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Ammonoidea

Les ammonites, ou Ammonoidea, sont une sous-classe éteinte des mollusques céphalopodes.

Elles apparaissent dans le registre fossile durant le DĂ©vonien et disparaissent peu aprĂšs la crise CrĂ©tacĂ©-PalĂ©ogĂšne. Elles se caractĂ©risaient par une coquille univalve plus ou moins enroulĂ©e dont seule la derniĂšre loge Ă©tait occupĂ©e par l'animal, les autres loges servant Ă  contrĂŽler sa flottaison ; le siphon qui les relie est en position externe (ventrale), le long de la paroi, alors qu'il est axial chez les nautiles. Leurs coquilles fossiles sont d'excellents marqueurs chronologiques. Leur taille va de quelques millimĂštres Ă  plus de 2 mĂštres de diamĂštre (Parapuzosia seppenradensis).

Étymologie

Leur nom est liĂ© Ă  la forme spiralĂ©e des coquilles fossilisĂ©es qui Ă©voquait pour les anciens les cornes de bĂ©liers. Pline l'Ancien a Ă©voquĂ© les cornes d'Ammon (ammonis cornua) Ă  leur propos parce que le dieu Ă©gyptien Ammon Ă©tait gĂ©nĂ©ralement reprĂ©sentĂ© portant des cornes de bĂ©lier et une autre corne droite et perpendiculaire au milieu du front[note 1]. C'est aussi pourquoi le nom de genre des ammonites se termine souvent en « ceras », du grec Îșέρας, la corne (exemple : Pleuroceras).

Anatomie

Reconstitution de l'organisme entier
Coupe transversale montrant la succession des chambres cloisonnées

La coquille

Ammonites
Les ammonites ont présenté une grande variété de forme et de taille, dont ces quelques exemples dessinés par Ernst Haeckel dans Kunstformen der Natur paru en 1899.

La coquille des ammonites est aragonitique (c'est-Ă -dire Ă  base de carbonate de calcium CaCO3 de symĂ©trie orthorhombique, par opposition Ă  la calcite qui est de mĂȘme formule chimique mais de symĂ©trie trigonale). Elle est constituĂ©e d'une seule piĂšce (univalve) mais elle se distingue par sa position externe qui, en plus de jouer un rĂŽle de flottaison, lui permet de se protĂ©ger des prĂ©dateurs. La coquille Ă©tant le principal Ă©lĂ©ment de l'ammonite Ă  se fossiliser, la phylogĂ©nie des ammonites est essentiellement fondĂ©e sur sa description. On retrouve aussi parfois des Ă©lĂ©ments nommĂ©s aptychi (au pluriel), un organe semblant jouer le rĂŽle de mandibules et trĂšs semblable Ă  l'opercule des nautiles actuels.

Structure interne

La coquille comprend plusieurs loges sĂ©parĂ©es par des cloisons. On distingue la loge d'habitation oĂč rĂ©side l'organisme et le phragmocĂŽne qui correspond au reste de la coquille. La communication entre loges s'effectue au travers d'un foramen percĂ© dans chaque cloison par lequel transite un siphon en position ventrale. Ce siphon est parfois recouvert d'un manchon de CaCO3, on peut alors en retrouver la trace dans les fossiles exhumĂ©s. Toutes les loges (exceptĂ© la loge d'habitation) sont vides ou du moins remplies de gaz Ă  l'image du nautile. Elles servaient de ballast Ă  l'organisme qui les remplissait ou au contraire expulsait l'eau selon qu'il souhaitait descendre ou monter dans la tranche d'eau.

Ammonite silicifié vu au microscope x240
Enroulement
Crioceratites emerici – BarrĂ©mien – MusĂ©um de Toulouse

Les formes les plus courantes et les plus connues de coquilles d'ammonites sont dites planispiralĂ©es : le tube s'enroule autour de lui-mĂȘme dans un seul plan. On retrouve actuellement des formes proches chez le nautile. Dans les cas des formes planispiralĂ©es, on distingue les enroulements Ă©volutes et involutes. Les Ă©volutes se caractĂ©risent par un recouvrement faible des tours prĂ©cĂ©dents, il est donc possible d'observer les tours intĂ©rieurs que l'on rassemble sous le terme d'ombilic. L'exagĂ©ration du caractĂšre Ă©volute conduit Ă  des formes dont les tours ne sont plus jointifs, que l'on retrouve aussi bien au PalĂ©ozoĂŻque (Erbenoceras), au Jurassique (Spiroceras) ou au CrĂ©tacĂ© (Crioceratites).

À l'opposĂ©, l'enroulement involute est marquĂ© par un recouvrement important voire total des tours prĂ©cĂ©dents, l'ombilic est alors rĂ©duit voire inexistant.

On note aussi l'existence d'un autre mode d'enroulement planispiralé dit pseudo-évolute (ou pseudo-involute, ou encore convolute), qui correspond à un enroulement qui ne recouvre que partiellement le tour précédent.

D'autres types d'enroulement se sont dĂ©veloppĂ©s au grĂ© de l'occupation de nouvelles niches Ă©cologiques. Il est Ă  noter que les Bactritida, Ă  l'origine des Ammonoidea et Nautiloidea sont des CĂ©phalopodes Ă  coquille rectiligne. Cette conformation se retrouve chez certaines ammonites crĂ©tacĂ©s (les Baculitidae) mais aussi jurassiques (genres proches des Spiroceras). C'est nĂ©anmoins au CrĂ©tacĂ© que la plupart des formes dites dĂ©roulĂ©es se sont largement dĂ©veloppĂ©es avec deux radiations, l'une au CrĂ©tacĂ© infĂ©rieur avec les Ancyloceratina et l'autre au CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur avec les Turrilitina (en). On trouve ainsi des ammonites Ă  tours internes classiquement planispiralĂ©s, mais dont la loge d'habitation adulte se dĂ©roule en une partie rectiligne (la hampe) suivie d'un retour vers la spire donnant Ă  l'ensemble une forme dite de crosse. Ces formes prĂ©sentent une meilleure stabilitĂ© dynamique que les planispiralĂ©es, due Ă  la plus grande distance entre leur centre de gravitĂ© et leur centre de flottaison. En revanche, elles sont moins hydrodynamiques. Chez d'autres, la partie spiralĂ©e est remplacĂ©e par une spire hĂ©licoĂŻdale Ă  la maniĂšre des GastĂ©ropodes. Cette hĂ©lice peut Ă©galement ĂȘtre Ă  tours non jointifs. Ces combinaisons offrent une grande variĂ©tĂ© de formes, dont la plus complexe est cherchĂ©e du cĂŽtĂ© du genre Niponnites, dont l'enroulement se dĂ©veloppe dans trois dimensions. Toutes ces ammonites non planispiralĂ©es sont dites hĂ©tĂ©romorphes.

Morphologie

On reconnaßt différentes morphologies des coquilles d'ammonites, dont on pense qu'elle avait une grande importance dans le mode vie de l'animal :

  • cadicĂŽne : la coquille est sphĂ©rique ou quasi sphĂ©rique, trĂšs peu hydrodynamique ;
  • sphaerocĂŽne : la coquille est fortement bombĂ©e, peu hydrodynamique ;
  • platicĂŽne : la coquille est aplatie, le bord ventral est plat, relativement hydrodynamique ;
  • oxycĂŽne : la coquille est effilĂ©e, voire coupante dans certains cas, trĂšs hydrodynamique.

Plusieurs autres formes ont existé, notamment des formes à l'enroulement non soudé ou non parallÚle : leur diversité a été particuliÚrement importante au Crétacé supérieur, notamment dans le groupe des Ancyloceratina.

  • Discoscaphites iris du CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur.
    Discoscaphites iris du Crétacé supérieur.
  • SpĂ©cimen de Perisphinctes au musĂ©e d'histoire naturelle de Berlin.
    Spécimen de Perisphinctes au musée d'histoire naturelle de Berlin.
  • Un spĂ©cimen de Hoploscaphites d’AmĂ©rique du Nord. La forme de la coquille s'Ă©carte de la spirale.
    Un spĂ©cimen de Hoploscaphites d’AmĂ©rique du Nord. La forme de la coquille s'Ă©carte de la spirale.
  • Les ammonites ont connu une grande diversitĂ© de formes (ici Crioceratites nolani, un Ancyloceratina)
    Les ammonites ont connu une grande diversité de formes (ici Crioceratites nolani, un Ancyloceratina)
  • Didymoceras stevensoni (Ancyloceratina), espĂšce Ă  coquille polyspire.
    Didymoceras stevensoni (Ancyloceratina), espĂšce Ă  coquille polyspire.
  • Pravitoceras (Ancyloceratina)
    Pravitoceras (Ancyloceratina)
  • Eubostrychoceras japonicum
    Eubostrychoceras japonicum
  • Nipponites mirabilis
    Nipponites mirabilis
Ornementation

Extérieurement les coquilles arborent des structures sous la forme d'excroissances et de sutures contribuant à la classification des ammonites.

Les sutures sont des projections externes des cloisons. Si les formes les plus anciennes présentent des sutures (et donc des cloisons) droites, progressivement l'allure des sutures se complexifie et dessine des courbures que l'on interprÚte comme des selles (vers l'avant) et des lobes (vers l'arriÚre). Les excroissances peuvent correspondre à des carÚnes ou à des cÎtes. Elles contribuent à renforcer la coquille dans son statut de protection de l'organisme. Le dessin de la derniÚre loge peut aussi se poursuivre vers l'avant par des extensions protégeant le péristome. On distingue les rostres prolongeant la face dorsale de la coquille et les apophyses prolongeant les faces latérales.

On connaĂźt trois grands types de modĂšles de suture chez les ammonites :

  • goniatitique : ligne de suture Ă  lobes et selles non divisĂ©s ; typiquement 8 lobes autour de la conque. Ce schĂ©ma est caractĂ©ristique des ammonites du PalĂ©ozoĂŻque.
  • cĂ©ratitique : ligne de suture Ă  selles non divisĂ©s et lobes divisĂ©s; plusieurs lobes latĂ©raux. Fortes cĂŽtes radiales espacĂ©es, parfois renforcĂ©es par des tubercules. Ce modĂšle de suture est caractĂ©ristique des ammonites du Trias et apparaĂźt Ă  nouveau au CrĂ©tacĂ© chez les « pseudocĂ©ratites. »
  • ammonitique : lobes et selles sont fortement subdivisĂ©es (cannelures); les subdivisions sont gĂ©nĂ©ralement arrondies au lieu d'ĂȘtre en dents de scie. Les ammonites de ce type sont les espĂšces les plus importantes d'un point de vue biostratigraphique. Ce type de suture est caractĂ©ristique des ammonites du Jurassique et du CrĂ©tacĂ© mais se trouvent dĂ©jĂ  au Permien.
Dimorphisme sexuel

Chez les nautiles contemporains, les chambres de la coquille prĂ©sentent des diffĂ©rences de forme et de taille selon le sexe de l'animal. La coquille du mĂąle est lĂ©gĂšrement plus petite et plus large que celle de la femelle. Un dimorphisme sexuel du mĂȘme type est maintenant envisagĂ© pour les ammonites, expliquant certaines diffĂ©rences de tailles et de formes des fossiles au sein d'une mĂȘme espĂšce. L'explication couramment avancĂ©e est qu'il est logique que les femelles soient plus grandes pour permettre la production d'un grand nombre d'Ɠufs. Un bon exemple de ce dimorphisme sexuel est donnĂ© par les Bifericeras (en), trouvĂ©s en Europe dans les roches formĂ©es au dĂ©but du Jurassique. Ce n'est qu'Ă  la fin du XXe siĂšcle qu'on a admis ce dimorphisme. On a d'abord classĂ© les grandes formes en sous-espĂšces dites macroconches et les petits individus en sous-espĂšces dites microconches. Mais la prĂ©sence presque systĂ©matique de microconches et de macroconches chez toutes les espĂšces a finalement portĂ© Ă  conclure qu'il s'agissait simplement des mĂąles et femelles d'une mĂȘme espĂšce.

Anatomie interne

Peu d'Ă©lĂ©ments sont connus de l'anatomie interne des ammonites Ă  moins d'Ă©tudier celles des cĂ©phalopodes actuels. On considĂšre ainsi que l'ammonite devait ĂȘtre pourvue de huit bras. Le bulbe buccal Ă©tait constituĂ© de deux grandes structures : les mandibules et la radula. La radula est un organe labial propre aux mollusques jouant le rĂŽle d'une langue mais couverte d'une sĂ©rie de dents chitineuses agissant comme une rĂąpe. À l'image des ColĂ©oĂŻdĂ©s, elle devait ĂȘtre constituĂ©e de sept dents par rang. Enfin la mandibule Ă©tait constituĂ©e de deux structures nommĂ©es aptychus dont le rĂŽle n'est pas prĂ©cisĂ©ment connu.

Plus rĂ©cemment, des restes de parties molles ont Ă©tĂ© observĂ©s chez les ammonites (groupe des Baculites), en particulier des restes de la masse bucale, et du cartilage cĂ©phalique avec la prĂ©servation des capsules oculaires. Des restes du tube digestif, du siphon et de ce qui semble ĂȘtre un oviducte ont Ă©galement Ă©tĂ© dĂ©couverts[1].

DĂ©veloppement

Le premier stade de dĂ©veloppement est caractĂ©risĂ© par l'apparition de la protoconque ou loge initiale et dont la taille varie entre 250 et 700 Â”m. Ce stade n'est pas considĂ©rĂ© comme un stade larvaire car le dĂ©veloppement de la coquille repose sur la protoconque. Le dĂ©veloppement est donc direct mais on sait que certaines espĂšces de cĂ©phalopodes actuels ont une vie planctonique Ă  l'Ă©tat juvĂ©nile.
Le stade suivant est appelé Ammonitella. Il se caractérise par une rupture de la structure cristalline de la coquille. En effet le premier stade est caractérisé par un développement à coquille interne. Progressivement l'organisme va donc se renfermer dans sa coquille pour mieux se protéger.
Enfin le stade mature est caractérisé par un resserrement des derniÚres cloisons marquant la fin de la croissance de la coquille. Le péristome se pare d'excroissance (rostre, appendices) et l'on observe un déroulement secondaire de la chambre d'habitation. Ce stade dernier correspond aussi à l'acquisition de la maturité sexuelle.

Écologie

La mauvaise fossilisation des parties molles implique qu'on manque de donnĂ©es permettant de reconstituer prĂ©cisĂ©ment les modes de vie et d'alimentation ou de reproduction des ammonites, mais on pense que la plupart d'entre elles ont vĂ©cu dans l'eau libre des mers antiques, plutĂŽt que sur les fonds marins. Ceci est suggĂ©rĂ© par le fait que leurs fossiles sont souvent trouvĂ©s dans les roches qui se sont formĂ©es dans des conditions oĂč aucune forme de vie typique des fonds marins de la plate-forme continentale n'est trouvĂ©e. Bon nombre d'espĂšces (telles qu'Oxynoticeras) sont considĂ©rĂ©es comme de probables bonnes nageuses grĂące Ă  des coquilles hydrodynamiques bien profilĂ©es, mais d'autres semblent avoir Ă©tĂ© moins bien disposĂ©es pour la nage ; peut-ĂȘtre se laissaient-elles dĂ©river en nageant lentement vers leurs proies (crustacĂ©s, petits poissons et zooplancton pour les larves). Un des gros problĂšmes de l'interprĂ©tation des fossiles d'ammonites est que les carbonates (dont constituants de leur coquille) se conservent mal en dessous de 200 m de profondeur. On conçoit assez facilement que des espĂšces pĂ©lagiques frĂ©quentent des eaux plus profondes que celles-lĂ .

Locomotion

Les ammonites se dĂ©plaçaient en contrĂŽlant leur profondeur grĂące aux diffĂ©rentes loges de leur coquille. Elles se dĂ©plaçaient la tĂȘte en arriĂšre comme les autres cĂ©phalopodes. Pour avancer, elles aspiraient de l'eau pour l'expirer avec force. Peu rapide, ce mode de dĂ©placement les rendait vulnĂ©rables Ă  leurs prĂ©dateurs principaux, les reptiles marins (principalement mosasaure[2], ichtyosaure, Ă©lasmosaure).

Flottaison

La flottaison de l'ammonite est permise par la structure creuse de sa coquille lui conférant une densité neutre, proche de l'eau. Le découpage de la coquille en une série de loges, toutes reliées par un siphon (tube charnu qui les relie avec la loge embryonnaire ou protoconche) permet en outre d'agir comme un ballast au gré du remplissage de ces caissons. Le systÚme était ainsi composé par un flotteur (qui le fait remonter, les loges vides) et d'un contrepoids (qui le fait descendre, les loges remplies d'eau)[3].
La morphologie cylindrique de la coquille permettait de conserver un centre de gravitĂ© et de flottaison au centre de la coquille, qui, associĂ© Ă  un pĂ©ristome toujours en position basse sous l'effet du poids de l'animal, permettait Ă  l'ammonite d'ĂȘtre constamment en position horizontale Ă  l'image du nautile. Toutefois cette configuration ne garantit pas une stabilitĂ© de la coquille et l'on verra apparaĂźtre, chez les individus plus Ă©voluĂ©s, un dĂ©roulement de la coquille favorisant un Ă©loignement des deux centres.

Relations trophiques

Leurs prédateurs connus sont les reptiles marins tels que les mosasaures, les ichtyosaures ou d'autres grands reptiles Mésozoïques. Des ammonoïdes portent les marques de dents signalant des attaques trÚs violentes.

Concernant leur alimentation, une analyse synchrotron de la cavité buccale d'une ammonite à aptychus (Baculites) a montré les restes d'isopode et de larve de mollusque, indiquant qu'au moins ce type d'ammonite se nourrissait de plancton[4].

Phylogénie

Alors que la classe des cĂ©phalopodes apparaĂźt au Cambrien moyen, les Ammonoidea n'apparaissent qu'Ă  la fin du Silurien voire au dĂ©but du DĂ©vonien. Elles sont issues d'organismes appartenant Ă  l'ordre des Bactritida. Le groupe des Ammonites est un groupe monophylĂ©tique bien que l'on ne connaisse pas encore leur ancĂȘtre commun. Deux apomorphies permettent de les distinguer des autres cĂ©phalopodes : une ligne de suture plissĂ©e et un siphon ventral sauf chez les clymĂ©nies oĂč le siphon est dorsal. Ainsi et malgrĂ© leurs similitudes externes, les nautiles ne sont pas directement apparentĂ©s aux ammonites[note 2]. L'enroulement de la coquille chez le nautile apparaĂźt donc soit comme une convergence Ă©volutive et donc comme un caractĂšre plĂ©siomorphe.
Les plus proches parents des ammonites sont sans doute les sous-Coleoidea actuels (poulpes, calmars et seiches) ainsi que les bĂ©lemnites du MĂ©sozoĂŻque qui forment eux aussi un groupe monophylĂ©tique. Les premiers stades du dĂ©veloppement des ammonoĂŻdes et des colĂ©oĂŻdes sont trĂšs similaires, d'oĂč l'hypothĂšse qu'ils avaient des modes de vie peut-ĂȘtre comparables (type de reproduction, alimentation, nage, comportement). L'Ă©tude des ammonites passe donc par une Ă©tude des colĂ©oĂŻdes et non du nautile.

Variabilité intraspécifique

Le groupe des Ammonites se caractĂ©rise par une trĂšs grande diversitĂ© de morphologie de la coquille, au point qu'il est parfois difficile de dĂ©terminer si tel individu correspond Ă  un ensemble ou s'il ne reprĂ©sente qu'une variation d'un groupe. Ainsi deux modĂšles de classement se sont dĂ©veloppĂ©s sans ĂȘtre exclusifs aux seules ammonites.

La premiÚre démarche consiste à créer une nouvelle espÚce pour chaque modification morphologique (démarche typologique). Cependant, et au vu de la grande diversité de coquille, elle conduit à créer une trÚs grande quantité d'espÚces caractérisées par une faible variabilité intraspécifique.

Au contraire, on peut considĂ©rer que l'espĂšce se caractĂ©rise par un ensemble de critĂšres morphologiques supportant une grande tolĂ©rance de variabilitĂ© (dĂ©marche palĂ©obiologique). Cette mĂ©thode rĂ©duit le catalogue d'espĂšces, mais au risque de rassembler en son sein plusieurs individus appartenant Ă  des espĂšces distinctes. Toutefois, force est de constater que cette derniĂšre dĂ©marche tend de plus en plus Ă  supplanter la premiĂšre dans les travaux palĂ©ontologiques modernes. Contrairement Ă  ce qu’on pourrait penser, nĂ©gliger sur le plan taxinomique les caractĂšres hautement variables au sein d’un Ă©chantillon ne reprĂ©sente pas une perte dans l’information du signal morphologique, puisqu’ils sont largement compensĂ©s par l’utilisation des caractĂšres Ă©volutifs. Sans ça, ces caractĂšres Ă©volutifs, qui eux ont une vĂ©ritable raison d’ĂȘtre taxinomique, peuvent se retrouver totalement noyĂ©s par une masse d'informations relatives Ă  des caractĂšres qui varient de la mĂȘme façon dans tous les Ă©chantillons successifs d'une lignĂ©e phylogĂ©nĂ©tique (lois de covariation).

La diversitĂ© des ornementations participe Ă  la richesse de la grande famille des ammonites. Toutefois certains caractĂšres prĂ©sentent frĂ©quemment une corrĂ©lation. Ainsi, le dĂ©veloppement d'ornementation se rencontre souvent sur les individus Ă  coquilles Ă©paisses. Si deux individus prĂ©sentent le mĂȘme caractĂšre mais dans des intensitĂ©s diffĂ©rentes, il suffit de trouver les intermĂ©diaires entre les deux individus pour confirmer qu'ils appartiennent Ă  la mĂȘme espĂšce. Toutefois, il est possible que certains groupes prĂ©sentent des similitudes de caractĂšres (homĂ©omorphie) qui peuvent rĂ©sulter de convergences Ă©volutives. Enfin, il est frĂ©quent de retrouver ensemble des individus de tailles diffĂ©rentes qui partagent les mĂȘmes stades ontogĂ©nĂ©tiques juvĂ©niles. Cette diffĂ©rence est souvent interprĂ©tĂ©e comme un dimorphisme sexuel, les formes les plus petites (= microconques) pourraient correspondre aux mĂąles, tandis que les formes plus grandes (= macroconques) correspondraient aux femelles.

Ammonite (Dakota du Sud, États-Unis). On distingue les lignes de suture.

Lignes de suture

En marges des différentes ornementations que l'on peut rencontrer sur les coquilles des ammonites, les lignes de suture constituent le principal élément de systématique (au rang de famille). Ces lignes correspondent à la jonction (une suture) entre les cloisons internes qui séparent les différentes loges d'accroissement et la coquille de l'ammonite.

Elles sont représentées sous forme d'une courbe orientée horizontalement (l'ouverture étant dirigée vers le haut) et illustrant le dessin de la ligne de suture du dernier tour. Elle débute à gauche par la face ventrale (sommet de la coquille) au niveau du plan de symétrie bilatérale puis descend jusqu'à la jonction avec le tour précédent. Enfin le tracé se termine entre les deux tours pour illustrer la morphologie de la ligne de suture de la partie inférieure du tour (en contact avec le tour précédent). Cette derniÚre partie n'est toutefois pas toujours visible car elle oblige à démonter la coquille (dans le cas d'un enroulement planispiralé).

Systématique des ammonites

Si le terme « ammonite » est plutĂŽt utilisĂ© pour dĂ©signer les Ammonitida, il peut ĂȘtre Ă©galement employĂ©, dans une acception plus large, pour parler des Ammonoidea en gĂ©nĂ©ral.

Cependant ce terme « ammonite » n’a pas de valeur taxonomique. Par exemple : l'espĂšce Acanthoceras cenomanense est une ammonite appartenant Ă  la sous-classe des Ammonoidea, Ă  l’ordre des Ammonitida, au sous-ordre des Ammonitina, Ă  la super-famille des Acanthoceratoidea et Ă  la famille des Acanthoceratidae.

La dĂ©signation d’Ammonoidea (Zittel 1884) recouvre donc, outre les ammonites authentiques (Ammonitida) du Jurassique et du CrĂ©tacĂ©, toute une variĂ©tĂ© de mollusques, ordinairement regroupĂ©s en ordres (dont la liste des genres est encore incomplĂšte). La pertinence de ce concept taxonomique est mis en cause en biologie depuis 1999 et son emploi tend Ă  rĂ©gresser[5] : on parle aujourd’hui plutĂŽt de taxa (au singulier : taxon), qui se diffĂ©rencient par leur apomorphies (ou caractĂ©ristiques singuliĂšres).

La subdivision des ammonites en mĂ©ta-groupes procĂšde aujourd’hui d’abord de l’arrangement des sutures primaires : ce sont les lobes des premiers septums (cloisons des loges divisant l'intĂ©rieur de la coquille) vĂ©ritablement en nacre. On distingue ainsi les sutures trilobĂ©es (que l’on retrouve chez les palĂ©o-ammonoĂŻdes du DĂ©vonien-Permien), quadrilobĂ©es (chez les mĂ©so-ammonoĂŻdes du permien supĂ©rieur et du Trias ; elles-mĂȘmes comprenant diverses ammonites hĂ©tĂ©romorphes du CrĂ©tacĂ©), quintilobĂ©es (chez les nĂ©o-ammonoĂŻdes, qui dĂ©signent en fait les ammonites au sens strict ; Jurassique-CrĂ©tacĂ©) et sextilobĂ©es (chez les tĂ©tragonites, sous-groupe des lytocĂ©rates du CrĂ©tacĂ© supĂ©rieur)[6].

Rouget et al. (2004)[7] donnent un aperçu actualisĂ© des relations phylogĂ©nĂ©tiques des principaux taxons d’ammonites par delĂ  le niveau du genre. Les recensions dĂ©taillĂ©es de la systĂ©matique des ammonites de tous les ammonoĂŻdes du DĂ©vonien au CrĂ©tacĂ© sont malheureusement fort datĂ©es[8], et le traitĂ© plus rĂ©cent de Kaesler[9], ou la sĂ©rie Fossilium du Catalogus I: Animalia ne traitent que des ammonites du CrĂ©tacĂ©.

Ammonoidea

  • Ordre des Agoniatitida (reprĂ©sentĂ© par les genres Agoniatites, Anarcestes, Maenioceras, Prolobites, Manticoceras, Beloceras)
  • Ordre des Clymeniida ou goniatites primitifs (reprĂ©sentĂ© par les genres Acanthoclymenia, Gonioclymenia, Hexaclymenia, Wocklumeria, Platyclymenia, Clymenia, Parawocklumeria)
  • Ordre des Goniatitida ou goniatites vrais (reprĂ©sentĂ© par les genres Tornoceras, Cheiloceras, Sporadoceras, Gattendorfia, Ammonellipsites, Goniatites, Gastrioceras, Schistoceras, Perrinites, Cyclolobus)
  • Ordre des Prolecanitida ou cĂ©ratites primitifs (reprĂ©sentĂ© par les genres Prolecanites, Medlicottia, Sageceras)
  • Ordre des Ceratitida ou cĂ©ratites vrais (reprĂ©sentĂ© par les genres Xenodiscus, Otoceras, Beneckeia, Ceratites, Cloristoceras, Tropites, Cladiscites, Ptychides, Pinacoceras)
  • Ordre des Neoammonoidea
    • sous-ordre des Phylloceratida (reprĂ©sentĂ© par les genres Phylloceras, Geyeroceras, Paradasyceras, Leiophyllites)
    • sous-ordre des Lytoceratida (reprĂ©sentĂ© par les genres Lytoceras, Ectocentrites, Pleuroacanthites u. a.)
    • sous-ordre des Ancyloceratida (reprĂ©sentĂ© par les genres Ancyloceras, Macroscaphites, Crioceratites, Baculites, Turrilites, Bostrychceras, Scaphites, Hoploscaphites, Douvilleiceiras, Parahoplites, Deshayesites)
    • sous-ordre des Ammonitida ou ammonites vraies (comprenant plusieurs familles)
      • Psilocerataceae (reprĂ©sentĂ© par les genres Psiloceras, Caloceras, Alsatites, Storthoceras, Schlotheimia, Arietites, Echioceras, Oxynoticeras)
      • Eoderocerataceae (reprĂ©sentĂ© par les genres Eoderoceras, Androgynoceras, Amaltheus, Pleuroceras, Dactylioceras)
      • Hildocerataceae (reprĂ©sentĂ© par les genres Harpoceras, Hildoceras, Leioceras, Ludwigia, Sonninia, Oppelia)
      • Stephanocerataceae (reprĂ©sentĂ© par les genres Stephanoceras, Macrocephalites, Kosmoceras, Quenstedtoceras)
      • Perisphinctaceae (reprĂ©sentĂ© par les genres Perisphinctes, Ataxioceras, Rasenia, Gravesia, Aulacostaphanus, Virgatites, Aspidoceras, Polyptychides)
      • d'autres genres autrefois rĂ©pertoriĂ©s dans les super-familles des Desmocerataceae et des Hoplitaceae : Callizoniceras, Pachydiscus, Leymeriella, Schloenbachia, Tissotia, Flickia.

Selon BioLib (25 décembre 2017)[10] :

  • super-ordre Mesoammonoidea †
    • ordre Prolecanitida †
    • ordre Ceratitida Hyatt, 1884 †
  • super-ordre Neoammonoidea †
  • super-ordre Palaeoammonoidea †
  • ordre Meekoceratida †
  • ordre Otoceratida †
  • ordre Xenodiscida †
  • genre Pachylytoceras †
  • genre Speetoniceras Spath, 1924 †

IntĂ©rĂȘt en gĂ©ologie

Paléogéographie

Dalle triasique ou jurassique Ă  Ammonoidea in situ, sous le pont de Fressac sur la riviĂšre Conturby (Gard, France).

Les ammonites Ă©tant des animaux marins nectoniques (vivant en pleine eau), ils ont en gĂ©nĂ©ral une large distribution gĂ©ographique. Toutefois, on peut diviser les ammonites en trois grandes populations : borĂ©ale, tempĂ©rĂ©e et tropicale. On sait aussi grĂące aux fossiles retrouvĂ©s que l'on se trouve sur une ancienne zone de mer de moins de 200 m de fond, car sinon les coquilles se seraient dissoutes sous l'effet de la sous-saturation en CaCO3 des eaux profondes.

Paléontologie

Les ammonites jouissent d'une importante diversitĂ© d'espĂšces mais, comme pour la plupart des fossiles, on ne peut utiliser que les caractĂšres morphologiques des parties retrouvĂ©es pour tenter de les interprĂ©ter et Ă©mettre une hypothĂšse sur le mode de vie de l'animal. Par exemple une ammonite cadicĂŽne devrait plutĂŽt ĂȘtre une mauvaise nageuse, donc vivre prĂšs du fond et ĂȘtre un prĂ©dateur peu actif, donc surtout dĂ©tritivore ou nĂ©crophage. En revanche, une ammonite involute oxycĂŽne devrait ĂȘtre une excellente nageuse et un prĂ©dateur redoutable. L'interprĂ©tation peut cependant avoir ses limites.

Pleuroceras spinatum Muséum de Toulouse

Biostratigraphie

Beaucoup de zones reposent sur des ammonites (biozone), comme Pleuroceras spinatum qui est l'index de la zone au sommet du Pliensbachien.

Un indice de zone doit idĂ©alement ĂȘtre relativement abondant, facile Ă  dĂ©terminer, avoir une rĂ©partition gĂ©ographique la plus vaste possible (ubiquitĂ© de l'espĂšce), avoir une rĂ©partition localisĂ©e et bien circonscrite dans le temps, et surtout ĂȘtre pratique Ă  utiliser (mĂȘme par des non spĂ©cialistes). Ce qui fait des ammonites en gĂ©nĂ©ral un outil biostratigraphique de choix. Certaines espĂšces n'ont qu'une zone d'extension de seulement 100 000 ans.

Dans la culture populaire

Les ammonites sont illustrées dans la franchise de jeux vidéos Pokémon, à travers les créatures nommées « Amonita » et « Amonistar »[11].

Notes et références

Notes

  1. Les ammonites étaient jadis appelées « cornes d'Ammon » en référence au dieu Ammon (Encyclopédie de Diderot et d'Alembert).
  2. Les nautiles ont une ligne de suture droite et un siphon centrale.

Références

  1. (en) Christian Klug, Wolfgang Riegraf et Jens Lehmann, « Soft–part preservation in heteromorph ammonites from the Cenomanian–Turonian Boundary Event (OAE 2) in north–west Germany », Palaeontology, vol. 55, no 6,‎ , p. 1307-1331 (DOI 10.1111/j.1475-4983.2012.01196.x).
  2. http://www.geoforum.fr/uploads/post-104-0-24283400-1390474893.jpg
  3. GĂ©rard Thomel, Ammonites, Serre, , 227 p. (ISBN 2-86410-011-8, BNF 34678798), p. 12.
  4. (en) Isabelle Krutal, Neil Landman, Isabelle Rouget, Fabrizio Cecca et Paul Tafforeau, « The Role of Ammonites in the Mesozoic Marine Food Web Revealed by Jaw Preservation », Science, vol. 331, no 6013,‎ , p. 70-72 (DOI 10.1126/science.1198793).
  5. (de) Peter Ax, Das System der Metazoa I – ein Lehrbuch der phylogenetischen Systematik, Gustav Fischer Verlag, , 226 p. (ISBN 978-3-437-30803-1).
  6. (en) Dieter Korn, « Typostrophism in Palaeozoic Ammonoids? », PalĂ€ontologische Zeitschrift, vol. 2, no 77,‎ , p. 445-470 (DOI 10.1007/BF03006953).
  7. (en) Isabelle Rouget, Pascal Neige et Jean-Louis Dommergues, « Ammonites phylogenetic analysis: state of the art and new prospects - L’analyse phylogĂ©nĂ©tique chez les ammonites: Ă©tat des lieux et perspectives », Bulletin de la SociĂ©tĂ© GĂ©ologique de France, vol. 175, no 5,‎ , p. 507–512 (DOI 10.2113/175.5.507)
  8. (en) Raymond C. Moore, Treatise on Invertebrate Paleontology, vol. 4 : Cephalopoda Ammonoidea, Geological Society of America and the University of Kansas Press, , 490 p., L Mollusca.
  9. (en) Roger L. Kaesler, Treatise on Invertebrate Paleontology, vol. 4 : Cretaceous Ammonoidea, Boulder (Colo.), Geological Society of America Inc. and the University of Kansas, , 362 p. (ISBN 0-8137-3112-7), L Mollusca.
  10. BioLib, consulté le 25 décembre 2017
  11. « Amonistar », sur pokepedia.fr.

Voir aussi

Articles connexes

Références taxinomiques

Liens externes

  • (fr) Ammonites Ammonites et autres spirales - HervĂ© ChĂątelier
  • Ammonites Laboratoire du Groupe de recherche en palĂ©ontologie et biostratigraphie des Ammonites (GPA)
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