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Amirautés de Bretagne

Le terme d'Amirauté de Bretagne désigne successivement la juridiction de l'Amiral de Bretagne puis, plus tardivement, les Amirautés en Bretagne.

L'Amiral de Bretagne

La fonction d'Amiral de Bretagne a existé dès l'époque du Duché de Bretagne.

Le poste a été maintenu après l'Union de la Bretagne à la France, l'Amiral de Bretagne restant distinct de l'Amiral de France. Une tentative de fusion des deux charges en 1544 a échoué[1].

La charge d'Amiral fut supprimée en 1627 lorsque Richelieu devint grand-maître de la navigation. Louis XIV a rétabli le poste d’Amiral de France en 1669. La fonction d'Amiral de Bretagne reste théoriquement distincte jusqu'à la Révolution[2].

Les amirautés en Bretagne

Comme dans tout le royaume de France sous l'Ancien Régime, les amirautés étaient en Bretagne les juridictions en principe spécialisées dans les questions maritimes avec une compétence autant judiciaire que d'administration et police générales.

En Bretagne, des tentatives d'érection d'amirautés relevant de l'Amirauté de France tel que l'édit de 1640 ont été mises en échec par les bretons soucieux de leurs droits et seuls les édits d'avril et juin 1691 furent suivis d'effets.

De cette constante opposition, il résulta que les juges des amirautés ne dépendirent pas de l'amiral de France mais de l'ordre judiciaire de la province : l'appel de leurs sentences devait être porté devant le parlement de Bretagne.

Comme les autres juridictions du royaume, mais à un degré plus marqué encore, l'importance d'une amirauté était étroitement liée à l'activité maritime de son littoral. Ainsi, la prospérité des ports de Saint-Malo et Nantes induisirent-ils une importante activité dans les amirautés correspondantes, alors que de leur côté leurs sœurs de l'ouest trouvaient des motifs exceptionnels d'intervention dans les naufrages fréquents sur leurs côtes dangereuses et exposées aux tempêtes.

Quand la compétence passa des juges ordinaires aux officiers des amirautés, le cumul étant toléré, plus d'un acheta l'office dont il assumait déjà au moins en partie la charge : une expérience minimale fut ainsi transférée à peu de frais.

Les questions de fond n'Ă©taient pas aussi diffĂ©rentes qu'on pourrait le penser, de celles qui Ă©taient rĂ©glĂ©es dans les autres juridictions : par exemple, la « levĂ©e du cadavre Â» trouvĂ© sur la grève suivait les mĂŞmes règles qu'il s'agisse d'un noyĂ©, de la victime d'une rixe ou d'une agression partout ailleurs. Une fois admises certaines formalitĂ©s ou clauses propres aux ports ou aux contrats maritimes, les juges n'avaient pas Ă  dĂ©velopper une compĂ©tence technique exceptionnelle. Ils disposaient pour les affaires plus spĂ©cialement maritimes comme la baraterie de patron (nĂ©gligences quant au fret plus ou moins volontaires) ou le pillage d'Ă©paves, des dispositions rĂ©glĂ©es par l'ordonnance de la marine de 1681. En dĂ©finitive, sans parler des nombreuses affaires qui n'avaient aucune relation directe Ă  la mer, il n'y avait pas d'affaire civile ou pĂ©nale qui ne pouvait se ramener Ă  des situations classiques depuis longtemps juridiquement circonscrites.

Cette relativisation du caractère spĂ©cifique des amirautĂ©s contribuait Ă  motiver pour partie l'opposition des États de Bretagne, les juges ordinaires s'acquittant « parfaitement Â» de la tâche.

La juridiction des amirautés

Selon les textes, le personnel d'une amirauté était composé d'un lieutenant-général, un lieutenant particulier, quatre conseillers, un procureur du roi, un avocat du roi, un greffier, trois interprètes, deux huissiers, deux sergents.

Le revenu des offices des amirautés étant très dépendant de l'importance du port principal, certains restaient sans acquéreur dans les petites et moyennes amirautés, en particulier le lieutenant-particulier subordonné du lieutenant-général et les conseillers qui ne disposaient ni des gratifications symboliques ni des compétences lucratives. Malgré sa protestation, la "corporation" souffrait d'une estime moindre de la part des autres officiers de judicature, les amirautés étant considérées comme des juridictions d'exception. Par contre, la législation leur étant favorable en matière de cumul d'offices, il ne se privaient de cette espèce de privilège.

« Les juges d'amirauté connaissaient tout ce qui concernait la construction, l'équipement, l'avitaillement, la vente, la propriété des navires, les chartes-parties, les affrètements, les connaissements, les assurances, les obligations à la grosse aventure de la mer, les prises, l'armement et la liquidation des corsaires, la conservation des droits d'amirauté du Gouverneur de Bretagne, la police des ports et des pêcheries, la pêche en mer ou dans les estuaires, la récolte du varech, la levée des cadavres de noyés, le sauvetage des navires échoués (à l'exception des bâtiments royaux), la vente des cargaisons et des épaves, le service de la garde-côtes, la réception des capitaines et maîtres, des charpentiers et cordier de navires, des chirurgiens et apothicaires d'amirauté, des professeurs d'hydrographie, etc. »[3]

Les amirautés en Bretagne

Sept amirautés furent effectivement créées par l'édit de 1691, celle de Vannes se délita dans les années 1780 pour permettre la création de l'amirauté de Lorient, de brève durée.

  1. Amirauté de Brest : de l'embouchure de l'Élorn (fleuve côtier remontant à Landerneau) de la rive gauche de la rivière de Morlaix, archives détruites par le bombardement de Brest le .
  2. Amirauté de Hennebont : antérieure à 1691, très éphémère.
  3. Amirauté de Lorient : entre la Laïta et l'Étel.
  4. Amirauté de Morlaix : de la rive droite de la rivière de Morlaix à la rive gauche du Trieux.
  5. Amirauté de Nantes : de la rive gauche de la Vilaine jusqu'à l'embouchure du Falleron (frontière sud du Duché).
  6. Amirauté de Quimper : de la rive gauche de l'Élorn à la rive droite de la Laïta (rivière de Quimperlé).
  7. Amirauté de Saint-Brieuc : de la rive droite du Trieux à la rive gauche de l'Arguenon, (seulement quelques archives).
  8. Amirauté de Saint-Malo : entre le Couesnon à l'est et l'Arguenon à l'ouest.
  9. Amirauté de Vannes : de la rive gauche de la Laïta jusqu'à la rive droite de la Vilaine.

Variantes :

  • AmirautĂ© de Cornouaille, en fait l'amirautĂ© de Quimper.
  • AmirautĂ© de LĂ©on, en fait l'amirautĂ© de Brest.
  • AmirautĂ© de Rennes, siège gĂ©nĂ©ral crĂ©Ă© en 1691, entitĂ© administrative.
  • AmirautĂ© de TrĂ©guier, en fait l'amirautĂ© de Morlaix.

Par diverses circonstances, les archives de Basse-Bretagne ne nous sont que très partiellement parvenues. Les fonds importants sont dans l'ordre décroissant, ceux de l'amirauté de Saint-Malo, de Nantes, de Vannes, de Saint-Brieuc.

Amirauté de Saint Malo

Le ressort de cette juridiction s'Ă©tendait entre le Couesnon Ă  l'est et l'Arguenon Ă  l'ouest.

En plus des agents présents à Saint-Malo, des commis-greffiers étaient affectés aux ports les plus éloignés :

Le fonds des archives de l'amirauté de Saint-Malo est conservé aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, sous-série 9 B. C'est le fond de ce type le plus important de Bretagne et il compte parmi les plus riches de France.

Quand la part des affaires liées au commerce et à la navigation loin des côtes bretonnes n'atteignait pas le quart du volume pour les autres amirautés (en fait les quatre aux fonds de conséquence), elle n'était pas loin d'en représenter la moitié pour l'amirauté de Saint-Malo.

Histoire

La résistance de la province

Naturellement, les États et le parlement de Bretagne s'appuyaient sur les privilèges de la province pour refuser l'établissement de juridictions qui auraient contrevenu aux principes généraux de la justice concernant les bretons. La justice devait être rendue au nom du roi, garant du respect de ces privilèges : c'est donc à son représentant dans la province que revenait cette autorité, c'est-à-dire au gouverneur et non à un officier tel que l'amiral de France. En pratique, la compétence des amirautés était assumée par les juges ordinaires du littoral et ceci sans difficulté particulière. Les diverses tentatives d'établissement furent aisément annihilées jusqu'à ce que la défaillance de la puissance du gouverneur et la vigueur de l'absolutisme du règne de Louis XIV forcent l'acceptation de ce remaniement de la structure judiciaire.

DĂ©tail des tentatives :

  • Lettres patentes du unissant l'amirautĂ© de Bretagne Ă  l'amirautĂ© de France : non enregistrĂ©es, la compĂ©tence reste au gouverneur.
  • Édit de Fontainebleau d' Ă©tendant le ressort de l'amirautĂ© de France Ă  la Bretagne en crĂ©ant un siège gĂ©nĂ©ral Ă  Rennes et sept sièges particuliers Ă  Brest, Morlaix, Nantes, Quimper, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Vannes : enregistrĂ© par le parlement le , sans suite.
  • Lettres patentes du Ă©tablissant une Table de marbre en Bretagne : opposition du gouverneur (le duc de MercĹ“ur) etc, remontrances et lettres de jussion.
  • DĂ©claration du confirmant la compĂ©tence du Duc de MercĹ“ur
  • Richelieu obtient la suppression de l'office d'Amiral de France par l'Ă©dit de janvier 1627 pour des motifs financiers, il est remplacĂ© par celle de Grand-maĂ®tre de la navigation, contestĂ©e par le parlement.
  • Édit du , dans la ligne de l'Ă©dit de 1554 (sauf Lannion Ă  la place de Brest : enregistrĂ© avec protestations, sans consĂ©quences…
  • Ă€ partir de Richelieu, le gouverneur de la Bretagne sera toujours l'amiral de France. Cette charge devenue honorifique et mal considĂ©rĂ©e par la volontĂ© uniformisatrice de la monarchie, elle sera confiĂ©e Ă  des enfants naturels de Louis XIV. Le peu d'autoritĂ© de l'amiral privera ainsi la fonction de gouverneur de Bretagne de la puissance (ne serait-ce que symbolique) qu'il avait et dont le duc de Chaulnes fut le dernier reprĂ©sentant jusqu'Ă  sa disgrâce en 1689.
  • DĂ©claration royale du admettant les privilèges de la province en cette matière.
  • Lettres patentes du , nouvelle rĂ©union de l'amirautĂ© de Bretagne Ă  l'amirautĂ© de France : remontrances et lettres de jussion, Anne d'Autriche cède en devenant gouverneur de la province (dĂ©mission en 1650).
  • 1672 Ă  1689 : le duc de Chaulnes est gouverneur de Bretagne ; statu quo provisoire.
  • Lettres patentes de (Fontainebleau), variante très lĂ©gèrement adaptĂ©e (en dehors d'omissions) de l'ordonnance de la marine de 1681 qui ne s'appliquait pas Ă  la Bretagne. (Port de Brest pourtant sous l'administration de l'amiral de France).

Disposant maintenant d'un véritable code spécialisé valable dans une grande partie du territoire, la monarchie devait en confier l'application à une seule espèce de juridiction et bousculer le particularisme breton.

La victoire de la centralisation

En 1691, concrètement privés de l'appui du gouverneur en même temps que gênés des nouvelles prérogatives du premier intendant de Bretagne, le parlement et les États doivent s'incliner comme ils le font pour bien des questions dans cette période de montée en puissance de l'absolutisme centralisateur.

L'édit de création et ses suites :

  • Édit d' crĂ©ant des charges d'amirautĂ©, un siège gĂ©nĂ©ral Ă  Rennes et huit sièges particuliers Ă  Brest, Dol, Nantes, Quimper, Saint-Brieuc, Saint-Malo, TrĂ©guier, Vannes.
  • Édit de rectifiant le prĂ©cĂ©dent : sept sièges particuliers Ă  Brest, Morlaix, Nantes, Quimper, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Vannes ; mais les appels seront portĂ©s devant le parlement (et non devant la Table de Marbre supprimĂ©e officiellement par l'Ă©dit de ) ; transfert des compĂ©tences des juges ordinaires vers les officiers de l'amirautĂ© ; prĂ©cisions sur le ressort de chaque amirautĂ©.
  • Lettres patentes du ordonnent le transfert partiel de l'amirautĂ© de Vannes Ă  Lorient pour la commoditĂ© des nĂ©gociants de ce port.
  • Lettres patentes du et du Ă©tablissent une amirautĂ© Ă  Lorient, entre la LaĂŻta et l'Étel.
  • DĂ©cret des 6, 7 et , rĂ©formant l'organisation de la justice ; dont article 8, transfert des compĂ©tences commerciales vers les tribunaux de commerce.
  • Loi des 9-, rĂ©partition des attributions entre les tribunaux de district et l'inspection maritime.

Notes et références

  1. Michel Vergé-Franceschi: Dictionnaire d'histoire Maritime, Laffont 2002 (ISBN 2-221-08751-8), page 57
  2. Sylviane Llinares et Gérard Le Bouëdec, « De l'amirauté de Bretagne aux amirautés en Bretagne », Revue d'Histoire maritime « Les amirautés en France et Outre-mer du Moyen Âge au début du XIXe siècle »,‎ , .49-75.
  3. Henri François Buffet, Répertoire numérique de la sous-série 9 B - Amirauté de Saint-Malo, Rennes, 1962

Voir aussi

Ouvrages de référence

  • GĂ©rard Le BouĂ«dec (dir.), L'amirautĂ© en Bretagne des origines Ă  la fin du XVIIIe siècle : PrĂ©sentation de la thèse de Joachim Darsel « L'amirautĂ© en Bretagne des origines Ă  la RĂ©volution », Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 488 p. (ISBN 978-2-7535-1854-4)
    Publication, actualisation et compléments de la thèse de Joachim Darsel soutenue en 1954.
  • Joachim Darsel, « L'amirautĂ© de Cornouaille », MĂ©moires de la SociĂ©tĂ© historique et archĂ©ologique de Bretagne, t. XLII,‎ , p. 5-23.
  • Joachim Darsel, « L'amirautĂ© de LĂ©on (1691-1792) », Bulletin de la SociĂ©tĂ© archĂ©ologique du Finistère, t. CIII,‎ , p. 127-162.
  • Joachim Darsel, « L'amirautĂ© de Saint-Brieuc », MĂ©moires de la SociĂ©tĂ© d'Ă©mulation des CĂ´tes-d'Armor, t. CII,‎ , p. 63-88.
  • Samuel Le Goff, « L' AmirautĂ© de Vannes (1691-1792) », Bulletin et mĂ©moires de la SociĂ©tĂ© polymathique du Morbihan, no 125,‎ , p. 122-135.
  • FrĂ©dĂ©ric Davansant, Justice et criminalitĂ© maritime au dernier siècle de l'Ancien RĂ©gime : La jurisprudence pĂ©nale des sièges d'amirautĂ© Ă©tablis en Bretagne (1679-1791) (thèse de droit), Rennes, Centre de l'histoire du droit de l'UniversitĂ© de Rennes I, .

Ouvrages anciens

  • E. du Crest de Villeneuve, Essai historique sur la dĂ©fense des privilèges de la Bretagne concernant l'AmirautĂ© depuis son union Ă  la France jusqu'Ă  l'ordonnance de 1681, Bulletin de l'Association bretonne, t. XVI, Saint-Brieuc, 1898, 34 p.lire en ligne sur Gallica
  • Nouveau commentaire sur l'ordonnance de la marine du mois d', par RenĂ©-JosuĂ© Valin, La Rochelle, 1766 Vol. 1, Vol. 2 disponibles sur Internet Archive
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