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Intrusion stratifiée

Une intrusion stratifiĂ©e (ou complexe intrusif, ou complexe ignĂ©[alpha 1]) est une formation gĂ©ologique constituĂ©e de roches magmatiques mises en place par intrusion, et qui prĂ©sente une stratification verticale de la composition et de la texture de ces roches. Ces intrusions, souvent de forme tabulaire, couvrent horizontalement une surface allant de 100 Ă  plus de 50 000 km2 et ont une Ă©paisseur allant de plusieurs centaines de mètres Ă  plus d'un kilomètre[1].

Les roches des intrusions stratifiées sont le plus souvent ultramafiques à mafiques, mais Ilimaussaq, au Groenland, est une intrusion alcaline. Les complexes intrusifs présentent des signes de cristallisation fractionnée et de ségrégation de cristaux par sédimentation ou flottation de minéraux à partir d'une masse fondue.

Un complexe intrusif ultramafique ou mafique est typiquement constitué de roches ultramafiques près de la base (péridotites et pyroxénites), associées à des couches de chromitite (en), et de roches plus mafiques dans les strates supérieures (norites, gabbros et anorthosites), avec parfois des diorites et des granophyres (en) au sommet. On y trouve souvent des minéralisations d'éléments du groupe du platine, de chromite, de magnétite et d'ilménite, exploitables économiquement.

Les intrusions stratifiées sont rares et se trouvent généralement dans les anciens cratons, mais leur distribution est mondiale. Elles sont pour la plupart d'âge archéen à protérozoïque (le Bushveld par exemple, en Afrique du Sud, est d'âge paléoprotérozoïque), mais elles peuvent être beaucoup plus jeunes comme Skaergaard (en) au Groenland ou Rum (en) en Écosse, d'âge cénozoïque[1] - [2].

Mise en place

Les intrusions stratifiĂ©es ultramafiques Ă  mafiques peuvent se mettre en place Ă  tous les niveaux de la croĂ»te, depuis des profondeurs supĂ©rieures Ă  50 km jusqu'Ă  des profondeurs aussi faibles que 1,5 Ă  5 km. La profondeur Ă  laquelle s'installe une intrusion dĂ©pend de plusieurs facteurs :

  • la densitĂ© du liquide magmatique. Les magmas les plus riches en magnĂ©sium et en fer sont les plus denses, et s'approchent le moins de la surface ;
  • les interfaces au sein de la croĂ»te. Typiquement, une zone de dĂ©tachement horizontal, une couche dense et impermĂ©able ou toute autre interface lithologique peut fournir un plan de faiblesse horizontal que le magma ascendant exploitera pour former un sill ou un lopolithe (en) ;
  • la tempĂ©rature et la viscositĂ©. Lorsqu'un magma monte et se refroidit, il devient plus visqueux, ce qui peut empĂŞcher le magma de continuer Ă  monter. En revanche, un magma plus visqueux est plus efficace pour forcer la sĂ©paration des parois d'une interface, crĂ©ant ainsi un volume que le magma peut remplir.

Origine des intrusions

Il est souvent difficile de déterminer l'origine de la poche de magma ultramafique à mafique qui est montée jusqu'à son emplacement actuel, et notamment de choisir entre deux origines plausibles, le magmatisme de point chaud et le magmatisme de rift.

Magmatisme de point chaud

La plupart des grandes provinces ignĂ©es incluent des structures hypovolcaniques et des structures superficielles formĂ©es par un magmatisme mafique de grand volume, au cours de la mĂŞme pĂ©riode de temps. Dans la plupart des cratons archĂ©ens, par exemple, les ceintures de roches vertes sont accompagnĂ©es par des injections de dykes volumineuses et souvent par une forme ou l'autre de grandes intrusions dans la croĂ»te. C'est notamment le cas d'une sĂ©rie d'intrusions stratifiĂ©es ultramafiques-mafiques dans le Craton de Yilgarn (Australie-Occidentale), datĂ©es d'environ 2,8 Ga et accompagnĂ©es par du volcanisme komatiitique et du volcanisme tholĂ©iitique de grande ampleur.

Le magmatisme de point chaud, engendré par la montée de panaches mantelliques, est à même d'expliquer les grands volumes de magma nécessaires pour créer une intrusion de plusieurs kilomètres d'épaisseur (jusqu'à 13). Les panaches sont également capables de déformer la croûte et de l'affaiblir thermiquement, ce qui facilite l'intrusion du magma et la création de l'espace nécessaire pour loger les intrusions.

La composition chimique et isotopique des roches (éléments en traces et isotopes radiogéniques) vient souvent conforter l'hypothèse d'un magmatisme de point chaud. C'est par exemple le cas des intrusions de Norilsk-Talnakh (kraï de Krasnoïarsk, Russie).

Magmatisme de rift

Certaines grandes intrusions stratifiées ne sont cependant pas dues à la montée d'un panache, par exemple l'intrusion de Skaergaard (Groenland). Il s'agit là d'un grand volume de magma analogue à celui qui est généré sous les dorsales océaniques. L'espace nécessaire à la mise en place d'une grande poche de magma est libéré par l'extension tectonique qui accompagne l'expansion des fonds océaniques. En profondeur, les failles normales et les failles listriques dégagent un espace triangulaire (en coupe verticale) où s'installent des intrusions en forme de quille ou de bateau. C'est par exemple le cas du Grand Dyke (en) (Zimbabwe) ou du complexe de Narndee-Windimurra (Australie-Occidentale).

Une origine mixte est également possible, quand un panache vient provoquer la déchirure d'un continent et initier la dérive de deux blocs continentaux et la tectonique extensive qui s'ensuit.

Origine de la stratification

Plusieurs processus sont à l'origine de la stratification des grandes intrusions ultramafiques : la convection, la diffusion thermique, la sédimentation des phénocristaux, l'assimilation des roches des parois et la cristallisation fractionnée.

Le principal de ces processus est l'accumulation de couches de cristaux d'un même minéral qui se forment par cristallisation fractionnée et qui, plus denses que le magma résiduel, descendent jusqu'au plancher de l'intrusion. Le plagioclase peut au contraire être moins dense et monter jusqu'au toit pour former des couches d'anorthosite. Dans les grandes chambres magmatiques on peut observer des structures analogues à celles qu'on trouve dans les formations sédimentaires, telles que le flow banding, le graded bedding, les scour channels et les foreset beds. L'intrusion de intrusion de Skaergaard (en) (Groenland) montre de nombreux exemples de ces structures quasi sédimentaires.

L'assimilation des roches des parois de l'intrusion intervient aussi. Elle a pour effet de modifier la composition du magma (et notamment d'augmenter la teneur en silice), ce qui peut ensuite provoquer la cristallisation de minéraux différents de ce qu'aurait produit la cristallisation du magma initial. L'assimilation peut aussi se faire via des réactions dans lesquelles les roches encaissantes sont dissoutes mais des minéraux précipitent concurremment. Souvent l'assimilation ne peut être détectée que par une analyse géochimique détaillée (notamment, de la composition isotopique).

Les cumulats (les couches sédimentées) peuvent être mono- ou polyminéraux :

  • les couches monominĂ©rales sont courantes et peuvent prĂ©senter un intĂ©rĂŞt Ă©conomique. Les couches de magnĂ©tite et d'ilmĂ©nite constituent ainsi des gisements de titane et de vanadium comme ceux de l'intrusion de Windimurra (en) (Australie-Occidentale) ou des gisements de fer comme Ă  Savage River (Tasmanie) (en). Les couches de chromite sont rĂ©gulièrement associĂ©es Ă  des gisements de platine et de palladium comme le Merensky Reef dans le complexe ignĂ© du Bushveld (Afrique du Sud).
  • les couches polyminĂ©rales constituent des roches connues dans d'autres contextes, comme le gabbro et la norite. Dans la terminologie des roches cumulatives on dĂ©signe gĂ©nĂ©ralement ces roches par leur assemblage minĂ©ralogique, on parle par exemple de « cumulats pyroxène-plagioclase Â» plutĂ´t que de gabbros.

La zone centrale ou supérieure de nombreuses grandes intrusions ultramafiques est constituée d'un gabbro massif mal stratifié. En effet, à mesure que le magma se différencie, il atteint une composition proche d'un eutectique, induisant la cristallisation en masse de plusieurs minéraux simultanément. Le magma peut aussi s'être suffisamment refroidi à ce stade pour que la viscosité croissante du magma mette un terme à la convection ou que la convection devienne inefficace.

Quand la cristallisation est bien avancée, le liquide résiduel, devenu interstitiel, peut s'échapper et migrer à travers la pile de cumulats, et d'ailleurs réagir avec eux[3] - [4] - [5] - [6].

Exemples

Notes et références

Notes

  1. Le terme complexe igné est un peu plus général qu'intrusion stratifiée : on l'emploie aussi pour désigner certains plutons majoritairement granitiques comme le complexe de l'Aber-Ildut en Bretagne (France), voire des complexes magmatiques formés par impact cosmique comme le complexe igné de Sudbury (en) en Ontario (Canada).

Références

  1. (en) Harvey Blatt et Robert J. Tracy, Petrology : Igneous, Sedimentary and Metamorphic, New York, Freeman, , 2e Ă©d., 529 p. (ISBN 0-7167-2438-3), p. 123-132 et 194-197.
  2. (en) M. A. Hamilton, D. G. Pearson, R. N. Thompson, S. P. Kelly et C. H. Emeleus, « Rapid eruption of Skye lavas inferred from precise U-Pb and Ar–Ar dating of the Rum and Cuillin plutonic complexes », Nature, vol. 394, no 6690,‎ , p. 260-263 (DOI 10.1038/28361).
  3. (en) T. N. Irvine, « Magmatic infiltration metasomatism, double-diffusive fractional crystallization, and adcumulus growth in the Muskox intrusion and other layered intrusions », dans R. B. Hagraves, Physics of Magmatic Processes, New Jersey (États-Unis), Princeton University Press, (ISBN 9780691615752), p. 325-383.
  4. (en) M. B. Holness, M. A. Hallworth, A. Woods et R. E. Sides, « Infiltration Metasomatism of Cumulates by Intrusive Magma Replenishment: the Wavy Horizon, Isle of Rum », Scotland Journal of Petrology, vol. 48, no 3,‎ , p. 563-587 (DOI 10.1093/petrology/egl072).
  5. (en) O. Namur, M. C. Humphreys et M. B. Holness, « Lateral reactive infiltration in a vertical gabbroic crystal mush, Skaergaard intrusion, East Greenland », Journal of Petrology, vol. 54, no 5,‎ , p. 985-1016 (DOI 10.1093/petrology/egt003).
  6. (en) J. Leuthold, J. D. Blundy, M. B. Holness et R. Sides, « Successive episodes of reactive liquid flow through a layered intrusion (Unit 9, Rum Eastern Layered Intrusion, Scotland) », Contributions to Mineralogy and Petrology, vol. 167,‎ , p. 1021 (DOI 10.1007/s00410-014-1021-7).

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Bernard Charlier, Olivier Namur, Rais Latypov et Christian Tegner, Layered Intrusions, Springer, , 748 p. (prĂ©sentation en ligne)
  • (en) Kent Brooks, « Layered Intrusions: key to fundamental planetary processes », Geology Today (en), vol. 35, no 4,‎ , p. 146-152 (DOI 10.1111/gto.12280)

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