©e pendant une courte pĂ©riode de temps, au point d'exposer la vie sur Terre Ă  des niveaux nocifs de rayonnements ultraviolets, ce qui en cascade, aurait alors dĂ©clenchĂ© une extinction de masse sur les continents et dans les eaux peu profondes[11] - [12].

Conséquences biologiques

L’extinction de la fin du DĂ©vonien est sĂ©lective d’un point de vue Ă©cologique, elle frappe surtout les milieux rĂ©cifaux et tropicaux et, d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les milieux marins peu profonds de plateforme continentale[13] trĂšs sensibles aux fluctuations frĂ©quentes qui ont affectĂ© le niveau de la mer au cours du DĂ©vonien supĂ©rieur[14].

L'extinction du DĂ©vonien aboutit Ă  la disparition de 19 % des familles et de 35 Ă  50 % des genres d'animaux marins[1].

Parmi les groupes d'animaux marins impactés par cette phase d'extinction[15] :

  • les rĂ©cifs coralliens Ă  coraux tabulĂ©s et tĂ©tracoralliaires ainsi que les rĂ©cifs Ă  spongiaires du groupe des StromatoporidĂ©s sont trĂšs durement touchĂ©s par cette crise dont ils ne se remettront pas vraiment,
  • les bryozoaires,
  • les brachiopodes,
  • les cĂ©phalopodes : ammonites et nautiles,
  • certains Ă©chinodermes,
  • certains conodontes,
  • les ostracodes, etc.
  • les poissons, abondants au cours du DĂ©vonien, subissent fortement cette extinction. Les poissons sans dents (agnathes) disparaissent, ainsi que de nombreux autres groupes de poissons appartenant aux placodermes, acanthodiens, chondrichthyens,...
  • les tĂ©trapodes aquatiques, apparus au dĂ©but du DĂ©vonien, semblent avoir endurĂ© les crises du DĂ©vonien supĂ©rieur de façon sĂ©lective. Les formes les plus primitives, encore proches des poissons dont elles dĂ©rivent, ont disparu laissant ainsi le champ libre Ă  des espĂšces plus adaptĂ©es Ă  la "sortie de l'eau" qui vont se dĂ©velopper environ 20 millions d'annĂ©es plus tard, sur la terre ferme, au cours du CarbonifĂšre infĂ©rieur[16]. Il se pourrait ainsi que l'extinction du DĂ©vonien ait retardĂ© la conquĂȘte des continents par les vertĂ©brĂ©s[16],
  • les animaux et plantes terrestres ont Ă©galement Ă©tĂ© touchĂ©s par les crises de la fin du DĂ©vonien, d'un degrĂ© difficile Ă  Ă©valuer car la fossilisation est bien plus fragmentaire en milieu continental qu'en milieu marin. PrĂšs de 50% des espĂšces de plantes pourraient avoir disparu[15].

Le taux de disparition de familles d'animaux marins lors de cette suite de crises biologiques du DĂ©vonien supĂ©rieur, d'une durĂ©e d'environ 10 Ă  20 millions d'annĂ©es, est de l'ordre de 8 Ă  10 familles par million d'annĂ©es, soit le double du taux "normal" de disparition au PalĂ©ozoĂŻque, hors pĂ©riodes d'extinction, qui est de 4 Ă  5 familles par million d'annĂ©es[17].

Reprise de la biodiversité

AprĂšs les deux extinctions du sommet du Frasnien et du Famennien, la reconquĂȘte des nouveaux environnements marins est rapide Ă  l’exception des faciĂšs rĂ©cifaux qui ont Ă©tĂ© dĂ©cimĂ©s (principalement lors de l’extinction de la fin du Frasnien) et ne persistent tout d’abord que sous forme de stromatolites[18].

Notes

  1. il doit son nom à l'affleurement-type du toit du Frasnien qui affleure dans la « Kellwasser-tal » à Oberharz dans le parc national du Harz en Allemagne
  2. il doit son nom aux argiles noires de la formation Hangeberg du Famennien, à la limite des systÚmes Dévonien et CarbonifÚre qui affleurent dans le Massif schisteux rhénan en Allemagne

Références

  1. (en) J. John Sepkoski Jr., A factor analytical description of the Phanerozoic marine fossil record, Paleobiology, v. 7, 1981, p. 36–53
  2. (en)J. John Sepkoski Jr., A kinetic model of Phanerozoic taxonomic diversity, III. Post-Paleozoic families and mass extinctions, Paleobiology, 10, 1984, 246-267
  3. (en)Peter M. Sheehan (2010) The late Ordovician mass extinction, Annu. Rev. Earth Planet. Sci., 2001, 29:331-364. http://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev.earth.29.1.331?journalCode=earth
  4. http://www.stratigraphy.org/index.php/ics-chart-timescale. ChronostratChart2014-10[1]
  5. (en)Algeo, T.J., S.E. Scheckler and J. B. Maynard, Effects of the Middle to Late Devonian spread of vascular land plants on weathering regimes, marine biota, and global climate pp. 213-236. In: P.G. Gensel and D. Edwards (eds.), 2001, Plants Invade the Land: Evolutionary and Environmental Approaches. Columbia Univ. Press: New York. https://www.researchgate.net/profile/Thomas_Algeo/publication/259005058_Effects_pf_early_vascular_land_plants_on_weathering_processes_and_global_chemical_fluxes_during_the_Middle_and_Late_Devonian/links/0deec52a1d143a1288000000.pdf&rct=j&frm=1&q=&esrc=s&sa=U&ei=C7rHVPzqPMj2UMfhg-AE&ved=0CCEQFjAC&usg=AFQjCNGMoAHJRtwfeO1R3WhUGkq1Mqxw4Q
  6. (en)Streel M. and al., Late Frasnian–Famennian climates based on palynomorph analyses and the question of the Late Devonian glaciations, Earth-Science Reviews, Volume 52, Issues 1–3, November 2000, Pages 121–173, doi:10.1016/S0012-8252(00)00026-X. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S001282520000026X
  7. (en)Mc Ghee G. R. (1986) - Late Devonian Kellwasser Event” mass-extinction horizon in Germany: No geochemical evidence for a large-body impact, GSA doi: 10.1130/0091-7613(1986)14<776: LDKEMH>2.0.CO;2 v. 14 no. 9 p. 776-779. http://geology.gsapubs.org/content/14/9/776.abstract
  8. (en) Grzegorz Racki et al. Mercury enrichments and the Frasnian-Famennian biotic crisis: A volcanic trigger proved? Geology, published online April 26, 2018; doi: 10.1130/G40233.1
  9. (en) Ricci et al, J, « New 40Ar/39Ar and K–Ar ages of the Viluy traps (Eastern Siberia): Further evidence for a relationship with the Frasnian–Famennian mass extinction », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology,‎
  10. (en) « Volcanic Eruptions Led to Mass Extinction 370 Million Years Ago », sur sci-news, (consulté le )
  11. (en) Hannah Thomasy, « Did Ozone Loss Cause the End Devonian Mass Extinction? », Eos, vol. 101,‎ (DOI 10.1029/2020EO145688).
  12. (en) John E. A. Marshall, Jon Lakin, Ian Troth et Sarah M. Wallace-Johnson, « UV-B radiation was the Devonian-Carboniferous boundary terrestrial extinction kill mechanism », Science Advances, vol. 6, no 22,‎ , article no eaba0768 (DOI 10.1126/sciadv.aba0768)
  13. (en)Murphy A. and al.(2000) - Geology; May 2000; v. 28; no. 5; p. 427–430; 2 figures. http://www.earth.northwestern.edu/research/sageman/PDF/00.Murphy.etal.2.pdf
  14. (en)David P.G. Bond, Paul B. Wignalla, « The role of sea-level change and marine anoxia in the Frasnian-Famennian (Late Devonian) mass extinction », Palaeogeography Palaeoclimatology Palaeoecology, vol. In press, nos 3–4,‎ , p. 107 (DOI 10.1016/j.palaeo.2008.02.015)
  15. >(en)Goehring Sh. The late Devonian extinction event, GEOL 345, Paleontology, December 4, 2001
  16. (en)McGhee G. R., Jr., (2013), When the invasion on land failed, The Legacy of the Devonian Extinctions, Columbia University Press, New York Chichester, West Sussex. (ISBN 978-0-231-16056-8) (cloth : alk. paper).http://samples.sainsburysebooks.co.uk/9780231536363_sample_348452.pdf
  17. (en)Raup, D. M. and J. John Sepkoski Jr., Mass extinctions in the marine fossil record, Science, 215,1982), 1501-1503. http://www.johnboccio.com/courses/SOC002a/Bak-Sneppan/02_Raup.pdf
  18. (en)Wood R., Palaeogeography of a post-extinction reef : Fammennian (Late Devonian) of the Canning basin, NW Australia, Palaeontology, Vol. 47, Part 2, 2004, pp. 415–445, 1 pl. http://www.geos.ed.ac.uk/homes/rgroves/ronwilsonpub1.pdf

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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