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Reichsgau Danzig WestpreuĂźen

Le Reichsgau Danzig Westpreußen (Reichsgau Dantzig et Prusse-Occidentale) est une circonscription administrative du Reich[N 1], constituée du territoire polonais du corridor de Dantzig et de celui de la ville libre de Dantzig.

Reichsgau de Dantzig-Prusse occidentale
(de) Reichsgau Danzig WestpreuĂźen

1939–1945

Drapeau Blason
Description de cette image, également commentée ci-après
Le Reichsgau de Dantzig Prusse-Occidentale en 1943
Informations générales
Statut Territoire annexé au Troisième Reich.
Capitale Dantzig
Histoire et événements
Création
Reddition des dernières troupes allemandes déployées dans le Gau
Gauleiter
- Albert Forster

Entités suivantes :

Créé par le décret du définissant le régime des territoires annexés à la suite de la campagne de Pologne, le Reichsgau est confié à Albert Forster, militant de longue date du NSDAP. Comme dans le Wartheland, les responsables nazis souhaitent la mise en place d'un régime politique et racial conforme aux principes nazis d'organisation de la société allemande. Un nouvel ordre administratif est mis en place, tandis que les personnes jugées indésirables sont évacuées ou exterminées.

Le territoire du Gau est épargné par les combats de la Seconde Guerre mondiale jusqu'au mois de . L'offensive d'hiver soviétique balaie alors le Reichsgau, âprement défendu par la Wehrmacht, tandis que les civils allemands fuient dans la panique l'avance de l'Armée Rouge.

Création d'un Reichsgau

Préparé alors que Hitler semble hésiter sur le devenir des territoires polonais dévolus au Reich à la suite du pacte germano-soviétique, le décret du , destiné à être appliqué le suivant[1], organise l'administration de ces territoires annexés : sont créés deux Gaue, le Gau Wartheland (qui porte, jusqu'au , le nom de Gau de Posnanie[2]), et le Gau de Dantzig-Prusse-Occidentale, tandis que d'autres territoires sont rattachés au Gau de Basse Silésie et au Gau de Prusse-Orientale.

Au sein du Reichsgau centré autour de Dantzig, Albert Forster exerce son autorité à la fois sur le parti, sur les organes administratifs du Reich et sur les services administratifs prussiens territorialement compétents[3].

Un territoire Ă  part dans le Reich

Photographie d'un homme en costume
Ian Kershaw, ici en 2012, définit le droit dans le Gau comme le bon vouloir d'Albert Forster.

Le décret du définit notamment le statut des territoires annexés et la condition juridique de leurs habitants ; dans cette zone de non droit, rechtsfreier Raum[4], également zone expérimentale de la société nationale-socialiste[5], les habitants allemands ne bénéficient pas des droits des citoyens de l'Altreich[4]. Pour Ian Kershaw, le droit dans le Gau est l'expression du pouvoir discrétionnaire de Forster, véritable « Hitler au petit pied », des responsables locaux du NSDAP et des cadres de ses organisations satellites[6] - [7].

De plus, les dispositions légales en vigueur dans le Reich ne s'appliquent pas dans le Reichsgau[5] ; le code pénal en vigueur dans le Reich ne s'y applique pas tandis que les Allemands originaires du Gau voient leur liberté de déplacement dans les autres Gaue du Reich conditionnée à l'obtention d'un laissez-passer délivré par les services du Gauleiter[2].

De même, les dispositions de la loi de , régissant le droit foncier dans le Reich, ne sont pas applicables dans le Reichsgau. La distribution des propriétés agricoles à des colons allemands relève de la compétence du Commissariat pour le renforcement de la race allemande, placé sous la direction de Himmler. Ces propriétés sont dévolues à titre provisoire, le bénéficiaire contractant en son nom et au nom de sa descendance une dette : s'il se révèle incapable de la rembourser, sa propriété, révocable (s'apparentant à une tenure, à un fief), lui est reprise par le Reichsführer[8].

Le Gau est également déclaré konkordatsfreie Zone, zone exclue du champ d'application d'un concordat. En effet, ni le concordat polonais du [N 2], ni le concordat du Reich du , ne sont applicables. Cette situation permet à Forster de mener une politique de déchristianisation intensive dans son Gau[N 3] - [9] - [10].

Enfin, l'« état d'exception administratif »[11] favorise la mise en place, sur le territoire du Reichsgau, d'un enchevêtrement de pouvoirs spéciaux et de missions spéciales voulu par Hitler[12] qui s'ajoutent aux organismes exerçant des prérogatives de l'État allemand : le principe de l'unité juridique et administrative du Reich se trouve ainsi durablement remis en cause[13], si bien que le ministre de l'Intérieur n'a aucune prise sur la politique menée dans le Gau[12].

Le Gauleiter

Photographie en noir et blanc d'un homme en uniforme.
Albert Forster, en uniforme de Gauleiter.

Nommé Gauleiter lors de la création du Gau, Albert Forster, également Reichsstatthalter, constitue l'archétype du vieux combattant du parti nazi[14] : il est envoyé par Hermann Göring en 1930 à Dantzig, pour y diriger le NSDAP. De plus, sa proximité avec Hitler lui assure une grande liberté d'action face aux autres centres de pouvoir du Reich[15].

Lors de l'avancée des troupes allemandes en Pologne, en , il est désigné, le , comme responsable de l'administration du district militaire de Dantzig-Prusse-Occidentale, dans l'attente de la réorganisation administrative des territoires conquis. Il est alors placé, comme Arthur Greiser à Posen, sous l'autorité hiérarchique de l'administration militaire, dirigée par Hans Frank ; Forster, nommé directement par Hitler, dépend théoriquement du commandement de Gerd von Rundstedt[16]. Au terme de quelques semaines de cohabitation houleuse avec les militaires[N 4], Forster est finalement nommé par Hitler le Reichskommissar du district de Dantzig-Prusse-Occidentale, puis, le lendemain, Gauleiter d'un Gau destiné à être mis en place à partir du [1].

Ne relevant directement et personnellement que de Hitler[17] - [18], Forster dispose, pour réaliser le programme nazi dans sa circonscription, de prérogatives telles qu'aucun autre responsable du Reich ne peut efficacement contrôler son action[19]. La possibilité d'accéder directement au Führer lui permet, jusqu'aux derniers jours du conflit, d'imposer sa vision de la défense militaire de son Gau, même dans les circonstances tragiques de la conquête de Dantzig par l'Armée rouge, parfois contre l'avis des commandants d'unités[20].

Forster dispose également d'une totale liberté de parole : ses plaintes formulées à l'encontre des militaires peu de temps avant la mise en place du Gau, précipitent la réorganisation des territoires conquis[1] ; il fait aussi part à Josef Goebbels des échecs essuyés par Heinrich Himmler dans la mise en œuvre de la politique raciale de la SS dans les territoires polonais annexés par le Reich[21].

La mise en place des structures administratives

Rapidement, les structures de l'État allemand se mettent en place selon les modalités spécifiques définies par le décret du fixant le statut des différents territoires polonais dévolus au Reich.

Albert Forster exerce son autorité aussi bien sur le parti en tant que Gauleiter que sur les antennes locales des services administratifs des ministères allemands et prussiens en tant que Reichsstatthalter[22].

Un Höherer SS- und Polizeiführer est nommé, Richard Hildebrandt[22]. Officiellement subordonné à Forster, Hildebrandt court-circuite, dans de nombreux domaines, le Gauleiter[22]. De plus, Hildebrandt tente également de mener une politique autonome au sein de la SS, appuyé sur les milices de Volksdeutsche, notamment celle de Kurt Eimann (de). Face à ces velléités d'indépendance, le Reichsführer SS rappelle en à son subordonné leurs prérogatives respectives, notamment en indiquant au Höherer SS- und Polizeiführer qu'il ne peut ouvrir des camps de concentration sans son accord ou mettre en place une milice autonome au sein de la SS[23].

De plus, une région militaire est créée, le Wehrkreis XX, sous l'autorité du général Max Bock[24].

Allemands et Polonais dans le Reichsgau

Dès le mois d', affranchi de l'ensemble des cadres légaux de l'État de droit[25], Hitler définit, le plus souvent oralement[5], les principes de la politique destinée à être menée dans les territoires contrôlés par le Reich, principes tirés de sa vision du Volkstumskampf, du combat racial[26], qu'il souhaite voir appliquer aux territoires polonais contrôlés par le Reich, et les objectifs qu'il assigne à ses représentants en Pologne. Le territoire sous contrôle allemand est divisé en deux sous-ensembles : un territoire à germaniser (auquel appartient le Gau) et un territoire occupé, le Gouvernement Général[27]. Mais cette dichotomie n'empêche pas la SS de considérer, dans le cadre du décret du , nommant Himmler commissaire du Reich chargé du renforcement de la race allemande[28], que la politique raciale relève de sa compétence[29].

ComposĂ©e de 37 % d'Allemands, de % de cachoubes[30], la population est soumise Ă  une germanisation renforcĂ©e, rĂ©gie par les dĂ©crets du , du et du , prĂ©cisĂ©s ou amendĂ©s par des circulaires de Himmler ou des propos de Hitler[31]. En effet, ayant reçu pour consigne de germaniser son Gau en dix annĂ©es, Forster, comme Greiser Ă  Posen, n'est entravĂ© dans cette politique radicale par aucune règle juridique, lĂ©gale ou administrative, donnant aux Reichsgaue un caractère expĂ©rimental pour l'ordre nouveau national-socialiste[5].

Appuyés par les conclusions obtenues dans le cadre de l'Ostforschung, les concepteurs de la politique ethnique et raciale menée dans les Reichsgaue affirment que les territoires immédiatement limitrophes des territoires germaniques ont connu une forte influence culturelle et politique venue des territoires allemands[32]. Ainsi, la ville de Dantzig est destinée, selon le mot de Hitler, à devenir « allemande comme du cristal »[33]. Cette politique raciale définie par Hitler est menée depuis Gotenhafen par une antenne locale d'une officine spécialisée dans la politique raciale, l'Einwanderzentralstelle, dépendante du RSHA[34].

Germanisation et colonisation

Cachoubes
Les Cachoubes sont germanisés de façon systématique (dessin du XIXe siècle).

Reprenant l'idée de Greiser dans le Wartheland, défendant en même temps que lui l'idée qu'on peut capter chez les Polonais des éléments de germanité, qu'il est possible de regermaniser[35], Forster met en place une Volksliste qui recense et classe les Allemands et les habitants germanisables du Gau en quatre catégories : la catégorie I regroupe les membres du peuple allemand, citoyens de plein droit, la catégorie II les citoyens ne pouvant être membres du NSDAP, la catégorie III est constituée par les Volksdeutsche et la catégorie IV par les « allogènes racialement apparentés »[33]. Cependant, en s'appuyant sur les conclusions d'une étude réalisée par Hans Günther[N 5] et portant sur la population de son Gau, notamment sur les Cachoubes[36], rendue publique au mois de , Forster défend la mise en œuvre d'une politique raciale assimilatrice, à l'antipode de son collègue du Wartheland. Dans ce cadre, le Gauleiter ne mène pas de politique restrictive d'inscription sur la Volksliste, à la grande colère de Himmler[37].

Cette politique visant Ă  intĂ©grer certaines populations Ă  la communautĂ© du peuple [germanique] (en allemand, Volksgemeinschaft) est rendue possible par l'attribution au NSDAP, et non Ă  la SS, de la politique raciale dans le Reichsgau[37] ; dans les faits, Forster, en tant que Gauleiter, n'encourage aucune sĂ©lection raciale systĂ©matique dans une rĂ©gion anciennement peuplĂ©e de Goths et de Vikings[35]. En opposition Ă  Himmler[21], mais avec l'appui de Hitler, plus pragmatique, de la Wehrmacht, qui se trouve ainsi en mesure d'incorporer ainsi davantage d'hommes dans ses effectifs[37], de Hans GĂĽnther et de Richard DarrĂ©, ministre de l'agriculture jusqu'en 1942[36], Forster parvient Ă  inscrire sur la Volksliste 938 000 personnes jusqu'au [37], dont près de 77 % sont issus des catĂ©gories III et IV. Pour Forster, ses soutiens au sein du parti et au sein des milieux de la recherche nazie, cette politique d'inscription sur la Volksliste se veut la matĂ©rialisation d'un encouragement au mĂ©tissage racial d'un peuple en manque d'hommes, Ă  l'opposĂ© de ce que souhaitent les intellectuels SS[38] - [39].

Menée conjointement avec cette politique raciale, la politique coloniale dans le Gau, que les concepteurs du schéma général de l'Est souhaitent intensive[40] suppose non seulement l'installation de Volksdeutsche venus de toute l'Europe[41], mais aussi une appétence des Allemands pour la colonisation et l'installation dans la région de Dantzig[42]. Pour cela, s'organise un office cadastral à Dantzig contrôlé par le RuSHA[41].

Himmler propose, pour mettre en application les multiples projets qui fleurissent, d'utiliser les Volksdeutsche rapatriés des pays baltes et dûment soumis à un examen racial, pour peupler d'Allemands le port de Gotenhafen[43].

Ainsi, les Volksdeutsche des pays baltes rapatriés en vertu des accords germano-soviétiques sont dirigés vers Gotenhafen, transformée en colonie de peuplement. Destiné à accueillir les Allemands rapatriés des Pays baltes, le port est ainsi vidé en de la moitié de sa population et doté d'un bureau central de l'immigration, confié à la SS et compétent pour mener les expulsions des Polonais et l'installation des Allemands de la Baltique dans le district de Gotenhafen (ces derniers sont annoncés à partir du suivant)[44]. Rapidement, les projets de Himmler pour le district tournent au fiasco, au grand amusement du Gauleiter, comme le reconnaît le HSSPF en poste, Richard Hildebrandt[45]. Devant l'afflux de plaintes, Himmler est obligé d'impliquer dans son projet les administrations des territoires voisins[46].

La politique de germanisation intensive du Gau s'accompagne d'une sĂ©vère politique de dĂ©christianisation, Ă  Bromberg, notamment, oĂą seuls 17 prĂŞtres catholiques demeurent dans la ville après les deux vagues de terreur qui frappent la population polonaise[47].

Les Polonais

Photographie d'une affiche rédigée en allemand et en polonais.
Avis d'expulsion des Polonais de Gotenhafen.

Albert Forster souhaite transformer son Gau en une « province florissante, purement allemande »[48].

Ainsi, dès les premiers jours de l'occupation, dans un contexte exacerbĂ© par les massacres de Bromberg du dĂ©but du mois de , une première campagne de terreur systĂ©matique, mais « chaotique » s'abat sur les Polonais, orchestrĂ©e par le SD, et mise en Ĺ“uvre par les Einsatzgruppen et la Selbstschutz. Ă€ Gotenhafen, par exemple, 5 000 fonctionnaires polonais sont arrĂŞtĂ©s et internĂ©s dès les premiers jours du conflit, puis, au terme de sĂ©lections plus ou moins arbitraires, 80 personnes sont fusillĂ©es[49]. Au terme de cette première campagne de terreur, menĂ©e concurremment Ă  l'Ă©tablissement du Gau, 20 000 personnes sont assassinĂ©es et 87 000 expulsĂ©es[50].

De plus, dès les premiers mois d'existence du Gau, en dĂ©pit des protestations des responsables de l'administration militaire[51], les Polonais sont soumis Ă  une deuxième vague de terreur. 20 000 d'entre eux sont exterminĂ©s sur les territoires dĂ©volus au Reichsgau jusqu'Ă  la fin de l'annĂ©e[52]. Les Ă©lites polonaises, enseignants, officiers, fonctionnaires, militants nationalistes, sont exĂ©cutĂ©s, dans un premier temps de façon dĂ©sordonnĂ©e jusqu'Ă  la fin du mois d'octobre, puis, dans un second temps, mis Ă  mort dans le cadre d'une action spĂ©cifique confiĂ©e aux Einsatzgruppen, l'OpĂ©ration Tannenberg, ordonnĂ©e directement par Hitler[53]. Cette campagne de terreur s'accompagne de nombreux règlements de compte[47]. La persĂ©cution de la population polonaise se traduit aussi via les internements et assassinats au camp de concentration du Stutthof, crĂ©Ă© dès : sur un total de 100 000 internĂ©s, 60 000 personnes y pĂ©rissent[54].

Armoiries.
Le diocèse de Chełmno est décapité par la politique religieuse menée dans le Gau.

Le clergĂ© catholique polonais, considĂ©rĂ© comme un pilier de l'identitĂ© nationale polonaise[55], est Ă©galement visĂ© par ces vagues d'arrestations. Dix des douze prĂŞtres polonais que compte la ville de Dantzig avant l'invasion allemande et 380 ecclĂ©siastiques polonais du diocèse de Chelmno sont arrĂŞtĂ©s, notamment son Ă©vĂŞque auxiliaire, Konstantyn Dominik, internĂ© Ă  Dantzig ; en 1942, la hiĂ©rarchie catholique compte 210 prĂŞtres dans le diocèse[56].

Dans le cadre de la politique de colonisation voulue par Himmler, 40 000 Polonais de Gotenhafen, reprĂ©sentant alors la moitiĂ© de la population de la ville, sont Ă©vacuĂ©s de force en , avec la complicitĂ© de la Wehrmacht[57].

Les crimes nazis dans le Reichsgau

Dès la conquête, Hitler fixe les objectifs raciaux à mener dans l'ensemble des territoires anciennement polonais. Dans le cadre du Volkstumskampf, le meurtre collectif des cadres politiques, économiques, intellectuels de la société polonaise, ainsi que de la totalité des Juifs et des malades mentaux, est pensé comme systématique et doit se faire sans la moindre contrainte juridique[26].

Les malades mentaux

Dans le cadre de l'action T4, visant une puretĂ© raciale au sein mĂŞme de la Volksgemeinschaft[58], de nombreux malades mentaux, originaires ou non des territoires du Gau, sont assassinĂ©s dans le Reichsgau. Les hommes du Wachsturmbann Eimann exĂ©cutent non seulement les patients des hĂ´pitaux psychiatriques de la rĂ©gion, mais Ă©galement, Ă  la demande de Franz Schwede, Gauleiter de PomĂ©ranie, 1 200 patients internĂ©s dans les hĂ´pitaux de PomĂ©ranie[59].

AcheminĂ©s dans la banlieue de Neustadt, au Nord de Dantzig, les patients sont exĂ©cutĂ©s dans des fosses communes creusĂ©es par des dĂ©tenus du camp du Stutthof, assassinĂ©s en fin de journĂ©e[60]. Selon le rapport mĂŞme de Kurt Eimann, près de 3 000 personnes sont exĂ©cutĂ©es dans le cadre de cette opĂ©ration[61].

La Shoah dans le Reichsgau

Photographie d'un mirador en bois au-dessus d'un portail.
L'entrée du camp du Stutthof.

Dans le Reichsgau, l'extermination des Juifs commence avant même sa création en tant qu'entité administrative : dans le sillage des troupes d'invasion, les Einsatzgruppen assassinent de nombreux Juifs[53]. Cependant, en raison de la proximité de la région avec le Reich, peu de Juifs se sont installés dans la région et la plupart d'entre eux a fui dès les premiers jours du conflit : les Juifs restants sur place sont rapidement expulsés ou fusillés avant la fin de l'année 1939. La ville de Bromberg est déclarée judenfrei, « libérée des Juifs » selon la terminologie nazie, en [62], puis, dans les jours qui suivent, les derniers Juifs de la région sont expulsés ou assassinés par les hommes de la Selbstschutz[63].

Dans les mois qui suivent, un camp de concentration est crĂ©Ă© Ă  proximitĂ© de Dantzig, au Stutthof. Rapidement, les dĂ©tenus sont employĂ©s pour les besoins de l'Ă©conomie allemande, dans les industries contrĂ´lĂ©es par la SS, dans des fermes situĂ©es Ă  proximitĂ©, voire dans une usine d'aviation de la firme Focke-Wulf[54]. Ă€ partir de l'Ă©tĂ© 1944, y sont notamment dĂ©portĂ©s les Juifs internĂ©s dans les camps de concentration de l'Ostland, Kaiserwald, Kaunas et Vaivara[64] et du Gouvernement gĂ©nĂ©ral de Pologne, menacĂ©s par les succès soviĂ©tiques de l'Ă©tĂ© 1944, comme les Juives du ghetto de Kovno et les habitants du ghetto de Shavli en [60] - [65]. Le premier gazage au Zyklon B se dĂ©roule le , assassinant une centaine de victimes polonaises et biĂ©lorusses condamnĂ©es Ă  mort par le RSHA[66]. Les gazages de Juifs et de Juives âgĂ©s, malades ou jugĂ©s inaptes au travail s'effectuent entre et . On compte 300 victimes, des Juives hongroises en aoĂ»t, 300 en septembre, 600 en octobre et environ 250 en novembre[67].

Dès la fin de l'Ă©tĂ©, les responsables du camp commencent Ă  l'Ă©vacuer[68], selon des modalitĂ©s tout juste dĂ©finies[69], par train, Ă  la fin de l'annĂ©e 1944, puis Ă  pied, vers Lauenbourg, en [64]. ÉvacuĂ©s vers l'Est, en direction des ports, Pillau, Dantzig ou Gotenhafen[69], la majeure partie des dĂ©tenus doit rebrousser chemin, les gardes SS fuyant devant l'avance soviĂ©tique. Revenus dans le camp, ces dĂ©tenus survivent dans des conditions effroyables[54]. Certains sont exterminĂ©s dans les derniers jours de [70]. En , 3 000 dĂ©tenus sont encore Ă©vacuĂ©s par mer en direction de LĂĽbeck, puis massacrĂ©s par les gardes SS et des soldats de la Kriegsmarine[71].

Le Reichsgau dans la guerre

Mis en place au cours du mois d', le Gau connaît pendant le conflit une évolution particulière : zone refuge pour les populations frappées par les bombardements alliés à partir de 1942, il est directement menacé par la conquête soviétique à partir de la seconde moitié du mois de , lors de la phase d'exploitation de la percée soviétique obtenue le . Cependant, la conquête n'est pas totalement achevée lors de la capitulation, les unités allemandes défendant la région avec acharnement. Entre la mise en place du Reichsgau et la conquête soviétique, Le Gau est soumis à un pillage en règle par les autorités allemandes.

Exploitation Ă©conomique

Photographie en noir et blanc d'un homme en complet.
Ludwig Schwerin von Krosigk, ici en 1932, participe à la mise en coupe réglée des richesses du Gau.

Rapidement, le Gau, à l'instar des autres territoires conquis, est mis en coupe réglée par le Reich. En dépit de la politique erratique des premiers mois, nécessitant l'intervention de Göring, il est rapidement exploité au profit du Reich et de son économie de guerre[52]. Dès le , dans un contexte marqué par les frictions entre la SS et l'armée autour de la politique d'occupation en Pologne, Göring, en tant que plénipotentiaire pour le plan de quatre ans, convoque une réunion à laquelle sont conviés les responsables nazis des territoires orientaux contrôlés par le Reich, dont le Gauleiter Albert Forster, le Reichsführer Heinrich Himmler et le ministre de l'économie, Lutz Schwerin von Krosigk ; il y rappelle les objectifs assignés aux territoires polonais occupés ou annexés par le Reich : renforcer le potentiel économique du Reich[51], y compris aux dépens de la politique raciale à court terme[72].

En vertu du dĂ©cret d'annexion de 1939 le Reichsmark devient la monnaie lĂ©gale en vigueur, obligeant les habitants du Gau Ă  convertir leur zĹ‚oty en Reichsmarks, la Reichsbank rĂ©cupĂ©rant ainsi par ce biais, dans les territoires polonais annexĂ©s, la somme de 660 millions de zĹ‚otys, utilisĂ©s pour financer les achats allemands dans le Gouvernement gĂ©nĂ©ral, oĂą cette monnaie a cours lĂ©gal[73].

Enfin, cette exploitation s'effectue dans un premier temps aussi en utilisant les ressources du système fiscal en vigueur dans le Reich, en étendant et en systématisant le système fiscal mis en place pour les Juifs dans le Reich. Exclus du système social allemand, les Polonais du Gau doivent s'acquitter d'une taxe spéciale, la « taxe de compensation des prestations ». De plus, les Polonais sont systématiquement soumis aux tranches les plus défavorables du calcul de l'impôt sur le revenu[74].

Évolution du Gau durant le conflit

Photographie en noir et blanc dans un avion.
Heinz Guderian (à droite), ici en 1943, ordonne la mise en défense du Gau durant l'été 1944.

Au cours de la seconde moitié de l'année 1944, le Gau est mis en défense, conformément aux consignes édictées par Heinz Guderian, chef d'état-major adjoint de l'OKH, dans son décret du , relatif à l'érection de fortifications dans les Gaue orientaux du Reich[75], ces fortifications s'appuyant en partie sur les celles érigées dans les années 1930 par la Pologne[76].

Jusqu'au début de l'année 1945, le Gau semble globalement épargné par le conflit, le front en étant encore éloigné, contenu à proximité de Varsovie et sur les confins orientaux de la Prusse-Orientale[77]. Cependant, l'arrivée des premiers réfugiés de Prusse-Orientale, à partir du mois de , fait entrer le Reichsgau dans la guerre ; de plus, cet exode contribue au discrédit auprès des populations allemandes du NSDAP et de Forster, responsables régional du parti[78].

Dans le même temps, le port de Dantzig est utilisé comme base arrière pour les unités stationnées en Courlande et comme port de ralliement des unités de la Kriegsmarine qui sont déployées dans la Mer Baltique et qui surclassent les unités de la flotte de guerre soviétique déployées sur ce théâtre d'opérations[79].

La volatilisation dans la tourmente de l'hiver et du printemps 1945

Photographie en noir et blanc d'homme en uniforme et portant des lunettes.
Heinrich Himmler, ici en 1942, obtient des bateaux pour procéder à l'évacuation des civils allemands de la région.

Les succès soviétiques de l'hiver 1945 menacent directement le territoire du Gau à partir du . À partir de ce moment, la ville de Dantzig et sa région deviennent le refuge des Allemands fuyant la Prusse-Orientale et le Wartheland, submergés par les unités soviétiques[80]. En effet, le secteur est bien défendu par des unités de l'armée, appuyées sur les fortifications du port de guerre de Dantzig[81].

Les succès soviĂ©tiques de l'hiver 1945 isolent non seulement le Gau de tout contact terrestre avec le Reich, mais rendent aussi prĂ©caire la survie des populations allemandes. Celles-ci, soumises Ă  des informations contradictoires, tentent d'Ă©chapper Ă  l'ArmĂ©e rouge par la mer[82]. Pour faciliter leur Ă©vacuation, Forster et Himmler demandent, le , l'appui de Karl Kaufmann, Gauleiter de Hambourg, pour l'Ă©vacuation des rĂ©fugiĂ©s rassemblĂ©s dans la rĂ©gion de Dantzig[83], tandis que Forster tente d'exposer la situation dĂ©sespĂ©rĂ©e de son chef-lieu Ă  Hitler, qui lui remonte le moral, selon Christa Schroeder[20]. L'accord avec Kaufmann rend possible la mobilisation de 1 080 navires, pour les deux tiers des navires marchands, afin d'Ă©vacuer des rĂ©fugiĂ©s allemands originaires de rĂ©gions plus Ă  l'Est, ou pour maintenir une menace persistante de transferts de grandes unitĂ©s allemandes stationnĂ©es sur le pourtour de la Baltique[76].

Cependant, à la faveur du remplacement de Walter Weiss par Dietrich von Saucken le , Forster, totalement démoralisé, est obligé de laisser la réalité du pouvoir aux militaires, qui tentent d'organiser la défense de manière à permettre l'évacuation d'un maximum de civils[76].

Conquête par l'Armée rouge

Photographie en noir et blanc d'un homme assis dans un véhicule.
Constantin Rokossovski commande le 2e front de Biélorussie, chargé de la conquête de la région.

La conquête de la Prusse-Occidentale constitue l'un des objectifs de l'Armée rouge au début de l'année 1945. Théâtre de multiples contre-attaques allemandes, dont la dernière grande offensive sur cette partie du front, le territoire du Reichsgau est définitivement conquis durant les mois de et de , en dépit des nombreuses mesures de mise en défense des ports stratégiques de Dantzig et Gotenhafen et des capacités d’improvisation du commandant de la forteresse de Dantzig (de), puissamment fortifiée[84].

La ville de Bromberg est atteinte par les troupes soviétiques lors de la phase d'exploitation de l'offensive d'hiver soviétique le et totalement libérée quatre jours plus tard[85]. Le sud du Gau est ainsi rapidement conquis par l'Armée rouge, qui marque cependant le pas et échoue, dans un premier temps, à atteindre la Baltique, lors d'une vaine offensive lancée au cours du mois de . Puis, dans un second temps, après avoir tiré les conséquences de cet échec, une nouvelle offensive montée et exécutée durant la dernière semaine de aboutit à la rupture recherchée[86].

Le , ce qui reste du Reichsgau sous contrĂ´le allemand est dĂ©finitivement isolĂ© du reste de la Prusse[82]. La zone encore sous contrĂ´le allemand constitue une poche de 150 km de pĂ©rimètre autour des villes de Dantzig et Gotenhafen et se trouve dĂ©fendue Ă  la fois par les unitĂ©s encore opĂ©rationnelles dans le secteur, par l'artillerie de marine, les canons Ă  gros calibres des vaisseaux de guerre stationnĂ©s dans la baie de Dantzig et par les hommes raflĂ©s dans les services de l'arrière, les villes, les villages et parmi les colonnes de rĂ©fugiĂ©s[87] : cette concentration de moyens bricolĂ©s bloque les troupes soviĂ©tiques dans leur progression en direction de Dantzig en dĂ©pit de la rupture du front obtenue lors de la prise de Preussisch Stargard le [88].

Dotées d'un bon moral, réorganisées sous la houlette de Walter Weiss, puis de Dietrich von Saucken[76], soutenues par des unités de la marine de guerre, qui tirent des bordées à intervalles réguliers et par une puissante artillerie de marine positionnée sur la côte, les unités qui défendent les ports de Dantzig et Gotenhafen résistent efficacement jusqu'à la fin du mois de mars[82] : le , la poche organisée autour de ces ports est sectionnée par l'investissement de Zoppot, définitivement conquise le [89]. Gotenhafen, directement menacée par la conquête de Putzig le , résiste jusqu'au , Dantzig jusqu'à son évacuation le lendemain[90].

Le jour de la capitulation du Troisième Reich, le , la totalitĂ© du territoire du Gau ne se trouve pas sous contrĂ´le soviĂ©tique : deux enclaves subsistent, la presqu'Ă®le de Hela et le camp du Stutthof. La presqu'Ă®le de Hela est encore occupĂ©e par ce qu'il reste du Groupe d'armĂ©es Nord, constituant une force de 150 000 soldats Ă©vacuĂ©s lors de la conquĂŞte de la Prusse-Orientale[91] et accueille près de 100 000 rĂ©fugiĂ©s[92]. Le territoire du camp du Stutthof constitue l'autre enclave non encore libĂ©rĂ©e par l'ArmĂ©e rouge : totalement encerclĂ©, le camp est Ă©vacuĂ© dans des conditions effroyables par la mer Ă  la fin du mois d' ; lors de l'entrĂ©e des SoviĂ©tiques dans le camp, le , le camp compte encore une centaine de dĂ©tenus, cachĂ©s depuis l'Ă©vacuation ordonnĂ©e par les gardes SS[54].

Notes et références

Notes

  1. Entre 1871 et 1945, le nom officiel de l'État national allemand est Deutsches Reich, simplement désigné par le terme Reich par la suite.
  2. Ce concordat est déclaré caduc, en raison de la disparition de l'État polonais.
  3. Arthur Greiser mène une politique comparable dans le Wartheland.
  4. Forster les accuse d'être imperméable à sa politique raciale.
  5. Celui-ci défend l'idée d'une germanisation rapide des populations non allemandes du Reichsgau.

Références

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Voir aussi

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Articles connexes

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