Bataille de Tulle
La bataille de Tulle a lieu lors de la Seconde Guerre mondiale. La ville est attaquée et en partie prise le par les maquisards. Elle est cependant reprise le soir du , à la suite de l'arrivée en renfort d'une colonne de la 2e division SS Das Reich. Les maquisards se replient, laissant la ville aux SS qui le lendemain commettent le massacre de Tulle.
Date | - |
---|---|
Lieu | Tulle |
Issue | Victoire allemande |
FFI | Reich allemand Ătat français |
⹠Jacques Chapou, dit Kléber ⹠Louis Godefroy, dit RiviÚre | ⹠Aurel Kowatsch |
1 800 à 2 700 hommes[1] - [2] (dont 500 à 900 engagés)[2] - [3] | Allemagne : 289 hommes du 95e régiment de sécurité[4] (forces initiales) 2e division SS Das Reich (forces en renfort) Milice et GMR : 600 à 700 hommes |
26 à 30 morts[5] 36 blessés[5] | 37 à 56 morts[6] - [1] 23 à 37 blessés[7] 55 prisonniers (dont 47 exécutés)[8] |
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CoordonnĂ©es | 45° 16âČ 02âł nord, 1° 45âČ 56âł est |
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Forces en présence
L'attaque de Tulle est planifiée par le commandant des maquis FTP de CorrÚze, Jacques Chapou, dit Kléber, mi-avril[Note 1] ou début : « à l'origine, il semble bien que cette attaque ait été envisagée sans aucun lien avec le débarquement dont la date était encore imprévisible[10]. » Elle poursuit plusieurs objectifs : « désarmer, et si possible, anéantir la garnison allemande ; désarmer les Gardes Mobiles et s'approprier leurs armes et véhicules ; rendre inoffensifs la Milice et les collaborateurs connus[11] », mais aussi, « creuser des vides dans la garnison, inspirer une crainte salutaire à ses chefs et les amener à se retrancher dans Tulle sans en plus sortir, faisant ainsi cesser, au moins pour un temps, les expéditions contre les maquis[12]. » Contactés, les responsables de l'Armée secrÚte se montrent tout à fait opposés à une opération contre un centre urbain[13]. la Résistance était trÚs active dans la région désorganisation du trafic ferroviaire du réseau téléphonique, attaques de convois... La division SS Das Reich, établie à Montauban aprÚs avoir combattu sur le Front de l'Est (Seconde Guerre mondiale), à l'Union soviétique de Joseph Staline avait pris en charge la lutte contre les maquis corréziens en attendant d'intervenir contre le débarquement imminent. Elle bénéficiait dans cette besogne du concours d'Henri Lafont, le chef de la Gestapo française, et de ses hommes Abel Danos, Raymond Monange, le nationaliste algérien Mohamed el-Maadi de la Légion nord-africaine sous les ordres du colonel SS Helmut Knochen, no 2 de la police allemande en France[14] - [15].
Selon J. Delarue, Tulle est défendue par une garnison de sept cents hommes du 3e bataillon du 95e régiment de sécurité de la Wehrmacht, auxquels il faut ajouter six ou sept cents hommes des Gardes Mobiles et de la Milice française ; B. Kartheuser estime quant à lui les effectifs du 95e régiment de sécurité à 289 hommes, issus des 8e, 13e compagnies et le (?) l'état-major, sur la base d'un relevé détaillé établi le [4]. Face à eux, les résistants disposent de 1 350 combattants, dont 450 ne participent pas au déclenchement de l'opération et de 1 350 hommes en soutien[2]. Pour Jean-Jacques Fouché et Gilbert Beaubatie, les forces en présence s'élÚvent à un peu plus de trois cents hommes du cÎté allemand, l'attaque étant lancée par quatre cents FTP, qui sont rejoints ensuite par cent-vingt combattants supplémentaires en milieu d'aprÚs-midi le 7 et le 8 au matin[3]. Pour Dominique Lormier, 1 800 maquisards commandés par Jacques Chapou et Louis Godefroy, dit RiviÚre, encerclent la ville dÚs le [1]. La réunion d'état major FTP de l'interrégion B est organisé à Limoges, le 17 avril 1944, pour planifier des opérations à venir. Les FTP étaient décidés à tester véritablement les réactions allemandes. De là une possible attaque de Tulle était envisagée[16]. Robert Caulet participe à la bataille de Tulle puis Jean Labrunie qui sera le maire SFIO de Brive de 1944 à 1946, puis Maire de Brive en 1965-1966[17]. Léon Lanot, Commandant FFI Louis son nom de guerre a la responsabilité du sous-secteur A (Haute-CorrÚze). Il a dirigé les unités qui combattent de juin à août 1944, à Tulle, Egletons, Soudeilles (le 8 août) et Ussel[18].
DĂ©roulement
L'offensive se dĂ©clenche le Ă cinq heures du matin[19] et un coup de bazooka tirĂ© sur la caserne du Champ de Mars oĂč sont cantonnĂ©es les forces de maintien de l'ordre donne le signal de l'attaque[20]. DĂšs six heures, les Ă©difices dans lesquels se trouve la garnison allemande sont cernĂ©s ; la poste et la mairie, oĂč les FTP Ă©tablissent leur poste de commandement sont occupĂ©s vers sept heures[21]. Ă huit heures, la gare elle aussi est prise par les rĂ©sistants, qui y trouvent dix-huit gardes-voies et un employĂ© des chemins de fer, Abel Leblanc[22] : invitĂ©s Ă rejoindre le maquis, ceux-ci prĂ©fĂšrent attendre la fin des combats dans la salle d'attente. Ă 11 h 30, les forces de la Milice et des GMR hissent le drapeau blanc sur la caserne du Champ de Mars : aprĂšs des nĂ©gociations, ils quittent la ville vers seize heures, en emportant tout leur matĂ©riel[20]. Pour Elie Dupuy, dont le groupe de combat FTP n'avait pas Ă©tĂ© touchĂ© par l'ordre de repli de Chapou, ce dĂ©part est un Ă©chec, l'un des buts de l'opĂ©ration Ă©tant de rĂ©cupĂ©rer le matĂ©riel de guerre et de transport des forces de l'ordre ; mais avec son seul bataillon de quatre-vingt-dix hommes, il n'a pas les moyens « de poursuivre l'attaque contre la garnison allemande et, en mĂȘme temps, d'imposer une reddition inconditionnelle aux policiers[23] ».
Pendant ce temps, vers 13 h 30, les Allemands profitent du retrait partiel des maquisards sur les hauteurs ordonnĂ© par Chapou[24] et reprennent briĂšvement le contrĂŽle de la gare, dans laquelle ils dĂ©couvrent Ă leur tour les gardes-voies, porteurs d'un brassard blanc, signe distinctif de leur fonction, mais semblable Ă celui des FTP. DĂšs que les gardes-voies sortent du bĂątiment, sans le moindre interrogatoire, sans mĂȘme ĂȘtre fouillĂ©s, ils sont pris sous le feu des troupes allemandes dans la cour de la gare ou le long des voies menant au garage du chemin de fer dĂ©partemental, fauchĂ©s « par des tirs croisĂ©s dont ceux d'une mitrailleuse leur tirant dans le dos », alors qu'ils s'adressent aux Allemands en leur criant « Camarades! Camarades! »[9]. Seul Abel Leblanc survit Ă la fusillade. Pour B. Kartheuser, il s'agit d'un assassinat dĂ©libĂ©rĂ©, les Allemands Ă©tant au courant de la prĂ©sence des gardes-voies et connaissant leur tenue[25].
Dans la nuit du 7 au 8, alors que les maquisards, toujours privés des 450 hommes du groupe A, se sont retirés sur les hauteurs, la garnison allemande se regroupe en trois lieux : l'école normale de jeunes filles au nord, la manufacture d'armes et l'école de Souilhac au sud[20]. Les combats reprennent à six heures trente du matin[26], la principale offensive étant dirigée contre l'école normale, bastion principal des troupes allemandes. Face à la résistance des Allemands, les FTP boutent le feu à l'édifice vers quinze heures. Vers dix-sept heures, dans des circonstances qui restent peu claires et discutées, les Allemands tentent une sortie ou essaient de se rendre : si l'un d'entre eux agite un chiffon blanc[Note 2], d'autres portent des grenades amorcées[20]. Dans la confusion la plus totale, les maquisards ouvrent le feu à l'arme automatique : certains soldats sont fauchés à bout portant, des grenades explosent, ce qui explique les blessures, terriblement mutilantes observées sur les cadavres. AprÚs la reddition des troupes allemandes, neuf membres du Sicherheitsdienst sont identifiés, notamment avec l'aide d'une trentaine de maquisards libérés, emmenés au cimetiÚre et fusillés sans jugement[27]. Les combats cessent dÚs ce moment, les résistants se contentant de maintenir l'encerclement de la manufacture d'armes et de l'école de Souilhac, qu'ils comptent attaquer le lendemain. Alors que les blessés allemands et français sont emmenés à l'hÎpital, Kléber se rend à la préfecture et demande au préfet Trouillé de continuer à assurer la direction de l'administration. Pour la résistance, à l'exception des deux petits bastions à prendre le lendemain, Tulle est libérée[20].
Le , Ă 21 heures[28], les premiers chars de la 2e division blindĂ©e SS Das Reich arrivent Ă Tulle par trois axes de pĂ©nĂ©tration, prenant les maquisards par surprise. Les postes de l'ArmĂ©e secrĂšte et des FTP Ă©tablis Ă distance ayant Ă©tĂ© balayĂ©s par les blindĂ©s, aucune alerte n'ayant pu parvenir Ă temps Ă Tulle. Les maquisards quittent immĂ©diatement la ville vers les hauteurs, sans livrer de combats, face à « une colonne de secours [...] [qui] ne comprenait que des Ă©lĂ©ments lourds et disposait d'une puissance de feu considĂ©rable » : si des tirs de bazookas depuis le plateau qui domine la ville auraient pu infliger des pertes aux Ă©lĂ©ments de la Das Reich, les rĂ©sistants y renoncent par crainte de causer de lourdes pertes parmi la population civile. Les SS installent leur premier poste de commandement dans le quartier de Souilhac, prĂšs de la manufacture d'armes, avant de s'installer, le lendemain en fin de matinĂ©e, Ă l'hĂŽtel Moderne. Ă ce moment, l'officier le plus Ă©levĂ© en grade est le SS-SturmbannfĂŒhrer Kowatsch, officier de renseignement de l'Ă©tat-major de la division. Durant toute la nuit du 8 au , les S.S. patrouillent dans la ville et assurent l'encerclement de celle-ci.
Les pertes
Les pertes allemandes sont estimĂ©es Ă 37 morts, 25 blessĂ©s et 35 disparus par Sarah Farmer[6]. Pour G. Penaud, elles sâĂ©lĂšvent Ă une cinquantaine de morts, une soixantaine de disparus, sans doute faits prisonniers et de 23 Ă 37 blessĂ©s[7].
Cinquante-cinq soldats de la Wehrmacht et une femme française, membre de la Gestapo, sont faits prisonniers[8] - [29]. Parmi eux, sept soldats tchĂšques et polonais rejoignent les rangs des FTP-MOI[8] - [29]. Un agent de la Gestapo est rapidement abattu en essayant de s'enfuir[30]. Les 47 autres prisonniers et l'agente de la Gestapo sont quant Ă eux fusillĂ©s Ă Meymac le 12 juin 1944[8] - [29]. En 2023, Edmond RĂ©veil, ancien membre des FTP, raconte au journal Le Parisien : « Chaque maquisard avait son bonhomme Ă tuer. Il y en a, parmi les gars, qui nâont pas voulu, dont moi. (...) La femme française, personne ne voulait la tuer. Ils ont tirĂ© au sort⊠Ce jour-lĂ , il faisait une chaleur terrible. On leur a fait creuser leur propre tombe. Ils ont Ă©tĂ© tuĂ©s, on a versĂ© de la chaux sur eux. Je me souviens que ça sentait le sang. On nâen nâa plus jamais reparlĂ©. Câest pas marrant, vous savez, de fusiller quelquâun »[8] - [29]. Selon Edmond RĂ©veil, l'ordre d'exĂ©cuter les prisonniers est donnĂ© par le gĂ©nĂ©ral KĆnig[30]. Ce point est cependant mis en doute par l'historien Nicolas Bernard : « KĆnig a toujours veillĂ© Ă ce que les prisonniers soient bien traitĂ©s. [...] Ce genre de cas Ă©tait laissĂ© Ă lâapprĂ©ciation des maquisards »[31].
Pour Dominique Lormier, alors que les Miliciens et les GMR se sont rapidement retirĂ©s, les pertes de la garnison allemandes sont de 44 Ă 56 morts, 60 prisonniers, dont 25 griĂšvement blessĂ©s[1]. Les pertes des renforts SS arrivĂ©s Ă Tulle le soir du 8, sont de trois morts et neuf blessĂ©s[1]. Selon le colonel Otto Weidinger, chef du 4e rĂ©giment « Der FĂŒhrer » de la 2e division SS Das Reich, 52 corps des soldats allemands sont retrouvĂ©s le 9 au matin, devant une Ă©cole puis un survivant des combats Walter Schmald non dĂ©nuĂ© de sadisme qui sera le responsable de la sĂ©lection des victimes civiles vouĂ©es Ă la pendaison[1].
Pour Jean-Jacques Fouché et Gilbert Beaubatie les pertes des FTP61 sont de 26 morts et 36 blessés, celles des Allemands de 70 tués, sans compter un nombre inconnu de blessés, dont certains mortellement[5]. Jacques Chapou, quant à lui, évoqua 30 morts pour les maquisards[5].
Notes
- Une premiĂšre rĂ©union a lieu le 17 avril 1944, selon Jean-Jacques FouchĂ© et Gilbert Beaubatie, Tulle. Nouveaux regards sur les pendaisons et les Ă©vĂ©nements de juin 1944, Ăditions Lucien Souny, 2008, p. 41
- Ce fait n'est pas mentionné par Trouillé selon lequel les Allemands tentent une sortie en force à coups de mitraillettes et de grenades, P. Trouillé, op. cit., p. 152
Références
- Dominique Lormier, Les F.F.I. au combat, 1994, p.115.
- J. Delarue, op. cit., p. 348-50.
- Jean-Jacques FouchĂ©, Gilbert Beaubatie, Tulle. Nouveaux regards sur les pendaisons et les Ă©vĂ©nements de juin 1944, Ăditions Lucien Souny, 2008, p. 59.
- B. Kartheuser, op. cit., t. 3, p. 93.
- J. J. Fouché, G. Beaubatie, op. cit., p. 97.
- Sarah Farmer, Oradour : arrĂȘt sur mĂ©moire, Paris, Calmann-LĂ©vy, coll. Essai/histoire, 1994, p. 59
- G. Penaud, op. cit., p. 198
- Glenn Gillet, UN RĂSISTANT DE CORRĂZE RĂVĂLE L'EXĂCUTION DE 47 PRISONNIERS DE GUERRE ALLEMANDS EN 1944, BFM TV, 16 mai 2023.
- J. J. Fouché, G. Beaubatie, op. cit., p. 77
- Jacques Delarue, Crimes et Trafics sous l'occupation, Paris, Fayard, Le livre de poche, 1971, p. 346
- Bruno Kartheuser, op. cit., t. 3, p. 304.
- J. Delarue, op. cit., p. 345.
- J. Delarue, op. cit., p. 347.
- https://www.asafrance.fr/images/PDF/actualite/14_06_13_TULLE_et_ORADOUR_HERODOTE.pdf
- https://www.histoire-genealogie.com/Un-du-93-rue-Lauriston
- Fabrice Grenard, Tulle, enquĂȘte sur un massacre 9 juin 1944, , 352 p. (ISBN 979-10-210-0479-5, lire en ligne), p. 79.
- Michel PEYRAMAURE, Das Reich, la division maudite, , 375 p. (ISBN 978-2-221-12416-1, lire en ligne), p. 180.
- https://mairie-soudeilles.fr/evenements-1939-1945/
- Une fusillade nourrie me fait sauter du lit. Le jour point, il est cinq heures, Pierre Trouillé, Journal d'un préfet pendant l'Occupation, Paris, Gallimard, coll. J'ai Lu, 1964, p. 137.
- J. Delarue, op. cit., T. 4, p. 350-359.
- P. Trouillé, op. cit., p. 139
- J. J. Fouché, G. Beaubatie, op. cit., p. 73.
- J. J. Fouché, G. Beaubatie, op. cit., p. 79-80.
- J. J. Fouché, G. Beaubatie, op. cit., p. 78
- B. Kartheuser, T. 3, op. cit., p. 320
- P. Trouillé, op. cit., p. 146
- B. Kartheuser, op. cit., t. 3, p. 342
- Sauf mention contraire, cette section est Ă©crite sur la base de J. Delarue, op. cit., p. 358-365
- Franck Lagier, « On leur a fait creuser leur propre tombe » : les atroces rĂ©vĂ©lations dâun rĂ©sistant corrĂ©zien sur lâexĂ©cution de soldats allemands, Le Parisien, 15 mai 2023.
- Nicolas Chigot, Témoignage. "Je suis content que ça ne soit plus un secret" : Edmond Réveil, résistant, révÚle l'exécution de soldats allemands en 1944 en CorrÚze, France 3, 16 mai 2023.
- Thomas Rabino, Exécution de soldats allemands en CorrÚze : des révélations qui ravivent la plaie des "malgré-nous", Marianne, 8 juin 2023.