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Georges Oltramare

Georges Albert Oltramare, aussi connu en France sous le pseudonyme de « Charles Dieudonné », né le au Petit-Saconnex, et mort le à Genève, est un homme politique suisse, Georges Oltramare endosse plusieurs rôles dont ceux de journaliste, écrivain ou militant fasciste et ultra de la collaboration en France pendant l'occupation nazie.

Georges Oltramare
Georges Oltramare dans Le Petit Provençal du 14 novembre 1932.
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  64 ans)
Genève
Nationalité
Formation
Activités
Autres informations
Distinction

Famille

Il naît dans une famille aisée originaire de Gênes et réfugiée à Genève. Fils d'un professeur d'université, Jean-Paul Oltramare, doyen de la faculté des lettres de l'université de Genève et de Berthe Carteret, fille du conseiller d'État Antoine Carteret. Il est le frère de l'homme politique socialiste André Oltramare[1].

Il épouse en 1925 Marcelle-Juliette Pictet de Rochemont, issue d'une famille genevoise distinguée, puis en secondes noces Olga-Anna de Donici.

Sa belle-sœur Elisabeth de Donici avait épousé Paul Dunant, mais avait confié à la garde de sa sœur son fils Grégoire, qui était en fait le fils naturel du célèbre compositeur juif de chansons populaires Casimir Oberfeld[2].

Univers littéraire

Au Collège de Genève il se lie d'une amitiĂ© profonde avec Marc Dufaux, auquel il va succĂ©der Ă  la direction de la Revue des IdĂ©es après sa mort en 1918[3]. En 1916, il part pour Bucarest oĂą il devient prĂ©cepteur de l'un des enfants du prince Ghica et, de la Roumanie en guerre, il envoie des articles au Journal de Genève. RentrĂ© Ă  Genève en 1917, il collabore au journal La Suisse, oĂą il publie ses billets hebdomadaires qu'il signe G.O. qui se transformera en GĂ©o. En , il donne sa première confĂ©rence sur Jules Laforgue Ă  l'AthĂ©nĂ©e, en 1919, ayant obtenu une demi-licence en droit, il quitte les Ă©tudes Ă  la FacultĂ© de droit de l’universitĂ© de Genève pour se consacrer Ă  l'Ă©criture et il donne Ă  la ComĂ©die une revue Ă©crite en collaboration avec RenĂ©-Louis Piachaud et, en 1920, est jouĂ©e sa comĂ©die Le Rat d'HĂ´tel. En 1921 il donne au Théâtre PitoĂ«ff une confĂ©rence sur Oscar Wilde et il travaille au secrĂ©tariat de la SociĂ©tĂ© des Nations, dont il devient rĂ©dacteur du Journal Officiel en 1922. Mais, ayant publiĂ© sous le manteau un très vif pamphlet contre la SociĂ©tĂ© des Nations, il perd sa place. En 1923, il part pour La Haye, oĂą il va travailler comme procès-verbaliste Ă  la confĂ©rence des Juristes chargĂ©s de rĂ©viser les lois de la guerre. Ă€ son retour, le journal La Suisse le licencie en raison de la virulence de ses articles antisĂ©mites. En rĂ©action, il lance en 1923 son propre journal satirique, Le Pilori, qui atteindra les 20 000 exemplaires et dans lequel il s'en prend aux juifs, aux politiciens et aux « affairistes ».

Il participe également à plusieurs revues littéraires. Il écrit des poèmes libertins comme À mi-corps et publie des pièces de théâtre[4] dont L'escalier de service[5] qui est jouée au Théâtre Michel à Paris. En 1925, il reçoit le prix de la Fondation Schiller pour sa pièce Don Juan ou la Solitude qui est jouée au Théâtre de l'Œuvre à Paris.

Avec Michel Simon, il fait partie de la première troupe de théâtre de Georges Pitoëff installée à Genève en 1915. Il apparait sous le nom de scène d'André Soral dans trois films[6] dont deux d'un proche, le réalisateur Jean Choux, qui réalisera sous l'Occupation des films d'inspiration vichyste.

Activités politiques en Suisse

En 1930, il se lance dans la politique en se présentant aux élections cantonales genevoises, qu'il perd. En décembre de la même année, il crée son propre parti d'idéologie fasciste, l'Ordre politique national. Ce dernier fusionne le avec l'Union de défense économique, autre parti genevois proche du patronat, pour former l'Union Nationale, dont Oltramare devient le chef unique à partir de 1934 et dont Le Pilori devient l'organe officiel.

L'Union Nationale Ă©pouse les thèses fascistes d'un rĂ©gime fort, le corporatisme au niveau Ă©conomique et la lutte contre le marxisme et les juifs. Elle a pour devise « une doctrine, une foi, un chef ». Son organisation est militaire, avec un cĂ©rĂ©monial et une discipline fasciste, et le parti compte jusqu'Ă  2 000 membres en 1937. Ses militants dĂ©filent dans les rues de Genève en uniforme (bĂ©ret basque et chemise grise) au son d'une clique.

Monument commémorant les morts de la fusillade du 9 novembre 1932 à Genève.

Le , l'Union Nationale met en accusation publique à la salle communale de Plainpalais deux dirigeants socialistes : Léon Nicole et Jacques Dicker. Une contre-manifestation est organisée par les militants de gauche. Pour maintenir l'ordre, le gouvernement genevois fait intervenir les recrues de l'école d'infanterie de Lausanne. Quelques soldats ouvrent le feu sur la foule des manifestants, faisant 13 morts et 65 blessés. Le gouvernement, dominé par la droite, à qui l'Union Nationale assure une majorité au Grand Conseil et qui y est représentée par Edmond Turrettini, intervient pour que Nicole et d'autres socialistes soient inculpés pour ces troubles. Condamné, Nicole est pourtant élu au gouvernement six mois plus tard, à sa sortie de prison.

En 1934, avec le lancement de l'initiative Fonjallaz, Oltramare s'attaque à la franc-maçonnerie, qu'il veut faire interdire en Suisse. Le dimanche 17 juin, en début d'après midi, il se rend dans la commune de Montcherand, située au sud d'Orbe dans le canton de Vaud, d'où était natif Léon Nicole, son opposant politique. Il y organise une manifestation durant laquelle il faut brûler un mannequin représentant Léon Nicole. L'événement est connu sous le nom d'Incident de Montcherand[7].

En 1935, Georges Oltramare est élu au Conseil national pour un mandat de quatre ans. Il est alors surnommé « Le petit Duce de Genève ». À la mi-, il assiste au congrès fasciste de Montreux, avec d'autres leaders tels que Ante Pavelić, Léon Degrelle et José Antonio Primo de Rivera. En 1936, l'Union Nationale obtient dix sièges au Grand Conseil genevois et Nicole abandonne le gouvernement. Oltramare bénéficie de l'aide et des subsides du dictateur italien Benito Mussolini qui le reçoit en à Rome avec un groupe de militants. En 1938, il se rallie au nazisme. Après l'échec d'un projet de fusion entre l'Union nationale et le Parti démocratique (par la suite Parti libéral, puis après fusion Parti libéral-radical) genevois, Oltramare quitte en 1939 son mouvement, qui périclite.

Charles Oltramare / Dieudonné était loin de faire l'unanimité dans sa Suisse natale, qui voyait prospérer à ses frontières les dictatures mussolinienne et hitlérienne. Il était notamment l'une des "têtes de turc" favorites du malicieux chansonnier vaudois Jean Villard (dit Gilles), aux convictions de gauche bien affirmées.

Ainsi dans une chanson intitulée "Mille ans déjà, comme le temps passe", écrite en , et qui met en scène les lamentations d'Hitler voyant s'écrouler son rêve fou d'un Reich de mille ans, Oltramatre/Dieudonné est mis dans le même sac que tous les Quislings de l'époque au 4° couplet:

Nous avions pour guider les masses,
En Europ' les meilleurs atouts
Quisling, Degrelle, Antonescu,
Dieudonné à l'oeil de putasse
DĂ©at, Darnand et leurs voyous,
Et des Farinacci partout !
Vite! un docteur, j'ai mal au cou !
et je sens déjà ma voix qui se casse.
Mille ans déjà, comme le temps passe ![8]

Activités politiques en France

En , à la demande d'Otto Abetz, il s'installe en France où il dirige, sous le pseudonyme de Charles Dieudonné[9], le journal La France au travail (futur La France socialiste) qu'il quitte courant 1941 pour animer à Radio Paris plusieurs émissions comme Au rythme du temps, Les juifs contre la France (cabaret antisémite) et Un neutre vous parle, une chronique personnelle qu'il tient sous son nom[10].

Le , il est à l'origine du déjeuner organisé à l'Écu de France par l'Association des journalistes antijuifs (AJA) dont le président d'honneur est Jean Drault pour célébrer le cinquantième anniversaire du premier numéro de La Libre Parole d'Édouard Drumont[11]. Céline, Pierre-Antoine Cousteau, Henry Coston, Jean Hérold-Paquis, Jacques Dyssord, Robert Denoël et Titaÿna sont également présents à cet évènement. En , il fête les 25 ans du Pilori avec un déjeuner auquel sont conviés les antisémites Henri Labroue et Louis Darquier de Pellepoix[12]. Il participe à Paris à des réunions collaborationnistes et anticommunistes[13] et tient des conférences[14], telle cette conférence de 1941 louant l'œuvre de Céline, son antisémitisme et son appel à la collaboration franco-allemande[15].

D'après Patrice Miannay[16], il aurait émargé aux fonds de l'ambassade d'Allemagne et aurait été un agent de l'Abwehr.

Après-guerre

En , il fuit à Sigmaringen. Arrêté par des troupes alliées, il est extradé vers la Suisse où, le , il est inculpé pour atteinte à la sûreté de l'État et à l'indépendance de la Confédération suisse. Interné depuis le , il est relâché le , sur l'intervention de ses amis et de sa famille, mais il est interdit de publier des journaux.

Il est à nouveau inculpé et interné à partir du [17]. Il est jugé à Lausanne devant le tribunal fédéral à partir du , aux côtés de deux autres Suisses, René Fonjallaz (de) et Paul Bonny, qui l'avaient rejoint à Paris[18]. Il est condamné à trois ans de prison et cinq ans de privation de droits civiques pour son activité d’agent stipendié du régime nazi et d’exécuteur docile de la propagande allemande contre la Suisse. De plus, la Cour pénale précise dans sa condamnation le caractère particulièrement haineux des attaques contre la Suisse et la bassesse de caractère manifestée en devenant agent des services d’espionnage allemands[19]. Le , la Cour de justice de la Seine le condamne à mort par contumace, avec la confiscation de ses biens[20].

Il partage la fin de sa vie entre l'Espagne franquiste et l'Égypte où il est employé comme speaker à la Voix des Arabes. En 1956, il publie ses souvenirs par une suite de billets et de portraits des personnalités politiques ou littéraires qu'il a rencontrées sous le titre Les souvenirs nous vengent. Il y égrène aussi ses succès féminins. Malgré son interdiction, en 1958, il relance Le Pilori et confie des articles à un journal d'extrême droite appelé L'Europe réelle. En 1960, année de sa mort, il publie son dernier ouvrage, un recueil de 20 poèmes érotiques, sous le titre Limbes et lombes sous le pseudonyme de Tancrède Pisan.

DĂ©corations

Publications

  • Dans le Vieux Faubourg, Genève, Comptoir de librairie,
    Onze sonnets illustrés
  • Sans laisser de traces..., Genève, Ă©ditions A. Ciana,
  • L’amour en Suisse romande, Lausanne, RenĂ© et ses Amis,
    Coécrit avec M. Porta et R. Fonjallaz
  • Don Juan ou la solitude, Genève, Les beaux livres de l'Ă©dition indĂ©pendante,
  • Divertissements, Genève, sociĂ©tĂ©s d’éditions indĂ©pendantes,
  • Les souvenirs nous vengent, Genève, L’Autre Son de Cloche,
    Réédité en 2000 par Déterna dans la collection Documents pour l'Histoire
  • Limbes et Lombes,

Pseudonymes

  • Jean-Marie Rosa
  • GĂ©o
  • Le Chevalier des Couches
  • AndrĂ© Soral
  • Claude Saint-Gall
  • Charles DieudonnĂ©
  • Tancrède de Pisan

Bibliographie

  • Georges Oltramare, l'homme, qui, demain..., Genève, L'Arbalète, 1937.
  • Mauro Cerutti, "Georges Oltramare et l'Italie fasciste dans les annĂ©es trente : la propagande italienne Ă  Genève Ă  l'Ă©poque des sanctions et de la crise de la SociĂ©tĂ© des Nations", Études et sources, Berne, 1989, N° 15, p. 151-211.
  • Roger Joseph, L'Union nationale, 1932-1939 : un fascisme en Suisse romande,Neuchâtel, La Baconnière, 1975.

Notes et références

  1. Michael Gautier, « Oltramare, Georges », sur HLS-DHS-DSS.CH (consulté le )
  2. Yves Laplace ; Plaine des héros- Fayard, 352 p.
  3. Georges Oltramare, l'homme, qui, demain..., Éditions de l'Arbalète, Genève, s.d., p. 11.
  4. Parmi ses titres figurent MĂ©nage Ă  trois, Sans laisser de trace et Le rat d'HĂ´tel.
  5. Georges Oltramare, L'Escalier de service, Ă©d. de l'Illustration, Paris, 1929.
  6. Le Baiser qui tue (1927), Chacun porte sa croix et Un soir au cocktail's bar (1929).
  7. « Gazette de Lausanne - 12.06.1934 - Page 6 », sur www.letempsarchives.ch (consulté le )
  8. Jean villard dit Gilles, Chansons que tout cela !, Lausanne, Editions Rencontre, , 190 p., P46 (4° couplet) Mille ans déjà, comme le temps passe
  9. Son passeport pour la France lui a été délivré le 7 juin par le consulat allemand de Florence au nom de Karl Diodati. On lit dans la Tribune de Genève du 22 septembre 1944 ce propos souvent repris que «Charles est le second prénom d'Oltramare et Dieudonné est la traduction française de l'expression italienne Diodato. On sait qu'une Diodati fut la grand-mère du pamphlétaire». Oltramare se prénommait toutefois Georges Albert et ses grand-mères étaient nées Fournier et Moulinié.
  10. Le Matin, 17 juillet 1942, "Radio-Paris"
  11. Le Matin, 23 mars 1942, "Le cinquantenaire de la Libre parole"
  12. Paris-Soir, 27 mai 1943, "L'anniversaire du Pilori de Genève"
  13. Le Matin, 27 octobre 1941, "Les volontaires contre le bolchevisme acclamés à Wagram", Ibid., 19 juin 1943, "Les jeunes de l'Europe nouvelle face au bolchevisme", Paris-Soir, 5 avril 1944, "Au cercle aryen"
  14. Le Matin, 17 avril 1941, "Une conférence de Charles Dieudonné à la salle Gaveau", Ibid., 20 avril 1941
  15. Le Matin, 6 juin 1941
  16. Patrice Miannay, Dictionnaire des agents doubles dans la RĂ©sistance, Ă©d. Le Cherche Midi.
  17. Le Confédéré, 26 mai 1947, "Le cas de Georges Oltramare", p. 3
  18. La Liberté, 11 novembre 1947, "Tribunaux. Le procès d'un fameux trio de mauvais Suisses", p. 2, La Liberté, 13 novembre 1947, "Le réquisitoire et les plaidoiries au procès Oltramare", p. 2, Feuille d'avis de Neuchâtel, 8 novembre 1947, p. 1, Feuille d'avis de Neuchâtel, 11 novembre 1947, p. 4, Feuille d'avis de Neuchâtel, 12 novembre 1947, p. 4
  19. « Journal de Genève - 15.11.1947 - Page 8 », sur www.letempsarchives.ch (consulté le )
  20. Le Monde, 13 janvier 1950
  21. Georges Oltramare, l'homme, qui, demain..., Éditions de l'Arbalète, Genève, s.d., p. 143.

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