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Manuel Contreras

Juan Manuel Guillermo Contreras SepĂșlveda, nĂ© le Ă  Santiago et mort le [1] dans la mĂȘme ville, est le directeur de la DINA de 1973 Ă  1978, le service de renseignement chilien sous la dictature militaire dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Augusto Pinochet. Il fut contraint de dĂ©missionner de la DINA, rebaptisĂ©e CNI, en avril 1978 aprĂšs l'affaire Orlando Letelier[2], du nom du ministre dĂ©mocrate-chrĂ©tien assassinĂ© en 1976 aux États-Unis. Il resta toutefois gĂ©nĂ©ral. Il fut Ă©galement un agent informateur de la CIA de 1974 Ă  1977[3].

Manuel Contreras
Manuel Contreras.
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  86 ans)
Santiago
Nom de naissance
Juan Manuel Guillermo Contreras SepĂșlveda
Pseudonyme
Mamo Contreras
Nationalité
Formation
Escuela Militar del Libertador Bernardo O'Higgins (d) (-)
École militaire impĂ©riale du Japon (-)
École militaire des AmĂ©riques (Ă©tudes post-grade) (-)
Activités
Autres informations
Arme
Grade militaire
Conflit
MaĂźtre
Condamné pour

Transition démocratique

AprÚs la transition démocratique entamée en 1988, Manuel Contreras a été condamné au Chili en 1993 pour l'assassinat, en 1976 à Washington, d'Orlando Letelier, ancien ministre de Salvador Allende, et de son assistante américaine Ronni Moffitt. Il fut aussi condamné par la justice chilienne en 2002 pour la disparition de Victor Olea Alegria, ancien dirigeant du Parti socialiste du Chili. Il a de nouveau été condamné en 2005 pour la disparition de Miguel Ángel Sandoval, un membre du Mouvement de la gauche révolutionnaire (Chili), et en avril 2010 à 5 ans de prison pour celle d'Héctor Vergara Doxrud, un militant du MAPU (Movimiento de Acción Popular Unitaria)[4].

La justice argentine l'a aussi condamné pour l'assassinat du général Carlos Prats (chef des armées sous Salvador Allende) et de sa femme, à Buenos Aires en 1974.

Le gĂ©nĂ©ral Contreras a Ă©tĂ© amnistiĂ© par la justice chilienne en 2005 dans le cadre du dossier sur l'opĂ©ration Colombo, tandis que l'État chilien a rejetĂ© la requĂȘte d'extradition vers l'Argentine.

Manuel Contreras est toujours sous le coup d'enquĂȘtes au sujet de plusieurs violations des droits de l'homme commises par la DINA[5] et a Ă©tĂ© de nouveau condamnĂ© Ă  10 ans de prison en dĂ©cembre 2007, puis de nouveau Ă  3 ans de prison en mars 2010 pour la sĂ©questration de Lourdes PĂ©rez Vargas [6]. Il Ă©chappa nĂ©anmoins Ă  d'autres inculpations, par exemple, en 2007, concernant l'opĂ©ration Calle Conferencia (dĂ©capitation en 1976 de la direction du Parti communiste), en vertu du motif de la « chose jugĂ©e ».

Il accumule ainsi une quinzaine d'accusations contre lui pour un total de 200 ans de prison, dont la moitiĂ© doit encore ĂȘtre jugĂ©e par la Cour suprĂȘme[7].

Opération Condor

Manuel Contreras est diplĂŽmĂ© du cours de « guerre contre-insurrectionnelle » de l'Ă©cole du Fort Benning (qui abrite l'ex-School of Americas, aujourd'hui WHISC) situĂ© en Virginie aux États-Unis[8].

De 1973 à 1977, il commanda les opérations de la DINA, dans le cadre de l'opération Condor, qui visait à pister et à assassiner les opposants politiques du régime militaire chilien, en particulier les membres des partis socialistes, communistes et du MIR. Interviewé par la journaliste Marie-Monique Robin, Contreras a déclaré avoir envoyé « tous les deux mois (...) des contingents de la DINA », au Centre d'instruction de la guerre dans la jungle de Manaus (Brésil), pour que le général Paul Aussaresses « les entraßne »[9].

Selon le rapport amĂ©ricain sur les "ActivitĂ©s de la CIA au Chili" (CIA activities in Chile), rendu public le , le gouvernement des États-Unis aurait approuvĂ© les contacts de la CIA avec Contreras de 1974 Ă  1977 afin d'accomplir les projets de l'agence de Langley au Chili.

DĂšs 1975, l'agence de renseignement amĂ©ricaine avait conclu que Contreras Ă©tait l'un des principaux obstacles Ă  une politique raisonnable concernant les droits de l'homme au sein du gouvernement d'Augusto Pinochet, mais la CIA a maintenu malgrĂ© tout ses liens avec le chef de la DINA, "des Ă©lĂ©ments de la CIA recommandant d'Ă©tablir une relation rĂ©munĂ©rĂ©e avec Contreras"[10] — le rapport de 2000 n'admet nĂ©anmoins l'existence que d'un seul paiement, effectuĂ© en 1975[11] - [12].

Selon ces documents, Manuel Contreras a été invité trois fois à Washington (district de Columbia) (janvier et et [13]), et rencontra notamment le général Vernon Walters, 15 jours avant le lancement officiel de l'Opération Condor[14]. En , il aurait aussi rencontré, à la demande de l'ambassadeur américain à Santiago du Chili, le sous-directeur de la CIA à Washington[15].

Le rapport publiĂ© en 2000 prĂ©cise aussi que la CIA a utilisĂ© ses liens avec le chef de la DINA pour obtenir des informations au sujet du plan Condor. Il ne confirme pas cependant que la CIA ait utilisĂ© ces informations pour empĂȘcher les assassinats projetĂ©s par les services de renseignements latino-amĂ©ricains[14]. En , Contreras confirme Ă  la CIA l'existence de l'opĂ©ration Condor[15].

Or, c'est en , selon les dépositions du terroriste italien Vincenzo Vinciguerra et de Michael Townley, ex-agent de la CIA travaillant pour la DINA, qu'il rencontre le néofasciste italien Stefano Delle Chiaie, à Santiago, aux cÎtés de Junio Valerio Borghese, l'ex-homme de main de Mussolini, pour organiser l'assassinat du démocrate-chrétien chilien Bernardo Leighton[16]. Ce dernier, et sa femme, seront victimes d'une tentative d'assassinat le à Rome.

Contreras rencontre à nouveau Stefano Delle Chiaie, en compagnie d'Augusto Pinochet, lors des funérailles de Franco à Madrid en 1975[16]. Il prépare alors un attentat contre Carlos Altamirano, le chef du Parti socialiste chilien[17].

L'assassinat d'Orlando Letelier et la dissolution de la DINA

À la suite de l'assassinat de l'ex-ministre de Salvador Allende, Orlando Letelier, et de son assistante amĂ©ricaine Ronni Moffitt, en plein Washington, le , la CIA se mit Ă  rassembler des rapports dĂ©taillĂ©s concernant la responsabilitĂ© du gĂ©nĂ©ral Contreras en tant que commanditaire de cet assassinat, organisĂ© notamment par Michael Townley, ancien agent de la CIA qui travaillait pour la DINA. Une partie de ces informations demeurent classifiĂ©es, et une autre partie n'a pas Ă©tĂ© rendue publique dans le rapport de 2000, Ă  la demande du dĂ©partement de la Justice des États-Unis. MalgrĂ© cet assassinat, les contacts de la CIA avec Manuel Contreras ont continuĂ© jusqu'en 1977[12]. L'agence de renseignement amĂ©ricaine rencontra Contreras au moins une demi-douzaine de fois en 1977[15].

En 1977, le gĂ©nĂ©ral Pinochet dissout la DINA, probablement Ă  la suite des pressions des États-Unis (consĂ©quence de l'assassinat de Letelier), et la remplace par le CNI (Centre national d'intelligence). Manuel Contreras est nommĂ© gĂ©nĂ©ral dans l'armĂ©e chilienne, dans laquelle il reste pendant deux ans. Les États-Unis lancent une requĂȘte d'extradition contre Contreras, accusĂ© de l'assassinat de Letelier, en 1978, qu'ils annulent peu avant le dĂ©but de son procĂšs au Chili[13].

ProcĂšs et enquĂȘtes

L'affaire de la tentative d'assassinat de Bernardo Leighton

Le juge italien Giovanni Salvi condamna, en juillet 1996, par contumace, Manuel Contreras à 20 ans de prison pour la tentative d'assassinat contre le sénateur démocrate-chrétien Bernardo Leighton, effectuée à Rome par le néofasciste italien Stefano Delle Chiaie dans le cadre du plan Condor[13].

En 1999, le Parti dĂ©mocrate-chrĂ©tien du Chili, reprĂ©sentĂ© par son prĂ©sident, Gutenberg Martinez, et son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, Eduardo Saffirio, a demandĂ© Ă  ĂȘtre partie au procĂšs[18]. La mĂȘme annĂ©e, la justice italienne dĂ©posait une requĂȘte d'extradition qui ne pouvait aboutir du fait que non seulement aucun accord bilatĂ©ral d'extradition n'existait entre l'Italie et le Chili mais Ă©galement du fait que selon le droit chilien, toute extradition ne pouvait avoir lieu qu'une fois que le condamnĂ© ait purgĂ© toutes ses peines au Chili[19].

Le juge italien Giovanni Salvi transmit alors à la justice chilienne les documents acquis en visitant la SIDE (papiers d'Arancibia Clavel, condamné en 2001 à la prison à vie pour le meurtre de Carlos Prats[13]) et en recevant les témoignages de Michael Townley, afin de permettre à la justice chilienne de se prononcer dans l'affaire de l'assassinat d'Orlando Letelier[13].

L'affaire de l'assassinat d'Orlando Letelier

En 1995, un tribunal chilien prononça la condamnation Ă  sept ans de prison de Manuel Contreras et de son assistant Pedro Espinoza (Ă©galement condamnĂ© pour avoir participĂ© Ă  la Caravane de la mort) pour l'assassinat d'Orlando Letelier[13]. L'ex-chef de la DINA s'est alors rebellĂ© contre la justice chilienne, en fuyant dans le sud du pays, avant de se rĂ©fugier dans une caserne puis dans un hĂŽpital militaire[20]. AprĂšs une cavale de deux mois, il est finalement arrĂȘtĂ© puis dĂ©tenu dans une prison militaire Ă  Punta Peuco[21], oĂč il demeura jusqu'Ă  sa libĂ©ration en janvier 2001. Il a ensuite Ă©tĂ© placĂ© sous assignation Ă  rĂ©sidence durant trois ans alors que plus d'une quinzaine de plaintes sont encore en cours contre lui. Il est libĂ©rĂ© sous caution en [8].

ProcĂšs en France

À la suite de l'arrestation d'Augusto Pinochet Ă  Londres en , les familles de victimes franco-chiliennes disparues Ă  la suite du coup d'État, dĂ©fendues par Me William Bourdon, portent plainte au TGI de Paris[22].

Parmi les victimes dont les familles ont porté plainte :

  • Jean-Yves Claudet Fernandez (chargĂ© des relations internationales du MIR, participe aux efforts de la Junte de coordination rĂ©volutionnaire, il est arrĂȘtĂ© en Argentine par le Bataillon d'intelligence 601 et transfĂ©rĂ© Ă  la DINA) ;
  • Alfonso RenĂ© Chanfreau Oyarce (Ă©tudiant en philosophie, militant du MIR, ĂągĂ© de 22 ans lors de sa sĂ©questration le ) ;
  • Etienne Pesle (conseiller agricole, militant du Parti socialiste et membre du Mouvement des chrĂ©tiens pour le socialisme) ;
  • Georges Klein (pĂ©diatre, conseiller social d'Allende) ;
  • ainsi qu'Enrique Ropert, fils d'un Français et de la secrĂ©taire d'Allende, Miria Contreras, retrouvĂ© mort Ă  la morgue de Santiago le . Contrairement aux plaintes visant les quatre autres victimes, celle-ci ne sera pas jugĂ©e recevable, la dĂ©couverte de son corps conduisant la justice Ă  dĂ©clarer l'affaire prescrite, alors que les autres courent encore, le crime de disparition forcĂ©e, en l'absence de corps, n'Ă©tant pas prescrit[23] (la justice française dĂ©signe le crime de disparition forcĂ©e sous le terme d'arrestation et de sĂ©questration, aggravĂ©e de torture et d'actes de barbarie[23]). Le cas de Ropert Ă©tait rĂ©pertoriĂ© par le rapport Rettig[24].

L'instruction est ouverte le par le juge Roger Le Loire et clĂŽturĂ©e par la juge Sophie ClĂ©ment en 2007, mais le procĂšs, prĂ©vu pour , sera retardĂ© jusqu'Ă  [23]. Le procĂšs n'a pas lieu sur la base du principe de compĂ©tence universelle, mais sur celui de la « compĂ©tence personnelle passive Â», Ă  savoir la nationalitĂ© française des victimes, Ă  l'instar du procĂšs concernant l'Argentin Alfredo Astiz, condamnĂ© en France en 1990 Ă  perpĂ©tuitĂ© par contumace[23]. Au Chili, aucune procĂ©dure Ă  ce jour n'a Ă©tĂ© ouverte concernant ces quatre dĂ©tenus-disparus[23].

En , le juge Roger Le Loire dĂ©pose un mandat d'arrĂȘt international via Interpol contre Contreras et Paul SchĂ€fer, ancien nazi et dirigeant de la Colonie Dignidad, pour le kidnapping et la torture de Claudet Fernandez[13] - [25]. Manuel Contreras visitait rĂ©guliĂšrement la Colonia Dignidad[26]. En tout, 19 personnes font l'objet de mandats d'arrĂȘts internationaux[23].

AprĂšs neuf ans d'instruction judiciaire et douze ans aprĂšs le dĂ©pĂŽt de la plainte en France[27], Contreras est jugĂ© fin dĂ©cembre 2010 devant la cour d'assises de Paris, selon la procĂ©dure de « dĂ©faut criminel Â» (contumace), pour la disparition de Jean-Yves Claudet Fernandez et d'un autre militant du MIR, Alphonse Chanfreau[28].

Plusieurs autres agents chiliens (ainsi qu'un Argentin) sont accusés dans ce procÚs concernant les victimes franco-chiliennes[27] - [23], dont :

  • l'agent de la DINA Enrique Arancibia Clavel, au centre de l'opĂ©ration Condor (il opĂ©rait la liaison avec la SIDE argentine Ă  Buenos Aires), emprisonnĂ© pour l'assassinat du gĂ©nĂ©ral Carlos Prats) ;
  • le gĂ©nĂ©ral RaĂșl Iturriaga, responsable des assassinats de Condor (il est aussi emprisonnĂ©) ;
  • HermĂĄn Julio Brady Roche, ancien Commandant en Chef de la garnison de Santiago, ex-ministre de la DĂ©fense, il a fait l'objet d'une plainte en Espagne pour l'assassinat du diplomate Carmelo Soria) et de membres du groupe Izquierda Unida, l'accusant de gĂ©nocide et de terrorisme[29] ;
  • le major JosĂ© Zara de la DINA ;
  • le colonel argentin Osvaldo Ribeiro, ancien Lieutenant-Colonel de l’ArmĂ©e de Terre, en contact avec Arancibia Clavel ;
  • Pedro Espinoza, ancien Colonel de l’ArmĂ©e de Terre, Directeur des opĂ©rations et Chef de la Brigade d’Intervention MĂ©tropolitaine (BIM) de la DINA ;
  • Marcelo LuĂ­s Moren Brito, ancien Commandant de l’ArmĂ©e de Terre affectĂ© Ă  la DINA ;
  • Rafael Francisco Ahumada Valderrama, ancien Officier au RĂ©giment de TACNA ;
  • Gerardo Ernesto Godoy Garcia, ancien Sous-Lieutenant de l’ArmĂ©e de Terre, affectĂ© Ă  la DINA, responsable du « groupe Toucan Â» ;
  • Basclay Humberto Zapata Reyes, ancien Sous-Officier de l’ArmĂ©e de Terre affectĂ© Ă  la DINA ;
  • Miguel Krasnoff Martchenko, ancien Capitaine de l’ArmĂ©e de Terre affectĂ© Ă  la DINA ;
  • LuĂ­s Joachim Ramirez Pineda, ancien Commandant du camp de Tacna ;
  • JosĂ© Octavio Zara Holger, ancien Officier de l’ArmĂ©e de Terre en poste Ă  la DINA ;
  • Emilio Sandoval Poo, ancien militaire de rĂ©serve de la Force aĂ©rienne, actuellement chef d’entreprise Ă  Temuco.

Plusieurs accusés sont décédés avant l'ouverture du procÚs, dont :

  • Pinochet ;
  • le gĂ©nĂ©ral Javier Palacios Ruhman, qui mena l'assaut sur le Palais de la Moneda ;
  • l'ex-nazi Paul SchĂ€fer ;
  • le major AndrĂ©s Pacheco Cardenas, commandant de la base Maquehua de Temuco ;
  • le civil Osvaldo Romo, agent de la DINA.

Condamnation pour la disparition de Victor Olea Alegria

En mai 2002, Manuel Contreras est de nouveau condamnĂ©, cette fois-ci en tant que commanditaire de la sĂ©questration et de la disparition en 1974 de Victor Olea Alegria, le dirigeant du Parti socialiste. Il est aussi mis en cause la mĂȘme annĂ©e par le juge Juan Guzman Tapia (chargĂ© du procĂšs contre le gĂ©nĂ©ral Pinochet au Chili) pour la disparition de 23 Chiliens, sĂ©questrĂ©s au centre de torture Villa Grimaldi[8].

Condamnation en Argentine pour l'assassinat de Carlos Prats

En Argentine, un tribunal le condamne aussi pour l'assassinat de Carlos Prats, le prĂ©dĂ©cesseur du gĂ©nĂ©ral Pinochet Ă  la tĂȘte de l'armĂ©e chilienne, et de sa femme, tuĂ©s dans le cadre de l'opĂ©ration Condor Ă  Buenos Aires en 1974. À la suite d'une requĂȘte d'extradition, la justice chilienne dĂ©cida en de rejeter celle-ci tout en ordonnant l'ouverture d'une enquĂȘte au Chili concernant ce dossier[8].

La journaliste française Marie-Monique Robin diffuse alors dans le documentaire Escadrons de la mort, l'Ă©cole française (2004) un entretien avec Manuel Contreras dans lequel celui-ci accusait la Direction de la surveillance du territoire française d'avoir collaborĂ© avec la DINA: « La DST nous informait Ă  chaque fois qu’un Chilien montait dans l’avion »[30]. La DST aurait nĂ©anmoins informĂ© Carlos Altamirano des menaces pesant sur lui et sur le gĂ©nĂ©ral Carlos Prats.

Condamnation pour la disparition d'un membre du MIR

Manuel Contreras est condamné à 12 ans de prison le , pour la « disparition perpétuelle » de Miguel Ángel Sandoval, un membre du MIR, en 1975.

La justice chilienne avait Ă©tabli dĂšs 2003, date de la premiĂšre condamnation dans cette affaire, une jurisprudence, contournant la loi d'amnistie de 1978 couvrant les crimes commis sous la dictature et toujours en place aujourd'hui. Elle Ă©tablissait notamment le caractĂšre imprescriptible des « disparitions » dans la mesure oĂč les corps n'avaient toujours pas Ă©tĂ© retrouvĂ©es, la sĂ©questration devant donc ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme se maintenant jusqu'Ă  aujourd'hui[8].

Le , alors que le gĂ©nĂ©ral Pinochet fait l'objet lui aussi de plusieurs instructions judiciaires par la justice chilienne, Manuel Contreras transmet Ă  la Cour suprĂȘme du Chili un rapport de 12 pages qui prĂ©tendait donner la liste des lieux oĂč se trouvaient environ 580 disparus (desaparecidos) nommĂ©s dans le rapport Rettig[31] - [32]. Les organisations non gouvernementales de dĂ©fense des droits de l'homme ont nĂ©anmoins immĂ©diatement mis en doute ces informations, en soulignant les mensonges persistants de Manuel Contreras et son refus rĂ©itĂ©rĂ© d'assumer ses responsabilitĂ©s pour les crimes commis sous le gouvernement de la junte chilienne. Beaucoup des informations donnĂ©es dans son rapport Ă©taient en fait dĂ©jĂ  connues, tandis que d'autres contredisaient les rĂ©sultats de commissions ayant enquĂȘtĂ© sur les disparitions. Dans ce document, Manuel Contreras accusait nĂ©anmoins le gĂ©nĂ©ral Pinochet d'avoir personnellement ordonnĂ© ces mesures rĂ©pressives alors que ce dernier se dĂ©fendait lors de l'instruction de son dossier en dĂ©clarant qu'il n'Ă©tait pas le dirigeant de la DINA et que Manuel Contreras avait agi de sa propre initiative[33].

Lors de cette mĂȘme audition de devant la Cour suprĂȘme, Manuel Contreras implique directement la CIA et l'activiste anti-castriste Luis Posada Carriles dans l'assassinat d'Orlando Letelier[34]. L'ex-chef de la DINA affirme aussi dans un entretien Ă  la presse que la CIA Ă©tait derriĂšre l'assassinat de Letelier, du gĂ©nĂ©ral Carlos Prats et de la tentative d'assassinat, Ă  Rome, contre le sĂ©nateur dĂ©mocrate-chrĂ©tien Bernardo Leighton[14]. Il dĂ©clare notamment que : « L'Institut d'Ă©tudes politiques de Letelier Ă©tait considĂ©rĂ© comme un institut marxiste que le FBI avait infiltrĂ©. Mais la CIA ne pouvait pas agir de l'intĂ©rieur des États-Unis ; elle ne pouvait agir que par le biais d'Ă©trangers. Alors elle l'a tuĂ© et a rejetĂ© la responsabilitĂ© sur nous »[14].

Accusations de Manuel Contreras contre le général Pinochet

Lors des procĂ©dures judiciaires intentĂ©es contre lui, Manuel Contreras a Ă©galement accusĂ© le gĂ©nĂ©ral Pinochet d'avoir ordonnĂ© le meurtre d'Orlando Letelier et du gĂ©nĂ©ral Carlos Prats[32]. En outre, il dĂ©clara Ă  la justice chilienne que le CNI, successeur de la DINA, avait effectuĂ© des versements mensuels de 1978 Ă  1990 en faveur des personnes ayant travaillĂ© avec l'agent de la DINA Michael Townley, tous membres du groupe d'extrĂȘme-droite Patria y Libertad, qui avaient aussi Ă©tĂ© impliquĂ©s dans le Tanquetazo, un coup d'État avortĂ© sous Salvador Allende ayant prĂ©cĂ©dĂ© le 11 septembre 1973 (Mariana Callejas, la femme de Townley, Francisco OyarzĂșn, Gustavo Etchepare et Eugenio BerrĂ­os, chimiste de la DINA)[35]. Le chimiste EugĂ©nio BerrĂ­os, qui travaillait pour la DINA dans la Colonie Dignidad, et qui a Ă©tĂ© assassinĂ© en 1995 alors qu'il devait tĂ©moigner dans le cas d'Orlando Letelier, travaillait aussi avec des trafiquants de drogue et la DEA[36].

Dans le cadre de l'enquĂȘte sur l'assassinat du colonel Gerardo Huber, la famille du gĂ©nĂ©ral Pinochet porta plainte en 2006 contre Manuel Contreras pour dĂ©nonciation calomnieuse, aprĂšs que celui-ci accusa Augusto Pinochet et son fils, Marco Pinochet, d'avoir mis en place un rĂ©seau de fabrication de cocaĂŻne noire (impossible Ă  dĂ©tecter Ă  l'odeur), envoyĂ©e aux États-Unis et en Europe oĂč le trafiquant international d’armes Monser Al Kassar (d'origine syrienne) se chargeait de la vendre, les profits Ă©tant dĂ©posĂ©s sur plusieurs comptes bancaires du gĂ©nĂ©ral Pinochet Ă  l'Ă©tranger[37] - [38]. Eugenio BerrĂ­os Ă©tait notamment impliquĂ© dans la production de ces stupĂ©fiants.

En 1988, Manuel Contreras avait dĂ©jĂ  essayĂ© de nĂ©gocier avec l'ambassade amĂ©ricaine — les États-Unis ayant requis son extradition dans le cadre de l'affaire Letelier —, proposant la rĂ©gularisation de ses Ă©tats judiciaires en Ă©change d'information au sujet de trafic de stupĂ©fiants organisĂ©s par l'un des fils d'Augusto Pinochet[37].

Faits amnistiés

AprĂšs avoir Ă©tĂ© condamnĂ© pour sa responsabilitĂ© dans la mise en Ɠuvre de l'opĂ©ration Colombo (assassinat de 119 opposants politiques en Argentine, dĂ©guisĂ©e en rĂšglements de compte internes), le juge VĂ­ctor Montiglio, qui avait succĂ©dĂ© Ă  Juan GuzmĂĄn Tapia, le fait bĂ©nĂ©ficier en 2005 de la loi d'amnistie de 1978.

Condamnations en 2007

Manuel Contreras est toujours sous le coup d'enquĂȘtes concernant d'autres affaires[5], et est finalement condamnĂ© Ă  10 ans de prison en .

La Cour d'appel de Santiago confirma cette sentence sanctionnant la « disparition » de trois militants communistes en 1976, qualifiés par la Cour de crimes contre l'humanité et par conséquent imprescriptibles et non amnistiables. Manuel Contreras était coïnculpé avec le colonel Carlos López Tapia (cousin du juge Juan Guzmån Tapia), condamné à 5 ans de prison[39] - [40].

Publications

  • (es) La verdad histĂłrica : el ejĂ©rcito guerrillero : primer perĂ­odo de la guerra subversiva, abril de 1967 al 10 de septiembre de 1973, Ediciones Encina, 2000, 597 p. (sa version des faits)

Notes et références

  1. le monde
  2. Elizabeth Lira et Brian Loveman (2005), PolĂ­ticas de reparaciĂłn: Chile 1990-2004, p. 119
  3. Pierre Abramovici, « « Opération Condor », cauchemar de l'Amérique latine », sur Le Monde diplomatique,
  4. Manuel Contreras sumĂł nueva condena por desapariciĂłn de militante del MAPU, Radio Cooperativa, 12 avril 2010
  5. Chili. La mort du gĂ©nĂ©ral Pinochet n’arrĂȘte pas le combat, Amnesty International, 14 dĂ©cembre 2006
  6. Villa Grimaldi: Ministro SolĂ­s dicta nueva condena contra ex DINA, La Nacion, 19 mars 2006
  7. CHILE:MANUEL CONTRERAS FUE CONDENADO A 10 AÑOS DE CÁRCEL EN OTRO CASO DE DDHH, Radio Usach, 20 dĂ©cembre 2007
  8. Biographie de Contreras, site de Memoria Viva
  9. Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l'école française [détail des éditions], 2008, p.292
  10. Peter Kornbluh, CIA Acknowledges Ties to Pinochet’s Repression, National Security Archive, 19 septembre 2000
  11. "CIA Activities in Chile," CIA declassified documents, Retrieved from National Security Archive, accĂšs le 24 mai 2007
  12. Marquis, Christopher. "C.I.A. Says Chilean General in '76 Bombing Was Informer," The New York Times, 19 septembre 2000
  13. John Dinges, Blowback of a Criminal Alliance: The Central Role of the Condor Investigations in 25 years of Pursuit of Justice, 14 novembre 2003
  14. CIA documents confirm: Chile's secret police chief worked for Washington, 27 septembre 2000
  15. La relaciĂłn de la CIA con Manuel Contreras, El Mostrador, 19 septembre 2000
  16. Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l'école française [détail des éditions], 2008, chap.XXIII p.379
  17. (es) "Las Relaciones secretas entre Pinochet, Franco y la P2 - ConspiraciĂłn para matar", Projet Nizkor (es)
  18. José Burneo, L'affaire Pinochet et le TroisiÚme Mur, Equipo Nizkor, 25 avril 2000
  19. Chile tramitarĂĄ la peticiĂłn de Italia de extraditar a Contreras, El Mundo, 12 octobre 1999
  20. Un general chileno se declara en rebeldía contra un fallo que le condena a 5 años, El País, 14 juin 2007 (es)
  21. Manuel Contreras à son aise, L'Humanité, 26 mars 1999
  22. Le cas Pinochet, casse-tĂȘte juridique en Europe. Un juge français a lancĂ© hier un mandat d'arrĂȘt, LibĂ©ration, 3 novembre 1998
  23. Dossier de décembre 2010 sur le procÚs en France de la FIDH
  24. Notice sur le général Javier Palacios Ruhman, sur le site Memoria Viva
  25. Bulletin n°31, 25-31 octobre 2001 de Memoria Viva
  26. Paul SchÀfer et la « Colonia Dignidad » : réminiscences nazies au pays de Pinochet (Mémoire brute), Les Territoires de la Mémoire, n°42, octobre-décembre 2007
  27. Report du procĂšs contre les anciens responsables de la dictature chilienne, FIDH, 7 mai 2008
  28. L'ouverture à Paris du procÚs de la dictature chilienne, RFI, 7 décembre 2010
  29. Décision du Tribunal supérieur espagnol de 2004
  30. La France invitée à examiner son passé, RFI (en miroir sur le site de Noël MamÚre)
  31. Manuel Contreras reconoce crĂ­menes de Estado en la dictadura de Pinochet, Radio Cooperativa, 13 mai 2005
  32. Chili : Manuel Contreras parle et accuse Pinochet
  33. Augusto Pinochet y Manuel Contreras celebran un careo ante el juez, El Mundo, 18 novembre 2005
  34. LAS PRUEBAS DE LA DINA CONTRA POSADAS CARRILES, Cronica Digital, 23 mai, 2005 (es)
  35. Contreras dice que Pinochet dio orden "personal, exclusiva y directa" de asesinar a Prats y Letelier, La Tercera, 13 mai, 2005, mirrored on CC.TT. website (es)
  36. El coronel que le pena al ejército, La Nación, 24 septembre, 2005 (es)
  37. Manuel Contreras afirmĂł que Pinochet se enriqueciĂł con el narcotrĂĄfico, Radio Cooperativa, 9 juillet 2006
  38. Revue de presse du 12 juillet 2006, site gouvernemental français (AFP et Libération)
  39. Corte condena a diez años de cårcel a Manuel Contreras por secuestros, El Mostrador, 19 décembre 2007
  40. Corte de Apelaciones dicta nueva condena contra Manuel Contreras por caso de violación a los DD.HH., La Tercera, 19 décembre 2007

Annexes

Bibliographie

  • (en) Diana Childress, « Manuel Contreras Â», in Augusto Pinochet's Chile, Twenty-First Century Books, 2012 (nouvelle Ă©d. rĂ©v.), p. 141 (ISBN 9781467703536)
  • (es) Manuel Salazar Salvo, Contreras: historia de un intocable, Grijalbo, 1995, 196 p. (ISBN 9789562580403)

Liens externes

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