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Dragon de Komodo

Varanus komodoensis

Le Dragon de Komodo ou Varan de Komodo (Varanus komodoensis[1]) est une espèce de varan qui se rencontre dans les îles de Komodo, Rinca, Florès, Gili Motang et Gili Dasami en Indonésie centrale[2].

Membre de la famille des varanidĂ©s, c'est la plus grande espèce vivante de lĂ©zard, avec une longueur moyenne de 2,59 m et une masse d'environ 79 Ă  91 kg. Sa taille inhabituelle est parfois attribuĂ©e au gigantisme insulaire car il n'existe pas, dans son habitat naturel, d'autres animaux carnivores pouvant occuper ou partager sa niche Ă©cologique, ainsi qu'Ă  ses faibles besoins en Ă©nergie[3] - [4]. Il est possible que cet animal soit au contraire une forme naine du Megalania, un varan gĂ©ant de m de long ayant vĂ©cu en Australie au moins jusqu'Ă  l'arrivĂ©e des premiers aborigènes. En raison de leur taille, ces varans, avec l'aide de bactĂ©ries symbiotiques, dominent les Ă©cosystèmes dans lesquels ils vivent[5]. Bien que les dragons de Komodo mangent surtout des charognes, ils se nourrissent Ă©galement d'animaux qu'ils chassent (invertĂ©brĂ©s, oiseaux ou mammifères).

L'accouplement des dragons a lieu entre mai et juin et les œufs sont pondus en septembre. La femelle pond une vingtaine d'œufs dans des nids abandonnés de mégapodes où ils incubent pendant sept à huit mois. L'éclosion a lieu en avril, quand les insectes sont les plus abondants. Les jeunes sont vulnérables et doivent se réfugier dans les arbres, à l'abri des adultes cannibales. Ils mettent environ trois à cinq ans pour atteindre l'âge adulte et peuvent vivre jusqu'à cinquante ans. Ils sont parmi les rares vertébrés capables de parthénogenèse, mode de reproduction dans lequel les femelles peuvent pondre des œufs viables en l'absence de mâles[6]. Toutefois, la parthénogenèse existe également chez d'autres lézards.

Les dragons de Komodo ont été découverts par les scientifiques occidentaux en 1910. Leur grande taille et leur réputation d'animaux redoutables les ont rendus populaires dans les zoos. Dans la nature, leur aire de distribution s'est vue réduite en raison des activités humaines et ils sont considérés par l'UICN comme menacés. Ils sont protégés par la loi indonésienne et un parc national, le parc national de Komodo, a été fondé pour favoriser leur protection.

Description

Morphologie

Gros plan sur la peau d'un dragon de Komodo.

Dans la nature, un dragon de Komodo adulte mesure entre 2 et m et pèse environ 70 kg[7] mais les spĂ©cimens vivant en captivitĂ© atteignent souvent une masse plus Ă©levĂ©e. Le plus grand spĂ©cimen sauvage contrĂ´lĂ© faisait 3,13 m de long et pesait 166 kg, y compris les aliments non digĂ©rĂ©s encore prĂ©sents dans son estomac[2]. Il est de couleur vert foncĂ©, gris ou noir, ce qui lui permet de se fondre dans son environnement et de s'approcher discrètement de ses proies pour les surprendre. La peau du Dragon de Komodo est renforcĂ©e par des plaques munies de petits os appelĂ©s ostĂ©odermes, qui forment une sorte de cotte de maille[8]. Cette particularitĂ© rend la peau de l'animal peu appropriĂ©e pour la confection de cuir. Le Dragon de Komodo possède une queue aussi longue que son corps. Sa mâchoire prĂ©sente près de 60 dents cannelĂ©es. Celles-ci tombent pour ĂŞtre rĂ©gulièrement remplacĂ©es et peuvent mesurer jusqu'Ă  2,5 cm de long. Les deux mâchoires sont reliĂ©es par un ligament très Ă©lastique qui lui permet d'ouvrir la gueule de manière très importante[9]. Sa salive est souvent teintĂ©e de son propre sang car les dents sont presque entièrement recouvertes de tissu gingival qui se dĂ©chire naturellement lorsque l'animal s'alimente[10]. Cela crĂ©e un milieu idĂ©al pour la croissance des souches de bactĂ©ries qui colonisent sa bouche[11]. Il possède une longue langue jaune profondĂ©ment fourchue[2]. Ses pattes se terminent par de longues griffes courbes.

Biologie et Ă©cologie

Sens

Le Dragon de Komodo ne dispose pas d'une ouĂŻe particulièrement dĂ©veloppĂ©e, en dĂ©pit de ses conduits auditifs bien visibles, et n'est capable de percevoir que les sons dont la frĂ©quence est situĂ©e entre 400 et 2 000 Hz [12] - [2] (Ă  titre de comparaison, l'oreille humaine perçoit les sons d'une frĂ©quence entre 20 et 20 000 Hz). On pensait mĂŞme qu'il Ă©tait sourd après qu'une Ă©tude avait montrĂ© son absence de rĂ©action Ă  la voix murmurĂ©e, Ă  la voix posĂ©e ou Ă  la voix criĂ©e. Cette thĂ©orie fut mise Ă  mal lorsqu'un employĂ© du jardin zoologique de Londres, Joan Proctor, dressa un spĂ©cimen du parc Ă  sortir pour se nourrir au son de sa voix, alors que lui-mĂŞme restait cachĂ©[13].

Le varan de Komodo est capable de voir jusqu'Ă  300 m. Cependant, ses rĂ©tines ne contenant que des cĂ´nes, on pense que sa vision de nuit est faible. Il est en mesure de distinguer les couleurs mais il souffre d'une faible discrimination visuelle des objets immobiles[14].

Comme beaucoup d'autres reptiles, le Dragon de Komodo utilise sa langue pour reconnaĂ®tre les stimuli gustatifs et olfactifs, (organe vomĂ©ronasal ou organe de Jacobson) ; c'est sa langue qui l'aiderait Ă  se dĂ©placer dans l'obscuritĂ©[11]jusqu'Ă  4, voire 9,5 km de distance[10] - [14].

Ses narines ne lui sont pas d'une grande utilité pour analyser les odeurs car l'animal ne possède pas de diaphragme permettant de contrôler sa respiration et ainsi de pouvoir renifler avec précision les odeurs[10] - [11]. De plus sans diaphragme, il ne peut pas aspirer l'eau pour la boire ni la laper avec sa langue, donc il recueille l'eau dans sa gueule puis relève la tête pour la faire couler dans sa gorge[10].

Il ne dispose que de peu de papilles gustatives au fond de sa gorge[11].

Ses écailles, qui sont ossifiées, possèdent pour certaines des plaques sensorielles innervées qui accentuent son sens du toucher. Les écailles autour des oreilles, des lèvres, du menton, et de la plante des pattes peuvent présenter trois fois plus de plaques sensorielles que les autres[10].

Comportement

Gros-plan sur une patte arrière et la queue d'un dragon de Komodo.

Le Dragon de Komodo apprĂ©cie les lieux chauds et secs et vit en gĂ©nĂ©ral dans des zones de prairies, de savanes ou de forĂŞts tropicales Ă  basse altitude. En tant qu'animal poĂŻkilotherme, il est plus actif dans la journĂ©e, mĂŞme s'il prĂ©sente une certaine activitĂ© nocturne. Il est très souvent solitaire, se rapprochant des autres seulement pour s'accoupler et manger. Il peut courir jusqu'Ă  20 km/h sur de courtes distances, plonger jusqu'Ă  4,5 m de profondeur, grimper dans les arbres lorsqu'il est jeune en utilisant ses griffes puissantes[7]. Pour attraper des proies hors de portĂ©e, il peut se dresser sur ses pattes postĂ©rieures en utilisant sa queue comme point d'appui[13]. Lorsque le Dragon de Komodo arrive Ă  l'âge adulte, il utilise les griffes de ses pattes antĂ©rieures pour creuser des galeries qui peuvent atteindre 1,3 m de large[15]. En raison de sa grande taille et de son habitude de dormir sous terre, il est capable de conserver la chaleur de son corps tout au long de la nuit et de minimiser sa pĂ©riode de rĂ©chauffement matinale[16]. Le Dragon de Komodo chasse gĂ©nĂ©ralement l'après-midi, mais reste Ă  l'ombre dans les racines traçantes d'un arbre pendant les heures les plus chaudes de la journĂ©e. Ses lieux de repos sont gĂ©nĂ©ralement situĂ©s sur des corniches balayĂ©es par une brise de mer fraĂ®che, marquĂ©es par ses dĂ©jections et dĂ©barrassĂ©es de toute vĂ©gĂ©tation. Elles servent Ă©galement d'emplacements stratĂ©giques Ă  partir desquels ils peuvent tendre une embuscade Ă  un cerf[14].

Alimentation

Dragons de Komodo sur l'île de Rinca.

Les dragons de Komodo sont carnivores. Les adultes, bien qu'ils se nourrissent essentiellement de charognes[3], peuvent également tuer des animaux dont ils s'approchent furtivement. Arrivés à proximité, ils les attaquent soudainement et les mordent au ventre ou à la gorge[10] ou, s'ils ne sont pas de trop grande taille, leur brisent la colonne vertébrale d'un coup de gueule. On a vu des varans de Komodo assommer des cerfs ou des porcs d'un coup de queue[17]. On a toujours cru que ces lézards possédaient une puissante morsure, mais les calculs informatiques de la force de la mâchoire, à partir de la forme des os et de la taille des muscles, montrent dans le cas de Varanus komodoensis des résultats qui sont en dessous des attentes, avec une mâchoire 6,5 fois moins puissante que celle du crocodile marin[18]. La mâchoire serait en revanche plus adaptée au déchiquetage des proies pour effectuer des tractions arrière violentes.

Dragon de Komodo marchant et sentant avec sa langue (parc national de Komodo.)

Les dragons de Komodo mangent de grands morceaux de chair qu'ils avalent tout rond en maintenant la carcasse avec leurs pattes avant. Pour des proies plus petites (jusqu'à la taille d'une chèvre), leurs mâchoires élastiques, leur crâne souple et leur estomac extensible leur permettent d'avaler l'animal entier. Ils évitent de consommer les végétaux contenus dans l'estomac et les intestins de leurs proies[11]. Ils produisent une grande quantité de salive qui leur permet de lubrifier leur nourriture, mais la déglutition est toujours un processus long (il leur faut quinze à vingt minutes pour avaler une chèvre entière). Ils peuvent accélérer le processus en appuyant la carcasse contre un arbre pour la forcer à s'enfoncer dans leur gorge, poussant parfois avec une telle force que l'arbre tombe[19]. Pour ne pas s'étouffer en avalant leur proie, ils respirent à l'aide d'un conduit placé sous la langue et relié aux poumons[10]. Après avoir mangé jusqu'à 80 % de leur propre poids en un repas[5], ils s'installent dans un endroit ensoleillé pour accélérer la digestion, afin d'éviter que la nourriture ne pourrisse et les empoisonne. En raison de leur métabolisme lent, les grands dragons peuvent survivre avec un repas par mois[10]. À la fin de la digestion, les dragons de Komodo régurgitent les cornes, poils et dents de leurs proies (bézoard) entourés d'un mucus malodorant. Après s'être débarrassés de ces phanères indigestes, ils se frottent la gueule dans la terre ou sur les buissons environnants pour enlever le mucus restant, ce qui donne à penser qu'ils n'apprécient guère l'odeur de leurs propres déjections[10].

Jeune dragon de Komodo sur l'île de Rinca en train de se nourrir de la carcasse d'un buffle.

Lorsqu'ils mangent en groupe, les plus gros dragons mangent généralement en premier tandis que les plus petits suivent dans un ordre hiérarchique. Le plus grand des mâles affirme sa position dominante et les subalternes affichent leur soumission par des attitudes corporelles, des sifflements et des grondements. Les dragons de même taille peuvent avoir recours à la « lutte ». Généralement, les perdants battent en retraite mais ils peuvent aussi être tués et mangés par les vainqueurs[10].

Le Dragon de Komodo a un rĂ©gime alimentaire très variĂ©, qui comprend des invertĂ©brĂ©s, d'autres reptiles (y compris de petits dragons de Komodo), des oiseaux, des Ĺ“ufs d'oiseaux, de petits mammifères, des singes, des sangliers, des chèvres, des cerfs, des chevaux et des buffles[20]. Les jeunes dragons mangent des insectes, des Ĺ“ufs, des geckos et de petits mammifères[3]. Parfois, ils s'attaquent aux ĂŞtres humains (surtout aux enfants qui vivent Ă  proximitĂ© et oublient le danger) et aux cadavres humains en creusant les tombes pour les dĂ©terrer[13]. Cette habitude de s'attaquer aux morts a obligĂ© les villageois de Komodo Ă  dĂ©placer leurs tombes des sols sablonneux vers des sols argileux et Ă  les recouvrir de tas de pierres pour dissuader les dragons de creuser[11]. Le Dragon de Komodo pourrait avoir Ă©voluĂ© vers le gigantisme pour se nourrir de l'Ă©lĂ©phant nain local, le StĂ©godon aujourd'hui disparu qui vivait sur l'Ă®le de Florès il y a encore 12 000 ans, selon le biologiste Ă©volutionniste Jared Diamond[21].

Venin et bactéries

Un dragon de Komodo en plein sommeil. Ses longues griffes incurvées lui servent à se battre et à s'alimenter.

Les biologistes, comme Walter Auffenberg, qui ont Ă©tudiĂ© les dragons de Komodo dans les annĂ©es 1970 et 1980, ont remarquĂ© que les buffles d'eau qui s'Ă©chappaient après une première morsure de dragon, mouraient ensuite par septicĂ©mie Ă  la suite de l'infection de leur plaie. Ils en avaient conclu que la salive des dragons de Komodo contenait des bactĂ©ries mortelles qui tuaient leurs proies. Cette hypothèse semblait confirmĂ©e par l'identification dans la salive de dragon de plus de 28 souches gram-nĂ©gatif et 29 souches gram-positif[22]. Des Ă©tudes plus rĂ©centes ont dĂ©montrĂ© que ces bactĂ©ries sont communes Ă  la plupart des prĂ©dateurs, et en trop faible quantitĂ© pour jouer un rĂ´le significatif dans l'infection des plaies dues aux morsures. Les buffles d'eau sont des occupants rĂ©cents des Ă®les de Komodo, et leur taille est inhabituelle par rapport aux proies prĂ©sentes dans l'environnement dans lequel les dragons ont Ă©voluĂ©. Ceci explique leur survie Ă  l'attaque des dragons, contrairement aux porcs et cerfs (autres habitants rĂ©cents des Ă®les) de tailles proches des proies habituelles des dragons. Mais le buffle d'eau se rĂ©fugie d'instinct dans les cours d'eau et Ă©tangs, or ces eaux sur les Ă®les de Komodo sont stagnantes et servent d'habitats Ă  de nombreuses bactĂ©ries qui infectent les blessures subies par les buffles. Les dragons se nourrissent ensuite simplement des bĂŞtes qui ont succombĂ© Ă  une septicĂ©mie[23] - [24] - [25].

Fin 2005, des chercheurs de l'université de Melbourne sont arrivés à la conclusion que le varan Perenti (Varanus giganteus), d'autres espèces de varans et certains Agamidae pouvaient être légèrement venimeux. L'équipe de chercheurs a démontré que les effets immédiats des morsures de ces reptiles étaient causés par une envenimation locale. En observant les effets des morsures de doigts chez l'être humain par un varan bigarré (V. varius), un dragon de Komodo et un Varanus scalariset, on a constaté pour les trois types de morsure la survenue de symptômes similaires : apparition rapide d'un œdème du bras, perturbation de la coagulation sanguine locale, douleurs s'étendant au coude, certains des symptômes persistant plusieurs heures[26]. On suppose que tous les squamates, venimeux ou non, y compris les serpents, ont en commun un ancêtre venimeux[26].

En 2009, le scientifique Brian Grieg Fry et son équipe de spécialistes du Venomics Research Laboratory de l'université de Melbourne[18] ont découvert des glandes à venin, grâce à une imagerie médicale (spectroscopie RMN) faite sur un spécimen vivant en captivité, malade et en fin de vie. Cet animal a été sacrifié pour pouvoir analyser ses glandes au spectromètre de masse, ce qui a permis de se rendre compte que ce venin ressemble beaucoup à celui des serpents et à celui du monstre de Gila. Les glandes à venin comptent six compartiments, et sont capables de produire plusieurs protéines. Elles ne sont pas placées au-dessus de la mâchoire comme chez les serpents mais en dessous[27]. La sécrétion du venin se fait dès la première morsure : lorsque l'animal ferme sa gueule, des muscles pressent sur les glandes, faisant sortir le venin. Chez l'animal mordu, le venin provoque une forte chute de pression artérielle.

Il n'existe pas d'antivenin spécifique à la morsure d'un dragon de Komodo, mais la plaie peut généralement être traitée par nettoyage de la zone blessée et par administration de fortes doses d'antibiotiques. Si la plaie n'est pas traitée au plus tôt, une nécrose locale peut rapidement se développer, pouvant nécessiter l'exérèse de la zone nécrosée, voire l'amputation du membre touché.

Reproduction

Accouplement

Accouplement de varans de Komodo.

Les varans de Komodo s'accouplent entre mai et août et la ponte des œufs a lieu en septembre[2]. Durant la saison des amours, les mâles s'affrontent pour la conquête des femelles et d'un territoire en se dressant sur leurs pattes postérieures, puis en maintenant le plus faible au sol. Les mâles peuvent vomir ou déféquer lors de leur préparation au combat[13]. Le vainqueur de la lutte ira alors lécher la femelle de sa langue pour obtenir des informations sur sa réceptivité sexuelle[5]. Les femelles sont opposantes et résistent avec leurs griffes et leurs dents au cours des préliminaires sexuels. Par conséquent, le mâle enserre la femelle pendant le coït pour éviter d'être blessé. Une autre méthode de cour consiste pour le mâle à frotter son menton sur la femelle, à lui gratter fort le dos et à la lécher[11]. La copulation se produit lorsque le mâle insère l'un de ses hémipénis dans le cloaque de la femelle[14]. Les dragons de Komodo sont monogames et forment des couples, un comportement rare chez les reptiles[13].

Ponte

La femelle pond ses œufs dans des terriers à flanc de colline ou dans les nids abandonnés de mégapodes de Reinwardt avec une préférence pour la seconde méthode[28]. Les portées contiennent une moyenne de 20 œufs qui ont une période d'incubation de sept à huit mois[13]. La femelle se place sur les œufs pour les couver et les protéger jusqu'à ce qu'ils éclosent vers le mois d'avril, à la fin de la saison des pluies, lorsque les insectes sont nombreux. L'éclosion est un effort épuisant pour les jeunes varans, qui sortent de leur coquille en la perçant avec leur diamant (une petite excroissance pointue sur le museau qui disparaît peu après). Après avoir cassé leur coquille, les nouveau-nés doivent se reposer pendant des heures avant de sortir du nid. Ces petits sont sans défense, et nombreux sont ceux qui sont mangés par des prédateurs[10].

Croissance des jeunes

Les jeunes dragons de Komodo passent une grande partie de leurs premières années dans les arbres, où ils sont relativement à l'abri des prédateurs, y compris des adultes cannibales, pour qui les jeunes dragons représentent 10 % de l'alimentation[13]. Selon David Attenborough, l'habitude de cannibalisme peut être avantageuse dans le maintien de la grande taille des adultes[17]. Quand les jeunes sont menacés par un adulte, ils s'enduisent de matières fécales ou se cachent dans des intestins d'animaux éviscérés afin de se protéger[13]. Il faut environ trois à cinq ans aux dragons de Komodo pour arriver à maturité, et ils peuvent vivre jusqu'à cinquante ans[15].

Parthénogenèse

Juvénile de dragon de Komodo parthénogénétique du zoo de Chester.

Un dragon de Komodo femelle du zoo de Londres, nommé Sungai, a pondu à la fin de 2005 après avoir été prêté par le zoo de Thoiry et séparé de la compagnie de tout mâle depuis plus de deux ans. Les scientifiques ont d'abord cru qu'elle avait été en mesure de stocker le sperme de sa première rencontre avec un mâle, un type particulier de superfécondation[29]. Le 20 décembre 2006, Flore, un autre dragon de Komodo vivant en captivité au zoo de Chester en Angleterre, a également pondu des œufs non fécondés, onze œufs au total, dont sept ont éclos pour donner naissance à des mâles. Les scientifiques de l'université de Liverpool en Angleterre ont effectué des tests génétiques sur trois œufs avortés après les avoir placés dans un incubateur et vérifié que Flore n'avait eu aucun rapport sexuel avec un dragon mâle. Après cette découverte sur les œufs de Flore, les tests sur ceux de Sungai confirmèrent qu'ils n'avaient pas non plus été fécondés[29].

Les dragons de Komodo sont porteurs de chromosomes sexuels WZ contrairement aux mammifères porteurs du système XY. Dans ce système, les mâles possèdent deux chromosomes sexuels ou gonosomes ZZ identiques, alors que la femelle a deux gonosomes différents WZ. On suppose à l'heure actuelle qu'au moment de la deuxième division de la méiose, lors de l'anaphase, les chromosomes simples brins restent dans un des deux ovocytes, le second dégénérant de sorte que les individus seront porteurs des mêmes gonosomes WW ou ZZ. Or les individus WW ne sont pas viables, le chromosome W étant déficient en un certain nombre de gènes indispensables à la vie (un peu comme le YY) et donc seuls les individus ZZ (des mâles) seront viables[30] - [31].

On suppose que ce mode de reproduction permet à une femelle vivant seule dans une niche écologique isolée d'assurer sa descendance dans un premier temps par parthénogénèse en lui permettant de donner la vie à de futurs mâles reproducteurs, dans un deuxième temps en s'accouplant avec les mâles procréés afin d'obtenir une nouvelle génération possédant mâles et femelles[30]. Malgré les avantages d'une telle adaptation, les zoos ont été avertis que la parthénogenèse pouvait être préjudiciable à la diversité génétique de l'espèce[6].

Le 31 janvier 2008, le zoo du comté de Sedgwick à Wichita, au Kansas, est devenu le premier zoo américain à observer une reproduction par parthénogenèse de dragons de Komodo. Le zoo a deux femelles adultes de dragons de Komodo, l'une d'elles a pondu 17 œufs les 19 et 20 mai 2007. Seuls deux œufs ont été incubés et ont éclos pour des questions de place, le premier est né le 31 janvier 2008, tandis que le second est né le 1er février. Les deux nouveau-nés étaient des mâles[32].

Distribution et habitat

Aire de répartition

RĂ©partition.

Cette espèce est endĂ©mique d'IndonĂ©sie. Elle n'est prĂ©sente que dans les Ă®les de Gili Motang (environ 100 individus), Gili Dasami (environ 100), Rinca (environ 1 300), Komodo (environ 1 700)[2] et Florès (peut-ĂŞtre 2 000)[33].

La montée des eaux provoquée par le réchauffement climatique pourrait faire disparaitre 30 % de leur habitat d'ici la fin du siècle[34].

Évolution

L'Ă©volution du Dragon de Komodo remonte Ă  l'apparition des premiers varans en Asie, il y a environ 40 millions d'annĂ©es, varans qui ont Ă©migrĂ© vers l'Australie. Il y a environ 15 millions d'annĂ©es, une collision entre l'Australie et l'Asie du Sud-est a permis aux varans de passer vers ce qui est aujourd'hui l'archipel indonĂ©sien. On pense que le Dragon de Komodo est apparu il y a 4 millions d'annĂ©es, se diffĂ©renciant de ses ancĂŞtres australiens et Ă©largissant son territoire jusqu'Ă  l'Ă®le de Timor, Ă  l'est. Une baisse importante du niveau de la mer au cours de la dernière pĂ©riode glaciaire a dĂ©couvert de vastes Ă©tendues du plateau continental que le Dragon de Komodo a colonisĂ©es, puis il s'est retrouvĂ© isolĂ© sur ces Ă®les lorsque le niveau de la mer est lentement remontĂ©[2].

Étymologie et autres noms

Étymologie

Le nom du genre, Varanus, est une latinisation du mot waran qui signifie « avertisseur » en arabe égyptien[35].

Le nom d'espèce, issu de Komodo avec le suffixe du génitif latin -ensis (« de, qui vit dans, qui habite »), a été donné à Varanus komodoensis en référence au lieu de sa découverte.

Noms vernaculaires

Dans les îles de Flores et de Rinca les natifs l'appellent Buaja darat (« Crocodile terrestre »), un nom erroné car il ne s'agit pas d'un crocodile mais bien d'un varan. Sur l'île de Komodo les habitants le nomment Ora. En Indonésie on l'appelle Biawak raksasa[36] (« Varan géant »). La communauté scientifique le nomme « Varan de Komodo » ou simplement « Komodo ».

Synonymes

Selon Reptarium Reptile database il existe plusieurs taxons, mais aucune sous-espèce :

  • Varanus Komodoensis Ouwens, 1912 (protonyme)
  • Varanus (Varanus) komodoensis Mertens, 1942
  • Varanus komodoensis De Rooij, 1915
  • Varanus komodoensis De Lisle, 1996
  • Varanus komodoensis AST, 2001

Le Dragon de Komodo et l'Homme

DĂ©couverte par le monde occidental

Pièce de monnaie indonésienne.

Les dragons de Komodo sont connus depuis toujours par les habitants des îles. L’existence du Dragon de Komodo est rapportée pour la première fois au début du XXe siècle par deux pêcheurs de perles néerlandais, messieurs Kock et Aldégon qui, lors d’un voyage en Indonésie, seraient tombés nez à nez avec ce « monstre ». Pour des Européens, la surprise était totale mais les indigènes apprirent aux pêcheurs que l'animal qu’ils avaient rencontré s’appelait « ora » dans la langue locale et qu’il était si féroce qu’il pouvait terrasser un bœuf et même s’attaquer à un humain.

En 1910, d'autres pêcheurs transmirent des propos inquiétants au gouverneur de la région, le lieutenant Van Steyn Hensbroek de l'administration coloniale néerlandaise, qui rapporta des rumeurs de l'existence d'un crocodile terrestre dans la région[37]. La connaissance s'est généralisée après 1912, lorsque Pieter Ouwens, le directeur du musée zoologique à Bogor sur l’île de Java, publia un article sur le sujet après avoir reçu du lieutenant une photo et une peau, ainsi que deux autres spécimens provenant d'un collectionneur[38]. Par la suite, la découverte du Dragon de Komodo fut le facteur déterminant pour l'organisation d'une expédition sur l'île de Komodo par W. Douglas Burden en 1926. Il revint avec douze spécimens préservés et deux animaux vivants. Cette expédition fut à l'origine de l'inspiration du film King Kong en 1933[38]. Burden fut également à l'origine du nom commun « Dragon de Komodo ». Trois de ces spécimens furent empaillés et sont encore visibles au Musée américain d'histoire naturelle[39].

Études

Les Néerlandais, réalisant le nombre limité d'individus disponibles dans la nature, en ont interdit la chasse et ont fortement limité le nombre de prélèvements autorisé pour l'étude scientifique. Les expéditions de collecte ont été arrêtées au début de la Seconde Guerre mondiale, pour ne reprendre que dans les années 1950 et 1960, lorsqu'on a lancé des études sur le Dragon de Komodo pour connaître son comportement alimentaire, son mode de reproduction et la régulation de sa température corporelle. À cette époque, une expédition a été planifiée pour organiser une étude à long terme du Dragon de Komodo. Cette tâche a été confiée à la famille Auffenberg, qui est restée sur l'île de Komodo pendant onze mois en 1969. Au cours de leur séjour, Walter Auffenberg et son assistant Putra Sastrawan ont capturé et marqué plus de cinquante dragons de Komodo[40]. Les recherches de l'expédition se révéleront extrêmement importantes pour l'élevage de dragons de Komodo en captivité[2]. Les recherches qui ont suivi celles d'Auffenberg avec des biologistes, tels que Claudio Ciofi et qui continuent à étudier les dragons ont apporté plus de lumière sur la connaissance de l'animal[41]. Le premier homme à avoir élevé un dragon de Komodo en France est Jackie Verrier.

Sauvegarde

Un dragon de Komodo se prélassant au soleil au Disney's Animal Kingdom.

Le Dragon de Komodo est une espèce en danger et figure sur la liste rouge de l'UICN[42]. En 2002, Il y avait entre 4 000 et 5 000 dragons de Komodo vivant Ă  l'Ă©tat sauvage. Toutefois, il ne semblait plus exister que 350 femelles reproductrices[43]. Pour rĂ©pondre Ă  une telle prĂ©occupation, le Parc national de Komodo a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 1980 pour protĂ©ger les populations de dragons de Komodo, y compris sur les Ă®les de Komodo, Rinca et Padar[44]. Plus tard, les rĂ©serves de Wae Wuul et Wolo Tado ont Ă©tĂ© ouvertes sur l'Ă®le de Flores pour aider Ă  la conservation du Dragon de Komodo[41]. On a prouvĂ© que les dragons de Komodo sont de plus en plus habituĂ©s Ă  la prĂ©sence humaine, car ils sont souvent nourris des carcasses d'animaux sur plusieurs stations d'alimentation implantĂ©es pour les touristes[3].

L'activité volcanique, les tremblements de terre, la perte d'habitat, le feu (la population à Padar a été presque détruite par un feu de forêt et a mystérieusement disparu depuis[41] - [10]), la diminution du nombre de proies, le tourisme et le braconnage ont tous contribué à la vulnérabilité du Dragon de Komodo. En vertu de l'Annexe I de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction), le commerce de peaux ou de spécimens est illégal[11] - [45]. En septembre 2021, l'espèce est classée en danger par l'UICN. Il est estimé que la montée du niveau des océans pourrait provoquer la disparition d'au moins 30% de l'habitat du Dragon de Komodo dans les 45 prochaines années[46].

Le biologiste australien Tim Flannery a suggéré que l'écosystème australien pourrait bénéficier de l'introduction de dragons de Komodo, qui pourrait occuper en partie le grand créneau carnivore laissé vacant par l'extinction du varanidé géant Megalania. Toutefois, Flannery plaide pour la plus grande prudence et une extension progressive de ces expériences, en particulier car « le problème de la prédation des grands varanidés sur l'homme ne doit pas être sous-estimé ». Il se sert de l'exemple de la réussite de la coexistence des humains avec les crocodiles d'eau salée au nord de l'Australie comme preuve que les Australiens peuvent s'adapter avec succès à une telle expérience[47].

Agressivité

Bien que les attaques contre les humains soient très rares, les dragons de Komodo peuvent tuer. Le , un dragon de Komodo a attaquĂ©, sur l'Ă®le de Komodo, un garçon de huit ans qui est mort des suites d'une hĂ©morragie massive. C'Ă©tait la première attaque meurtrière en 33 ans[48]. Les autochtones ont imputĂ© l'attaque Ă  l'interdiction des sacrifices de chèvres, ce qui diminue les sources de nourriture pour les dragons et les oblige Ă  errer dans les territoires habitĂ©s Ă  la recherche de nourriture. Pour les indigènes de l'Ă®le de Komodo, les dragons de Komodo sont en fait la rĂ©incarnation de concitoyens morts et sont donc traitĂ©s avec respect[49].

En captivité

Un dragon de Komodo au parc zoologique national de Washington. En dépit de conduits auditifs bien visibles, les dragons de Komodo n'entendent pas très bien.

Les dragons de Komodo ont longtemps constitué des attractions importantes pour les zoos, où leur taille et leur réputation les rendaient populaires. Rares dans ces espaces, ils ne se reproduisent pas facilement en captivité[43].

Le premier dragon de Komodo a été exposé en 1934 au parc zoologique national de Washington, aux États-Unis, mais il a vécu pendant deux ans seulement. Plusieurs autres tentatives d'exposition de dragons de Komodo ont été faites par la suite, mais la durée de vie de ces créatures a été très courte, avec une moyenne de cinq ans pour le parc zoologique national de Washington. Les études réalisées par Walter Auffenberg (en), qui ont été rapportées dans son livre The Behavioral Ecology of the Komodo Monitor, ont ensuite permis d'élever avec plus de succès et de faire se reproduire des dragons en captivité[2].

De nombreux dragons ont été apprivoisés rapidement en captivité, et les gardiens ont fait sortir à nombreuses reprises des animaux captifs de leur enclos pour venir parmi les visiteurs, y compris de jeunes enfants, sans aucun incident[50] - [51]. Les dragons sont également capables de reconnaître les individus. Ruston Hartdegen du zoo de Dallas (en) rapporte que leurs dragons de Komodo réagissaient différemment en présence de leur gardien habituel, d'un gardien moins familier ou d'un gardien totalement inconnu[52].

Les recherches sur les dragons de Komodo en captivité ont également fourni la preuve qu'ils se livrent au jeu. Une étude a porté sur un dragon qui poussait une pelle abandonnée par son propriétaire, apparemment pour écouter le bruit de la pelle sur les cailloux. Une jeune femelle dragon du parc zoologique national de Washington récupérait différents objets comme des statues, des canettes, des anneaux en plastique et des couvertures pour les secouer. Elle insérait également sa tête dans des boîtes, des chaussures et d'autres objets. Elle ne confondait pas ces objets avec de la nourriture, comme elle se contentait de les avaler s'ils étaient couverts de sang de rat. Ce jeu social est comparable au jeu chez les mammifères[5].

Dragons de Komodo au zoo de Toronto. Les dragons de Komodo en captivité deviennent souvent obèses, stockant en particulier des matières grasses dans leurs queues, en raison de leur alimentation régulière.

Une autre façon de jouer a été étudiée par l'université du Tennessee, où un jeune dragon de Komodo nommé Kraken s'amusait avec différents objets qu'il poussait, attrapait puis prenait dans sa gueule. Elle les traitait différemment de son alimentation. Le chercheur Gordon Burghardt a donc réfuté le point de vue décrivant ce mode de jeu comme étant « motivé par le comportement prédateur du dragon ». Kraken a été le premier dragon de Komodo né en captivité en dehors de l'Indonésie. Il est né au zoo de Washington le 13 septembre 1992[53] - [2].

Même dociles en apparence, les dragons sont imprévisibles et peuvent devenir agressifs, surtout lorsque l'animal voit son territoire envahi par un inconnu. En juin 2001, un dragon de Komodo a gravement blessé Phil Bronstein, rédacteur en chef du San Francisco Chronicle, quand il est entré dans le parc de l'animal au zoo de Los Angeles après y avoir été invité par son gardien. Bronstein a été mordu au pied, car le gardien lui avait demandé de retirer ses chaussures blanches, ce qui aurait pu exciter le dragon de Komodo[54] - [55]. Bien qu'il s'en soit sorti, il a subi une intervention chirurgicale pour réparer ses tendons endommagés[56].

Le Dragon de Komodo dans la culture

  • Dans le 23e film de la saga James Bond, Skyfall de Sam Mendes, on peut apercevoir lors d'une scène, un dragon de Komodo s'en prendre violemment Ă  un homme tombĂ© dans son enclos et le traĂ®ner jusqu'Ă  sa tanière pour le dĂ©vorer.
  • Dans le manga BTOOOM! de Junya Inoue (ainsi que dans son adaptation en sĂ©rie animĂ©e), le groupe dont fait partie le hĂ©ros est attaquĂ© de nuit par une meute de Varans particulièrement hostile. Essentiellement parce qu'ils occupent le territoire des sauriens, ainsi que leur accès Ă  un proche point d'eau.
  • Dans le jeu vidĂ©o Far Cry 3, les Ă®les sur lesquelles Ă©volue le personnage sont peuplĂ©es de varans de Komodo qui peuvent l'attaquer.
  • Dans l'album des aventures de Tintin Vol 714 pour Sydney, Tintin et le Capitaine Haddock font la rencontre d'un dragon de Komodo.
  • Le film d'horreur australo-amĂ©ricain Komodo (film) sorti en 1999 met en scène des dragons de Komodo mangeurs d'hommes.
  • Dans le manga Beastars de Paru Itagaki, un proche du personnage principal est un dragon de Komodo anthropomorphisĂ©.

Notes et références

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Voir aussi

Bibliographie

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Références taxinomiques

Liens externes

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