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Juan Guzmán Tapia

Juan Salvador Guzmán Tapia (né le à San Salvador (Salvador) et mort le [1]) est un avocat, juge, professeur de droit, défenseur des droits de l'homme et écrivain chilien. Il est connu pour avoir intenté un procès pour violation des droits de l'homme contre Augusto Pinochet (dictateur chilien qui a renversé le gouvernement de Salvador Allende, le et est resté au pouvoir jusqu'en 1990).

Juan Guzmán Tapia
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  81 ans)
Chili
Nationalité
Formation
Activités
Père
Juan Guzmán Cruchaga (en)
Autres informations
Membre de
Académie royale espagnole d'économie et de sciences financières (d)
Distinction
Edelstam Prize (en) ()

Biographie

Naissance et enfance

Juan Guzmán Tapia est nĂ© Ă  San Salvador, au Salvador, le . Il est le fils du poète et diplomate Juan Guzmán Cruchaga (es) et de Raquel Tapia Caballero. Dès son plus jeune âge, Juan Guzman a pu rencontrer certains des Ă©crivains et intellectuels latino-amĂ©ricains et europĂ©ens les plus remarquables du XXe siècle, comme Pablo Neruda, Gabriela Mistral, Jorge Luis Borges et Saint-John Perse, entre autres. Il passe son enfance en Colombie, au Venezuela et aux États-Unis. Il retourne au Chili en 1951 puis s'installe en Argentine deux ans plus tard.

Études et début de carrière

Guzmán est retourné au Chili pour étudier au Collège Saint George. Il a ensuite obtenu son diplôme de droit à l'université pontificale catholique du Chili en 1965. En 1967, il a reçu une bourse pour étudier la philosophie du droit à Paris. Il a été témoin direct des événements de mai 68. C'est à Paris qu'il a rencontré Inès Watine, une Française, fille d'un ancien membre de la Résistance. Juan et Inès se sont mariés en 1970 et ont eu deux filles, Julia et Sandra.

En mars de cette même année, il part aux États-Unis pour travailler comme conseiller financier dans une banque de San Francisco puis le , il retourne au Chili pour travailler comme juge à Panguipulli. Sa maîtrise de la langue française lui permet en 1971 d'obtenir un petit rôle dans L'État de siège, film de Costa-Gavras tourné au Chili, qui dénonce l'intervention des États-Unis en Amérique Latine dans les années 1960 et 1970, et le soutien de la CIA aux dictatures militaires qui ont proliféré sur le continent pendant la Guerre Froide.

Juan Guzmán face au coup d'État militaire et pendant la dictature

En raison de son éducation conservatrice et catholique, il s'oppose d'abord au gouvernement de Salvador Allende et soutient le coup d'État du 11 septembre 1973 mené par le général Pinochet, tout en déplorant la mort du président Allende.

En 1974, il exerce en tant que juge Ă  Santiago du Chili. Il dĂ©couvre alors les crimes de la dictature de Pinochet et l'indiffĂ©rence du pouvoir judiciaire face Ă  cette  situation. En 1983, il est transfĂ©rĂ© Ă  la Cour d'appel de Talca, dont il est prĂ©sident en 1986. En 1989, il est nommĂ© Ă  la Cour d'appel de Santiago, oĂą il devient membre de la Cour martiale jusqu'au retour de la dĂ©mocratie (1990).

Le retour à la démocratie

La transition chilienne vers la dĂ©mocratie a commencĂ© Ă  la fin du rĂ©gime militaire d'Augusto Pinochet, le , Ă  la suite du plĂ©biscite de 1988 oĂą les Chiliens ont dit NO (non Ă  la dictature imposĂ©e par Pinochet) Ă  56%. Durant 17 ans, de 1973 Ă  1990, 3 100 homicides, 1 200 disparitions et 35 000 personnes torturĂ©es constituent le bilan de la dictature de Pinochet. Le retour Ă  la dĂ©mocratie n'est pas Ă©vident. D'une part, la mĂ©moire des Chiliens reste très touchĂ©e mais aussi divisĂ©e par les atrocitĂ©s commises durant la dictature. D'autre part, l'hĂ©ritage de la dictature reste très prĂ©sent dans les institutions politiques. Dès 1986 en effet, les partis politiques nĂ©gocient entre eux le principe d'une transition par tractation ou sous tutelle, ce qui correspond Ă  une forme pacifiĂ©e de transition politique sans remise en cause de la lĂ©gitimitĂ© de l'hĂ©ritage dictatorial. C'est pourquoi le juge Guzmán dĂ©nonce un retour Ă  la dĂ©mocratie incomplet. Les lois dĂ©crĂ©tĂ©es par la dictature restèrent pour certaines en vigueur. Si quelques lois pĂ©nales ont Ă©tĂ© modifiĂ©es en 1990, la loi antiterroriste crĂ©Ă©e en 1984 se maintenait. Alors qu'elle avait Ă©tĂ© dĂ©crĂ©tĂ©e pour persĂ©cuter et anĂ©antir les opposants Ă  la dictature, elle est dĂ©sormais utilisĂ©e contre le peuple Mapuche, criminalisĂ© par cette loi. C'est pourquoi, une fois Ă  la retraite, le juge Guzman  s'est engagĂ© dans la dĂ©fense de la cause de la première communautĂ© indigène du Chili (4% de la population), qui rĂ©clame ses terres ancestrales.

Le procès Pinochet

Le , Juan Guzmán est nommé juge en chef pour enquêter sur plusieurs plaintes contre Pinochet pour homicide, dans le contexte du massacre appelé « Opération Caravane de la Mort » (). Cette même année, en Espagne, le juge Baltasar Garzón, ouvre un procès contre Pinochet pour la disparition de citoyens espagnols, et le fait arrêter le , dans une clinique de Londres. Le dictateur fit l'objet de plusieurs procédures judiciaires (Équateur, Suisse, France, entre autres) qui prirent fin avec sa mort en 2006.

Au Chili, entre 1999 et 2004, Guzmán rassemble de nombreuses dĂ©positions de tĂ©moins. Il dirige de nombreuses exhumations des restes de dĂ©tenus disparus, Ă  la suite desquelles il crĂ©a la figure juridique de « l'enlèvement permanent Â» (secuestro permanente). Cela lui permet de contourner la loi d'amnistie qui protĂ©geait tous les crimes commis par la dictature entre 1973 et 1978. En effet, les corps n'Ă©tant toujours pas retrouvĂ©s après 1978, le crime Ă©tait toujours en cours et par consĂ©quent, la loi d'amnistie ne pouvait s'y appliquer. C'est pourquoi, au terme de cette enquĂŞte, en 2000, Guzmán rĂ©alise la mise en accusation formelle de Pinochet pour 19 crimes d'enlèvement permanent et 57 cas d'homicides. La dĂ©fense de Pinochet parvint toujours Ă  faire Ă©viter le procès Ă  son client en utilisant son immunitĂ© en tant qu'ex prĂ©sident et sĂ©nateur Ă  vie (levĂ©e puis replacĂ©e Ă  plusieurs reprises) puis son Ă©tat mental. En 2002, il est dĂ©clarĂ© inapte Ă  ĂŞtre jugĂ© pour dĂ©mence sĂ©nile (il a alors 87 ans). En 2004, la cour d'appel lève cette condition et Guzmán ouvre de nouveau un procès cette fois-ci pour l'OpĂ©ration Condor. Il place Pinochet en rĂ©sidence forcĂ©e pendant une semaine avant qu'une caution de 3570 dollars lui donne la libertĂ©. En 2005, la Cour SuprĂŞme suspend dĂ©finitivement les procès. Les affaires suivantes (affaire Carlos Prats, affaire Riggs) ne parviennent pas Ă  atteindre Pinochet, qui dispose d'une dĂ©fense redoutable. Il meurt le sans avoir jamais rĂ©pondu de ses crimes. Guzmán s'Ă©tait alors dĂ©jĂ  retirĂ© de ses fonctions judiciaires.

Juan Guzmán dut faire face pendant cette période à de multiples pressions et tentatives d’intimidation[2].

Un juge Ă  la retraite et toujours actif

Guzmán prend sa retraite en 2005. Dès lors, il poursuit son travail sur plusieurs plans, notamment juridique, académique et social.

Il est doyen de la Faculté des sciences juridiques et sociales de l'Université Centrale du Chili jusqu'en 2008 et directeur de l'Institut des droits de l'homme de l'Université centrale du Chili, qu'il a lui-même fondé. Il s'engage dès lors dans la défense de deux causes principales: celle des Mapuches et celle des Palestiniens.

En 2006, la première mission de Guzmán est de porter au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme à Genève une lettre du chef mapuche Aucan Huilcaman. Ce dernier y liste une série de plaintes et d'agressions dont souffrirait son peuple, et demandait l'intervention et la protection de l'ONU. Le juge argumente que le mouvement Mapuche veut récupérer ses terres de façon pacifique, mais que les communautés indigènes sont la cible d'une répression policière féroce qui ne respecte pas les droits élémentaires du citoyen garantis par la Constitution (perquisitions sauvages, agressions policières, entre autres). Un grand nombre de dirigeants et membres de la communauté ont été arrêtés et condamnés à des peines allant jusqu'à 10 ans de prison, conséquence de l'application de la loi antiterroriste de 1984.

Par ailleurs, cette même année, il accepte de participer à la défense du peuple palestinien à la Cour pénale internationale contre les autorités israéliennes pour la destruction des maisons de communautés palestiniennes.

Juan Guzman exprime sa solidarité avec les cinq Cubains emprisonnés aux États-Unis entre 1998 et 2014, et son rejet du blocus imposé à Cuba par les États-Unis.

En 2009, il est candidat aux élections sénatoriales en tant qu'indépendant pour la cinquième région (Valparaiso-Viña), sans succès.

Par ailleurs, Guzmán est actif dans la diffusion de la mémoire des victimes de la dictature, en particulier à travers le cinéma. En , au Festival international du film de San Francisco, est diffusé en avant première le documentaire The Judge and The General (Le Juge et le Général) de 84 minutes dirigé par Elizabeth Farnsworth et Patricio Lanfranco et produit par West Wind Productions, une organisation à but non lucratif basée à San Francisco. Il retrace les tentatives de Juan Guzmán pour traduire en justice l'ancien dictateur Augusto Pinochet. En 2014, la chaîne chilienne Chilevisión produit et transmet le documentaire en trois chapitres intitulé El juez la victima y el victimario (Le juge, la victime et le bourreau) où Guzman raconte les nombreux obstacles que lui et son équipe ont dû surmonter pour enquêter et poursuivre les crimes de la dictature.

Enfin, en 2005, il publie son autobiographie intitulée Au bord du monde : les mémoires du juge de Pinochet, en français et aux éditions Arènes.

Reconnaissance

En 2010, le Haverford College de Pennsylvanie lui décerne le titre de docteur honoris causa, pour sa défense des Droits de l'Homme.

En , lors du quarantième anniversaire du coup d'État militaire, il reçoit, avec les juristes espagnols Juan Garcés et Baltasar Garzón, le prix de la Fondation Charles Horman.

Bibliographie

Articles de presse en ligne

  • « Le juge Guzman est convaincu de la culpabilitĂ© du dictateur. Une dĂ©cision historique », L'HumanitĂ©,‎ (lire en ligne).
  • Olivier Bras, « Le juge Guzman inculpe Pinochet », LibĂ©ration,‎ (lire en ligne).
  • Claire Martin, « Pinochet face Ă  ses juges Chili », Le Soir,‎ (lire en ligne).
  • « Juan Guzman l'Ă©quilibriste », L'HumanitĂ©,‎ (lire en ligne).
  • « Le juge Guzman prend sa retraite », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • Christine Legrand, « Juan Guzman, le "tombeur" de Pinochet », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • Ferran Sales, « Guzmán defiende a los mapuches », El PaĂ­s,‎ (lire en ligne).
  • Ferran Sales, « El juez que procesĂł a Pinochet defenderá a los palestinos ante la justicia internacional », El PaĂ­s,‎ (lire en ligne).
  • Aymeric Duvoisin, « Le juge Guzman se lance dans la politique chilienne », La Croix,‎ (lire en ligne).
  • « Ex juez Guzmán: Chile todavĂ­a está en un proceso de retorno a la democracia incompleto », La Tercera,‎ (lire en ligne).
  • VĂ©ronique Gaymard, « L'Etat chilien devant la justice pour violations des droits des Mapuches », RFI,‎ (lire en ligne).
  • Cristina L'Homme, « Chili : le juge Guzman raconte son enquĂŞte sur Pinochet », Le nouvel Observateur,‎ (lire en ligne).
  • Yves Boisvert, « Le juge qui a accusĂ© Pinochet », La Presse,‎ (lire en ligne).
  • Juan Guzman Tapia, « Personne ne voulait du cas Pinochet », Le Temps,‎ (lire en ligne).
  • Diana Porras, « Ex juez Juan Guzmán: Debe haber más apertura del EjĂ©rcito en casos de DD.HH. », 'DarioUChile,‎ (lire en ligne).
  • Gabino Busto Hevia, « Entrevista al juez Juan Guzmán Tapia », Le Monde Diplomatique,‎ (lire en ligne).

Publications spécialisées

  • Guido L. et Croxatto, « Entrevista a Juan Guzmán Tapia: el juez que procesĂł a Pinochet », Lecciones y Ensayos, no 96,‎ , p. 273-286 (lire en ligne).
  • Jennifer Baleizao, Jean-Jacques Hible et Florence Leonzi, « La Cour interamĂ©ricaine des droits de l'Homme remet en cause l'application de la loi antiterroriste chilienne aux communautĂ©s autochtones », La Revue des droits de l'homme,‎ (lire en ligne).

Productions cinématographiques et télévisées

Notes et références

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