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Différenciation magmatique

La différenciation magmatique désigne les processus par lesquels un magma se scinde en portions chimiquement et minéralogiquement différentes, chacune d'entre elles pouvant évoluer indépendamment.

Les trois grands processus de différenciation magmatique.

Magma primaire et magma différencié

Le manteau supĂ©rieur terrestre est majoritairement constituĂ© de pĂ©ridotites riches grains d'olivine. La fusion partielle de ces pĂ©ridotites mantelliques se traduit par des gouttelettes de liquide magmatique, intercristallin, qui « s'Ă©coulent le long des arĂŞtes des grains d'olivine du manteau ou peuvent se dĂ©placer Ă  travers la structure mĂŞme de l'olivine par un mĂ©canisme continu de dissolution et cristallisation du minĂ©ral hĂ´te[1]… Elles peuvent se rassembler si les pores communiquent, un peu comme ceux d'une Ă©ponge », et former un magma primaire[2]. Dans une zone diapirique, ce magma primaire apparaĂ®t vers 75 km de profondeur[3] et remonte vers la surface, comme le rĂ©sidu mantellique devenu lui aussi plus lĂ©ger, en particulier Ă  cause de la fusion du grenat (« sillage » rĂ©siduel constituĂ© de pĂ©ridotite appauvrie). Ce rĂ©sidu remonte donc « pro parte avec le magma avant de se sĂ©parer plus haut ». Vers 60–50 km de profondeur, le niveau structural devient dur et cassant, favorisant la formation d'un rĂ©seau de fractures dans lequel s'injecte le magma. « Dans la majoritĂ© des cas, l'ascension s'arrĂŞte en cours de route pour des raisons diverses (modification tectonique ou thermique locale, variation du taux de production magmatique, augmentation de la densitĂ© relative magma/encaissant qui limite la « poussĂ©e d'Archimède »). Cet arrĂŞt a souvent lieu Ă  la limite entre le manteau et la croĂ»te (30 km de profondeur environ) ou bien au sein mĂŞme de celle-ci (entre 30 et 10 km) », ce qui favorise la formation d'un rĂ©servoir magmatique[4]. Lorsque ce rĂ©servoir alimente un volcan, il est appelĂ© chambre magmatique[5].

La fusion partielle des péridotites du manteau supérieur ou des roches crustales produit des magmas primaires, liquides de composition globalement basaltique[6]. Si les magmas primaires subissent des modifications (cristallisation fractionnée, contamination-assimilation, mélange de magma), il se forme des magmas différenciés, liquides de composition globalement granitique[7].

Cette fusion est contrôlée par plusieurs facteurs (température, pression c'est-dire profondeur de genèse, composition des roches, conditions redox…) qui varient selon les contextes géodynamiques[8]. Elle « peut être engendrée par une décompression adiabatique des matériaux à l'image des remontées diapiriques de péridotites qui se réalisent au niveau des dorsales ou sous les points chauds ; dans ce dernier cas, la fusion est également favorisée par un échauffement local. L'échauffement des matériaux explique aussi la fusion crustale dans les environnements orogéniques conduisant à la formation des granites tardi-orogéniques. Enfin l'hydratation des matériaux abaisse la température des solidus et favorise leur fusion : c'est la situation qui prévaut dans la plupart des zones de subduction[9] ».

Processus de différenciation magmatique

Diagrammes schématiques montrant les principes de la cristallisation fractionnée dans un magma.
Intrusion recoupée par un dyke leucocrate de pegmatite, lui-même recoupé par un dyke mélanocrate de dolérite. La roche intrusive présente des caractéristiques de mélange de magma.

Ces processus font intervenir[10] :

  • la cristallisation fractionnĂ©e (modèle proposĂ© par le pĂ©trologiste Norman Levi Bowen en 1915)[11] ;
  • la contamination-assimilation : le magma incorpore des Ă©lĂ©ments chimiques de la croĂ»te continentale par diffusion simple ou par circulation de fluide autour de l'intrusion ; le magma arrache des fragments d'encaissant lors de son ascension, ou tombĂ©s du toit de la chambre magmatique (phĂ©nomène de contamination). Les matĂ©riaux dĂ©rivĂ©s des roches encaissantes se retrouvent sous forme d'enclaves intactes incorporĂ©es par le liquide magmatique, ou de xĂ©nocristaux dĂ©saggrĂ©gĂ©s. Les enclaves sont susceptibles de montrer des transformations chimiques qui rĂ©vèlent leur assimilation partielle par trois types de rĂ©actions (la fusion, la dissolution et l'Ă©change d'ions). Le processus de contamination-assimilation conduit parfois Ă  leur assimilation totale (phĂ©nomène appelĂ© digestion). Plus le gradient chimique entre le magma et son encaissant crustal est important, plus ce processus est efficace[12] ;
  • le mĂ©lange (ou hybridation) de magmas entre liquides silicatĂ©s de compositions chimiques diffĂ©rentes (« magma mixing », mĂ©lange homogène[13] total de deux magmas cogĂ©nĂ©tiques, ou « magma mingling », mĂ©lange hĂ©tĂ©rogène[14] car partiel, d'oĂą la prĂ©sence d'enclaves[15]), modèle proposĂ© par le chimiste Robert Bunsen dès 1851[16] et qui fait son retour Ă  partir des annĂ©es 1950 [17]. Ce phĂ©nomène est très courant dans les rĂ©servoirs volcaniques[18].

Les différentes roches issues de ces magmas plus ou moins différenciés constituent une série différenciée.

Notes et références

  1. (en) Pierre Schiano, Ariel Provost, Roberto Clocchiatti, François Faure, « Transcrystalline Melt Migration and Earth's Mantle », Science, vol. 314, no 5801,‎ , p. 970-974 (DOI 10.1126/science.1132485).
  2. Jacques-Marie Bardintzeff, Volcanologie, Dunod, (lire en ligne), p. 18.
  3. Bernard Bonin, Jean-François Moyen, Magmatisme et roches magmatique, Dunod, , p. 85.
  4. Jacques-Marie Bardintzeff, op. cit., p. 19
  5. (en) Yoshinobu, D.A. Okaya, S.R. Paterson, « Modeling thethermal evolution of fault-controlled magma emplacement models: implications for the solidification of granitoid plutons », Journal of Structural Geology, vol. 20, no 9,‎ , p. 1205-1218.
  6. (en) M. J. O'Hara, « Primary magmas and the origin of basalts », Scottish Journal of Geology, vol. 1, no 1,‎ , p. 19-40 (DOI 10.1144/sjg01010019).
  7. La pensée scientifique monogéniste (un seul granite avec une origine crustale unique) fait désormais place à une conception polygéniste (plusieurs types de granites avec des sources variées). Les travaux expérimentaux ont en effet « montré que le magma granitique peut se former soit par différenciation extrême d'un magma silicaté plus basique, soit par fusion partielle de roches crustales » (magma intermédiaire en contexte de subduction, magma crustal en contexte d'anatexie). Cf Bernard Bonin, op. cit., p. 154.
  8. Pierre Peycru, Jean-François Fogelgesang, Didier Grandperrin, Christiane Perrier (dir.), Géologie tout-en-un, Dunod, (lire en ligne), p. 204-205.
  9. Peycru, op. cit., p. 262.
  10. Peycru, op. cit., p. 248-255.
  11. (en) N. L. Bowen, « The later stages of the evolution of the igneous rocks », Journal of Geology, vol. 23,‎ , p. 1–89.
  12. (en) D. Barrie Clarke, « Assimilation of xenocrysts in granitic magmas: Principles, processes, proxies, and problems », The Canadian Mineralogist, vol. 45, no 1,‎ , p. 5–30 (DOI 10.2113/gscanmin.45.1.5).
  13. Mélange mécanique et chimique.
  14. Mélange mécanique.
  15. (en) R.S.J. Sparks & L.A. Marshall, « Thermal and mechanical constraints on mixing between mafic and silicic magmas », Journal of Volcanology and Geothermal Research, vol. 29, nos 1-4,‎ , p. 99–124 (DOI 10.1016/0377-0273(86)90041-7).
  16. (de) R. Bunsen, « Uber die prozesse der vulkanischen Gesteinbildungen Island », Annals Physics and Chemistry, vol. 83,‎ , p. 197-272.
  17. (en) L.R. Wager & E.B. Bailey, « Basic Magma Chilled Against Acid Magma », Nature, vol. 172,‎ , p. 68–69.
  18. (en) A.T. Anderson, « Magma mixing: petrological process and volcanological tool », Journal of Volcanology and Geothermal Research, vol. 1, no 1,‎ , p. 3-33 (DOI 10.1016/0377-0273(76)90016-0).

Voir aussi

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