Hippopotames de Pablo Escobar
Les hippopotames de Pablo Escobar sont des hippopotames initialement importĂ©s par Pablo Escobar dans son hacienda Nápoles en Colombie ainsi que leurs descendants. Ă€ la suite de la mort du narcotrafiquant survenue en 1993, ils sont livrĂ©s Ă eux-mĂŞmes dans la mĂ©nagerie abandonnĂ©e. Des spĂ©cimens se sont Ă©chappĂ©s puis se sont rĂ©pandus et reproduits sur les berges du rĂo Magdalena. Ă€ l'origine au nombre de quatre, ces animaux ont prolifĂ©rĂ© jusqu'Ă constituer une population estimĂ©e Ă environ 80 individus en 2020, formant ainsi le groupe d'hippopotames sauvages le plus important du monde, hors d'Afrique.
Considérés comme invasifs, n'ayant pas de prédateur et mettant en danger la faune native, ils s'avèrent également un danger pour la santé et la vie des habitants de la région. Selon différentes simulations, leur population pourrait atteindre entre 450 et 5 000 individus d'ici 2050. Différentes suggestions ont été faites afin de la contrôler. Si la castration et le déplacement de ces pachydermes sont des solutions onéreuses et complexes à mettre en place, le plus simple serait de les euthanasier. Néanmoins, la mort en 2009 de l'hippopotame Pepe à la suite d'une partie de chasse déclenche une vague de colère à l'encontre du gouvernement colombien.
Par ailleurs, certains Ă©cologistes soutiennent qu'il n'y a aucune raison de les abattre ou de les dĂ©placer, faisant rĂ©fĂ©rence Ă la notion de rĂ©ensauvagement. En effet, les impacts environnementaux de leur prĂ©sence au niveau des lacs seraient « mesurables mais pas dramatiques » et les hippopotames pourraient fournir des services Ă©cosystĂ©miques rĂ©alisĂ©s prĂ©cĂ©demment par les grands herbivores disparus en AmĂ©rique du Sud. Mais, selon des chercheurs, l'impact des hippopotames au niveau du bassin du rĂo Magdalena s'avèrerait nĂ©gatif car ils pourraient contribuer Ă empĂŞcher les plaines inondables de se remplir et dĂ©stabiliser les berges (accĂ©lĂ©rant ainsi l'Ă©rosion et dĂ©truisant les zones riveraines), en plus de perturber la faune locale.
Les hippopotames de Pablo Escobar sont le sujet de divers reportages et documentaires. Ils sont aussi mentionnés dans le roman Le Bruit des choses qui tombent de Juan Gabriel Vásquez (2013).
Contexte
Les hippopotames ne vivent normalement qu'en Afrique, bien qu'on puisse en observer dans les zoos sur d'autres continents[1]. De plus, ces animaux, malgrĂ© leur apparence tranquille, sont très dangereux, causant sur le continent africain plus de morts par an que les lions, les Ă©lĂ©phants, les buffles et les rhinocĂ©ros rĂ©unis[2]. Or, au dĂ©but des annĂ©es 1980, le narcotrafiquant Pablo Escobar fait construire un zoo pour son fils dans son ranch, l'hacienda Nápoles, dans le dĂ©partement d'Antioquia près du rĂo Magdalena, en Colombie[3]. Il y accueille diffĂ©rentes espèces d'animaux dont quatre hippopotames entre 1982 et 1984[3], Ă savoir trois femelles et un mâle[4] - [5]. Escobar aurait payĂ© un trafiquant Ă La Nouvelle-OrlĂ©ans 3 000 dollars pour acquĂ©rir chacun de ces quatre pachydermes[6] en provenance d'un zoo de Californie[7]. Il fait importer ces hippopotames pour leurs excrĂ©ments pouvant tromper les chiens renifleurs quand ils inspectaient ses cargaisons de cocaĂŻne[8]. Après la mort d'Escobar en 1993, le ranch est saisi et les animaux sont rĂ©partis dans des zoos colombiens. Seuls les hippopotames continuent Ă vivre en libertĂ©, personne n'en voulant[1] - [3]. En effet, les autoritĂ©s considèrent qu'il serait trop coĂ»teux de dĂ©placer les quatre animaux et ceux-ci sont donc livrĂ©s Ă eux-mĂŞmes dans la mĂ©nagerie abandonnĂ©e[6]. L'hacienda est reconvertie en parc d'attractions[1].
Distribution et habitat
Les hippopotames sont initialement placĂ©s au niveau de l'un des douze lacs artificiels que compte la propriĂ©tĂ© de Pablo Escobar[6]. L'hacienda est situĂ©e sur les rives du rĂo Nare, un affluent du rĂo Magdalena, dans le corregimiento de Doradal rattachĂ© Ă Puerto Triunfo[9]. La vallĂ©e du rĂo Magdalena est une zone au climat tropical[10]. Au niveau de Puerto Triunfo oĂą vivent les hippopotames, les tempĂ©ratures peuvent atteindre plus de 30 °C, avec un taux d'humiditĂ© Ă©levĂ©[11]. Par ailleurs, ce secteur gĂ©ographique compte de nombreux pâturages et rĂ©serves d'eau[11].
Capables de marcher de trois Ă cinq kilomètres durant la nuit, des hippopotames ont descendu le ruisseau Doradal jusqu'au rĂo Magdalena, le plus grand fleuve de Colombie[12]. Certains d'entre eux sont aperçus pour la première fois en 2007 dans des zones rurales par des habitants antioqueños[2]. Le fait qu'ils aient dĂ©cidĂ© de quitter l'hacienda pourrait ĂŞtre dĂ» Ă El Viejo (littĂ©ralement en français « Le Vieux »), un mâle dominant très puissant qui dĂ©fend son harem de femelles contre les mâles plus jeunes[13]. Ces derniers n'auraient alors eu d'autre choix que de partir pour essayer de former leur troupeau ailleurs[13]. En 2016, David Echeverry signale que l'institut Cornare a des preuves que de petits groupes d'hippopotames ou des individus solitaires ont migrĂ© via le Magdalena vers d'autres zones telles que la municipalitĂ© de Puerto BerrĂo (situĂ©e dans le dĂ©partement de l'Antioquia) et le dĂ©partement de Boyacá[5].
Évolution de la population
En 2007, la population d'hippopotames s'est accrue, comptant dorĂ©navant seize tĂŞtes[6]. Par ailleurs, elle s'est dĂ©placĂ©e vers le cours du rĂo Magdalena Ă la recherche de nourriture[6] - [14]. En 2006, deux animaux adultes, qui donnent naissance Ă un jeune, se sĂ©parent du groupe principal Ă la suite d'un conflit avec le mâle dominant du troupeau[15]. L'un des deux adultes est abattu en 2009 avec l'autorisation des autoritĂ©s locales après plusieurs attaques contre des humains et du bĂ©tail[14]. On compte, dĂ©but 2014, quarante hippopotames dans la commune de Puerto Triunfo Ă proximitĂ© de l'ancienne rĂ©sidence d'Escobar[16]. La mĂŞme annĂ©e, un recensement Ă l'aide d'un drone militaire est lancĂ© afin de dĂ©terminer le nombre exact d'individus en libertĂ©[3] - [17]. L'Ă©tude a Ă©galement pour objectif de comprendre leurs voies de migration et les effets qu'ils ont sur l'environnement, un hippopotame adulte mangeant environ 70 kilos de vĂ©gĂ©tation par jour[3] - [17]. En 2016, la CorporaciĂłn AutĂłnoma Regional de las Cuencas de los rĂos Negro y Nare (Cornare), une agence rĂ©gionale de protection de l'environnement dotĂ©e d'un budget de 400 millions de pesos — issu des saisies de biens appartenant aux mafieux colombiens —, estime la population Ă 35 individus[7]. Ils forment alors le groupe d'hippopotames sauvages le plus important du monde hors d'Afrique[7]. David Echeverri, biologiste au sein de Cornare, souligne le fait qu'« il est difficile de les compter car, lorsqu'ils voient quelqu'un, ils s'enfoncent sous l'eau et ressurgissent ailleurs[7] ». Il estime Ă©galement que la population d'hippopotames pourrait approcher le nombre de 100 en 2026 si rien n'est mis en place pour la contrĂ´ler[5]. En 2019, les scientifiques estiment qu'il y a entre 60 et 80 hippopotames et, selon le biologiste Germán JimĂ©nez, il pourrait y en avoir 400 en 2050 si leur reproduction n'est pas contrĂ´lĂ©e[18]. La mĂŞme annĂ©e, une autre Ă©tude est rĂ©alisĂ©e sous la direction d'Amanda Subalusky, Ă©cologiste Ă l'universitĂ© Yale[19]. Elle s'appuie sur les donnĂ©es dĂ©mographiques des hippopotames en Afrique pour prĂ©dire une population de 800 individus d'ici 2050 et, en fonction des taux de reproduction simulĂ©s, ce chiffre pourrait mĂŞme se rapprocher de 5 000[19].
Une réelle menace en Colombie ?
Risques sur la biodiversité et l'environnement
Les hippopotames se sont adaptés à la nature colombienne en raison d'une abondance de nourriture et d'une absence de prédateur[2]. En effet, aucun des prédateurs naturels de l'hippopotame, tels que le crocodile du Nil, le lion ou la hyène, qui ont pour proie les jeunes hippopotames, ne vivent en Colombie[21]. Dès lors, les écologistes se sont plaints aux autorités concernées que cette espèce envahissante perturbe ou déplace les espèces natives de la faune colombienne[2], telles que la loutre ou le lamantin, ce dernier étant déjà en voie d'extinction[7]. D'autres raisons expliquent le fait que ces pachydermes deviennent invasifs en Colombie. Ainsi, si en Afrique les sécheresses permettent de stabiliser les populations d'hippopotames, il s'avère en revanche que la région colombienne où ils vivent n'est pas sujette à de longues périodes sans pluie[22]. Par ailleurs, ils commencent normalement à se reproduire vers l'âge de sept ans pour les mâles et neuf ans pour les femelles. Or, dans des conditions presque idéales, ces animaux peuvent copuler dès leurs trois ans[22].
Dès 2009, Peter Morkel, consultant pour la Frankfurt Zoological Society en Tanzanie, compare le potentiel des hippopotames à perturber l'écosystème colombien à d'autres cas déjà existants tels que les chèvres sur les îles Galápagos, les chats sur l'île Marion et les pythons en Floride[15]. Les experts internationaux du Fonds mondial pour la nature et de la Disney Foundation, qui se sont rendus en Colombie en 2010, considèrent que le cas de ces pachydermes est comme une « bombe à retardement[13] ».
Outre que les hippopotames soient porteurs de maladies qui peuvent être fatales pour le bétail, David Echeverri explique qu'ils « gênent la pêche et contaminent les cours d'eau où ils défèquent[7] ». Si, en 2016, leur impact sur l'écosystème ne peut pas être encore évalué, les chercheurs supposent que leurs déjections pourraient accélérer le processus d'eutrophisation des lacs, c'est-à -dire entraîner une surabondance de nutriments pouvant conduire à la prolifération d'algues ou d'autres micro-organismes nuisibles[5]. Certains indices semblent appuyer cette hypothèse, tels que la mort de poissons, notamment en cas de températures élevées, qui serait due à un manque d'oxygène dans l'eau, et la prolifération d'algues entraînant une diminution des niveaux d'oxygène[5]. De plus, en déplaçant leurs corps massifs dans des zones boueuses, les hippopotames peuvent créer des canaux d'écoulement de l'eau qui modifient la structure des sols humides[23]. Ils sont ainsi considérés comme des ingénieurs d'écosystème du fait qu'ils affectent beaucoup l'écologie locale[23].
Dans une Ă©tude menĂ©e par Amanda Subalusky et al. en 2019, il est expliquĂ© que l'alimentation et la dĂ©fĂ©cation d'un seul hippopotame peuvent transfĂ©rer en un an plus d'une tonne de carbone et d'autres nutriments des systèmes terrestres vers les systèmes aquatiques[19]. Ce supplĂ©ment d'engrais peut ĂŞtre source de vie, en nourrissant les plantes, les insectes et les poissons[19]. Mais, en très grande quantitĂ©, l'effet peut ĂŞtre inverse, avec une anoxie de l'eau en raison du dĂ©veloppement de bactĂ©ries avides d'oxygène, entraĂ®nant la mort massive de poissons, qui peut Ă son tour fournir un afflux de nourriture aux charognards[19]. De plus, en se dĂ©plaçant, les hippopotames creusent des canaux dans la vĂ©gĂ©tation, formant de nouveaux bassins et reliant les anciens, ce qui altère l'habitat et la disponibilitĂ© des ressources pour d'autres espèces[19]. Selon les chercheurs de cette Ă©tude, l'impact des hippopotames au niveau du bassin du rĂo Magdalena s'avèrerait nĂ©gatif car ils pourraient contribuer Ă empĂŞcher les plaines inondables de se remplir et dĂ©stabiliser les berges, accĂ©lĂ©rant ainsi l'Ă©rosion et dĂ©truisant les zones riveraines[19]. De plus, relier les diffĂ©rents bassins pourrait ĂŞtre perturbateur pour certaines espèces ayant besoin de passer une partie de leur vie dans des bassins saisonniers isolĂ©s[19].
Néanmoins, certains écologistes estiment que les hippopotames pourraient remplacer les espèces poussées à l'extinction il y a des milliers d'années par les humains, faisant ainsi référence à la notion de réensauvagement[23]. De plus, entre 2016 et 2018, Jonathan Shurin, écologiste à l'université de Californie à San Diego, et Nelson Aranguren-Riaño de l'université pédagogique et technologique de Colombie ont cherché à mieux comprendre les impacts environnementaux de l'hippopotame[23] - [24] - [25]. Durant ce projet, financé par la National Geographic Society, ils ont comparé les lacs artificiels où les hippopotames vivent avec ceux qu'ils ne fréquentent pas, en examinant de la diversité écologique de la région à ses micro-organismes et leur productivité[23]. Il en ressort que les différences, telles que la prolifération d'algues toxiques, seraient « mesurables mais pas dramatiques »[23]. L'étude spécifiait, en plus, que dans leur habitat naturel, les hippopotames affectent plus la qualité de l'eau lors de saison sèche. En Colombie, les fluctuations des eaux sont moindres, ce qui permet de modérer leur effets[25]. En 2017, Jens-Christian Svenning, biologiste à l'université d'Aarhus au Danemark, soutient dans la revue scientifique Perspectives in Ecology and Conservation que les hippopotames de Pablo Escobar sont l'une des nombreuses espèces introduites en Amérique du Sud qui pourraient fournir des services écosystémiques réalisés précédemment par les grands herbivores disparus à la fin du Pléistocène, tels qu'acheminer les nutriments de la terre vers l'eau, modifier la structure des zones humides et contrôler les plantes herbacées en les mangeant[23].
Risques pour l'Homme
L'hippopotame est considéré comme étant le plus dangereux des herbivores, faisant entre 300 et 3 000 morts chaque année dans le monde[26]. Bien qu'herbivore, il peut se montrer très agressif quand il se sent en danger ou qu'on empiète sur son territoire[26]. Ainsi, la probabilité de mourir pour un Homme lors d'une rencontre avec un hippopotame (86,7%) serait plus élevée qu'une rencontre avec un lion (75%) ou un requin (25%)[26]. En Colombie, selon l'autorité environnementale locale (Cornare), les hippopotames ont été responsables de deux agressions sur l'Homme en 2021[27].
Selon le ministère de l'Environnement colombien, ces pachydermes sont aussi porteurs de la tuberculose, de la brucellose et de la maladie du charbon, menaçant ainsi la vie et la santé des habitants de la région[28]. Par ailleurs, il est déconseillé de manger de la viande d'hippopotame, même cuite, dans l'éventualité où l'animal serait infecté par une maladie transmissible, comme ce fut le cas pour l'un d'entre eux, retrouvé mort et porteur de la leptospirose qui peut causer la méningite[13].
Mesures pour contrĂ´ler la population d'hippopotames
En 2009, deux hippopotames adultes, qui donnent naissance Ă un jeune, s'Ă©tablissent Ă Puerto BerrĂo après s'ĂŞtre sĂ©parĂ©s du groupe principal trois ans plus tĂ´t Ă la suite d'un conflit avec le mâle dominant du troupeau[15]. Pour parer l'Ă©ventualitĂ© qu'une nouvelle colonie d'hippopotames se dĂ©veloppe hors de l'hacienda Nápoles et du fait qu'il s'agisse d'animaux dangereux, les autoritĂ©s colombiennes dĂ©cident d'agir[15]. Ne trouvant pas de zoos qui puissent accueillir les trois pachydermes et leur capture revenant trop cher (40 000 dollars par bĂŞte), elles dĂ©cident d'organiser une chasse[15]. Les autoritĂ©s font alors appel Ă un groupe de conservation Ă but non lucratif, la Neotropical Wildlife Foundation afin d'aider Ă gĂ©rer l'opĂ©ration[15]. Deux chasseurs expĂ©rimentĂ©s, qui reprĂ©sentent aussi le constructeur automobile Porsche en Colombie, sont recrutĂ©s et une escorte de soldats les accompagnent afin d'assurer la sĂ©curitĂ© de la partie de chasse[15]. Le mâle, du nom de Pepe, est abattu le , mais une photo publiĂ©e le provoque l'indignation de la population[29]. En effet, on peut y voir un groupe de militaires colombiens exhibant triomphalement le cadavre de l'animal[29]. La mort de Pepe dĂ©clenche alors une vague de colère Ă l'encontre du gouvernement colombien ainsi qu'un flash mob Ă Bogota durant lequel une centaine d'activistes portant un masque d'hippopotame dansent sur l'air de The Lion Sleeps Tonight en signe de protestation[30]. Le chroniqueur Daniel Sampler va mĂŞme jusqu'Ă dĂ©noncer la mort « très colombienne » de Pepe dans un pays « qui règle ses problèmes Ă coups de fusil[29] ».
En 2014, les autorités colombiennes ne savent toujours pas que faire de ces hippopotames[22]. Il a été proposé de rassembler tous les animaux et de les déplacer ensuite dans un parc spécialement construit pour eux mais cela coûterait environ 500 000 dollars[22]. Par ailleurs, les hippopotames ne peuvent pas être envoyés en Afrique car ce sont des spécimens indigènes qui pourraient être porteurs de maladies[22].
Par la suite, l'institut pour l'environnement Cornare a pour mission de trouver une solution afin de contrôler la population des hippopotames[3]. Ils pourraient éventuellement être castrés mais contrôler la démographie de ces animaux via la stérilisation s'avère coûteux et complexe[7]. En effet, il faut compter entre 80 et 100 millions de pesos pour castrer un seul animal[17] et, comme l'explique un vétérinaire de Cornare, « les mâles et les femelles ne se différencient pas. Les testicules sont à l'intérieur. Il faut donc les endormir et palper[7] ». Il y a également un risque que l'animal se noie s'il s'échappe et se réfugie dans l'eau alors que l'anesthésiant lui a été injecté[7]. Jusqu'en , seuls quatre spécimens ont subi cette opération[21]. Toujours selon Cornare, le fait de les stériliser via des médicaments coûterait 20 millions de pesos par hippopotame, ce montant comprenant entre autres la recherche et la capture de l'animal, ainsi que la mise en place d'un hôpital de campagne[18].
Selon les dires de Carlos Valderrama, de l'ONG Webconserva, en 2016, « la solution serait de les déplacer, mais ce n'est pas facile. Même si le gouvernement équipe des vétérinaires avec des camions ou des hélicoptères, il n'y a nulle part où mettre ces animaux[3] ». En attendant de prendre une décision sur ce problème, certains petits ont été transférés dans des zoos colombiens[3]. De plus, afin d'éviter que les hippopotames s'éloignent de leur habitat initial et parer à toute attaque sur l'Homme, Cornare a entrepris en 2015 de clôturer leur périmètre de prédilection qui s'étend sur 25 hectares en fermant la zone avec des rochers, des citronniers épineux et du barbelé[31].
En 2021, alors que seuls onze hippopotames avaient été stérilisés de façon traditionnelle jusque lors, une opération de castration chimique est réalisée sur 24 individus qui reçoivent une injection de Gonaco, un « contraceptif efficace à la fois sur les mâles et les femelles »[32]. Cette opération, qui a pour but de maîtriser la croissance « incontrôlée » de la population des hippopotames, dure près d'une semaine dans la municipalité de Puerto Triunfo et est soutenue financièrement et techniquement par les États-Unis[32]. En 2022, afin d'assurer la protection de la vie humaine et le conservation de la biodiversité, le gouvernement colombien intègre l'hippopotame à la liste des « espèces invasives » en modifiant l'article 1er de la résolution 848 du , au même titre que l'escargot géant africain et la grenouille-taureau entre autres[33].
En mars 2023, le gouverneur du département d'Antioquia, Anibal Gaviria, annonce que dix de ces hippopotames devraient être prochainement transportés au sanctuaire d'Ostok (dans le nord du Mexique) et soixante autres dans un lieu similaire en Inde grâce à un plan d’envergure financé par Ernesto Zazueta, un défenseur mexicain de l'environnement[27].
Dans la culture
Dans le corregimiento de Doradal, situé à proximité de l'hacienda Nápoles, les hippopotames sont un peu considérés comme « la mascotte du village[7] ». Ainsi, par exemple, des répliques de ces animaux décorent l'entrée d'un restaurant et font partie intégrante d'un parc pour enfants[31].
Lawrence Elman et Antonio Von Hildebrand rĂ©alisent le documentaire Pablo's Hippos en 2010[28] - [34]. Ce film est prĂ©sentĂ© au festival du film de Santa Barbara (États-Unis)[35] et Ă celui de Carthagène des Indes (Colombie) en 2011[36]. Il relate l'histoire de la lutte de la Colombie avec le trafic international de drogues Ă travers les yeux de l'animal le plus extravagant du baron de la drogue, Ă savoir un hippopotame nommĂ© Pablo[35]. En 2011, Mauricio VĂ©lez DomĂnguez rĂ©alise un reportage intitulĂ© Los hipopĂłtamos del Capo diffusĂ© sur Discovery Channel[37]. Avec l'expertise du scientifique Carlos Valderrama, il retrace l'histoire du troupeau d'hippopotames sauvages durant trois dĂ©cennies, dès le dĂ©but des annĂ©es 1980 au moment oĂą Escobar a fait importer les quatre pachydermes Ă l'hacienda[37]. Il montre Ă©galement des images exclusives de Napolitano, un hippopotame capturĂ© par un groupe de vĂ©tĂ©rinaires avec l'aide de l'armĂ©e colombienne, afin d'ĂŞtre castrĂ© puis relâchĂ©[37]. Cette production, entièrement colombienne, existe en deux versions : une pour l'AmĂ©rique latine et une autre pour les États-Unis qui accorde plus de temps Ă la prĂ©sentation de Pablo Escobar[37].
En 2011, l'écrivain colombien Juan Gabriel Vásquez, sous le pseudonyme Raúl K. Fen, remporte le prix Alfaguara du roman (es) pour Le Bruit des choses qui tombent[38]. Le roman, qui raconte l'histoire d'Antonio Yammara, un avocat traumatisé après avoir assisté à l'assassinat d'un homme[39], débute en narrant la fugue et la mort d'un des hippopotames de Pablo Escobar[38] :
« Le premier hippopotame, un mâle de la couleur des perles noires qui pesait une tonne et demie, mourut au milieu de l’année 2009. Il s’était échappé deux ans plus tôt de l’ancien zoo de Pablo Escobar, dans la vallée du Magdalena, et pendant cette période de liberté il avait détruit des cultures, investi des points d’eau, terrifié les pêcheurs et était même allé jusqu’à attaquer les étalons d’un élevage. Les francs-tireurs qui l’avaient pourchassé lui tirèrent une balle dans la tête et une autre dans le cœur (de calibre .375 car la peau de l’hippopotame est épaisse) ; ils prirent la pose à côté de la dépouille, grande masse sombre et rugueuse, météorite tombée du ciel et, là , devant les premières caméras et les curieux, sous un fromager qui les protégeait du soleil brûlant, ils déclarèrent que l’animal était trop lourd pour être transporté et commencèrent aussitôt à le dépecer[40]. »
Notes et références
- Alexis Morel et Zoé Berri, « En Colombie, les hippopotames se multiplient », France Info,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) « Las autoridades colombianas deciden castrar a los hipopótamos del narcotraficante Pablo Escobar », El Periódico, Barcelone,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- « Colombie: que faire des hippopotames de Pablo Escobar ? », L'Express,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) « Los hipopótamos de Pablo Escobar están sueltos y son peligrosos », La Voz,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Brian Clark Howard, « Pablo Escobar's Escaped Hippos Are Thriving in Colombia », National Geographic,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Chris Kraul, « A hippo critical situation », Los Angeles Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- « La vie de rêve des hippopotames de Pablo Escobar », Sciences et Avenir,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) Alejandra de Vengoechea, « Pablo Escobar usó heces de hipopótamos para despistar a perros antinarcóticos », ABC, Bogota,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) Salud Hernández-Mora, « Nadie sabe qué hacer con los hipopótamos de Pablo Escobar », El Mundo, Bogota,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) Carolina Reymúndez, « Los hipopótamos de Pablo Escobar », La Tercera,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) « Dos hipopĂłtamos de la hacienda Nápoles se fugaron por el rĂo Magdalena », El Tiempo,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (es) AFP, « Hipopótamos, el insólito legado de Pablo Escobar a Colombia », ABC Color,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) William Kremer, « Pablo Escobar's hippos: A growing problem », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) « Colombia kills drug baron hippo », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Simon Romero, « Colombia Confronts Drug Lord’s Legacy: Hippos », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) « Hipopótamos bravos », El Espectador,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) Gustavo Ospina Zapata, « Con un dron y toda la pasión hallamos los hipopótamos », El Colombiano,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) « Los hipopótamos de Pablo Escobar siguen multiplicándose en el Magdalena Medio », Semana,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) Amanda Subalusky et al., « Potential ecological and socio-economic effects of a novel megaherbivore introduction: the hippopotamus in Colombia », Oryx,‎ (DOI 10.1017/S0030605318001588, lire en ligne).
- (pt) « Fazenda de Pablo Escobar vira 'parque' de hipopótamos na Colômbia », g1.globo.com,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Harriet Alexander, « Why are Pablo Escobar's hippos flourishing in Colombia? », The Daily Telegraph,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) James Maynard, « Pablo Escobar hippopotamus population now invasive in Columbia », Tech Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Christie Wilcox, « Could Pablo Escobar's Escaped Hippos Help the Environment? », National Geographic,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Mario C. Aguilera, « A Drug Lord and the World’s Largest Invasive Animal », UC San Diego,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Jonathan B. Shurin, Nelson Aranguren-Riaño, Daniel Duque Negro et David Echeverri Lopez, « Ecosystem effects of the world’s largest invasive animal », Ecology, vol. 101, no 5,‎ , e02991 (ISSN 1939-9170, DOI 10.1002/ecy.2991, lire en ligne, consulté le )
- « 300 morts par an : l'hippopotame, le plus dangereux des herbivores », National Geographic,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- « En Colombie, les « hippos de la cocaïne » vont être envoyés en Inde et au Mexique », Le HuffPost,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Elia Geoffrey Kantaris et Rory O'Bryen, Latin American Popular Culture : Politics, Media, Affect, Woodbridge, Boydell & Brewer Ltd, , 300 p. (ISBN 978-1-85566-264-3, lire en ligne), p. 240.
- Marie Delcas, « La chasse aux "hippo" de feu Pablo Escobar est ouverte », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Lyra Bartell, « Escobar’s renegade hippo strolls through Colombian town, terrifying residents », Colombia Reports,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) AFP, « Hipopótamos sueltos de la Hacienda Nápoles, un peligro vigente », El Espectador,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Geo et AFP, « En Colombie, on stérilise les envahissants descendants des hippopotames de Pablo Escobar », Geo,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (es) « Declaran al hipopótamo especie invasora en Colombia », El Tiempo,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Pablo's Hippos sur l’Internet Movie Database.
- (en) Mali Elfman, « 26th Santa Barbara International Film Festival Line-Up », ScreenCrave, (consulté le ).
- (es) Paola VillamarĂn, « Los mejores roles son los marginales », El Tiempo,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (es) Paola Guevara, « Caleño estrenará 'Los hipopĂłtamos del Capo' en Discovery Channel », El PaĂs,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (es) EFE, « Juan Gabriel Vásquez, columnista de El Espectador, gana el Premio Alfaguara de Novela 2011 », El Espectador,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- André Clavel, « Les Fantômes tueurs de Juan Gabriel Vásquez », L'Express,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- « « Le Bruit des choses qui tombent » de Juan Gabriel Vasquez : les premières pages », Le Nouvel Observateur,‎ (lire en ligne, consulté le ).