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Organe voméronasal

L’organe voméronasal (ou « OVN » ou organe de Jacobson) est un organe tubulaire situé chez l'humain sous la surface intérieure du nez.

Cliquer sur l'image, pour voir (près des narines) les orifices de l'organe voméronasal de la salamandre tachetée
Canal de l'organe voméronasal (2) et Canal nasopalatin (4), chez l'être humain.
Canal nasopalatin chez l'être humain. Derrière les incisives débute le canal incisive, où se trouve le canal nasopalatin qui débouche dans le nez
Coupe de la cavitĂ© nasale d’un embryon humain long de 28 mm. L’organe de Jacobson est identifiĂ© Ă  droite. Source : Henry Gray's Anatomy of the Human Body.

Chez les mammifères, cet organe est spécialisé dans la détection des phéromones, qui sont des molécules véhiculant des signaux innés. Ces signaux permettent de réguler les comportements sociaux (comportements sexuel, parental, d'agression …). Suivant les espèces, il existe des différences anatomiques. Les phéromones arrivent à l'organe voméronasal soit par la bouche (par léchage ou flehmen), soit par le nez, soit par le canal nasopalatin (qui relie la bouche et le nez).

Chez les Catarrhiniens (Macaques, Babouins, et Hominidés), le système voméronasal est vestigial. Chez l'être humain, l'organe voméronasal n'est quasiment plus fonctionnel, le bulbe olfactif accessoire est atrophié, et le canal nasopalatin est généralement obturé[1].

Anatomie

L'organe voméronasal existe chez tous les mammifères. Il doit son nom à un os du nez, le vomer, qui forme la partie postéro-inférieure du septum nasal de la cloison des fosses nasales. Il est également appelé organe de Jacobson, car il a été découvert en 1811 par le Danois Ludvig Jacobson[2]. Il est innervé par le nerf terminal, apparemment non fonctionnel chez l'homme mais jouant un rôle dans les techniques de prédation des reptiles[3].

Le système voméronasal est constitué par le canal nasopalatin, l'organe voméronasal et le bulbe olfactif accessoire[1] (voir les figures ci-contre).

  • L'organe vomĂ©ronasal est situĂ© dans la cloison nasale chez l'homme.
  • Le canal nasopalatin permet de relier la bouche et le nez. Il est situĂ© dans le palais derrière les incisives, passe Ă  travers le canal incisive et dĂ©bouche dans la cavitĂ© nasale.
  • Le bulbe olfactif accessoire est la structure du cerveau qui reçoit et traite les signaux provenant de l'organe vomĂ©ronasal.

Chez les mammifères, on trouve trois types de relations anatomiques entre l'organe voméronasal et le canal nasopalatin. L'organe voméronasal débouche soit[1] :

  • dans la cavitĂ© nasale, près du canal nasopalatin (cas des rongeurs et des chauves-souris) ;
  • dans le canal nasopalatin (cas des chats) ;
  • dans la cavitĂ© orale (cas des ovins, bovins, chevaux…).

Physiologie

En fonction de l'anatomie des mammifères, les phéromones peuvent arriver à l'organe voméronasal de plusieurs façons[1] :

  • si l'ouverture de l'organe vomĂ©ronasal est dans la cavitĂ© orale ou dans le canal nasopalatin, l'animal inspire de l'air par la bouche (c'est le flehmen, chez les ovins, bovins, chevaux, fĂ©lidĂ©s...) ;
  • si l'ouverture de l'organe vomĂ©ronasal est dans la cavitĂ© nasale, l'animal inspire de l'air par le nez. Des phĂ©romones solubles peuvent Ă©galement ĂŞtre recueillies par lĂ©chage, puis ĂŞtre transmises de la bouche vers le nez via le canal nasopalatin (cas des rongeurs).

Chez la plupart des mammifères, l'organe voméronasal est spécialisé dans la détection des phéromones. Ces molécules transmettent des signaux innés qui influencent la physiologie ou qui permettent de réguler les comportements sociaux (comportement sexuel, parental, d'agression …).

Comment l'organe voméronasal fonctionne-t-il ?

En contact avec la partie postérieure et inférieure de la cloison des cavités nasales, les organes voméronasaux reposent sur ses deux prolongements antérieurs. Une lamelle osseuse ou cartilagineuse enveloppe le côté latéral de l'organe, l'isolant de la cavité nasale et le maintenant dans une capsule rigide.

En coupe transversale, le canal de l'organe voméronasal est en forme de croissant. Les neurones sensoriels sont exclusivement dans l'épithélium qui forme la face interne, concave du canal. La face latérale convexe n'est pas sensorielle ; elle est couverte de cellules ciliées, analogues à celles du système respiratoire, qui brassent le mucus.

Le canal est un cul-de-sac fermé vers l'arrière et son ouverture antérieure est étroite : comment le mucus externe et les molécules stimulantes qu'il contient sont-ils entraînés à l'intérieur du canal?

En 1949, le physiologiste M. Hamlin a découvert un système de pompage, assuré par une variation de la turgescence du tissu caverneux qui se trouve sous l'épithélium non sensoriel du canal. Ce tissu caverneux est traversé par une grosse veine. Comme l'organe est maintenu rigidement sur sa périphérie, la contraction du tissu caverneux dilate le canal interne et aspire les molécules stimulantes pendant plusieurs secondes. Puis, la vasodilatation du tissu comprime le canal et expulse le liquide analysé. La détection par l'organe voméronasal est donc un mécanisme actif. Selon Michael Meredith, de l'Université de Floride, la pompe s'active, chez des hamsters en captivité, lors de toute situation nouvelle : présence d'un congénère, ouverture de la cage, etc.[4].

Les neurones sensoriels de l'organe voméronasal assurent la double fonction de détection des molécules stimulantes et de transmission de l'information nerveuse au cerveau. Leurs axones très longs, se regroupent en plusieurs rameaux nerveux, qui courent le long de la cloison nasale. Ils passent la lame criblée, qui sépare la cavité nasale du cerveau, et établissent des contacts synaptiques avec les neurones d'une zone du bulbe olfactif, nommé bulbe olfactif accessoire en raison de sa taille (pas de sa fonction!).

Comme les neurones olfactifs, les neurones voméronasaux proviennent de la différenciation du tissu olfactif embryonnaire. Comme les neurones olfactifs, encore, les neurones voméronasaux possèdent une longue dendrite, dont l'extrémité sort dans le canal voméronasal, à la surface de l'épithélium. Cependant cette extrémité porte de nombreuses microvillosités, tandis que les neurones olfactifs, eux, ont des prolongements ciliaires. Les neurones voméronasaux ont également, à la base de leur dendrite, un réticulum endoplasmique très développé, dont la fonction reste mystérieuse (le réticulum endoplasmique est un réseau de citernes intracellulaires chargé, notamment, d'exporter dans la cellule les protéines nouvellement synthétisées).

La physiologie des deux types de neurones diffère également. Selon les études de biologie moléculaire effectuées depuis une dizaine d'années par plusieurs groupes (tels ceux de Catherine Dulac, Richard Axel et Linda Buck, à Harvard, ou de N. Ryba, à l'Université de Bethesda), les neurones voméronasaux comportent, dans leur membrane, des protéines spécifiques qui semblent être les récepteurs des molécules stimulantes.

Ces protéines réceptrices putatives diffèrent des protéines réceptrices des neurones olfactifs. Elles sont codées par des gènes distincts, moins nombreux que les gènes qui codent les protéines réceptrices olfactives. Les neurones voméronasaux et les neurones olfactifs procèdent donc à des lectures différentes du monde chimique environnant.

Le mécanisme de transduction voméronasale, c'est-à-dire la suite des événements moléculaires et électriques qui mènent de la protéine réceptrice activée à l'émission des impulsions nerveuses, diffère également du mécanisme de transduction olfactive.

Le lieu de traitement de l’information est lui aussi différent. En effet des chercheurs suédois ont démontré, par imagerie médicale, que le siège de la perception des phéromones se tenait dans une zone particulière du cerveau, l'hypothalamus, qui n'intervient pas habituellement dans l'odorat , mais joue un rôle important sur le plan des émotions et des comportements sexuels. Contrairement aux odeurs, cette perception ne passe pas par le cerveau conscient - le cortex - elle est reliée au cerveau inconscient.

Effets physiologiques et comportementaux

Les principaux effets physiologiques ou comportementaux actuellement identifiés sont :

  • PhĂ©romones Ă©mises par le mâle :
    • Effet Vandenbergh (Rongeurs) : La pubertĂ© de la souris femelle est plus prĂ©coce quand celle-ci est exposĂ©e aux phĂ©romones prĂ©sentes dans les urines d'un mâle adulte[5] - [6] - [7].
    • Effet Whitten (Rongeurs) : Lorsqu'une femelle adulte est en anĹ“strus, la prĂ©sence du mâle peut induire une reprise rapide des cycles ovariens[8].
    • Effet Bruce (Rongeurs) : La mise en prĂ©sence d'un mâle diffĂ©rent de celui avec lequel la femelle s'est accouplĂ©e bloque le processus de l'implantation de l'embryon chez la souris[9].
  • PhĂ©romones Ă©mises par la femelle
    • Effet Lee-Boot (Rongeurs) : Des souris femelles vivant en groupe en l'absence d'un mâle prĂ©sentent une suppression de la fonction ovarienne[10] - [11].
    • (Rongeurs) : Une phĂ©romone Ă©mise par une souris femelle adulte peut retarder la pubertĂ© des jeunes femelles .

L'organe voméronasal est important, si ce n'est essentiel, pour la reproduction de nombreux mammifères. La reproduction est inhibée ou perturbée en cas de destruction de cet organe[12] - [13].

Fonction chez l'ĂŞtre humain

L’être humain possède un organe voméronasal bien visible chez l'embryon et sous forme d'un système apparenté chez le fœtus[14], mais qui s'atrophie au cours de l'embryogenèse[15] - [16] et qui ne semble pas jouer un rôle aussi prépondérant que pour d’autres espèces.

Deux écoles de neuroscientifiques s’affrontent à propos de l'organe voméronasal humain : l'une indique que cet organe est malgré tout fonctionnel et l’autre affirme qu’il ne s’agit que d’un reliquat de l’évolution.

  • En effet, le canal nasopalatin, qui permet le passage de la bouche vers l'organe vomĂ©ronasal des signaux phĂ©romonaux recueilli par le lĂ©chage ou le flehmen, est vestigial chez l'ĂŞtre humain[1] - [17]. Mais surtout, l'organe vomĂ©ronasal est particulièrement altĂ©rĂ© : chez l'ĂŞtre humain, les 20 gènes VR2 et 115 gènes VR1 sur 120 sont altĂ©rĂ©s[18]. De plus, les gènes TRPC2 des protĂ©ines rĂ©alisant la transduction des signaux phĂ©romonaux sont Ă©galement altĂ©rĂ©s[19]. Pour ces raisons, l'organe vomĂ©ronasal n'est plus fonctionnel. NĂ©anmoins, il reste encore dans l'Ă©pithĂ©lium olfactif 6 gènes TAAR sur 9 qui sont encore fonctionnels[18]. C'est probablement ces gènes TAAR[20] qui expliquent les effets expĂ©rimentaux des Ă©ventuelles phĂ©romones humaines[21]. Mais la dĂ©tection des signaux vĂ©hiculĂ©s par les bouquets de phĂ©romones est rĂ©alisĂ©e principalement par l'organe vomĂ©ronasal[22] et par une interaction entre les deux systèmes olfactifs[23]. La capacitĂ© fonctionnelle de dĂ©tection et de traitement des phĂ©romones est donc grandement altĂ©rĂ©e, ce qui explique que les effets rĂ©siduels des phĂ©romones soient faibles chez l'ĂŞtre humain. Quant aux effets endocriniens et Ă©motionnels obtenus dans des conditions expĂ©rimentales, il reste encore Ă  Ă©valuer leur importance rĂ©elle en conditions naturelles[24]. Enfin , le bulbe olfactif accessoire est atrophiĂ© et le canal nasopalatin est gĂ©nĂ©ralement obturĂ©[25]. Pour toutes ces raisons, il n'existe apparemment plus d'effets phĂ©romonaux significatifs chez l'ĂŞtre humain[26] - [27]. La plupart des Ă©tudes confirmant l'activitĂ© de dĂ©tection de phĂ©romones chez l'humain ne sont pas valides, soit parce que l'importance du système HLA / CMH a Ă©tĂ© surestimĂ©[28], soit parce que l'importance des apprentissages n'a pas Ă©tĂ© pris en compte dans la conception des Ă©tudes[27], ou en raison de la faible influence des Ă©ventuelles phĂ©romones humaines[26]. De plus, des entreprises commerciales et des parfumeurs utilisent Ă  des fins promotionnelles uniquement les publications qui valorisent leurs produits (voir pour exemple les sites commerciaux de James Vaughn Kohl[29] ou du Dr Winnifred Cutler[30]). Pour crĂ©dibiliser l'efficacitĂ© de leurs produits, les commerciaux omettent gĂ©nĂ©ralement de citer dans les rĂ©fĂ©rences scientifiques prĂ©sentĂ©es sur leurs sites Internet ou dans leurs brochures commerciales les problèmes mĂ©thodologiques, les travaux qui invalident leurs rĂ©sultats[31] - [27] et surtout que 90 % des gènes des rĂ©cepteurs aux phĂ©romones sont altĂ©rĂ©s chez l'ĂŞtre humain[18]. « Sur la base des preuves actuelles, la plupart des experts [...] sont sceptiques quant Ă  l’existence d’un organe vomĂ©ronasal fonctionnel chez les ĂŞtres humains adultes[32]. »
  • L'Ă©cole qui soutient que cet organe est fonctionnel (au moins pour la dĂ©tection d'hormones stĂ©roĂŻdiennes[33]) attache une importance dĂ©terminante Ă  son existence (comme Ă  l'odorat et Ă  la vision) pour expliquer l'adaptation aux diverses conditions de vie, en plus de l'instauration d'Ă©quilibres psychologiques eux aussi cruciaux. Divers auteurs estiment que l'importance des phĂ©romones dans l'odorat humain a Ă©tĂ© très ou trop sous-estimĂ©e[34]. Des Ă©tudes ont montrĂ© que les phĂ©romones, très importants dans le comportement animal (de nombreux mammifères y compris), ont encore un rĂ´le non nĂ©gligeable chez l’homme, pouvant constituer des signaux non verbaux capables de susciter des Ă©motions ou des interactions sociales, point de vue notamment dĂ©veloppĂ© par Kohl et al.[35] dans une revue gĂ©nĂ©rale de neuroendocrinologie, puis par d'autres auteurs. Parmi environ un millier de gènes du système olfactif humain, 70 % sont qualifiĂ©s chez l’homme de pseudogènes[36] autrefois supposĂ©s non fonctionnels, mais ces gènes se sont montrĂ©s[37] fonctionnellement liĂ©s au complexe majeur d'histocompatibilitĂ©[38]. Le système olfactif pourrait ainsi ĂŞtre impliquĂ© dans plusieurs problèmes physiopathologiques en partie au moins neuroendocrinien[39] dont l'anorexie mentale (dont une forme peut ĂŞtre induite chez l'animal de laboratoire, associĂ©e Ă  une pubertĂ© retardĂ©e causĂ©e par la perception de phĂ©romones[40]). Une dĂ©gradation de l'olfaction est un indicateur prĂ©coce de la maladie d'Alzheimer[41] - [42]. Cet organe pourrait ĂŞtre impliquĂ© dans le choix d'une odeur d'un homme par une femme[43] et dans les liens qui unissent une mère et son bĂ©bĂ©[44].
    Des sécrétions axillaires s'avèrent capables d'influencer le cycle menstruel féminin[45], et le baiser pourrait peut-être être un moyen pour deux individus d'échanger des signaux chimiques par le contact des lèvres avec la peau et l'ingestion de sébum[46].

Évolution et phylogenèse

L'organe voméronasal est aussi présent chez les amphibiens et les reptiles (lézards, et serpents[47]) ; les molécules chimiques de l'environnement sont récupérées par leur langue.

On considère que l'apparition de l'organe voméronasal avec les amphibiens, et sa présence chez tous les serpents et chez les mammifères terrestres, résultent de l'adaptation des organismes à la vie terrestre : les poissons, qui utilisent l'eau comme vecteur de communication chimique, ne possèdent pas d'organe voméronasal, mais leurs cavités nasales assurent une fonction équivalente. De même, il ne semble pas avoir été possible de mettre en évidence un organe voméronasal (ou un organe homologue) chez les oiseaux (ni d'ailleurs chez les dinosaures)[48].

Notes et références

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Voir aussi

Bibliographie

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