AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Sabotage des gazoducs Nord Stream

Le sabotage des gazoducs Nord Stream a lieu le en mer Baltique, occasionnant d'importantes fuites de gaz. La premiÚre, sur Nord Stream 2 est découverte au sud-est de l'ßle danoise de Bornholm. Plusieurs heures plus tard, deux autres fuites sont découvertes sur Nord Stream 1 au nord-est de l'ßle.

Sabotage des gazoducs Nord Stream
Carte de localisation de l'Ă©vĂšnement.
Carte montrant l'emplacement du gazoduc Nord Stream 1 et 2.
Date
Lieu Mer Baltique au large de Bornholm
Cause enquĂȘte en cours

Il apparait rapidement qu'il s'agit d'un acte délibéré, des traces d'explosifs étant relevées.

En 2023, l'identité du ou des auteurs de ce sabotage fait cependant toujours l'objet de spéculations.

Incidents

Fuites détectées par le satellite européen Sentinel-2.

Le , en mer Baltique, deux explosions occasionnent d'importantes fuites de gaz. La premiÚre, sur Nord Stream 2 est découverte au sud-est de l'ßle danoise de Bornholm. Plusieurs heures plus tard, deux autres fuites sont décelées sur Nord Stream 1 au nord-est de l'ßle[1] - [2]. Les fuites sont situées dans les eaux internationales (ne faisant pas partie de la mer territoriale d'une nation), mais dans les zones économiques du Danemark et de la SuÚde[3].

La Commission gĂ©ologique du Danemark et du Groenland dĂ©clare qu'un sismographe Ă  Bornholm a montrĂ© deux pics le : le premier Ă  2 h 3 (UTC+01:00) avait une magnitude de 2,3 et le second Ă  19 h 3 avait une magnitude de 2,1[4]. Des donnĂ©es similaires sont fournies par un sismographe Ă  Stevns et par plusieurs sismographes en Allemagne, en SuĂšde (aussi loin que la station de Kalix), en Finlande et en NorvĂšge. Les donnĂ©es montrent que les tremblements se sont produits prĂšs des endroits oĂč les fuites ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes plus tard[5]. À peu prĂšs Ă  la mĂȘme pĂ©riode, des pertes de pression dans les pipelines sont enregistrĂ©es en Allemagne[6] - [7].

AprĂšs le rapport initial de l'Allemagne sur la perte de pression dans Nord Stream 2, une fuite de gaz du pipeline est dĂ©couverte par une unitĂ© d'intervention d'interception danoise F-16 au sud-est de Dueodde (en), Ă  Bornholm[8] - [9]. Citant un danger pour la navigation, l'AutoritĂ© maritime danoise (en) ferme la mer Ă  tous les navires dans une zone de 5 milles marins (9,26 km) autour du site de la fuite et conseille aux avions de rester Ă  au moins 1 000 m au-dessus[10]. Le gazoduc, qui n'Ă©tait pas opĂ©rationnel, avait Ă©tĂ© rempli de 300 millions de mĂštres cubes de gaz en vue de ses premiĂšres livraisons[11].

Empilement de canalisations composant la canalisation du Nord Stream 2, en acier avec enveloppe en béton.

Quelques heures plus tard, aprĂšs que l'Allemagne a signalĂ© une perte de pression dans le Nord Stream 1, une deuxiĂšme et une troisiĂšme fuite de gaz sont dĂ©couvertes sur ce pipeline par les autoritĂ©s suĂ©doises[12]. Bien qu'aucun pipeline n'ait livrĂ© des fournitures Ă  l'Europe, les deux ont toujours Ă©tĂ© remplis de gaz[13]. Chaque ligne du pipeline se compose d'environ 100 000 tuyaux en acier revĂȘtus de bĂ©ton de 24 tonnes posĂ©s sur le fond marin. Les pipelines ont un diamĂštre interne constant de 1,153 m, selon Nord Stream. Les sections se trouvent Ă  une profondeur d'environ 80 Ă  110 m.

La défense danoise publie une vidéo de la fuite de gaz sur son site Web montrant qu'au , la plus grande des fuites créée des turbulences à la surface de l'eau d'environ un kilomÚtre de diamÚtre. La plus petite fuite fait alors un cercle d'environ 200 m de diamÚtre.

Cause

Lors d'un point de presse le , la PremiĂšre ministre danoise Mette Frederiksen dĂ©clare que les fuites ont Ă©tĂ© causĂ©es par des actions dĂ©libĂ©rĂ©es et non par des accidents ; elle prĂ©cise que des explosions ont Ă©tĂ© enregistrĂ©es[14]. Peu de temps aprĂšs, la PremiĂšre ministre suĂ©doise Magdalena Andersson dĂ©clare qu'il s'agit probablement d'un sabotage et mentionne Ă©galement ces dĂ©tonations[15]. Plus tĂŽt, plusieurs commentateurs suggĂšrent que les circonstances entourant les fuites semblent suspectes et qu'il s'agit peut-ĂȘtre d'actes de sabotage[16] - [17] - [18] - [19].

Le Geological Survey of Denmark déclare que les tremblements détectés auparavant étaient différents de ceux enregistrés lors de tremblements de terre, mais similaires venant lors d'explosions[20]. Le radiodiffuseur de service public suédois SVT rapporte que des stations de mesure en SuÚde et au Danemark ont enregistré de fortes explosions sous-marines prÚs des pipelines Nord Stream. Björn Lund, professeur agrégé en sismologie au réseau sismique national suédois (SNSN) déclare d'ailleurs qu'« il ne fait aucun doute qu'il s'agissait d'explosions. » Le président du Conseil des ministres polonais, Mateusz Morawiecki, souligne le sabotage[21].

Le Kremlin dĂ©clare qu'il n'excluait pas le sabotage comme raison des dommages aux pipelines[22]. Dmitri Peskov, porte-parole du gouvernement russe, dĂ©clare : « Nous ne pouvons exclure aucune possibilitĂ© pour le moment. De toute Ă©vidence, il y a une sorte de destruction du tuyau. Avant les rĂ©sultats de l'enquĂȘte, il est impossible d'exclure toute option[23]. »

Russie

Le conseiller prĂ©sidentiel ukrainien MykhaĂŻlo Podoliak dĂ©clare qu'il s'agit « d'une attaque terroriste planifiĂ©e par la Russie et d'un acte d'agression contre l'UE ». L’hypothĂšse d’une attaque commanditĂ©e par la Russie est fortement envisagĂ©e, selon une source proche du gouvernement allemand citĂ©e par Der Tagesspiegel : « une telle manƓuvre pourrait permettre Ă  Moscou de semer un peu plus l’inquiĂ©tude, voire de faire flamber Ă  nouveau les prix du gaz, afin d’envenimer la crise Ă©nergĂ©tique, qui s’était lĂ©gĂšrement apaisĂ©e ces derniers temps », mais, cependant, les rĂ©parations coĂ»teuses des gazoducs incombent Ă  la Russie et les gazoducs Ă©taient Ă  l’arrĂȘt de toute façon[24], il est donc flou de voir quel intĂ©rĂȘt aurait eu le Kremlin dans ce sabotage.

Le 27 mars 2023, la piste russe concernant le sabotage des gazoducs Nord Stream redevient d'actualitĂ©. Un convoi de six navires russes composĂ© d'une frĂ©gate, d'une corvette, de deux remorqueurs de sauvetage, d'un navire de surveillance de Classe Alpinist et d'un navire de soutien aux sous-marins, le SS-750, Ă©quipĂ© d'une grue et d'un mini-sous-marin AS-26 Priz, capable de plonger Ă  1 000 mĂštres ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s autour du site du sabotage cinq jours avant qu'il ne se produise, d'autant que certains de ces navires se dirigeaient vers Bornholm Ă  partir de Kaliningrad, avant qu’ils ne dĂ©sactivent leur systĂšme d'identification automatique[25].

Fin avril 2023, l'armée danoise confirme disposer de photographies du navire SS-750 quatre jours avant le sabotage à proximité en mer baltique[26].

États-Unis

Une implication des États-Unis, qui a toujours Ă©tĂ© « un des adversaires les plus coriaces des gazoducs Nord Stream », est Ă©galement envisagĂ©e. Les producteurs, fournisseurs et exportateurs de gaz naturel liquĂ©fiĂ© sont les acteurs qui profitent le plus de cette situation[27].

La Russie[27] fait notamment rĂ©fĂ©rence Ă  une dĂ©claration de de Victoria Nuland, Sous-secrĂ©taire d'État amĂ©ricaine, et du prĂ©sident amĂ©ricain Joe Biden de , menaçant de mettre fin Ă  NordStream en cas d'invasion de l'Ukraine, qui n'ont cependant jamais Ă©voquĂ© explicitement une possible attaque ou sabotage[28] - [29] - [30].

Le , l'ancien ministre polonais des Affaires Ă©trangĂšres et parlementaire europĂ©en Radek Sikorski tweete une photo de la fuite de gaz accompagnĂ©e du commentaire « Merci, les États-Unis », avant d'effacer ce tweet le surlendemain[31].

Le , Vassili Nebenzia, le reprĂ©sentant permanent de la Russie au Conseil de sĂ©curitĂ© de l'Organisation des Nations unies, suggĂšre que les États-Unis sont impliquĂ©s dans le sabotage, citant la prĂ©sence d'un hĂ©licoptĂšre amĂ©ricain a proximitĂ© des gazoducs[32]. Une analyse menĂ©e par la Deutsche Welle des donnĂ©es publiques du trajet de vol de l'hĂ©licoptĂšre indique cependant que celui ne s'est pas approchĂ© Ă  moins de 9 et 30 kilomĂštres des points de fuites, concluant que l'allĂ©gation est « intenable et trompeuse[33] ».

Ukraine ou « groupe pro-ukrainien »

En mars 2023, le New York Times affirme que, selon certaines sources américaines, le sabotage aurait été commis par un groupe pro-ukrainien[34].

Selon The Times, les agences de renseignement occidentales ont presque immédiatement déterminé que les explosions du Nord Stream ont été orchestrées par des personnes ayant des liens avec l'Ukraine, mais ont choisi de dissimuler cette information afin d'éviter une querelle diplomatique entre Kiev et Berlin. Une délégation scandinave a ainsi appris une semaine aprÚs l'attaque, qu'elle a été mise en scÚne « par une entreprise privée originaire d'Ukraine ». « Le nom du sponsor privé présumé [de l'attaque]... circule dans les cercles du renseignement depuis des mois mais n'a pas été révélé », indique le rapport. Sans publier aucun nom, The Times identifie le coupable comme étant un Ukrainien non affilié au gouvernement de Kiev[35] - [36].

En juin 2023, il est rĂ©vĂ©lĂ© que les responsables du renseignement nĂ©erlandais avaient partagĂ© des informations avec la C.I.A. en juin 2022 aprĂšs avoir appris que l'armĂ©e ukrainienne prĂ©voyait une opĂ©ration utilisant des plongeurs pour faire sauter l'un des gazoducs. L'information initiale fournie par les NĂ©erlandais, selon des responsables amĂ©ricains, Ă©tait que l'Ukraine avait dĂ©jĂ  reconsidĂ©rĂ© et annulĂ© l'opĂ©ration[37] - [38]. A la suite de quoi la C.I.A. avait informĂ© durant l'Ă©tĂ© 2022 les responsables ukrainiens de ce qu'elle avait appris et aurait renforcĂ© son objection Ă  une telle opĂ©ration. Selon le New York Times, les responsables amĂ©ricains ont pensĂ© ensuite que l'opĂ©ration n'avait pas Ă©tĂ© avortĂ©e mais retardĂ©e, potentiellement avec un autre groupe alignĂ© sur l'Ukraine qui l'a menĂ©. Toujours selon le quotidien, les agences de renseignement amĂ©ricaines pensent maintenant que l'opĂ©ration a Ă©tĂ© menĂ©e au moins sous la direction lĂąche du gouvernement ukrainien, mais ne savent pas exactement qui a planifiĂ© l'opĂ©ration. La C.I.A. n'a pas Ă©tĂ© en mesure de corroborer les informations que les NĂ©erlandais leur ont fournies, mais a nĂ©anmoins averti le gouvernement allemand que les pipelines pourraient ĂȘtre attaquĂ©s[37] - [39].

État europĂ©en

Le ministĂšre russe de la dĂ©fense accuse le Royaume-Uni d’ĂȘtre Ă  l'origine des sabotages de Nord Stream. Il affirme que « des reprĂ©sentants d’une unitĂ© de la marine britannique ont participĂ© Ă  la planification, Ă  la fourniture et Ă  la mise en Ɠuvre de l’acte terroriste en mer Baltique le afin de porter atteinte aux gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 ». Le ministĂšre britannique de la DĂ©fense dĂ©nonce ces « fausses affirmations
 Cette histoire inventĂ©e en dit plus sur les disputes au sein du gouvernement russe que sur l’Occident »[40].

Le quotidien suĂ©dois Dagens Nyheter rĂ©vĂšle, sans en tirer aucune conclusion, que dans les jours prĂ©cĂ©dant le sabotage prĂ©sumĂ© des gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique, un navire de la marine suĂ©doise se trouvait en mission tout prĂšs des deux emplacements oĂč se sont produites les fuites de gaz. Puis, il a Ă©tĂ© localisĂ© Ă  la limite des eaux territoriales russes, juste en face de l’enclave russe de Kaliningrad, la veille de la dĂ©couverte des fuites, constatĂ©es le . A plusieurs reprises, le navire suĂ©dois dĂ©branche son Ă©metteur, comme le font souvent les bĂątiments de guerre pour ne pas ĂȘtre toujours localisables. Le porte-parole de la marine suĂ©doise confirme la prĂ©sence d’un navire aux endroits indiquĂ©s mais ne fait aucun commentaire concernant les raisons de la prĂ©sence de ce bĂątiment dans ces zones[41].

Conséquences

Nord Stream AG, l'opérateur de Nord Stream, déclare que les gazoducs ont subi des dommages « sans précédent » en une journée[42].

Les fuites n'ont affectĂ© l'environnement que dans la zone oĂč se trouve le panache de gaz dans la colonne d'eau et l'Ă©chappement du mĂ©thane et n'ont donc prĂ©sentĂ© aucun risque grave pour l’écosystĂšme de la mer Baltique. Cependant, le mĂ©thane, principal composant des 328 000 tonnes de gaz naturel contenus dans les pipelines, est un puissant gaz Ă  effet de serre (GES) dont le potentiel rĂ©chauffant est nettement plus important que celui du dioxyde de carbone.

Concernant la quantitĂ© de mĂ©thane qui s’est Ă©chappĂ©e dans la mer Baltique, les estimations varient assez fortement :

  • Green Peace estime que les fuites ont relĂąchĂ© dans l'atmosphĂšre environ 230 000 tonnes de mĂ©thane.
  • L'ONG Environmental Defense Fund estime plutĂŽt cette quantitĂ© Ă  115 000 t de mĂ©thane, l'Ă©quivalent de 10 Mt de dioxyde de carbone, Ă©missions annuelles de deux millions de voitures Ă  essence[43].
  • Les chercheurs du Commissariat Ă  l'Ă©nergie atomique et aux Ă©nergies alternatives (CEA) Ă©value Ă  environ 70 000 t la quantitĂ© de mĂ©thane relĂąchĂ©e, l'Ă©quivalent de 5,8 Mt de CO2, soit les Ă©missions de la ville de Paris pendant un an[44].
  • L’Office fĂ©dĂ©ral de l'environnement, en Allemagne, a calculĂ© que les fuites entraĂźneraient des Ă©missions d’environ 7,5 millions de tonnes Ă©quivalent CO2, soit 1 % des Ă©missions annuelles totales du pays (tous types de GES confondus).

Le , les prix du gaz en Europe bondissent de 12 % aprÚs la diffusion de la nouvelle des pipelines endommagés[45] - [46], malgré le fait que Nord Stream 1 n'a pas livré de gaz depuis août et que Nord Stream 2 n'a jamais été mis en service[47].

Le ministre danois de l'Énergie dĂ©clare que les fuites de gaz devraient se poursuivre pendant au moins une semaine[48]. Selon les autoritĂ©s suĂ©doises, il faudra probablement une Ă  deux semaines avant que les fuites soient arrĂȘtĂ©es et que les pipelines puissent ĂȘtre inspectĂ©s en toute sĂ©curitĂ©[49]. Nord Stream AG, l'opĂ©rateur de Nord Stream, dĂ©clare le qu'il est impossible d'estimer quand l'infrastructure sera rĂ©parĂ©e[50].

Les navires pourraient perdre leur flottabilité s'ils pénétraient dans la zone et il pourrait y avoir un risque que les fuites de gaz s'enflamment au-dessus de l'eau et dans l'air. Néanmoins, il n'y a aucun risque associé à la fuite en dehors de la zone d'exclusion. La marine danoise et les garde-cÎtes suédois envoient des navires pour surveiller le rejet et éloigner les autres navires du danger, en établissant une zone de sécurité de 5 milles marins (9,26 km) autour de chaque fuite[51]. Deux des navires sont le danois Absalon et le suédois Amfitrite, qui sont spécialement conçus pour fonctionner dans un environnement contaminé tel que des nuages de gaz[52].

La NorvÚge, désormais premier fournisseur de gaz de l'Union européenne, ainsi que le Danemark, annoncent qu'ils renforcent les mesures de sécurité autour de leurs infrastructures alors que des drones ont été détectés autour des plateformes pétroliÚres et gaziÚres norvégiennes[43].

RĂ©actions politiques

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, écrit sur Twitter que « toute perturbation délibérée des infrastructures énergétiques européennes actives est inacceptable et conduira à la réponse la plus forte possible »[53].

Au cours d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies le 21 février 2023, la secrétaire générale adjointe aux affaires politiques, Rosemary DiCarlo appelle à éviter une aggravation des tensions dans la guerre en Ukraine[54].

En juin 2023, aprÚs que de nouvelles informations intensifient les soupçons en direction de l'Ukraine, Tagesschau.de rappelle que le fait que le gouvernement fédéral allemand, ainsi que d'autres gouvernements occidentaux, aient été apparemment au courant d'un éventuel plan d'attaque des auteurs ukrainiens est « politiquement particuliÚrement explosif »[39], le quotidien allemand Die Zeit se posant la question si le gouvernement fédéral n'est pas au courant d'une piste concernant Kiev depuis un an. Selon Die Zeit, les nouvelles informations sur l'alerte précoce américaine jettent un éclairage différent concernant le débat public sur le soutien à l'Ukraine, les conséquences politiques restant encore « imprévisibles »[38].

EnquĂȘtes

Le lendemain des fuites, la police suĂ©doise ouvre une enquĂȘte sur l'incident, le qualifiant de « sabotage majeur ». L'enquĂȘte est menĂ©e en coopĂ©ration avec d'autres autoritĂ©s compĂ©tentes ainsi qu'avec les services de sĂ©curitĂ© suĂ©dois[55]. Une enquĂȘte similaire est ouverte au Danemark. Les deux nations sont en contact Ă©troit, mais Ă©galement avec d'autres pays de la rĂ©gion de la Baltique et de l'OTAN[56]. Etant donnĂ© que cet incident s'est produit dans les eaux internationales (eaux ne dĂ©pendant territorialement d'aucune nation, bien qu'elles soient situĂ©es dans les zones Ă©conomiques danoise et suĂ©doise), ni le Premier ministre du Danemark, ni la PremiĂšre ministre suĂ©doise ne le considĂšrent comme une attaque contre leur nation.

Le consortium Nord Stream (dont Gazprom est l'actionnaire majoritaire), mĂšne Ă©galement une enquĂȘte[57].

Dans un communiquĂ© commun remis au Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies, les autoritĂ©s danoises et suĂ©doises estiment, le , que les quatre fuites constatĂ©es sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2 sont dues Ă  des explosions sous-marines correspondant Ă  l’usage de « centaines de kilos » de TNT. Le , dans le cadre de leur enquĂȘte, les autoritĂ©s danoises annoncent avoir inspectĂ© le site de l'incident et collectĂ© des « piĂšces Ă  conviction »[58].

Un tronçon d’au moins 50 mùtres du gazoduc Nord Stream 1 est manquant à la suite du sabotage[59].

Le 18 novembre, le procureur en charge de l'enquĂȘte suĂ©doise annonce que des traces d'explosifs ont Ă©tĂ© trouvĂ©es, ce qui confirme la thĂšse du sabotage[57].

Les tuyaux Ă©tant installĂ©s Ă  une profondeur de 70 Ă  90 mĂštres, les fuites font l'objet d'une enquĂȘte pour dĂ©terminer si les explosifs ont pu ĂȘtre posĂ©s par des sous-marins ou des plongeurs-dĂ©mineurs[60]. Cependant, les quantitĂ©s nĂ©cessaires pour provoquer de telles explosions rendent cette thĂšse peu rĂ©aliste. En revanche, des experts suggĂšrent que des robots opĂ©rant sur l’installation du pipeline auraient pu dĂ©poser les bombes, durant une opĂ©ration de maintenance. Si cette hypothĂšse venait Ă  ĂȘtre confirmĂ©e, la complexitĂ© d’une telle opĂ©ration dirigerait les soupçons vers des acteurs Ă©tatiques[61].

DĂ©but , les enquĂȘteurs allemands annoncent ne possĂ©der aucune preuve que la Russie soit Ă  l'origine des explosions sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2, insistant sur le fait que l'enquĂȘte est encore en cours[62].

Dans un article publiĂ© sur son blog le [63], le journaliste amĂ©ricain controversĂ©[64] - [65] Seymour Hersh affirme que les États-Unis et la NorvĂšge seraient Ă  l'origine du sabotage des gazoducs Nord Stream en citant une source unique et anonyme « ayant une connaissance directe de la planification opĂ©rationnelle »[66]. Les autoritĂ©s amĂ©ricaines[66] - [67] et norvĂ©giennes[68] dĂ©mentent ces dĂ©clarations. La position de Seymour Hersh est Ă©galement critiquĂ©e par d'autres journalistes[69] et dĂ©mythifiĂ©e par les vĂ©rifications de journalistes norvĂ©giens, qui dĂ©montrent que les bateaux et bases mentionnĂ©s n'existent pas ou Ă©taient en NorvĂšge pendant le sabotage[70].

Le 8 mars 2023, le parquet fĂ©dĂ©ral allemand annonce qu'un bateau soupçonnĂ© d'avoir pu servir Ă  l'opĂ©ration a Ă©tĂ© fouillĂ© en janvier, dans le cadre de l'enquĂȘte menĂ©e en Allemagne. Selon le New York Times, un « groupe pro-ukrainien » serait Ă  l'origine du sabotage, d'aprĂšs des informations consultĂ©es par le renseignement amĂ©ricain, mais sans implication du prĂ©sident ukrainien Volodymyr Zelensky[71]. Selon la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision allemande ARD et le journal Die Zeit, l'attentat aurait Ă©tĂ© perpĂ©trĂ© par cinq hommes et une femme Ă  l'aide de faux passeports, Ă  bord d'un « yacht louĂ© Ă  une sociĂ©tĂ© basĂ©e en Pologne et appartenant apparemment Ă  deux Ukrainiens ». Le ministre allemand de la DĂ©fense Boris Pistorius appelle Ă  ne pas tirer de conclusions hĂątives, estimant probable qu'il s'agisse d'une « opĂ©ration sous un faux drapeau mise en scĂšne pour accuser l'Ukraine »[72].

Le 6 juin 2023, le Washington Post révÚle que la CIA avait été mise au courant dÚs juin 2022 d'un projet ukrainien de sabotage des gazoducs[73] - [36].

Notes et références

  1. (en) « Now, Nord Stream 1 gas pipeline hit by two leaks in Baltic Sea », sur WION, .
  2. (en) « Blasts precede Baltic pipeline leaks, sabotage seen likely », sur ABC News,
  3. (da) « Nord Stream-selskab: Skader er uden fortilfÊlde », sur Berlingske,
  4. (da) « GEUS har registreret rystelser i ØstersÞen », sur GEUS,
  5. (sv) « Seismolog: TvÄ explosioner intill Nord Stream », sur SVT,
  6. (en) « Q+A What is known so far about the Nord Stream gas pipeline leaks », sur Reuters, .
  7. (en) « Scandinavian seismic stations register explosions near pipelines, raising fears of sabotage », sur PBS, .
  8. (da) « GaslÊkage i ØstersÞen », sur Forsvaret,
  9. (da) « LÊk pÄ Nord Stream 2 rÞrledning i ØstersÞen », sur Energistyrelsen,
  10. (en) « Nord Stream pipelines hit by gas leaks - ships and planes told to keep a distance », sur Sveriges Radio,
  11. (en) « Nord Stream 2: Gas leaks into Baltic Sea after reports of explosions », sur The Times,
  12. (en) « Sweden issues warning of two gas leaks on Nord Stream 1 pipeline », sur Reuters,
  13. (en) « Denmark, Sweden view Nord Stream pipeline leaks as 'deliberate actions' », sur Deutsche Welle,
  14. (da) « Mette Frederiksen: Myndigheder vurderer, at lÊkager var bevidst sabotage », sur DR, .
  15. (sv) « Regeringen om gaslĂ€ckagen: ”Troligen frĂ„ga om ett sabotage” », sur SVT, .
  16. (en) « Danish PM says hard to believe Nord Stream gas leaks a coincidence », sur Reuters, .
  17. (en) « European leaders blame sabotage as gas pours into Baltic from Nord Stream pipelines », sur The Guardian, .
  18. (en) « Nord Stream: Ukraine accuses Russia of pipeline terror attack », sur BBC News, .
  19. (en) « Nord Stream: Explosions recorded prior to discovery of major gas leaks », sur Euronews, .
  20. (da) « Dansk ekspert: Eksplosion mÄlt ved Bornholm svarer til en stÞrre bombe fra Anden Verdenskrig », sur DR,
  21. (en) « EU suspects sabotage in massive Russian gas pipeline leak », sur Reuters, .
  22. (en) « Kremlin: sabotage cannot be ruled out as reason for Nord Stream damage », sur Reuters, .
  23. (en) « Sweden and Denmark say Nord Stream pipeline blasts were deliberate attacks », sur Politico,
  24. « Baltique. Fuites sur les gazoducs Nord Stream 1 et 2 : la crainte d’un sabotage », sur Courrier international, (consultĂ© le ).
  25. « Guerre en Ukraine : les premiers chars britanniques Challenger sont arrivĂ©s en Ukraine, annonce le ministre de la dĂ©fense ukrainien », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  26. Marianne, « Nord Stream : un navire russe présent dans le secteur juste avant les sabotages », sur www.marianne.net, 2023-04-28utc12:10:48+0200 (consulté le )
  27. « Gazoducs Nord Stream: six hypothÚses pour expliquer les fuites », sur RFI, (consulté le )
  28. « Biden a-t-il dit que Washington pourrait attaquer le gazoduc Nord Stream ? », sur 20minutes, (consulté le )
  29. « Nord Stream : Joe Biden avait-il révélé par erreur que les Américains voulaient faire exploser le gazoduc ? », sur TF1 INFO, (consulté le )
  30. (en) « Biden planned to blow up Nord Stream a year ago », sur disinfo.detector.media (consulté le )
  31. « Nord Stream : "sabotage russe", "responsabilité américaine", des accusations mutuelles et un grand flou », sur TF1 INFO, (consulté le )
  32. (en-GB) « Who sabotaged Nord Stream? », sur spiked-online.com (consulté le )
  33. (en) « No proof of US sabotage of Nord Stream pipeline – DW – 09/30/2022 », sur dw.com (consultĂ© le )
  34. (en-US) Adam Entous, Julian E. Barnes et Adam Goldman, « Intelligence Suggests Pro-Ukrainian Group Sabotaged Pipelines, U.S. Officials Say », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consultĂ© le )
  35. (en) Maxim Tucker, West kept quiet about Nord Stream attack to protect Ukraine, thetimes.co.uk, 8 mars 2023
  36. (en-US) Shane Harris et Souad Mekhennet, « U.S. had intelligence of detailed Ukrainian plan to attack Nord Stream pipeline », Washington Post,‎ (ISSN 0190-8286, lire en ligne, consultĂ© le )
  37. (en) Julian E. Barnes et Michael Schwirtz, C.I.A. Told Ukraine Last Summer It Should Not Attack Nord Stream Pipelines, nytimes.com, 13 juin 2023
  38. « ZEIT ONLINE | Lesen Sie zeit.de mit Werbung oder im PUR-Abo. Sie haben die Wahl. », sur www.zeit.de (consulté le )
  39. (de) Michael Götschenberg, ARD-Hauptstadtstudio, Georg Heil, RBB und Holger Schmidt SWR, « Nord-Stream-Pipelines - CIA warnte Ukraine vor AnschlagsplÀnen », sur tagesschau.de (consulté le )
  40. Benjamin Delille et AFP, « L’armĂ©e russe accuse le Royaume-Uni d’ĂȘtre derriĂšre les attaques de SĂ©bastopol et de Nord Stream », sur LibĂ©ration, (consultĂ© le )
  41. « Gazoducs. Que faisait la marine suédoise sur les lieux des explosions de Nord Stream ? », sur Courrier international, (consulté le )
  42. (en) « Poland, Denmark fear ‘sabotage’ over Russian gas pipeline leaks », sur Al Jazeera, .
  43. « Infrastructures énergétiques : l'Europe en état d'alerte », sur Les Echos, (consulté le )
  44. Les fuites de mĂ©thane des gazoducs Nord Stream sont moins importantes qu’annoncĂ©, Le Monde, 7 octobre 2022.
  45. (en) « European Gas Jumps as Ukraine Flows at Risk in Transit Spat », sur Bloomberg,
  46. (en) « Germany Suspects Sabotage Hit Russia’s Nord Stream Pipelines », sur Bloomberg, .
  47. (en) « Pipeline Breaks Look Deliberate, Europeans Say, Exposing Vulnerability », sur The New York Times, .
  48. (en) « September 27, 2022 Russia-Ukraine news », sur CNN, .
  49. (sv) « KĂ€llor: Gasen mĂ„ste flöda fritt i 1–2 veckor innan ledningarna kan undersökas », sur Aftonbladet,
  50. (en) « Pressure drop on both strings of the gas pipeline (update) », sur Nord Stream AG, .
  51. (sv) « Kustbevakningen rycker ut till gaslÀckan: Fartyget klarar att gÄ in i ett gasmoln », sur Sveriges Radio,
  52. (da) « Dansk fregat sendes til Bornholm - bygget til at kÊmpe i gas », sur DR, .
  53. (en) « Norway to strengthen security at oil, gas installations », sur Reuters, .
  54. « Sabotage du gazoduc Nord Stream : l’ONU appelle Ă  Ă©viter d’aggraver les tensions », sur news.un, (consultĂ© le )
  55. (sv) « Polisen utreder sabotage av Nord Stream », sur Sveriges Radio, .
  56. (da) « Gassen fosser ud i ØstersĂžen: Det ved vi om situationen, og det mangler vi svar pĂ„ », sur Altinget.dk (da), .
  57. « L'enquĂȘte suĂ©doise conclut Ă  un sabotage des gazoducs de Nord Stream, annonce le procureur en charge du dossier », sur France Info, (consultĂ© le ).
  58. « EnquĂȘte sur le sabotage de Nord Stream : les premiĂšres images sous-marines des dĂ©gĂąts », sur Euronews, (consultĂ© le ).
  59. Le Parisien avec AFP, « Nord Stream 1 : un tronçon de 50 mÚtres manquant aprÚs une des explosions », Le Parisien, (consulté le ).
  60. (de) « Update Schwere SchĂ€den an Gasleitungen: EU hĂ€lt Pipeline-Sabotage fĂŒr wahrscheinlich und droht mit Sanktionen », Der Tagesspiegel, .
  61. « Gazoducs. Fuites de Nord Stream : le basculement dans la « guerre hybride » ? », Courrier international, (consulté le ).
  62. (de) Frank: Keine Belege fĂŒr russische Sabotage an Pipelines, welt.de, 4 fĂ©vrier 2023
  63. (en) Seymour Hersh, « How America Took Out The Nord Stream Pipeline », sur seymourhersh.substack.com (consulté le )
  64. (en-US) MarĂ­a Antonia SĂĄnchez-Vallejo, « Legendary journalist Seymour Hersh under fire for his reporting on the Nord Stream pipeline sabotage », sur EL PAÍS English Edition, (consultĂ© le )
  65. « The claim by a discredited journalist that the US secretly blew up the Nord Stream pipeline is proving a gift to Putin », sur Business Insider (consulté le )
  66. (en) Emanuele Midolo, « US bombed Nord Stream gas pipelines, claims investigative journalist Seymour Hersh », The Times,‎ (ISSN 0140-0460, lire en ligne, consultĂ© le ).
  67. « Gazoducs Nord Stream : Washington dĂ©ment un article l’accusant d’ĂȘtre responsable du sabotage », Sud Ouest,‎ (ISSN 1760-6454, lire en ligne, consultĂ© le ).
  68. « Guerre en Ukraine, en direct : Ă  l’ElysĂ©e, Macron assure Zelensky de sa volontĂ© de poursuivre « l’effort Â» de livraisons d’armes Ă  Kiev », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  69. (en-GB) « OSINT picks holes in Seymour Hersh's Nord Stream claims », sur UnHerd (consulté le )
  70. (nb) « Faktisk.no faktasjekker Seymour Hersh », sur journalisten.no, (consulté le )
  71. Nord Stream : un bateau suspecté d'avoir servi au sabotage des gazoducs a été perquisitionné en janvier, France info, 8 mars 2023.
  72. Sabotage des gazoducs Nord Stream : un mystĂ©rieux Ă©quipage de 6 personnes munies de faux passeports au cƓur de l'enquĂȘte, L'IndĂ©pendant, 8 mars 2023.
  73. « Gazoducs Nord Stream : un projet ukrainien de sabotage révélé par le "Washington Post" », sur Franceinfo, (consulté le )
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.