Phrase interrogative
En grammaire, la phrase interrogative est, selon le but de la communication quâelle rĂ©alise, un type de phrase qui demande une information Ă son destinataire. En ceci, elle s'oppose Ă deux autres types de phrases : la phrase Ă©nonciative (dite aussi assertive ou dĂ©clarative), qui donne une information, et la phrase impĂ©rative (ou injonctive), qui demande ou interdit de faire quelque chose[1] - [2] - [3] - [4].
Types de phrases interrogatives
Phrases interrogatives véritables et faussement interrogatives
La phrase interrogative se caractĂ©rise par certains traits susceptibles de varier d'une langue Ă l'autre, tels lâintonation, lâemploi de mots interrogatifs, un certain ordre des mots, etc. Cependant, seules certaines phrases qui ont de telles caractĂ©ristiques sont interrogatives Ă proprement parler, celles qui correspondent Ă la dĂ©finition ci-dessus, câest-Ă -dire auxquelles le locuteur attend une rĂ©ponse. Les autres, auxquelles on nâattend pas de rĂ©ponse, sont faussement interrogatives. Telles sont les questions rhĂ©toriques ou oratoires. Ce caractĂšre nâest parfois dĂ©ductible que du contexte[1] - [5] - [6] - [4]. Exemples :
- (fr) Est-il possible quâil ait fait une telle faute ?[5] ;
- (ro) Cine ar fi crezut aÈa ceva? « Qui aurait cru une chose pareille ? »[7]
- (en) Isnât that awful? « Nâest-ce pas effroyable ? »[6] ;
- (hr) Ali ne vidite koliko je kratko vrijeme? « Ne voyez-vous donc pas comme le temps est mesuré ? »[8]
- (hu) HĂĄt ti mind megĆrĂŒltetek ? « Vous ĂȘtes donc tous devenus fous ? »[9]
Questions ouvertes et questions fermées
Ces deux types de phrases interrogatives se distinguent selon que la rĂ©ponse attendue doit confirmer ou infirmer tout le contenu de la question par le biais de son prĂ©dicat, ou quâelle demande une information reprĂ©sentĂ©e par un terme ayant une certaine fonction syntaxique[1] - [3] - [4].
Les questions fermées
Les questions fermĂ©es (ou totales) appellent comme rĂ©ponse « oui » (si si la question est nĂ©gative) ou non, ou bien un de leurs Ă©quivalents : tout Ă fait, pas du tout, etc. Ces phrases se rĂ©alisent par des procĂ©dĂ©s qui peuvent ĂȘtre diffĂ©rents dâune langue Ă une autre.
Lâun des procĂ©dĂ©s est une intonation spĂ©cifique. Dans certaines langues, elle peut distinguer toute seule la phrase interrogative de lâĂ©nonciative dans tout registre de langue :
- (ro) Vei veni? « Tu viendras ? / Est-ce que tu viendras ? / Viendras-tu ? » vs Vei veni[4] ;
- (cnr) Ćetili ste se? « Vous vous ĂȘtes rappelĂ© ? / Est-ce que vous vous ĂȘtes rappelĂ© ? / Vous ĂȘtes-vous rappelĂ© ? » vs Ćetili ste se[10] ;
- (hu) Megérkezett Anikó ? « Anikó est arrivée ? / Est-ce que Anikó est arrivé ? / Anikó est-elle arrivée ? » vs Megérkezett Anikó[11].
En français, ce procédé est caractéristique pour les registres courant et familier de la langue parlée, ex. Vous savez conduire ? vs Vous savez conduire[12].
Dans certaines langues, il est courant dâemployer, pour introduire une question fermĂ©e, un Ă©lĂ©ment qui nâa quâun rĂŽle grammatical.
- En français, la locution est-ce que sort la question du registre familier et la rend simplement courante : Est-ce que vous savez conduire ?[12].
- En anglais, lorsque le prédicat est à une forme temporelle simple, la question commence, selon le standard, par le verbe do : Did they arrive at six? « Sont-ils/elles arrivé(e)s à six heures ? »[13].
- En BCMS[14] il est parfois obligatoire dâutiliser la particule interrogative li aprĂšs le prĂ©dicat ou son verbe auxiliaire ((sr) Mogu li da uÄem? « Puis-je entrer ? »[15] ou da li devant le prĂ©dicat : Da li ste videle ovo? « Avez-vous vu ça ? »[16].
- En hongrois on emploie facultativement la particule -e attachée au prédicat ou à son auxiliaire : Elolvastad-e a könyvet? « As-tu lu le livre ? »[17].
Il y a aussi dâautres Ă©lĂ©ments de ce genre, mais moins frĂ©quents, et qui ajoutent une nuance de sens Ă la question :
- (ro) Oare vor veni? « Est-ce quâils/elles viendront ? » â nuance dubitative[4] ;
- (cnr) Zar se nijesmo tako dogovorili? « Mais nâen avons-nous pas convenu ainsi ? » â nuance dâĂ©tonnement, dâirritation[10] ;
- (hu) Vajon szeret-e mĂ©g engem ? « Mâaime-t-il/elle encore ? » â nuance dubitative, dâinquiĂ©tude[18].
Dans certaines langues, un autre procĂ©dĂ© est dâappliquer lâordre verbe + sujet au lieu de lâordre sujet + verbe de la proposition Ă©nonciative, sans effet de mise en relief.
- En anglais, cette inversion est appliquĂ©e, aux temps verbaux composĂ©s, entre le sujet et lâauxiliaire, en tant que seul procĂ©dĂ© standard, ex. Are you leaving today? « Pars-tu / Partez-vous aujourdâhui ? »[19]
En français, câest un procĂ©dĂ© caractĂ©ristique pour le registre soutenu : Pourriez-vous mâindiquer le chemin de la gare ? Si le sujet est exprimĂ© par un nom, celui-ci est repris aprĂšs le verbe sous la forme du pronom personnel conjoint qui lui correspond : Le soleil brille-t-il ? Aux temps composĂ©s, lâinversion sâapplique entre le sujet et lâauxiliaire : A-t-on votĂ© cette fameuse loi ?[20]. Dans le cas des pĂ©riphrases verbales avec aller et venir comme semi-auxiliaires, le procĂ©dĂ© est analogue : Va-t-il partir ?[21].
Lorsque le locuteur est presque sĂ»r de la rĂ©ponse, il peut poser la question sous la forme dâune phrase Ă©nonciative Ă laquelle il ajoute une brĂšve question qui demande sa confirmation :
- (fr) Vous avez des enfants, nâest-ce pas?[12] ;
- (ro) Aici e gara, nu-i aÈa / aÈa-i / nu? « La gare est lĂ , nâest-ce pas ? »[22] ;
- (hr) Ne bi ĆĄkodilo â a ? « Ăa ne ferait pas de mal, hein ? »[8] ;
- (cnr) Svi smo tu, zar ne? « Nous sommes tous lĂ , nâest-ce pas ? »[23] ;
- (hu) Nehezek a gyakorlatok, ugye? « Les exercices sont difficiles, nâest-ce pas ? »[11].
En anglais, ce type de question prend souvent la forme de question tags, c'est-Ă -dire une reprise elliptique du prĂ©dicat sous la forme de lâauxiliaire employĂ© seul suivi du sujet sous la forme du pronom personnel. Le question tag est le plus souvent Ă la forme nĂ©gative si la question est positive, et Ă la forme positive si la question est nĂ©gative[24] :
- You came home late, didn't you? « Tu es rentrĂ©(e) / Vous ĂȘtes rentrĂ©(e)(s) tard, nâest-ce pas ? » ;
- You haven't finished, have you? « Tu nâas / Vous nâavez pas terminĂ©, nâest-ce pas ? » ;
- The sausages were nice, weren't they? « Les saucisses Ă©taient bonnes, nâest-ce pas ? »
Il y a aussi un type de question totale Ă laquelle on ne peut pas rĂ©pondre par oui ou par non. Câest celle qui porte sur deux termes en coordination disjonctive :
- (fr) Puis-je compter sur vous ou dois-je mâadresser ailleurs ?[5] ;
- (ro) Vii sau pleci? « Tu viens ou tu tâen vas ? »[7] ;
- (en) Is Philip coming today or tomorrow? « Est-ce que Philip vient aujourdâhui ou demain ? »[3] ;
- (hu) Sajtos vagy szalåmis kenyeret kérsz? « Tu veux du pain au fromage ou au saucisson ? »[17].
Les questions ouvertes
Ce type dâinterrogation, dites aussi partielle, diffĂšre de l'interrogation fermĂ©e par lâemploi dâun mot introducteur interrogatif. Celui-ci peut ĂȘtre un pronom interrogatif, un adjectif pronominal interrogatif ou un adverbe interrogatif. Certains mots interrogatifs peuvent changer de forme en fonction de leur fonction syntaxique dans la phrase. Ceci est particuliĂšrement vrai dans les langues synthĂ©tiques telles que le latin, la plupart des langues slaves ou l'allemand. Celui-ci peut ĂȘtre :
- le sujet : (fr) Quâest-ce qui a fait ce bruit ?[25], (ro) Cine va veni? « Qui viendra ? »[4] ;
- le prĂ©dicat verbal : (fr) â Que fait Marie ? â Elle dort[26], (hu) Mit csinĂĄl most a csalĂĄdod? « Que fait ta famille maintenant ? »[27] ;
- lâattribut du sujet : (fr) Qui sont ceux-lĂ ?[28], (en) Whose is this umbrella? « Ă qui est ce parapluie ? »[29] ;
- le complément d'objet direct (COD) : (fr) Qui est-ce que tu choisiras ?[28], (cnr) Koga nazvaste lopovom? « Qui avez-vous traité de voleur ? »[30] ;
- un complément d'objet indirect (COI) : (fr) à quoi pensez-vous ?[28], (ro) Cui ßi dai cartea? « à qui donnes-tu le livre ? »[31] ;
- un complément circonstanciel : (fr) Pour qui achÚte-t-elle ce livre ?, (en) When are you coming back? « Quand rentres-tu / rentrez-vous ? »[29] ;
- une Ă©pithĂšte ou un complĂ©ment du nom (CN) : (fr) Quelles couleurs prĂ©fĂšre-t-elle ?[32], (sr) Kakvu salatu ĆŸelite? « Quelle salade voulez-vous ? »[33]
Interrogation directe et indirecte
Cette classification de lâinterrogation est faite selon que la question est adressĂ©e Ă son destinataire sous la forme dâune phrase simple ou dâune proposition subordonnĂ©e Ă un verbe qui exprime lâinterrogation ou lâignorance, ou bien Ă un nom dĂ©rivĂ© dâun tel verbe[4].
Lâinterrogation directe
Tous les exemples ci-dessus sont des questions directes. Dans la langue parlĂ©e, la question directe est souvent une phrase non analysable et fragmentaire. Dans les registres populaire et familier, elle peut ĂȘtre une interjection accompagnĂ©e dâune mimique interrogative[7], par exemple :
La question partielle fragmentaire peut se rĂ©duire en français au mot interrogatif suivi de ça, dans le cas de la plupart de ces mots : Quand ça ?, OĂč ça ?, Qui ça ?, Comment ça ?[37]. Dans dâautres langues, elle peut se rĂ©duire au seul mot interrogatif, ex. (ro) â A venit mama. â Cine? « â Câest maman qui est venue. â Qui ça ? »[7].
Ăcrite, la question directe se termine toujours par un point d'interrogation. En espagnol, la question est Ă©galement prĂ©cĂ©dĂ©e dâun point dâinterrogation culbutĂ© : ÂżHa llegado el tren? « Est-ce que le train est arrivĂ© ? »[38].
Lâinterrogation indirecte
La question indirecte est, du point de vue syntaxique, une proposition subordonnée nominale qui peut avoir des fonctions diverses dans la phrases (le plus souvent COD, plus rarement sujet ou attribut). Elle a les traits structurels et intonatifs de la phrase énonciative.
La question indirecte fermée est marquée, dans certaines langues, par une conjonction. En français, cette conjonction est si :
- (fr) La maĂźtresse a demandĂ© aux enfants sâils voulaient quâelle leur lise une histoire[39] ;
- (ro) Te-am Ăźntrebat dacÄ vii mĂąine « Je tâai demandĂ© si tu viendrais demain »[7] ;
- (en) I was wondering if/whether you could give me a lift « Je me demandais si tu pouvais / vous pouviez mâemmener »[40].
En BCMS, la question indirecte totale est introduite par une des particules li ou da li, celles utilisĂ©es dans sa correspondante directe aussi : (cnr) PitaÄe se jesi li uÄinio sve ĆĄto je trebalo « Il/Elle va se demander si tu as fait tout ce quâil fallait »[41], (sr) PitaÄu prodavca da li ima deterdĆŸenta « Je vais demander au vendeur sâil y a du dĂ©tergent »[42].
En hongrois, la marque obligatoire de cette proposition est la particule -e, celle qui est facultative dans la question directe. Elle peut ĂȘtre la seule marque, ou la proposition peut ĂȘtre introduite en mĂȘme temps par la conjonction hogy : KĂ©rdezd meg, (hogy) van-e mĂ©g jegy « Demande sâil y a encore des billets »[43].
La question indirecte ouverte est en gĂ©nĂ©ral introduite par le mĂȘme mot interrogatif par lequel commence la question directe correspondante :
- (fr) Je voudrais savoir pourquoi vous riez[44] ;
- (ro) El ĂźntreabÄ cine va reuÈi Èi cum se va reuÈi « Il demande qui rĂ©ussira et comment il/elle rĂ©ussira »[4] ;
- (en) We need to know what the rules are « Nous avons besoin de savoir quelles sont les rÚgles »[40] ;
- (cnr) Pitanje je Äe se sad nalazi « La question est oĂč il/elle se trouve maintenant »[41].
En hongrois, dans ce type de phrase aussi, la conjonction hogy est utilisable : Az a kérdés, (hogy) hånyan lesznek « La question est combien ils/elles seront »[43].
En français standard, dans le cas de la question portant sur le sujet et sur le COD inanimés, le mot introducteur est quelque peu différent du mot interrogatif de la question directe[45] :
- Quâest-ce qui se passe ? ou Que se passe-t-il ? â Tout le monde se demande ce qui se passe ;
- Quâest-ce que tu lis ? ou Que lis-tu ? â Il voulait savoir ce que je lisais.
Dans certaines langues, Ă la place dâune telle proposition on peut utiliser un complĂ©ment exprimĂ© par un verbe Ă lâinfinitif, surtout si son sujet est le mĂȘme que celui de son verbe rĂ©gissant :
Notes et références
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- Grevisse et Goosse 2007, p. 225.
- Bussmann 1998, p. 588-589.
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