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Locution (linguistique)

En grammaire, en lexicologie et en phraséologie, une locution est un groupe de mots qui constitue une unité lexicale, ayant un sens unitaire et se comportant, du point de vue grammatical, comme un mot unique appartenant à une certaine partie du discours[1] - [2] - [3]. En grammaire, les locutions font partie de la catégorie plus grande des périphrases[3] et, en phraséologie, de celle des unités phraséologiques.

CritĂšres de la locution

Pour vérifier si un groupe de mots est une locution ou non, on peut lui appliquer plusieurs critÚres[4] :

  • La locution peut ĂȘtre remplacĂ©e par un seul mot (critĂšre paradigmatique), ex. : Il voyage en chemin de fer / Il voyage en voiture.
  • Elle ne respecte pas une rĂšgle de la construction des syntagmes (critĂšre syntaxique), par exemple :
    • Le nom qui en fait partie n’a pas de dĂ©terminant : avoir lieu.
    • On n’accorde pas un autre terme de la phrase avec le nom de la locution : Quelque chose est arrivĂ©.
    • Le verbe de la locution ne se soumet pas Ă  la rĂšgle de la concordance des temps : Il rencontra une dame comme il faut.
    • Le gĂ©rondif qui en fait partie n’est pas construit selon la rĂšgle : Ă  son corps dĂ©fendant.
    • L’ordre des mots ordinaire n’y est pas respectĂ© : sans coup fĂ©rir.
  • Son sens n’équivaut pas Ă  l’addition des sens de ses constituants (ex. : bande dessinĂ©e) ou elle est synonyme d’un mot unique (critĂšre sĂ©mantique) : en vain = vainement[1].
  • Le locuteur moyen est incapable d’analyser ses composantes, ce qui peut avoir plusieurs raisons :
    • La locution contient un Ă©lĂ©ment qui n’est plus utilisĂ© dans la langue actuelle (un archaĂŻsme) : d’ores et dĂ©jĂ .
    • Un mot de la locution reprĂ©sente l’altĂ©ration d’un autre mot : il y a belle lurette (altĂ©ration d’heurette).
    • Un nom propre de la locution n’est plus connu par le locuteur moyen : fier comme Artaban (personnage de ClĂ©opĂątre [1647], roman de La CalprenĂšde).
  • Elle contient un rĂ©gionalisme non acceptĂ© par le standard de la langue en dehors de la locution : (ro) Ăźn zadar « en vain »[5].
  • Elle contient une forme flĂ©chie non acceptĂ©e par le standard en dehors de la locution : (ro) pe de lături « Ă  cĂŽtĂ© » (la forme standard du nom est laturi « cĂŽtĂ©s »)[5].

Cependant, ces critĂšres sont rarement tous rĂ©unis, ce qui diffĂ©rencie les locutions des mots composĂ©s, ceux-ci rĂ©sultant d’un figement. En effet, beaucoup de locutions ne sont pas totalement figĂ©es, de plusieurs points de vue possibles :

  • La locution peut subir un changement syntagmatique : fier comme Artaban / aussi fier qu’Artaban.
  • L’un de ses Ă©lĂ©ments peut changer de forme (point de vue morphologique) : j’ai l’air / ils ont l’air, bon marchĂ© / meilleur marchĂ©.
  • Ses composantes peuvent ĂȘtre analysables : avoir faim s’oppose Ă  avoir soif, machine Ă  laver Ă  machine Ă  coudre.

Locutions appartenant aux diverses parties du discours

Dans certaines langues, comme le français, il y a des locutions appartenant Ă  presque toutes les parties du discours. Seuls les numĂ©raux et les articles n’apparaissent pas comme ayant des reprĂ©sentants locutions, par exemple dans Grevisse et Goosse 2007. Cependant, une grammaire du roumain comme Avram 1997, prend en compte des locutions numĂ©rales distributives : cĂąte doi « deux par deux », cĂąte trei « trois par trois », etc.[6].

Il y a donc des locutions[7] :

Il y a parfois des parallélismes de structure entre locutions appartenant à des parties du discours différentes, par exemple (en roumain)[8] :

  • cu toate acestea « malgrĂ© cela » (locution adverbiale) – cu toate că « malgrĂ© que » (locution conjonctive) ;
  • Ăźn jur « tout autour » (locution adverbiale) – Ăźn jurul « autour de » (locution prĂ©positionnelle) ;
  • Ăźnainte de (a) « avant de » (locution prĂ©positionnelle) – Ăźnainte (ca) să « avant que » (locution conjonctive).

De tels parallĂ©lismes se crĂ©ent parfois par dĂ©rivation : (ro) a aduce aminte « rappeler » → aducere aminte « rappel », a băga de seamă « remarquer, observer » → băgare de seamă « action de remarquer/observer, attention » et băgător de seamă « personne qui ne fait qu’observer, sans agir » (ironique)[8].

Références

  1. Dubois 2002, p. 289
  2. Grevisse et Goosse 2007, p. 196.
  3. Constantinescu-Dobridor 1998, article locuțiune.
  4. Section d’aprĂšs Grevisse et Goosse 2007, p. 196-197, sauf les informations des sources indiquĂ©es Ă  part.
  5. Avram 1997, p. 32.
  6. Avram 1997, p. 139.
  7. Exemples de Grevisse et Goosse 2007, p. 196, et de Dubois 2002, p. 289.
  8. Avram 1997, p. 33.

Sources bibliographiques

  • (ro) Avram, Mioara, Gramatica pentru toți [« Grammaire pour tous »], Bucarest, Humanitas, 1997 (ISBN 973-28-0769-5)
  • (ro) Constantinescu-Dobridor, Gheorghe, Dicționar de termeni lingvistici [« Dictionnaire de termes linguistiques »], Bucarest, Teora, 1998 ; en ligne : Dexonline (DTL) (consultĂ© le )
  • Dubois, Jean et al., Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse-Bordas/VUEF, 2002 (consultĂ© le )
  • Grevisse, Maurice, et Goosse, AndrĂ©, Le Bon Usage. Grammaire française, 14e Ă©dition, Bruxelles, De Boeck UniversitĂ©, 2007 (ISBN 978-2-8011-1404-9) (consultĂ© le )

Bibliographie supplémentaire

  • Martins-Baltar, Michel (textes rĂ©unis par), La locution, entre langue et usages, Fontenay-aux-Roses, ENS Éditions, coll. « Langages », 1997 (ISBN 2902126433)
  • Tolli, Francis (textes rĂ©unis et prĂ©sentĂ©s par), La locution et la pĂ©riphrase du lexique Ă  la grammaire, Actes des JournĂ©es d’étude sur la locution organisĂ©es Ă  l'UniversitĂ© de Pau les 16 et , Paris, L'Harmattan, coll. « SĂ©mantiques », 2001 (ISBN 9782747519489)

Articles connexes

Voir aussi

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