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Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine

La Maison au grand péristyle ou de manière erronée Villa au grand péristyle, aussi appelée domus du bas de Vieux, est une domus gallo-romaine du site archéologique de Vieux-la-Romaine, l'antique Aregenua, située à environ 15 km au sud de Caen.

Maison au grand péristyle de Vieux
Domus du bas de Vieux
Vue générale de la domus.
Présentation
Type
Civilisation
Matériau
Surface
1 250 m2 ou 1 500 m2
Localisation
Pays
RĂ©gion
DĂ©partement
Commune
Coordonnées
49° 06′ 15″ N, 0° 25′ 53″ O
Localisation sur la carte de Basse-Normandie
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Localisation sur la carte de France
voir sur la carte de France

La cité est créée au Ier siècle et connaît son apogée aux IIe et IIIe siècles. Touchée par les invasions du IIIe siècle, la cité n'est pas pourvue d'une enceinte et ne devient pas le siège d'un évêché. Le territoire des Viducasses dont Aregenua est la capitale, est absorbé par la cité de Bayeux de manière attestée au début du Ve siècle et la cité cesse d'exister comme centre urbain, même si le site reste occupé de façon continue. La maison du bas de Vieux est un édifice particulier dont l'apogée est daté des IIe siècle et IIIe siècle.

Du fait de la ruralisation de la cité à partir du Ve siècle, les vestiges de l'ancienne cité sont accessibles à la recherche et font l'objet de fouilles précoces à partir de la fin du XVIIe siècle. Le site de la maison est plus systématiquement fouillé au XIXe siècle puis surtout à la fin des années 1980. La fouille exhaustive a également permis de retracer l'histoire de l'insula sur laquelle elle est située, du Ier au Ve siècle apr. J.-C. L'ampleur des découvertes est à l'origine du projet d'ouverture d'un musée de site, le musée archéologique de Vieux-la-Romaine, inauguré en 2002. Les enduits ont été réétudiés en 2010.

Par ses proportions et l'état de conservation de ses éléments de décor, dont un ensemble de colonnes sculptées, la Maison au grand péristyle est unique au nord de la Loire. Édifice non exceptionnel tant dans sa taille que dans son décor, il est cependant un archétype, un « cas sans doute banal » selon Vipard de ce genre de maison appartenant aux élites désireuses de jouer un rôle social et politique, au-delà du rôle d'habitat individuel. La maison témoigne donc à la fois de la diffusion des modèles architecturaux méditerranéens dans les élites gauloises, du processus de romanisation et du rôle de ces édifices dans la vie sociale.

Localisation

Plan de la cité
Plan simplifié d'Aregenua.
Carte des cités au  Haut-Empire romain
Carte des cités au Haut-Empire romain

La commune de Vieux-la-Romaine se situe Ă  10 km environ au sud-ouest de Caen et occupe le site de la ville antique d'Aregenua, centre urbain du peuple gaulois des Viducasses qui s'Ă©tendait sur une surface de 2 300 km2[B 1].

La Maison au grand péristyle dont la façade est reliée au cardo[B 2] se situe sur le coteau de la Guigne[I 1] dans le quartier des thermes[B 3], un quartier dense disposant d'un « système de rues à galerie de façade » et d'un réseau de voies constitué au IIe siècle.

Photographie d'un chantier de fouilles archéologiques protégé par une grande verrière.
Vestiges du forum de Vieux présentés lors des Journées européennes du patrimoine de 2016.

Ă€ proximitĂ© de l'Ă©difice ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es des bornes chasse-roues qui laissent supposer qu'une fontaine Ă©tait prĂ©sente[B 4]. Ă€ environ 40 m au sud-ouest se trouve un second Ă©difice thermal, fouillĂ© aux XVIIIe et XIXe siècles. Cet Ă©difice d'environ 90 m sur 50 m disposant d'une probable bipartition entre hommes et femmes a Ă©tĂ© offert Ă  la ville par deux notables gallo-romains du nom de Sollemninus et de Titus Sennius Sollemnis Ă  la fin du IIe siècle ou au dĂ©but du IIIe siècle[B 5] selon l'inscription honorifique gravĂ©e sur le piĂ©destal appelĂ© marbre de Thorigny.

Dans le voisinage immédiat de la maison se trouvent à l'est des insulae composées en bois et en torchis ainsi qu'une domus de taille modeste sur son côté nord et une seconde située à proximité de boutiques, et au nord des thermes datés du milieu du IIe siècle et fouillés au XIXe siècle. Non loin de là se situe également le forum de la cité[J 1], qui a fait l'objet de fouilles au XIXe siècle et également à la fin du XXe siècle et début du XXIe siècle.

Le mur de façade de la Maison au grand péristyle est visible au nord-ouest du site[B 6]. Les archéologues, n'ayant pas découvert d'autres vestiges au sud de la maison, en déduisent qu'elle correspond à la limite de la cité antique[B 7] - [H 1].

Histoire

Histoire de la cité

Carte des cités au Bas-Empire
Carte des cités au Bas-Empire

La cité d'Aregenua, siège de la tribu des Viducasses, est fondée au Ier siècle et connait son apogée aux IIe siècle et IIIe siècle[E 1] sous la dynastie des Sévères[F 1].

Au cours des troubles qui affectent l'Empire romain au IIIe siècle, la ville est durement touchée mais n'est pas dotée d'une enceinte contrairement à d'autres cités voisines comme Jublains, Lisieux, Bayeux ou encore Évreux. Si le site continue d'être habité, il perd toutefois de son importance au profit de Bayeux qui devient le siège d'un évêché. À la fin du IIIe siècle et au début du IVe siècle, le déclin amorcé devient encore plus net[E 1] : la ville fusionne avec Bayeux au début du IVe siècle[F 2] puis disparaît administrativement avant l'an 400. Une grande partie de la population quitte alors la ville[F 1].

Des origines Ă  l'Ă©panouissement

Vue panoramique des vestiges d'un groupe de bâtiment.
Vue générale de la maison.

Les fouilles ont mis en évidence l'histoire du quartier ; les archéologues ont pu démontrer que les matériaux de construction utilisés pour les maisons du secteur se sont améliorés et qu'un luxe croissant caractérise l'évolution de l'édifice[B 8].

Premières occupations dans le secteur
Maison double qui est la base de ce qui deviendra la maison au  grand péristyle
Maison double qui est la base de ce qui deviendra la maison au grand péristyle.

Les premières occupations du site, datées du Ier et IIe siècles apr. J.-C., consistent en constructions légères en bois, torchis et sols en terre battue. Le secteur de la domus possédait probablement une vocation artisanale comprenant des ateliers de bronziers ou de verriers[B 9]. Le quartier est quadrillé de voies à partir de 125-150 apr. J.-C.[A 1]. C'est à cette période que l'utilisation de la pierre dans la construction se généralise à Aragenua[B 9] - [E 2].

L'insula du milieu du IIe siècle est occupĂ©e par deux constructions, la maison orientale (de 751 m2) et la maison occidentale, qui sont davantage connues pour la rĂ©utilisation de certains de leurs Ă©lĂ©ments dans des constructions ultĂ©rieures[A 2]. La maison occidentale est, quant Ă  elle, en partie rasĂ©e[B 10].

Maison au petit péristyle
Plan de la maison au petit péristyle
Plan de la maison au petit péristyle
Vue générale de vestiges de bâtiments antiques : des murs, des colonnes.
Vue générale de la maison au Dauphin de Vaison.

Les maisons du troisième quart du IIe siècle sont déjà des bâtiments de grande taille[A 3]. L'un d'entre eux est détruit vers 170-180 apr. J.-C. afin de permettre l'extension d'un second bâtiment que les archéologues baptisent Maison au petit péristyle du fait de la présence d'un péristyle de modeste dimension[A 4].

Outre cette extension, des changements affectent tout l'Ă©difice : une aile est adjointe Ă  la maison, des pièces sont ajoutĂ©es cĂ´tĂ© sud et des restructurations ont lieu dans l'aile ouest. La maison obĂ©it dĂ©sormais Ă  un plan rectangulaire grĂ©co-italique classique d'environ 50 m sur 30 m[B 11]. La superficie de l'Ă©difice est augmentĂ©e par l'ajout d'un jardin, et il est pourvu dans le mĂŞme temps d'un dĂ©cor luxueux. La cour mesure 5,30 m sur 7,90 m avec un bassin en briques fermĂ© par un portique large de 2,70 m et comptant 10 colonnes[B 12] d'un dĂ©cor rare[H 2]. La maison possède Ă©galement un tablinum qui constitue un archaĂŻsme pour l'Ă©poque, bien qu'une disposition similaire soit attestĂ©e dans la maison au Dauphin de Vasio[B 13].

Maison au grand péristyle

À la fin du IIe ou au début du IIIe siècle ont lieu des aménagements importants : un viridarium vient occuper la cour et le péristyle double de surface[B 14], justifiant ainsi l'appellation de Maison au grand péristyle[A 4]. La maison est occupée jusqu'au dernier quart du IIIe siècle[B 14].

Maison Ă  la mosaĂŻque en damier

La bâtisse subit un incendie au cours de la seconde moitié du IIIe siècle[B 15] mais elle est réparée et reçoit le nom de Maison à la mosaïque en damier du fait de l'apparition de ce nouvel élément de décor. La qualité de vie baisse et des artisans, métallurgistes et bouchers, s'installent dans la maison[B 16]. Le plan architectural ne change pas et les aménagements témoignent d'une poursuite de l'occupation. Le système d'hypocauste ne semble toutefois plus utilisé, et une mosaïque est restaurée avec du mortier de tuileau, démontrant l'incapacité des occupants à réparer l'œuvre au moyen d'artisans locaux. Le système d'alimentation en eau des bassins est hors service et une évacuation d'eau est créée pour pallier la défaillance d'une canalisation[B 17].

Destruction progressive
Mosaïque antique au sol, partiellement détruite au passage d'une rue.
Mosaïque restituée in situ avec trace de la destruction pour passage du cardo.

Dans le premier tiers du IVe siècle, un nouvel incendie ruine l'édifice déjà quasiment abandonné et les récupérations de matériaux débutent[B 16]. Le cardo perce les ruines vers 330-340[A 5] - [F 1] et génère « des destructions considérables », en particulier dans l'aile ouest puisque ce percement détruit les 3/4 des salles qui la composent[H 3]. L'occupation du site semble toutefois perdurer comme en témoigne la découverte, dans une fosse remplie de déchets de boucherie, d'« un lot de 38 antoniniens, mais aussi (… d') une monnaie de Gratien frappée entre 368 et 375 »[A 6], ainsi que celle, ailleurs sur le site, d'« une monnaie très usée de Flavius Arcadius, frappée entre 368 et 375 »[A 6].

La maison sert par la suite de ressource pour la rĂ©cupĂ©ration de matĂ©riaux de construction, de manière ponctuelle d'abord, puis Ă  plus grande Ă©chelle entre 475 et 550, comme l'atteste la dĂ©couverte sur le site d'une hache franque[A 6] de 13,50 cm[B 18]. Les rĂ©cupĂ©rateurs de matĂ©riaux taillent en particulier les colonnes et acheminent de nombreux fragments dans des fours Ă  chaux[B 19] afin de procĂ©der Ă  « une rĂ©cupĂ©ration très poussĂ©e » des Ă©lĂ©ments rĂ©cupĂ©rĂ©s, ne laissant que des Ă©lĂ©ments non rĂ©utilisables (torchis, enduits, petites pierres...) qui crĂ©ent une couche de destruction[B 20], mais qui prĂ©servent paradoxalement certains fragments permettant de reconstituer aujourd'hui une partie du dĂ©cor[H 4]. La maison disparaĂ®t physiquement du paysage Ă  cette pĂ©riode[B 18].

Beaucoup plus tard, sans doute au XVIIIe siècle, de la terre végétale est apportée pour mettre en culture la zone qui gagne alors « une physionomie tout à fait rurale »[B 21].

Redécouverte

Fouilles

Dessin représentant une amphore antique ventrue.
Gravure d'une amphore de type Dressel 20.

Les fouilles débutent à Vieux dès 1697[E 1], soit près d'un demi-siècle avant celles de Pompéi et plus d'un siècle après la découverte du marbre de Thorigny.

En 1812, une partie de la zone méridionale de la maison est explorée par le propriétaire, qui découvre une mosaïque. La société des antiquaires de Normandie procède à une nouvelle fouille en 1826, mais seul un fragment de mosaïque est retrouvé[B 22]. Les autres fouilles menées à Vieux au XIXe siècle ne concernent pas l'édifice.

Photographie d'un assortiment de vaisselle romaine en terre cuite et céramique sur une table.
Présentation d'une table d'époque romaine au musée archéologique de Vieux-la-Romaine.

À partir de 1988, le Conseil général du Calvados lance un programme de fouilles dans la commune[E 1] en axant prioritairement ses recherches sur l'habitat. La maison est alors fouillée par Pascal Vipard entre 1988 et 1991[B 23]. Ce dernier parvient à mener efficacement ses travaux du fait de l'absence de toute construction au-dessus du site antique[E 1], faisant de ces fouilles les plus importantes menées à Vieux depuis 1864[A 7]. La maison au grand péristyle constitue d'ailleurs le sujet de thèse de doctorat de Pascal Vipard, soutenue en 1996 à Paris IV sous la direction de François Hinard : « Une domus du quartier des thermes d'Aregenua (Vieux, Calvados). Contribution à l'histoire de l'habitat urbain en Gaule romaine ».

L'Ă©tude du site permet de suivre l'Ă©volution de la maison de sa construction Ă  sa destruction[A 7] et de mettre en Ă©vidence six pĂ©riodes[E 1]. 677 pièces de monnaie sont ainsi dĂ©couvertes, dont aucune comprise entre les règnes de Commode et Gallien, ainsi que 770 kg de cĂ©ramique rĂ©partie en 140 800 tessons[B 24], ce qui prouve l'intĂ©gration de la citĂ© aux voies commerciales du Haut-Empire. Les tessons de cĂ©ramiques communes proviennent ainsi essentiellement de l'actuelle Sarthe, de la Picardie et du Dorset, tandis que les cĂ©ramiques plus luxueuses ont pour origine le centre de la Gaule[B 24]. Les restes d'amphores correspondent principalement Ă  des amphores du type Dressel 20 destinĂ©es au transport d'huile de BĂ©tique, de vin de Gaule narbonnaise ou plus rarement d'Asie mineure, « denrĂ©e très coĂ»teuse »[B 25]. Le site livre Ă©galement 3 576 tessons de verre[B 26] ainsi que la statue dite tutela de Vieux-la-Romaine en aoĂ»t 1988[G 1].

Restauration et ouverture au public, nouvelles études du matériel archéologique

Dès sa découverte, la maison apparaît comme le seul édifice d'époque romaine visitable en Basse-Normandie et la seule maison à péristyle conservée dans le nord de la France[B 23].

Après avoir été aménagée à l'initiative du Conseil général du Calvados à partir du mois de septembre 1992, la maison fait l'objet d'une présentation au public à partir de juillet 1993[B 23] - [E 1]. Les choix de restauration sont à mi-chemin entre sauvegarde du site et visées pédagogiques, comme à Saint-Romain-en-Gal ou à Jublains. Les élévations n'ont pas été restituées, mais un hypocauste est remis en place ainsi que des copies d'éléments de décor assurés. La construction présentée au public est celle de la maison au grand péristyle de la fin du IIe siècle - début du IIIe siècle[J 1], à l'exception du maintien de la percée dans la construction du IVe siècle[B 27].

Toutefois, la restauration a nécessité des choix qui ont pu être infirmés par des études ultérieures. La partie sud en particulier n'a été étudiée qu'après la mise en valeur du site ayant entraîné une restitution à certains égards non conforme à la réalité[B 28]. Les enduits peints, étudiés partiellement au début des années 1990, ont été réétudiés en 2010[J 1] : cette nouvelle analyse, qui a permis de relever des incohérences dans les restitutions proposées jusqu'alors, a soulevé des questions déontologiques sur l'étude de vestiges non traités « en une seule étude », ainsi que le problème de la réversibilité des restaurations effectuées[J 2].

Description de l'édifice à l'époque de son apogée

Organisation générale

Plan de la maison à son apogée monumental
Plan de la maison à son apogée monumental.

La maison s’étend sur une surface de 1 250-1 500 m2, d'après un plan grĂ©co-italique[I 1] de 50,80 m sur 30,80 m[H 1] dont un espace clos de 1 421 m2. Sa superficie la classe « parmi les plus grandes demeures de Gaule »[E 2]. Le rez-de-chaussĂ©e comporte 14 pièces et 5 couloirs, et l'Ă©tage n'est pas connu[B 29] mais estimĂ© par les archĂ©ologues Ă  572 m2[B 30]. L'Ă©difice comporte en outre une galerie de façade[A 8]. La maison, localisĂ©e dans le centre-ville, Ă©tait importante et visible sur trois cĂ´tĂ©s au moins[H 4]. L'ampleur des destructions rend toutefois difficile de dĂ©terminer les fonctions des diffĂ©rentes pièces rĂ©sidentielles[B 31].

Les fondations de l'édifice, d'une profondeur allant jusqu'à deux mètres, sont puissantes et constituées de blocs de grès[E 2]. Les murs sont en opus vittatum ou en petit appareil de calcaire local, mais certains comportent des rangs de briques. Parmi les matériaux utilisés, la pierre de Caen et le travertin ont été identifiés[E 3] et comportent des traces d'outils[E 4]. La maison a été bâtie avec des matériaux locaux et à l'aide d'une main d’œuvre locale, ce qui a pu minorer le coût de la construction, même si la fortune du propriétaire devait être conséquente (l'achat de l'emplacement, souvent construit, représentait une part non négligeable de l'opération[C 1]).

Organisation du rez-de-chaussée

Maquette de la colonnade et de la galerie d'une maison antique.
Maquette de la colonnade et de la galerie de façade, vue du nord.
Photographie des vestiges d'un habitat antique avec des bases de colonnes entourant une cour.
Vue de la route actuelle vers la façade de la colonnade.

Le rez-de-chaussée comprenait 14 pièces, plus 12 pièces de service et 5 couloirs et circulations[H 1]. La maison s'organisait autour d’une cour centrale, ornée d’un bassin et entourée d’un péristyle. Un système d'hypocauste assurait le chauffage de plusieurs pièces. La domus a conservé aussi une partie de son dallage d’origine en calcaire.

La galerie, large d'environ 3,30 m, occupait toute la façade de la maison[B 32] et protĂ©geait ses occupants de la pluie, du fait de son orientation au nord[I 1], tout en permettant de soutenir un Ă©tage[B 33]. Le sol de la galerie Ă©tait composĂ© de dalles de marbre rose local, fait inhabituel pour cette citĂ©[H 4]. Des colonnes lisses en façade, attestĂ©es par la dĂ©couverte d'Ă©boulis, supposent l'existence d'un Ă©tage. Une baie Ă  deux arcades signalait l'entrĂ©e de la maison[H 4]. Cette entrĂ©e monumentale faisait face au cardo II[B 34] et Ă©tait destinĂ©e Ă  marquer le rang social de son propriĂ©taire[B 35] en s’inspirant de l'architecture officielle, notamment des portes des villes d'alors[H 5].

Emprise de l'ancienne maison orientale

L'entrĂ©e comportait une porte en chĂŞne Ă  deux battants d'environ un mètre, dont on a retrouvĂ© la serrure dans les couches de destruction faisant suite Ă  un incendie. Cette porte permettait l'accès des clients du maĂ®tre de la maison[B 35]. Le vestibule Ă©tait organisĂ© en deux parties et mesurait 3,60 m sur 2,50 m. Deux pilastres hauts de 4,50 m Ă©taient ornĂ©s de figures mythologiques et probablement du portrait des propriĂ©taires[H 6]. Le second espace correspondait Ă  des fauces (vestibules) Ă©galement ornĂ©s de piliers[H 7].

La loge, très grande car mesurant m sur 4,30 m, possĂ©dait des murs en opus vittatum, en torchis et en bois. Le sol Ă©tait constituĂ© d'un plancher large de 0,21 m et Ă©pais de 3 cm. Sa surface semble correspondre Ă  un lieu de stockage ou Ă  une boutique ; par ailleurs les archĂ©ologues ont reconnu la trĂ©mie d'un escalier d'accès Ă  l'Ă©tage[B 36].

Une cuisine de 4,50 m sur 4,75 m avec un sol en mortier Ă©tait munie d'un puits. D'autres pièces de service Ă©taient prĂ©sentes dans le mĂŞme secteur, dont des latrines — tĂ©moignage de la richesse de l'habitation — couvertes de chaux et par lesquelles passait une conduite se dirigeant vers l’égout extĂ©rieur[B 37].

Maquette d'une maison gallo-romaine.
Maquette de la maison à l'époque de son apogée monumental, vue du sud.
Photographie des vestiges de pièces antiques avec au premier des empilements de briques pour surélever un plancher disparu.
La salle à hypocauste et l'enfilade des pièces de l'aile orientale.

Plusieurs pièces de la maison Ă©taient chauffĂ©es par hypocauste et un praefurnium Ă©tait situĂ© non loin. Une des pièces chauffĂ©es, de 3,20 m sur 4,80 m, contenait un riche dĂ©cor de divinitĂ© orientale[B 38]. L'hypocauste, bien conservĂ©, a Ă©tĂ© restaurĂ© et peut ĂŞtre aujourd'hui observĂ© en Ă©corchĂ© sur le site ; il conservait des Ă©lĂ©ments d’enduit de tuileau ainsi que des tubuli. La taille de la pièce laisse penser qu'il s'agissait d'un bureau ou d'une chambre[B 39]. Le praefurnium Ă©tait accessible depuis la rue[B 40]. La chambre ainsi qu’une autre pièce, sĂ»rement une antichambre, communiquaient avec le portique par un vestibule[B 40].

Certaines pièces assez grandes, dont une de m sur 5,80 m, n’ont pu ĂŞtre identifiĂ©es prĂ©cisĂ©ment dans la partie sud de l'Ă©difice, mĂŞme si Vipard suppose que l’une d'entre elles, munie de cloisons de torchis, Ă©tait un lieu de rassemblement oĂą les occupants avaient pour habitude de boire ensemble[B 41]. La prĂ©sence de monnaies datant de Vespasien Ă  Marc Aurèle, ainsi que de nombreux tessons de cĂ©ramique et de verre allant du IIe siècle au IVe siècle, semble Ă©tayer cette hypothèse.

Une pièce de 6,60 m sur m environ n’a Ă©galement pas pu ĂŞtre identifiĂ©e[B 42]. Un long couloir de presque 19 m de long sur m de large comportait des murs revĂŞtus d’enduits portant des cercles. Cette coursive disposait d'une porte secondaire ou posticum donnant sur le cardo I et sĂ»rement destinĂ©e Ă  un usage privĂ© par les occupants de la maison[B 43]. La partie ouest du couloir ne menait vraisemblablement nulle part[B 28].

Les vestiges des pièces localisĂ©es au sud Ă©taient mal conservĂ©s et certaines salles ne sont aujourd'hui connues que par des nĂ©gatifs de murs[B 28]. Une loge de portier, au sol en galets, a Ă©tĂ© identifiĂ©e et une pièce Ă  proximitĂ© avait probablement une fonction de rĂ©serve pour le bois destinĂ© au praefurnium du secteur[B 44]. La fouille de 1826 est situĂ©e Ă  proximitĂ©, les vestiges en place ont cependant permis une Ă©tude stratigraphique : la pièce Ă©tait chauffĂ©e et la mosaĂŻque possĂ©dait un dĂ©cor gĂ©omĂ©trique qui a Ă©tĂ© remplacĂ© Ă  l’époque tardive par une nouvelle mosaĂŻque contemporaine, lorsque cette dernière fut transformĂ©e en salle froide[B 45]. Une cour Ă  ciel ouvert de plus de 50 m2 avait un sol en terre et pierre, et une porte donnant accès vers le sud est supposĂ©e. Des traces d'enduit rouge ont Ă©tĂ© trouvĂ©es sur un des murs. Des caves, d'une contenance de m3 Ă  10 m3[B 46] et fermĂ©es au moyen d'une serrure et d'une couverture de tuiles, se sont succĂ©dĂ© dans le secteur. Un bac Ă  huĂ®tres a Ă©tĂ© dĂ©couvert, et outre le stockage alimentaire, le secteur a livrĂ© des traces d'artisanat de textile et de travail de bronze[B 47].

  • Photographie de colonnes tronquĂ©es sur un mur-bahut.
    Vue de l'aile occidentale, à partir du péristyle.
  • Photographie d'un mur surmontĂ© de colonnes dĂ©limitant un espace rectangulaire avec une allĂ©e de circulation tout autour.
    Aile occidentale, vue du sud.
  • Photographie de colonnes tronquĂ©es sur un mur-bahut.
    Jardin vu du sud-est du péristyle.
  • Photographie de colonnes tronquĂ©es sur un mur-bahut.
    Vue de l'aile occidentale, à partir d'une pièce de service.
Emprise de l'ancienne maison occidentale
Photographie de maquette d'une maison romaine oĂą une colonnade supporte un Ă©tage.
Maquette de la maison, vue du sud.

Au sud-ouest, les archéologues ont dégagé un praefurnium et un balnéaire qui appartenaient à la Maison occidentale préexistant à la Maison au petit péristyle. L'alimentation du praefurnium se faisait par l'extérieur. Le secteur a été endommagé par le passage du cardo au milieu de l'édifice durant la période du Bas-Empire. Une baignoire était située dans le caldarium. Du fait de l'état de conservation du secteur, les conduites d'eau et d'évacuation n'ont pu être reconnues. La conservation de ces pièces en dépit des transformations profondes de l'édifice peut s'expliquer par cette installation. La pièce en forme de L qui est contiguë a probablement servi d'apodyterium ou de frigidarium[B 48]. Un balnéaire privé était réservé aux demeures les plus riches[B 49] et témoigne donc ici du haut niveau social des propriétaires. La pièce cesse cependant d'être chauffée alors que la domus reste occupée : cet abandon est probablement dû à la proximité immédiate d'édifices thermaux très bien équipés et propices à la vie sociale[B 49].

Une salle de rĂ©ception situĂ©e au nord du complexe balnĂ©aire, mesurant environ m sur plus de m, a livrĂ© un très riche dĂ©cor conservĂ© en dĂ©pit du percement du cardo[B 50]. La pièce Ă©tait potentiellement ouverte sur le viridarium et d'un niveau diffĂ©rent de 15 cm par rapport au portique. Elle Ă©tait destinĂ©e aux repas et Ă©galement Ă  la rĂ©ception d'invitĂ©s et de clients du fait de son dĂ©cor[B 51]. Les salons Ă©taient en effet des espaces publics ouverts sur le jardin[H 8].

Au nord de cette pièce se situe la plus grande salle de la maison, de 9,20 m sur 7,80 m. Cet espace de rĂ©ception a souffert de l'incendie de l'Ă©difice, du percement de la rue et de prĂ©dations liĂ©es aux rĂ©cupĂ©rations de matĂ©riaux. La prĂ©sence de deux pièces de rĂ©ception contiguĂ«s est connue par la maison de MĂ©lĂ©agre de PompĂ©i ; elles Ă©taient sans doute utilisĂ©es en fonction de l'effectif accueilli. La salle n'est toutefois pas un triclinium puisque les gallo-romains ne mangeaient pas couchĂ©s. Elle a conservĂ© des traces d'enduits initialement interprĂ©tĂ©s comme des indices attestant la prĂ©sence d'un escalier pour rejoindre l'Ă©tage, sur le mur sud ou ouest[B 52]. Cette interprĂ©tation a Ă©tĂ© battue en brèche par l'analyse de 2010, et le rapprochement avec des Ă©lĂ©ments similaires retrouvĂ©s Ă  Chartres incitent Boislève Ă  interprĂ©ter ces enduits comme des encadrements de fenĂŞtres[J 3].

Une pièce de 7,80 m sur 7,20 m, s'apparentant Ă  une boutique, est prĂ©sente sur la façade nord de la maison. Elle est dĂ©corĂ©e simplement, avec un sol en mortier recouvert d'un enduit datant de l'Ă©poque de la maison occidentale. La boutique, qui Ă©tait louĂ©e ou tenue par du personnel de maison, a Ă©tĂ© dĂ©truite par le percement du cardo. Une pièce situĂ©e Ă  sa gauche, Ă©galement très simple, conserve un pan de mur de la maison orientale qui est « le plus ancien conservĂ© »[B 53].

Le pĂ©ristyle a fait l'objet d'un doublement de sa surface Ă  son apogĂ©e monumental et Ă©tait alors pourvu d'un jardin ou viridarium. Sa surface Ă©tait supĂ©rieure Ă  322 m2 dont 130 m2 pour le jardin et 192 m2 pour les portiques. Le lieu s'agrĂ©mentait d'un sol en bĂ©ton de tuileau[B 54] et d'un dĂ©cor de qualitĂ©. Un laraire Ă©tait installĂ© dans sa partie nord[B 7], reliĂ© Ă  un balcon ou Ă  une galerie situĂ©e Ă  l'Ă©tage[H 2]. Trois cĂ´tĂ©s du pĂ©ristyle s'ornaient de colonnes[H 2], tandis que le portique en comportait sept sur le long cĂ´tĂ© et quatre sur les petits. Les fouilles ont rĂ©vĂ©lĂ© de nombreux fragments de verre Ă  vitre. L'accès au pĂ©ristyle se faisait par une salle de rĂ©ception[B 55].

Sur la façade sud de l'édifice, les archéologues ont dégagé peu de choses : des traces d'appentis et des foyers d'un type commun dans les villae, placés de façon à limiter les risques d'incendies. Cet espace semble avoir également servi de cuisine secondaire, comme l'attestent les coquillages, moules, huîtres et bulots qui y ont été retrouvés. Les limites d'autres espaces situés au sud et à l'ouest n'ont pu être définies[B 56].

Incertitude sur l'organisation de l'Ă©tage

Photographie en plongée de la maquette d'une maison romaine : quatre ailes de bâtiments délimitent une cour centrale.
Vue aérienne de la maquette à partir du sud-ouest avec les étages sur l'aile nord et ouest.

À l'origine, les maisons à étages étaient principalement destinées aux catégories les plus modestes, mais sous l'Empire les maisons nobles adoptent progressivement cette configuration afin d'obtenir un surcroît de place et de surplomber les autres constructions[B 30].

Dans la Maison au grand pĂ©ristyle, la prĂ©sence d'un Ă©tage semble confirmĂ©e par le faible nombre de chambres retrouvĂ©es[B 57] — le nombre de pièces d'habitation de cet Ă©tage, d'une superficie estimĂ©e Ă  570 m2[H 1], reste toutefois Ă  ce jour inconnu[A 9]. Les archĂ©ologues supposent que seules les ailes occidentale et septentrionale comportaient un second niveau, absence vraisemblablement liĂ©e Ă  la nĂ©cessitĂ© de laisser entrer la lumière tout en permettant aux ailes dĂ©pourvues d'Ă©tage d'avoir des pièces chauffĂ©es[B 58].

Aile occidentale

L'épaisseur des murs et les traces d'un enduit impliquant la présence d'un escalier viennent conforter l'existence d'un niveau supérieur pour l'aile occidentale[B 57]. Un mur éboulé dans le jardin et non détruit lors des récupérations de matériaux constitue également un indice supplémentaire.

Les salles de l'étage étaient accessibles par une pièce richement décorée, induisant « l'existence de pièces nobles à l'étage »[B 57]. Dans le jardin, un massif de maçonnerie a été mis au jour non loin du vestibule, et a pu servir à soutenir un balcon à l'étage pourvu de colonnes à décor bachique et peut-être un laraire au rez-de-chaussée, selon une disposition traditionnelle[B 59] - [H 2].

Aile septentrionale

Les éboulis, présents dans l'aile septentrionale, attestent également la présence d'un étage, tout comme l'espacement des colonnes de la galerie de façade qui évoque un étage surplombant le portique extérieur. Une cage d'escalier a aussi été mise en évidence[B 60].

Cet étage existait peut-être dès les premiers états de l'édifice. Les fouilles ont découvert des vestiges de torchis, de bois et de clous : ce mode de construction permettait d'avoir une structure plus légère[B 60].

Chauffage

Photographie d'une série de briques empilées supportant le sol en béton d'une pièce antique.
Système d'hypocauste.

Le plan méditerranéen de la maison sous ces latitudes septentrionales a nécessité des adaptations au niveau de l'édifice, comme en témoigne l'usage de torchis, la présence d'un système d'obturation du portique et une installation de chauffage. Quatre pièces disposent d'un système d'hypocauste, d'autres devant disposer de braseros[B 61].

Un foyer construit en tuiles est installé tardivement dans une pièce, du temps de la Maison à la mosaïque en damier. Cet équipement témoigne de la dégradation des conditions de vie des habitants de la maison à basse époque[B 62].

Eau

Photographie d'un bassin antique Ă  la margelle en briques.
Bassin du jardin de la maison au grand péristyle.

La citĂ© comportait un rĂ©seau d’égouts « peu sophistiquĂ© »[B 63]. La maison nĂ©cessitait un système d'Ă©vacuation d'eau, notamment d'eaux de pluie, du fait des 1 300 m2 de toitures et d'eaux usĂ©es. Une conduite en briques et bĂ©ton a ainsi Ă©tĂ© retrouvĂ©e, menant de la maison au decumanus, Ă  laquelle devaient Ă©galement s'ajouter d'autres conduites en bois[B 64]. Les conduites en plomb ont fait l'objet d'une rĂ©cupĂ©ration ; la fouille a livrĂ© une conduite en chĂŞne assemblĂ©e par du fer[B 65].

La maison possĂ©dait deux puits destinĂ©s Ă  son approvisionnement en eau, dont l'un, profond de 6,60 m, Ă©tait situĂ© entre le jardin et le portique. La fouille de ce puits a livrĂ© des vestiges du Ier siècle au IVe siècle. La fouille du second puits, situĂ© dans une pièce en bordure de la colonnade, n'a quant Ă  lui rien donnĂ©. La maison Ă©tait en outre raccordĂ©e au système de conduite d'eau publique, les Ă©lĂ©ments d'agrĂ©ment du jardin nĂ©cessitant pour fonctionner une eau sous pression[B 66].

L'eau était acheminée vers la salle de bains de l'aile ouest, tandis qu'une autre conduite menait l'eau du bassin du jardin aux latrines[H 9] et passait dans l'angle nord-est du portique, où elle était divisée en trois sections[B 67]. L'eau provenant du système public constituait un privilège réservé à quelques-uns, peut-être membres du collège des décurions[H 10] ; c'est un témoignage de l'adoption d'un mode de vie et « un besoin de représentation sociale », témoin du luxe de l'édifice : la présence de fontaines et de jets d'eau rapprochaient ainsi l'édifice des thermes[H 10] - [B 68].

Autres Ă©quipements

Photographie d'une lampe Ă  huile en terre cuite.
Lampe Ă  huile de Vibianus.

Les fouilles ont permis de retrouver des éléments d'éclairage : trois lampes à huile, dont l'une portant le nom de Vibianus, ainsi que des supports pour des chandelles ou des torches. Le seul élément de bronze retrouvé sur le site est d'ailleurs un fragment de candélabre[B 69].

De nombreuses serrures et clés ont été retrouvées lors des fouilles ; les clés étaient destinées surtout aux différentes pièces et permettaient de réguler l'accès des différents visiteurs[B 70].

Les fouilles ont livré également des éléments liés à l'écriture, boîtes à sceller, stylets : l'écriture était donc une pratique répandue parmi les occupants de la demeure[B 71].

DĂ©cor

Les fouilles ont permis de mettre au jour un décor composé de peintures et de mosaïques relativement commun pour ce type de demeure, ainsi qu'un décor sculpté exceptionnel même s'il est très fragmenté[B 72]. Un décor de qualité a été mis en évidence pour les espaces officiels de la maison, entrée, viridarium et salons[H 4].

Fresques et stucs

Tout l'intérieur de la maison était peint et l'édifice devait donc présenter « un aspect très coloré »[H 11] - [J 4]. La gamme chromatique utilisée était variée, et comportait du rouge vermillon, coloris très coûteux[J 5]. 850 caisses de vestiges d'enduits ont ainsi été collectées pendant les fouilles[J 1]. La maison a conservé cependant peu d'enduits peints identifiables : la chaux et le sable constituant les principaux éléments découverts dans les couches de destruction. Toutefois, cinq pièces ont livré des éléments de décor datés de l'époque de la Maison au petit péristyle[B 73].

Une des pièces pourvue d'un hypocauste était munie d'un décor complexe, dont « un fronton peint sur champ vermillon ». À cet emplacement devait se trouver une statue de dieu oriental en stuc, coiffée d'un bonnet phrygien[B 73] et identifié comme Attis[J 6] bien qu'aucun indice ne prouve la présence d'une niche[J 7]. Cette divinité a fait l'objet d'un traitement maladroit, tant pour les proportions que pour le visage[J 7]. L'usage du cinabre et du relief stuqué est un indice des moyens utilisés pour les décors de la maison, qui prend place « parmi les ensembles luxueux connus en Gaule »[J 7].

Les maisons servaient, outre le laraire, à honorer des divinités diverses selon la préférence des propriétaires[H 10]. L'étude de 2010 a permis de préciser des éléments : la zone inférieure était pourvue d'un décor d'imitation de marbre vert et jaune, de panneaux rouge vermillon et d'espaces rouge bordeaux, pourvus de frontons[J 7] et les bordures étaient ornées de scènes dont des Amours. Des stucs étaient disposés dans les bordures[J 8] et fixés au moyen de clous. Julien Boislève a mis en évidence la présence d'un décor de plafond, peint et également stuqué[J 9].

  • Photographie d'un petit autel en forme de niche renfermant une statuette.
    Divinité orientale.
  • Photographie d'une statuette reconstituĂ©e Ă  partir de ses fragments.
    Détail de la divinité orientale.
Photographie d'une fresque antique à motifs de cercles entrelacés.
Fresque Ă  cercles du couloir.

Dans la partie sud de la maison, un long couloir[J 10] comportait un dĂ©cor de cercles ocres et rouges, sĂ©cants et tangents de 0,25 m (ou 0,27 m[J 10]) de haut[B 74], sur fond blanc. La bande fait environ 0,39 m et comporte aux extrĂ©mitĂ©s haute et basse une bande rouge[J 10] ainsi que des cercles rĂ©alisĂ©s au compas[J 10]. La fresque a Ă©tĂ© retrouvĂ©e Ă  plat et le fouilleur en a dĂ©duit une localisation dans la partie infĂ©rieure des murs. La nouvelle Ă©tude des enduits de 2010 a mis en Ă©vidence de nouveaux fragments s'imbriquant sur les Ă©lĂ©ments remontĂ©s au musĂ©e et pose la question de la rĂ©versibilitĂ© des restaurations[J 10]. La comparaison avec les usages connus du motif dans d'autres maisons du IIe siècle et IIIe siècle (ManĂ©-VĂ©chen, Bavay ou Andigny-en-Bassigny) ainsi que l'observation du revers des fragments, plutĂ´t lisse, invite Ă  considĂ©rer le dĂ©cor plutĂ´t comme liĂ© Ă  une bordure de plafond. Le motif convient aux couloirs ou cryptoportiques[J 11]. Une pièce situĂ©e au nord de ce couloir comportait une imitation de placage de marbre[J 12]. De l'autre cĂ´tĂ© du couloir, une autre salle a rĂ©vĂ©lĂ© un dĂ©cor d'imitation de marbre de fresques et de stucs[J 13].

La pièce située à gauche de l'entrée principale de la maison a livré des vestiges de stucs pouvant être considérés comme des éléments de plafond[J 7]

Photographie d'une fresque antique reproduisant une scène mythologique
Fresque mythologique.

Une salle de l'ancienne maison occidentale, vaste de 52 m2[J 4], a livrĂ©, malgrĂ© la destruction liĂ©e au passage du cardo, des fragments de fresque dont un panneau de 0,50 m de cĂ´tĂ© reprĂ©sentant une scène mythologique[B 74]. Au centre d'un cadre architecturĂ©[J 4], un homme est assis sur un siège de bois[J 14], un pommeau de glaive Ă  la main ; Ă  sa droite une femme vĂŞtue d'une tunique grecque tient des boucliers ; un autre personnage fĂ©minin[B 75] tend un casque au hĂ©ros[J 5]. La scène est peut-ĂŞtre issue de l'Iliade, de l'Ă©pisode de la remise d'armes avant la guerre de Troie[B 76]. Il s'agirait d'une fresque d’Achille et ThĂ©tis datĂ©e de l'Ă©poque de la Maison au petit pĂ©ristyle : ThĂ©tis rapporte au hĂ©ros les armes forgĂ©es par HĂ©phaĂŻstos[J 4] ; le second personnage fĂ©minin serait BrisĂ©is[J 5]. Ce genre de scène correspondait au « nec plus ultra de la dĂ©coration peinte »[H 3] ; celle-ci est « l'Ĺ“uvre d'un peintre talentueux »[J 5] et d'« un atelier particulièrement qualifiĂ© »[J 10]. Ces scènes sont connues surtout pour le troisième et quatrième style pompĂ©ien[H 10]. L'Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 2010 a permis de reconnaĂ®tre deux autres reprĂ©sentations très partiellement conservĂ©es : une scène d'extĂ©rieur pour l'une, avec un torse masculin et un bras tendu ; des fragments de main ou de patte pour l'autre[J 5]. Boislève Ă©voque la possibilitĂ© d'un dĂ©cor de tableaux mythologiques, d'un « cycle cohĂ©rent », peut-ĂŞtre celui d'Achille. Des tableaux successifs abordant une seule et mĂŞme thĂ©matique sont attestĂ©s de manière frĂ©quente dans les salles d'apparat de PompĂ©i, mais plus rarement dans les demeures en Gaule[J 15]. La pièce possĂ©dait une autre scène[B 76] ainsi qu'une mosaĂŻque polychrome[B 51], et une statue de divinitĂ© supposĂ©e ĂŞtre la tutela d'Aregenua[H 3].

Dans la pièce de 72 m2[J 1] contiguĂ« Ă  la salle oĂą a Ă©tĂ© dĂ©couvert le tableau de ThĂ©tis et Achille, a Ă©tĂ© retrouvĂ© un dĂ©cor peint interprĂ©tĂ© initialement comme appartenant Ă  un escalier. La pièce comportait une scène avec des personnages indĂ©terminĂ©s ainsi qu'un plafond peint de motifs gĂ©omĂ©triques[B 77]. La nouvelle analyse de 2010 change l'interprĂ©tation de ces vestiges : le dĂ©cor initialement attribuĂ© au plafond est finalement Ă  attribuer aux parties basses des murs, formĂ©es d'un dĂ©cor Ă  bases de boucliers. La partie mĂ©diane du mur comportait un motif classique d'encadrement et d'inter-panneaux ornĂ©s de candĂ©labres vĂ©gĂ©taux[J 16]. Un personnage Ă  moitiĂ© nu et pourvu d'un drapĂ© bleu a Ă©tĂ© identifiĂ©, et des indices laissent supposer la reprĂ©sentation d'une danseuse. La partie haute du mur comportait probablement[J 5] une corniche de stuc[J 3]. La composition de l'ensemble est originale et la partie infĂ©rieure est « la vĂ©ritable originalitĂ© de ce dĂ©cor »[J 3].

Photographie d'une frise antique reproduisant un décor de poissons.
Détail de la frise de poissons du bassin périphérique.

Des éléments de faux marbre et d'architecture, un chapiteau ionique, ont également été identifiés, tout comme des fragments de personnages à l'échelle 1/2[H 3]. La présence de colonnes dans le décor a pour objectif d'ajouter à son prestige[H 10] tandis que les fragments de scènes peintes avaient peut-être une finalité commémorative[H 12].

Dans le jardin, parmi de nombreux Ă©lĂ©ments, seule a pu ĂŞtre identifiĂ©e une frise de poissons[J 13], dont sept sont conservĂ©s. La fresque, de « haute qualitĂ© », ornait selon Vipard le bord du bassin pĂ©riphĂ©rique et longeait le stylobate des portiques[D 1]. Elle se situait selon lui au-dessus d'une toiture, cependant des fragments analysĂ©s en 2010 peuvent contredire cette interprĂ©tation : des Ă©lĂ©ments de corps dĂ©vĂŞtu semblent pouvoir ĂŞtre rattachĂ©s Ă  l'ensemble, et la fresque semble devoir se poursuivre au-dessus de la frise des poissons, ce qui bouleverse la prĂ©sentation faite au musĂ©e et issue des premières recherches[J 2]. Les poissons, inscrits dans un fond bleu de 0,15 m de haut, ne sont pas rĂ©alistes mais avaient pour rĂ´le principal de peupler le bassin[B 78]. L'association d'une telle peinture avec un bassin constitue selon Alix Barbet « un exemple remarquable »[D 1].

MosaĂŻques

Il y a peu de mosaïques à Vieux. Sur les dix œuvres découvertes sur le site, cinq sont issues de la Maison au grand péristyle[B 79]. Les mosaïques géométriques ont été étudiées dans leur contexte archéologique, ce qui diffère de trouvailles anciennes comme la Grande mosaïque de chasse de Lillebonne[1]. Les matériaux étudiés ne sont pas uniquement locaux et laissent envisager la présence d'artisans Éduens[E 5].

Photographie d'une proposition de restitution des mosaïques au sol et des décors muraux d'une maison romaine.
Mosaïque et reconstitution des décors des murs.

Une des mosaĂŻques a Ă©tĂ© dĂ©truite aux trois quarts lors du percement de la maison par le cardo III et devait Ă  l'origine mesurer près de 12 m2. Son dessin gĂ©omĂ©trique comportait des bandes obliques, des carrĂ©s droits ainsi que des carrĂ©s sur la pointe munis d'un dĂ©cor floral, avec un fleuron Ă  quatre pĂ©tales sur les uns et une croix bulbeuse sur les autres. Ce type de composition a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© observĂ© en Germanie supĂ©rieure et daterait de la dynastie des SĂ©vères[B 80].

Une autre pièce située au sud de l'édifice et ayant possédé un hypocauste a livré des fragments d'une mosaïque dont le motif, répandu à Vienna, a pu être en partie reconstitué. Le fond comportait des motifs de nids d'abeille et des hexagones, de petite et grande taille. Les archéologues ont également retrouvé des tesselles en pâte de verre et des fragments de « motifs figurés » qui remplissaient les hexagones[B 81].

Deux fragments d'une mosaïque ayant succédé à cette œuvre ont été retrouvés lors des fouilles du XIXe siècle et sont conservés au Musée de Normandie. D'autres tesselles ont été exhumées en 1990 et datent probablement de la Maison à la mosaïque en damier[B 82].

DĂ©cor architectural

La salle d’apparat, la cour et le jardin étaient richement décorés et toutes les sculptures étaient réalisées en pierre de Caen[E 6].

Colonnes de la galerie de façade

Les colonnes de la galerie de façade étaient lisses et possédaient une base attique, leur taille variant en fonction de l'inclinaison du sol. La galerie avait pour fonction de soutenir un étage et date vraisemblablement de la Maison au petit péristyle[B 83].

L'entrée de la maison possédait deux colonnes géminées[B 19].

Piliers
Photographie d'une pierre gravée représentant une divinité féminine.
Face est du pilier sud-est[H 13] : relief de Vénus anadyomène au musée de Vieux.

L'entrée de la maison s'ornait d'un décor sur piliers partiellement conservés et datant de l'apogée monumental de l'édifice[B 84].

Le portique, d'une hauteur estimĂ©e Ă  4,50 m, prĂ©sentait un dĂ©cor en bas-relief sur deux de ses faces, que les fragments retrouvĂ©s ne permettent toutefois pas de reconstituer[B 85]. Les piliers portaient une cinquantaine de scènes[H 13], probablement liĂ©s Ă  la mythologie et Ă  l'idĂ©ologie impĂ©riale. Cependant, les vestiges conservĂ©s ne permettent pas de corroborer cette hypothèse[H 10]. Seuls quelques indices retrouvĂ©s au cours des fouilles permettent d'Ă©tablir des hypothèses quant aux scènes reprĂ©sentĂ©s. Ont ainsi Ă©tĂ© dĂ©couverts : un fragment avec une fleur et des griffons affrontĂ©s[H 13], attribut d'Apollon et de Dionysos et « gardiens domestiques »[B 86], des divinitĂ©s incertaines (Apollon ou Diane), ainsi que Marsyas, un putto, etc.[H 13]. Les propriĂ©taires Ă©taient peut-ĂŞtre Ă©galement reprĂ©sentĂ©s sur les piliers[H 6]. Une VĂ©nus anadyomène a Ă©tĂ© identifiĂ©e sur un bloc de 600 kg. Un personnage situĂ© Ă  sa gauche a disparu Ă  la suite d'« un prĂ©lèvement assez soigneux »[B 87].

Colonnes du péristyle

Les fouilles ont permis de dĂ©gager des Ă©lĂ©ments de dĂ©coration exceptionnels[A 9], tels que des colonnes ciselĂ©es de motifs vĂ©gĂ©taux, des piliers ornĂ©s de bas-reliefs et des mosaĂŻques. Il existe une continuitĂ© entre les piliers sculptĂ©s du vestibule et les colonnes du portique, « cĹ“ur de la domus »[H 2]. Les colonnes du pĂ©ristyle proviennent de deux Ă©tapes de la construction : des fleurs inscrites dans des losanges pour les plus anciennes et imbriquĂ©es pour celles de l'extension[B 54], les deux types Ă©tant alternĂ©s[B 88]. Les colonnes appartiennent Ă  l'ordre toscan provincial et mesurent environ 2,70 m[B 88].

Les colonnes sont pourvues de motifs habituellement liés, selon les spécialistes, à des bâtiments publics[H 2]. Certains décors de ciselure et d'imbrication sont répandus surtout dans ce cadre[H 10]. Les colonnes de la maison ont pu être rapprochés de celles des thermes de la ville[H 10]. Certaines colonnes possèdent un décor de feuillage stylisé « extrêmement répandu », d'autres un décor de losanges avec des motifs végétaux et des feuilles d'acanthe[H 2]. Ces dernières sont très rares, seuls quatre cas d'usage de ce décor sont connus en Gaule ou en Germanie, datant de la Maison au petit péristyle : ce décor est originaire d'Orient et se répand en Gaule au IIe siècle et IIIe siècle. L'usage dans des maisons est attesté à Rouen et à Bourges afin de leur « conférer un caractère plus solennel »[B 89].

Les colonnes possèdent une rainure sur les côtés opposés, identifiée comme étant « un système d'obturation du portique par des panneaux de bois » afin de prendre en compte les contraintes climatiques locales et l'extension de l'ouverture lors de l'élaboration de la maison au grand péristyle. Cet aménagement est attesté également en Italie dès le milieu du Ier siècle[B 90].

  • Photographie d'une colonne antique ornĂ©e d'un dĂ©cor gĂ©omĂ©trique en losanges.
    Une des colonnes du péristyle avec décor végétal dans des losanges.
  • Photographie de trois colonnes antiques reconstituĂ©es d'après leurs vestiges.
    Trois colonnes du péristyle.
  • Photographie d'une colonne antique ornĂ©e d'un dĂ©cor de feuilles.
    Une des colonnes du péristyle avec décor de feuillage.
Jardin central
Photographie de la maquette d'une maison antique;
Maquette de la maison des Bouquets de Vesunna, actuelle PĂ©rigueux.
Photographie de la fresque ornant le bord d'un bassin antique.
Fresque du bassin périphérique au musée archéologique de Vieux-la-Romaine.

La fouille n'a pas permis d'identifier les végétaux présents dans le jardin[B 91].

Un bassin périphérique en brique, mortier et blocage, apparenté aux « modèles italiques tardo-républicains », a été retrouvé et possédait probablement un système de jets d'eau composé de tuyaux de plomb. Une frise à motifs de poissons orne trois des côtés, suscitant « une illusion de faune aquatique »[B 92]. Une faune de poissons similaire est connue dans la domus des Bouquets-Vesunna de Périgueux[H 9], et une fresque ichtyene a également été retrouvée à Lisieux.

Un bassin central polylobĂ©, d'environ m sur 3,60 m, a Ă©tĂ© dĂ©gagĂ© et comportait des absides tant sur les longs que sur les petits cĂ´tĂ©s[H 9]. Sa hauteur originelle n'est pas connue. Une fontaine alimentĂ©e par un conduit placĂ© Ă  l'est se trouvait sans doute Ă  cet endroit, selon un modèle connu dans des maisons de PompĂ©i (la Maison de la grande fontaine ou celle de MĂ©lĂ©agre[B 93]). L'alimentation en eau Ă©tait situĂ©e au nord-est[H 9]. Des fragments sculptĂ©s de putto et d'animaux Ă©taient alors peut-ĂŞtre reliĂ©s Ă  la fontaine sculptĂ©e[B 94].

Colonnes du laraire et du balcon

Deux paires de colonnes ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es, liĂ©es selon les fouilleurs Ă  un balcon ou une galerie de l'Ă©tage, une d'environ 3,40 m et l'autre de 2,40 m environ[B 95]. Les colonnes les plus hautes comportaient des gĂ©nies vĂ©gĂ©taux[H 2].

photographie d'un bas-relief représentant un personnage avec une serpe de vigneron
Sculpture d'un personnage avec une serpe de vigneron.

Ces colonnes sont pourvues d'un riche décor de rinceaux de vigne et d'animaux et personnages dionysiaques : il avait un rôle ornemental et se trouvait aussi dans les édifices publics[B 95], temples ou autres[H 10].

Sur une des colonnes se trouve un visage végétal avec des lièvres et des serpents dans les cheveux, sur un décor de personnages, de feuilles de vigne et de grappes de raisin. Il y a un personnage muni d'une serpe de vigneron, un satyre et un Amour[B 96].

Les autres colonnes, les moins hautes[H 9], sont d'« une qualité nettement supérieure » : on trouve deux boucliers d'Amazones et un motif de vigne sortant d'un canthare, avec des personnages et des oiseaux[B 97], ainsi que trois représentations de satyres, mais sous forme humaine, dont l'un sous la forme d'Hercule au jardin des Hespérides, avec le serpent Ladon et un pied de vigne à droite[B 97] - [H 9].

  • Photographe d'une colonne antique reprĂ©sentant un personnage près d'un arbre fruitier.
    Colonne avec représentation d'Hercule au jardin des Hespérides.
  • Photographie d'une colonne antique reprĂ©sentant une vigne et ses raisins, reconstituĂ©e d'après ses Ă©lĂ©ments.
    Colonne aux motifs bacchiques (vigne et raisins) remontée pour partie au musée archéologique de Vieux-la-Romaine.
  • Photographie de colonnes antiques reconstituĂ©es d'après leurs vestiges.
    SĂ©rie de colonnes Ă  motifs bacchiques.

Mobilier statuaire

Le site a livré des reliefs bacchiques mais également une statue exceptionnelle de tutela, en plus de statuettes en terre-cuite blanche plus communes exhumées lors des fouilles.

Statue dite tutela
Photographie de la tête d'une statue féminine portant une coiffure allégorique.
La Tutela de Vieux-la-Romaine, symbole de la cité selon les archéologues, trouvée dans les fouilles de la demeure.

La statue dite tutela a Ă©tĂ© dĂ©couverte au cours des fouilles de la salle d'apparat situĂ©e au rez-de-chaussĂ©e de l'aile occidentale[B 51]. Six fragments dont cinq identifiables[G 2] ont ainsi Ă©tĂ© dĂ©couverts dans une couche correspondant[B 94] Ă  l'incendie qui ravagea la maison Ă  la fin du IIIe siècle[G 1]. L’œuvre, rĂ©alisĂ©e en calcaire local, de la pierre de Caen[G 3] devait mesurer 1,10 m et comporte, au niveau de la tĂŞte, des traces de polychromie[B 98]. L’œuvre a peut-ĂŞtre Ă©tĂ© sculptĂ©e par les mĂŞmes artistes qui ont rĂ©alisĂ© les piliers d'entrĂ©e de la demeure[B 99].

Le personnage féminin, vêtu d'une tunique et d'un manteau, tient une corne d'abondance de la main gauche et une patère de la main droite[B 94]. Elle porte sur la tête une couronne pourvue de tourelles et sur la face antérieure une représentation d'arc de triomphe ou de porte de ville[B 99]. La coiffure correspond à une mode capillaire attestée au cours du règne des Antonins et que l'on peut observer sur les bustes de Faustine la Jeune ou Bruttia Crispina[G 4].

Les archéologues identifient la statue comme une Fortuna ou Tyché, génie du lieu ou Tutela : la divinité civique est liée au culte impérial[H 3]. La présence d'une telle représentation dans la maison d'un membre de l'élite locale est « naturelle et plausible », d'autant plus dans un salon officiel[B 99] ; elle sous-entend une fonction publique au lieu[B 51], donnant corps à « l'officialisation du décor »[H 10].

Autres éléments
Photographie d'une groupe de statuettes féminines en exposition dans un musée.
Statuettes de Vénus et de déesses-mères en terre-cuite blanche au Musée de Normandie (image d'illustration).

Les archéologues ont retrouvé des fragments d'éléments de mobilier ayant pu appartenir à un laraire : des statuettes de terre cuite blanche d'un modèle assez commun, une Vénus et une déesse-mère[B 7].

Interprétation

TĂ©moignage de la romanisation

Ce type de maison à péristyle, peu adapté à certaines contrées, y est rare et lié à la romanisation. La maison témoigne de l'« universalité du type à péristyle en Gaule »[C 2], même si des adaptations rendues nécessaires[B 100] par « le climat normand » sont à souligner[E 7].

Les fouilles ont mis en évidence une demeure typiquement méditerranéenne prouvant l’assimilation de l’architecture romaine par les Gaulois du Nord et leur « intégration à l'élite de la civilisation romaine », qui tend vers « une uniformité de pensée et de comportement »[B 101]. Elle est un indicateur de la romanisation et de l'« uniformité culturelle » existante à la fin des Antonins, ainsi que de la brève période d'apogée qui s'étend jusqu'aux Sévères[B 102].

Témoignage d'un habitat non exceptionnel fouillé entièrement

Photographie des vestiges d'une maison antique, base des murs et sols.
Vue générale de la Maison à la cour en U, également sur le site archéologique de Vieux.

L'édifice est « un cas moyen » des maisons urbaines, « assez représentatif »[H 1] de ce qu'on pouvait trouver dans l'habitat des élites. Elle est selon le fouilleur « représentative des grandes demeures aristocratiques provinciales […] et présentant un caractère ostentatoire très affirmé »[A 9].

La maison n'est pas caractéristique des demeures présentes sur le site[B 102], où prédomine un habitat plus modeste représenté par la maison à la cour en U, fouillée dans les années 1990 et mise en valeur sous un préau in situ, à proximité immédiate du musée archéologique de Vieux-la-Romaine.

La domus a été entièrement fouillée, ce qui est exceptionnel pour ce type d'habitat[B 72], surtout au nord de la Gaule[B 103]. La disparition du caractère urbain du site a permis la préservation et l'accès aux vestiges, dont la fouille a apporté beaucoup à la connaissance de l'histoire et de la topographie de la ville[B 104].

Manifestation ostentatoire de la richesse du propriétaire

Les maisons à péristyle sont surtout situées dans les chefs-lieux de cités. Ce type de demeure est le cadre de la vie des élites tant pour l'otium que pour le negotium[B 100]. Le propriétaire, qui occupait « une place de choix dans la cité »[J 2], recherchait l'ostentation, et ce dès l'extérieur de la demeure, avec la colonnade et l'entrée aménagée telle une porte de ville[H 4].

Les décors sculptés, les mosaïques, les marbres et stucs ainsi que les enduits peints vont dans le sens d'une demeure aménagée « sans viser à l'économie »[B 105]. Le décor est proche de ce qui se trouve en Gaule belgique ou lyonnaise ; cette richesse du décor est peut-être « une particularité des Trois Gaules et non un mode d'expression universel »[H 11]. Les artisans ne peuvent être connus : seule a pu être déterminée l'origine bourguignonne des auteurs des mosaïques par l'analyse des matériaux utilisés[B 105]. Quant aux stucs en reliefs, ils sont présents dans les pièces les plus importantes de la demeure ; certaines pièces de moindre importance étaient peu ou pas décorées[J 2]. Les enduits peints à thème mythologique sont rares en Gaule[B 76] et les pigments utilisés à Vieux étaient coûteux.

Affirmation d'un message politique, culturel ou religieux

La maison joue un rôle dans « l'affirmation d'un statut social, au sein même de la sphère privée » : le propriétaire souhaite ainsi faire passer aux visiteurs « un message politique, culturel ou religieux »[J 2].

Photographie d'une plaque gravée d'un texte antique en latin.
La table de la Lex Ursonensis au Musée archéologique national de Madrid.

Selon la Lex Ursonensis, les décurions devaient habiter le chef-lieu, même s'il existait de grandes disparités de richesse dans l'ordre[C 3]. La possession d'une telle maison correspondait alors à une « manifestation de la dignitas », « forme consciente d'ostentation », permettant d'accéder aux fonctions publiques, génératrices de dépenses élevées.

Le décor mis en scène dans la demeure n'a pas qu'un but esthétique, il est lié à « l'expression et […] l'exercice du pouvoir », d'où une proximité avec ce qu'on trouve dans les bâtiments publics[B 106]. Cet aspect est commun à tout l'Empire romain, et l'usage dans l'architecture domestique de formes ou décors architecturaux officiels — édifices civils ou religieux, dans les espaces publics[B 107] — est une manifestation de « puissance politique »[H 11]. Cependant, le rôle politique des maisons à péristyle est moins bien documenté pour l'Empire que pour la fin de la République romaine[H 14] ; la manifestation architecturale du pouvoir et du rang social perdure malgré tout sous l'Empire, même si la finalité est un pouvoir régional ou local[H 5]. La maison à péristyle de Vieux a donc possédé un but politique, même s'il s'agit d'un exemple tardif[H 6].

Le décor dionysiaque retrouvé est « de très bonne qualité » pour un site du nord de la Loire, même s'il reste inférieur à ce qui se trouve en Italie. Le décor chargé des colonnes est « une caractéristique provinciale », la thématique bacchique ayant surtout un rôle symbolique et iconographique[B 84]. L'inspiration dionysiaque est peut-être liée à un aspect religieux ou social, ou les deux car le culte dionysiaque est la « religion de la classe possédante » à partir du règne de Trajan[B 106]. Le thème avec son esthétique connaît alors un grand succès en Gaule Lyonnaise[B 106]. Les éléments retrouvés à Vieux permettent de considérer le site comme suivant « une mode générale » et la maison présente un décor typique des maisons les plus riches[B 83].

L'édifice acquiert un « caractère grandiose et officiel », « la maison est […] un instrument de pouvoir et de promotion personnelle permettant d'afficher sa richesse et sa puissance sociale et politique »[B 108]. La maison de Vieux, tardive car datée de la fin du IIe siècle, représente finalement un exemple du mode de vie des élites provinciales[B 102].

Notes et références

  • La conquĂŞte et l’intĂ©gration Ă  l’Empire romain
  1. Deniaux 2002, p. 91.
  • La maison du "Bas de Vieux" une riche habitation romaine du quartier des thermes d'Aregenua (Vieux, Calvados)
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  3. Vipard 1998, p. 10-11.
  4. Vipard 1998, p. 12-13.
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  6. Vipard 1998, p. 14-15.
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  9. Vipard 1998, p. 20.
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  12. Vipard 1998, p. 27-28.
  13. Vipard 1998, p. 28-29.
  14. Vipard 1998, p. 29.
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Annexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Ouvrages généraux ou sur l'espace de la future Normandie

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Travaux sur la cité de Vieux ou sur la maison au grand péristyle

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  • Pascal Vipard, La citĂ© d'Aregenua (Vieux, Calvados); chef-lieu des Viducasses. Ă©tat des connaissances, Château-Gonthier, (ISBN 9782913993051). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
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  • Pascal Vipard, « Le rĂ´le du dĂ©cor dans les parties officielles d'une domus Ă  pĂ©ristyle du dĂ©but du IIIe siècle : le cas de la Maison au Grand PĂ©ristyle (Vieux, Calvados) », Revue du Nord, vol. 5, no 343,‎ , p. 21-33 (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • Pascal Vipard, « Une statue rĂ©cemment dĂ©couverte Ă  Vieux (Calvados) », Gallia, t. 47,‎ , p. 251-255 (DOI 10.3406/galia.1990.2910, lire en ligne, consultĂ© le ). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Michel Rioult et Pascal Vipard, « L'utilisation de la pierre dans la demeure gallo-romaine de Vieux », dans L'exploitation ancienne des roches dans le Calvados : histoire et archĂ©ologie, Caen, (lire en ligne), p. 188-203. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
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