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Arséniate

En chimie inorganique, un arsĂ©niate est un sel d'acide arsĂ©nique H3AsO4, contenant l'ion arsĂ©niate AsO43−, de façon analogue aux phosphates PO43− par rapport Ă  l'acide phosphorique H3PO4. C'est un poison violent pour les ĂȘtres vivants, en bloquant notamment la formation d'ATP par la glycolyse.

Arséniate
Image illustrative de l’article ArsĂ©niate
Structure de l'ion arséniate.
Identification
Nom UICPA arsorate
Synonymes

tétraoxoarséniate(V)

No CAS 15584-04-0
PubChem 27401
ChEBI 29125
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule AsO4
Masse molaire[1] 138,919 2 ± 0,001 2 g/mol
As 53,93 %, O 46,07 %,

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

C'est la forme la plus fréquente de l'arsenic dans le sol. Confondu avec les phosphates qui sont un nutriment des plantes, il peut pénétrer les racines et contaminer les végétaux. Mais plusieurs espÚces ou souches de plantes y ont développé une certaine résistance[2], dont la Houlque laineuse[3] - [4] - [5] - [6] - [7], ou encore Deschampsia cespitosa (L.) Beauv[8] et Agrostis capillaris[8].

En minéralogie

Les arséniates sont des minéraux rares, toxiques sous certaines formes (certains contiennent de plus du plomb outre l'arsenic qu'ils contiennent tous).

On les trouve surtout dans la zone d'oxydation des gisements métallifÚres. Ils s'y forment aux dépens des sulfures, sulfo-arséniures et des arséniures.

On en compte une vingtaine d'espĂšces.

La forme gĂ©nĂ©rale est AsO43− avec d'autres Ă©lĂ©ments pour compenser les trois charges nĂ©gatives.

Exemples :

En biologie

Réduction en arsénite

Le potentiel redox standard du couple As(III)/As(V) est de +560 mV, ce qui fait que dans les conditions réductrices du cytoplasme, les ions arséniates sont progressivement convertis en arsénite. L'arsénite réagit fortement avec les fonctions thiols. Ceci conduit à l'inactivation de l'acide lipoïque qui est le cofacteur de la pyruvate déshydrogénase et de la 2-oxoglutarate déshydrogénase impliquées dans le cycle de Krebs. Un grand nombre d'enzymes contenant des cystéines dans leur site actif sont également inhibées irréversiblement en présence d'arsénite. C'est le principal mécanisme de toxicité cellulaire de l'arsenic[9].

Empoisonnement de la glycolyse

Les composĂ©s de l'arsenic sont trĂšs toxiques pour les organismes vivants terrestres dans la mesure oĂč ils se comportent en analogues chimiques des composĂ©s biologiques phosphorĂ©s sans avoir exactement les mĂȘmes propriĂ©tĂ©s thermodynamiques. En particulier, les composĂ©s arsĂ©niĂ©s sont sensiblement moins stables que leurs homologues phosphorĂ©s. Ainsi, l'anion hydrogĂ©noarsĂ©niate HAsO42− peut prendre la place d'un hydrogĂ©nophosphate HPO42− (couramment appelĂ© phosphate inorganique abrĂ©gĂ© en Pi) Ă  la septiĂšme Ă©tape de la glycolyse conduisant normalement Ă  la formation de 1,3-bisphosphoglycĂ©rate par la glycĂ©raldĂ©hyde phosphate dĂ©shydrogĂ©nase :

+ NAD+ + Pi NADH + H+ +
Glycéraldéhyde-3-phosphate 1,3-Bisphosphoglycérate

Le 1-arsénio-3-phosphoglycérate, qui se forme par incorporation d'arséniate au lieu de phosphate, est bien moins stable que le 1,3-bisphosphoglycérate et s'hydrolyse avant d'avoir pu former l'ATP à l'étape suivante de la glycolyse, catalysée par la phosphoglycérate kinase :

+ ADP ATP +
1,3-Bisphosphoglycérate 3-Phosphoglycérate

C'est la raison pour laquelle l'ion arséniate conduit rapidement à la mort cellulaire, en privant la cellule de son ATP, c'est-à-dire de son énergie métabolique, dont la glycolyse est la source principale.

Cas de la bactérie GFAJ-1 du lac Mono

Cependant, une Ă©quipe de biologistes de la NASA a publiĂ© en dĂ©cembre 2010 la dĂ©couverte dans le lac Mono, en Californie, d'une bactĂ©rie (GFAJ-1) susceptible de se dĂ©velopper dans un environnement oĂč le phosphore a Ă©tĂ© remplacĂ© par de l'arsenic[10] : les bactĂ©ries cultivĂ©es dans un tel milieu se dĂ©veloppent Ă  raison de 60 % de la vitesse normale de croissance en prĂ©sence de phosphore, et atteignent des tailles 50 % plus Ă©levĂ©es, en rapport semble-t-il avec la prĂ©sence de grandes vacuoles[11].

GFAJ-1 cultivée sur phosphore et sans arsenic.
GFAJ-1 cultivée sans phosphore mais avec arsenic.
(en) Structure d'un hypothétique ADN arsénié : GFAJ-1 serait capable de substituer l'arsenic au phosphore dans l'armature de désoxyribose phosphate.

La distribution de l'arsenic 73 radioactif dans les fragments de ces bactĂ©ries laisse penser que l'arsenic aurait Ă©tĂ© incorporĂ© dans les lipides, les protĂ©ines et les acides nuclĂ©iques[12] — a priori dans l'armature de dĂ©soxyribose phosphate portant les bases nuclĂ©iques dans les doubles-brins d'ADN constituant leur matĂ©riel gĂ©nĂ©tique. Il reste cependant Ă  isoler et caractĂ©riser les composĂ©s arsĂ©niĂ©s indirectement dĂ©tectĂ©s par cette expĂ©rience afin de vĂ©rifier s'ils sont biologiquement actifs, de prĂ©ciser jusqu'Ă  quel point l'arsenic a pu remplacer le phosphore dans la biochimie de ces organismes, et, le cas Ă©chĂ©ant, d'Ă©tudier comment ces bactĂ©ries compenseraient, au niveau de leur biologie cellulaire et molĂ©culaire, la stabilitĂ© infĂ©rieure des composĂ©s arsĂ©niĂ©s par rapport Ă  leurs homologues phosphorĂ©s.

DÚs la publication originale, cette interprétation de l'incorporation de l'arséniate dans les composés biologiques a suscité un important scepticisme dans la communauté scientifique[13], pour un ensemble de raisons à la fois fondamentales évoquées ci-dessus et d'autres plus techniques : l'arséniate est réduit en arsénite dans le cytoplasme, les esters d'arséniate sont trÚs instables, les contrÎles expérimentaux de l'article original étaient critiquables et certaines preuves indirectes.

Deux ans plus tard, plusieurs groupes ont invalidĂ© les propositions initiales des Ă©quipes de la NASA. GFAJ-1 n'incorpore pas d'arsenic dans l'ADN ou dans d'autres composĂ©s biologiques, mĂȘme en prĂ©sence de concentrations Ă©levĂ©es d'arsĂ©niate dans le milieu de culture. Au contraire, il s'avĂšre que ce micro-organisme a dĂ©veloppĂ© des capacitĂ©s de rĂ©sistance Ă©levĂ©es Ă  l'arsenic et est capable de rĂ©cupĂ©rer les traces de phosphate rĂ©siduel pour assurer sa croissance[14].

Articles connexes

Liens externes

  • (fr)

Bibliographie

Références

  1. Masse molaire calculĂ©e d’aprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. (en) A.A. Meharg, « Integrated tolerance mechanisms: constitutive and adaptive plant responses to elevated metal concentrations in the environment », Plant, Cell & Environment, vol. 17, no 9,‎ , p. 989–993 (DOI 10.1111/j.1365-3040.1994.tb02032.x)
  3. (en) A.A. Meharg, J. Bailey, K. Breadmore et M.R. Macnair, « Biomass allocation, phosphorus nutrition and vesicular-arbuscular mycorrhizal infection in clones of Yorkshire Fog, Holcus lanatus L. (Poaceae) that differ in their phosphate uptake kinetics and tolerance to arsenate », Plant and Soil, vol. 160, no 1,‎ , p. 11–20 (DOI 10.1007/BF00150341)
  4. (en) A.A. Meharg, Q.J. Cumbes et M.R. Macnair, « The genetics of arsenate tolerance in Yorkshire fog, Holcus lanatus L. », Heredity, vol. 69,‎ , p. 325–335 (DOI 10.1038/hdy.1992.132)
  5. (en) A.A. Meharg, Q.J. Cumbes et M.R. Macnair, « Pre-Adaptation of Yorkshire Fog, Holcus lanatus L. (Poaceae) to Arsenate Tolerance », Evolution, vol. 47, no 1,‎ , p. 313–316 (rĂ©sumĂ©)
  6. (en) A.A. Meharg et M.R. Macnair, « Suppression of the High Affinity Phosphate Uptake System: A Mechanism of Arsenate Tolerance in Holcus lanatus L. », Journal of Experimental Botany, vol. 43, no 4,‎ , p. 519–524 (DOI 10.1093/jxb/43.4.519)
  7. (en) A.A. Meharg et M.R. Macnair, « Relationship between plant phosphorus status and the kinetics of arsenate influx in clones ofdeschampsia cespitosa (L.) beauv. that differ in their tolerance to arsenate », Plant and Soil, vol. 162, no 1,‎ , p. 99–106 (DOI 10.1007/BF01416094)
  8. (en) A.A. Meharg et M.R. Macnair, « The mechanisms of arsenate tolerance in Deschampsia cespitosa (L.) Beauv. and Agrostis capillaris L. », New Phytologist, vol. 119, no 2,‎ , p. 291–297 (DOI 10.1111/j.1469-8137.1991.tb01033.x)
  9. Sabina C. Grund, Kunibert Hanusch et Hans Uwe Wolf, Ullmann Encyclopedia of Industrial Chemistry, (DOI 10.1002/14356007.a03_113.pub2, lire en ligne), « Arsenic and Arsenic Compounds »
  10. (en) Felisa Wolfe-Simon, Jodi Switzer Blum, Thomas R. Kulp, Gwyneth W. Gordon, Shelley E. Hoeft, Jennifer Pett-Ridge, John F. Stolz, Samuel M. Webb, Peter K. Weber, Paul C. W. Davies, Ariel D. Anbar et Ronald S. Oremland, « A Bacterium That Can Grow by Using Arsenic Instead of Phosphorus », Science, vol. 332, no 6034,‎ , p. 1163−1166 (DOI 10.1126/science.1197258)
  11. (en) Felisa Wolfe-Simon, Jodi Switzer Blum, Thomas R. Kulp, Gwyneth W. Gordon, Shelley E. Hoeft, Jennifer Pett-Ridge, John F. Stolz,5 Samuel M. Webb, Peter K. Weber, Paul C. W. Davies, Ariel D. Anbar et Ronald S. Oremland, « Documents de support mis en ligne pour l'article « A Bacterium That Can Grow by Using Arsenic Instead of Phosphorus » »
  12. (en) Alla Katsnelson, « Arsenic-eating microbe may redefine chemistry of life », Nature,‎ (DOI 10.1038/news.2010.645)
  13. (en) R.J. Redfield, « Comment on “A Bacterium That Can Grow by Using Arsenic Instead of Phosphorus” », Science, vol. 332,‎ , p. 1149 (PMID 21622706, DOI 10.1126/science.1201482), (en) B. Schoepp-Cothenet, W. Nitschke, L.M. Barge, A. Ponce, M.J. Russell et A.I. Tsapin, « Comment on “A Bacterium That Can Grow by Using Arsenic Instead of Phosphorus” », Science, vol. 332,‎ , p. 1149 (PMID 21622707, DOI 10.1126/science.1201438)
  14. (en) M.L. Reaves, S. Sinha, J.D. Rabinowitz, L. Kruglyak et R.J. Redfield, « Absence of Detectable Arsenate in DNA from Arsenate-Grown GFAJ-1 Cells », Science, vol. 337,‎ , p. 470-473 (PMID 22773140, DOI 10.1126/science.1219861)
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