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Altération des silicates

L’altĂ©ration des silicates, qui reprĂ©sentent 97 % des roches de la croĂ»te terrestre, est un phĂ©nomĂšne majeur de la gĂ©ologie. Il est Ă  l’origine de la formation :

  • des sĂ©diments dĂ©tritiques : argiles, silts, sables

  • et, Ă  la suite de la mise en solution dans l’eau des ions sodium, potassium, calcium, magnĂ©sium, fer ferreux, et partiellement de la silice, Ă  l'origine d’une grande partie des roches carbonatĂ©es, Ă©vaporitiques et siliceuses.
RÎle de l'altération des silicates dans le cycle carbonate-silicate (en).

L’altĂ©ration des silicates est un ensemble de rĂ©actions grandes consommatrices de CO2 (puits ou « pompe Ă  CO2 ») ce qui en fait un processus important pour comprendre le cycle du carbone et l’évolution des climats du passĂ© (palĂ©oclimats) et actuels.

Processus de dissolution

C’est un processus qui se fait essentiellement en phase aqueuse[1] - [2]. AprĂšs son passage au travers des sols superficiels, l’eau chargĂ©e de dioxyde de carbone (CO2) et d’acides organiques, comme les acide humiques et fulviques, s'acidifie et attaque les silicates au niveau du sol et du sous-sol, en particulier aux endroits oĂč l’eau stagne (contact sol/sous-sol, fissures du sous-sol
).

Par altération, les ions des minéraux silicatés (Na+, K+, Ca2+, Mg2+, Fe2+
) sont en partie remplacés par des ions H+. Les ions non remplacés (aluminium, fer ferrique et une partie de la silice) recristallisent en place.

Les mesures en laboratoire du potentiel d'altération des cristaux concordent bien avec la série de dissolution de Goldich (en) qui indique que les minéraux les derniers formés par différenciation magmatique (série de réactions de Bowen) sont les plus stables vis-à-vis des agents de l'altération météorique[3]. Ces résultats expérimentaux obtenus en laboratoire ne reflÚtent pas complÚtement les processus de dissolution survenant dans la nature qui sont dix fois plus rapides en moyenne, notamment en raison de l'altération microbienne[4].

La vitesse moyenne d'altération chimique des silicates est de l'ordre de 5 à 100 millimÚtres par millénaire (bien inférieure à la vitesse d'altération mécanique qui peut atteindre plusieurs mm par an)[5].

Durée de vie moyenne d'un cristal de 1 mm de diamÚtre à 25 °C et pH = 5[6]
Minéral Formule chimique Durée de vie
(en années)
Anorthite (Ca) CaAl2Si2O8 112
Néphéline Na3KAl4Si4O16 211
Diopside CaMgSi2O6 6 800
Enstatite Mg2Si2O6 8 800
Albite (Na) NaAlSi3O8 80 000
Feldspath potassique KAlSi3O8 520 000
Forstérite Mg2SiO4 600 000
Muscovite KAl2(AlSi3O10)(OH,F)2 2 700 000
Quartz SiO2 34 000 000

L’altĂ©ration des silicates comme puits ou « pompe Ă  CO2 »

En prenant l’exemple d'un minĂ©ral silicatĂ© de la croĂ»te terrestre, appartenant Ă  la famille des feldspaths, le plagioclase, et en considĂ©rant le pĂŽle calcique des plagioclases, l’anorthite (CaAl2Si2O8), le bilan de son altĂ©ration est le suivant[7] :

2 CaAl2Si2O8 + 4 CO2 + 6 H2O → 2 Ca2+ + 4 HCO3− + Si4O10Al4(OH)8.

L’anorthite en consommant de l’eau et du CO2 dissous dans l’eau libùre des ions calcium, des ions bicarbonates et produit la plus simple des argiles, la kaolinite : Si4O10Al4(OH)8.

Il faut souligner que cette consommation de 4 CO2 pour libérer 2 Ca2+ est le double de celle nécessaire à la dissolution des carbonates :

CaCO3 + CO2 + H2O → Ca2+ + 2 HCO3−,

oĂč un seul CO2 est nĂ©cessaire Ă  la dissolution d’un ion Ca2+[7]. De mĂȘme, mais dans le sens inverse, la prĂ©cipitation des carbonates, processus Ă©metteur de dioxyde de carbone, ne produit qu’un CO2 Ă  partir d’un ion Ca2+ :

Ca2+ + 2 HCO3− → CaCO3 + CO2 + H2O.

C’est cette forte consommation de CO2 qui confĂšre Ă  l’altĂ©ration des silicates un rĂŽle majeur dans l’évolution gĂ©ologique du climat.

Impact sur l'acidité du sol

L'altération des roches acides libÚre un excÚs d'acide silicique qui produit des ions hydronium H+ contribuant en grande partie à l'acidité du sol[8] - [9]

L'autre facteur principal rendant compte de la formation de sols acides est l'altération des aluminosilicates (notamment les feldspaths et les micas des roches siliceuses, les minéraux argileux et phylliteux) qui libÚre des ions Al3+ dont l'hydrolyse conduit à la formation d'hydroxyde d'aluminium. Cette réaction fixe des ions hydroxyles et produit également des ions H+, selon la réaction[5] :

Al3+ + 3(H2O) → Al(OH)3 + 3H+

Impact sur les phases de réchauffement global

À l’échelle des temps gĂ©ologiques les pĂ©riodes chaudes sont favorables Ă  cette altĂ©ration donc Ă  la capture, Ă  terme, de grandes quantitĂ©s de CO2. De tels phĂ©nomĂšnes ont Ă©tĂ© analysĂ©s lors des Ă©vĂ©nements hyperthermiques du PalĂ©ogĂšne, comme le maximum thermique du passage PalĂ©ocĂšne-EocĂšne (PETM) il y a environ 56 millions d’annĂ©es. La durĂ©e de ces processus de piĂ©geage du CO2 Ă©mis lors des rĂ©chauffements rapides de la Terre est de l’ordre d’au moins 100 000 ans (PETM)[10] - [11].

Notes et références

  1. Philippe Amiotte Suchet & Jean-Luc Probst, « Flux de CO2 atmosphĂ©rique consommĂ© par altĂ©ration chimique continentale : Influence de la nature de la roche », C. R. Acad. Sci., Ser. II, vol. 317, 1993, p. 615–622
  2. (en) Philippe Amiotte Suchet, Jean-Luc Probst, Wolfgang Ludwig, « Worldwide distribution of continental rock lithology: Implications for the atmospheric/soil CO2 uptake by continental weathering and alkalinity river transport to the oceans », DOI: 10.1029/2002GB001891, http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2002GB001891/full
  3. (en) C.A.J. Appelo, Dieke Postma, Geochemistry, groundwater and pollution, CRC Press, (lire en ligne), p. 395.
  4. (en) Brantley, S.L. (2008). Kinetics of Mineral Dissolution, In Kinetics of Water-Rock Interaction S.L. Brantley, J.D. Kubicki, & A.F. White (eds.), pp. 151-210, Springer, NewYork, Chapter 5.
  5. (en) Yousif K Kharaka, Ann S Maest, Water-rock Interaction, A.A. Balkema, , p. 253-271.
  6. Calcul selon les estimations des taux de dissolution expĂ©rimentaux. Cf. (en) Antonio C. Lasaga, « Chemical kinetics of water‐rock interactions », Journal of Geophysical Research, vol. 89, no B6,‎ , p. 4009-4025 (DOI 10.1029/JB089iB06p04009).
  7. http://planet-terre.ens-lyon.fr/image-de-la-semaine/Img145-2006-01-09.xml
  8. (en) R. S. Khoiyangbam, Introduction to Environmental Sciences, Energy and Resources Institute, , p. 136-137.
  9. (en) Thounaojam Thomas Meetei, Yumnam Bijilaxmi Devi, Thounaojam Thorny Chanu, Hrishikesh Upadhyay, « Acid soil: Unwanted but unavoidable consequences of natural processes », Journal of Emerging Technologies and Innovative Research, vol. 5, no 12,‎ , p. 1088.
  10. (en) Zachos, J., Rohl, U., Schellenberg, S., Sluijs, A., Hodell, D., Kelly, D., Thomas, E., Nicolo, M., Raffi, I., Lourens, L., et al., « Rapid acidification of the ocean during the Paleocene-Eocene thermal maximum », Science, vol. 308, 2005, p. 1611, http://www.whoi.edu/cms/files/zachos05sci_133124.pdf
  11. (en) Nunes, F. and Norris, R., « Abrupt reversal in ocean overturning during the Palaeocene/Eocene warm period », Nature, vol. 439, 2006, p. 60–63, http://www.nature.com/nature/journal/v439/n7072/abs/nature04386.html

Voir aussi

Articles connexes

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