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Formule de Clapeyron

En chimie physique, et plus particuliĂšrement en thermodynamique, la formule de Clapeyron, Ă©galement appelĂ©e relation de Clapeyron[1] ou Ă©quation de Clapeyron, est une relation exprimant l'Ă©volution de la pression de changement d'Ă©tat d'un corps pur en fonction de la tempĂ©rature, voir la figure 1. Elle porte le nom d'Émile Clapeyron qui l'Ă©tablit en 1834[2].

Figure 1 – Diagramme de phase d'un corps pur. La formule de Clapeyron donne l'expression de la pente de ces courbes.
Note : ce diagramme est celui de l'eau, qui présente la particularité d'avoir une branche d'équilibre solide-liquide de pente négative ; pour la plupart des espÚces chimiques cette branche a une pente positive.

Cette formule n'est valable que pour une transition de phase d'ordre 1 selon la classification d'Ehrenfest des changements d'état, c'est-à-dire, selon la classification actuelle, pour un changement d'état impliquant une enthalpie de changement d'état. Si tel n'est pas le cas, la transition est d'ordre supérieur et il faut se rapporter aux formules d'Ehrenfest. La formule de Clapeyron est donc principalement valable pour les transitions liquide-gaz, solide-liquide et solide-gaz.

La formule de Clausius-Clapeyron (ou relation de Clausius-Clapeyron, équation de Clausius-Clapeyron) est une forme simplifiée de la formule de Clapeyron permettant son intégration dans le cas d'un équilibre liquide-vapeur. Elle fut établie par Clapeyron dÚs 1834 et retrouvée par Rudolf Clausius en 1850[3].

La formule de Clapeyron permet, entre autres, la détermination expérimentale de l'enthalpie de changement d'état.

La formule de Clapeyron peut ĂȘtre Ă©tendue aux mĂ©langes.

ÉnoncĂ© et dĂ©monstration

Diagramme de Phase

Figure 2 – Changements de phase. En rouge les transitions nĂ©cessitant un apport d'Ă©nergie, en bleu celles nĂ©cessitant un retrait d'Ă©nergie. Note : le terme de condensation s'emploie aussi bien pour le passage du gaz au liquide que pour le passage du gaz au solide. Le terme de liquĂ©faction est toutefois prĂ©fĂ©rable pour le passage du gaz au liquide.

Les principales transitions de phase impliquant une enthalpie de changement d'état sont les transitions liquide-gaz, solide-liquide et solide-gaz, voir la figure 2. Les changements d'état se faisant à pression constante pour une température donnée, on peut reporter dans un diagramme P-T les domaines d'existence des diverses phases, voir la figure 1. La formule de Clapeyron représente la pente des courbes délimitant ces domaines dans ce diagramme.

Les trois courbes de transition se rejoignent au point triple qui est le seul point oĂč coexistent les trois Ă©tats physiques liquide, solide et gaz du corps pur. La branche de vaporisation se termine au point critique, point au-delĂ  duquel le liquide et le gaz ne peuvent plus ĂȘtre diffĂ©renciĂ©s.

ÉnoncĂ©

À tempĂ©rature donnĂ©e, un changement d'Ă©tat d'un corps pur d'une phase notĂ©e Ă  une autre notĂ©e s'effectue Ă  pression constante , ce que l'on reprĂ©sente sur un diagramme de phase. Pour une transition de phase d'ordre 1 selon la classification d'Ehrenfest des changements d'Ă©tat, la pression de changement d'Ă©tat varie en fonction de la tempĂ©rature selon la formule de Clapeyron[4] :

Formule de Clapeyron :

ou :

avec :

  • la tempĂ©rature de changement d'Ă©tat (en kelvins, K) ;
  • la pression de changement d'Ă©tat Ă  la tempĂ©rature (en pascals, Pa) ;
  • l'enthalpie de changement d'Ă©tat de la phase Ă  la phase Ă  la tempĂ©rature (en joules par mole, J/mol) ;
  • , avec , l'entropie de changement d'Ă©tat de la phase Ă  la phase Ă  la tempĂ©rature (en joules par mole, J/mol) ;
  • le volume de changement d'Ă©tat, c'est-Ă -dire la diffĂ©rence des volumes molaires du corps pur respectivement dans les phases et Ă  la tempĂ©rature et sous la pression (en mĂštres cubes par mole, m3/mol).

On peut Ă©galement Ă©crire cette formule selon[5] :

Formule de Clapeyron :

avec :

  • la diffĂ©rence des facteurs de compressibilitĂ© du corps pur respectivement dans les phases et , et , soit (ces grandeurs sont adimensionnelles) ;
  • la constante universelle des gaz parfaits.

Note 1 - Unité de l'enthalpie de changement d'état.

L'enthalpie de changement d'Ă©tat peut ĂȘtre exprimĂ©e par unitĂ© de masse (en joules par kilogramme, J/kg), auquel cas il faut considĂ©rer des volumes massiques (en mĂštres cubes par kilogramme, m3/kg) au dĂ©nominateur.

Note 2 - Transition inverse.

Pour une transition de la phase à la phase on considÚre et . Par conséquent :
Les transitions de l'Ă©tat vers l'Ă©tat et de l'Ă©tat vers l'Ă©tat ayant pour point commun le point triple, ceci implique qu'il ne peut y avoir d'hystĂ©rĂ©sis dans les changements d'Ă©tat d'un corps pur : pour une tempĂ©rature donnĂ©e , autrement dit, que la transition se fasse dans un sens ou dans l'autre la pression de changement d'Ă©tat d'un corps pur est la mĂȘme.

Note 3 - Transitions de phase d'ordre supérieur.

Cette formule n'est valable que dans le cas d'une transition de phase d'ordre 1 selon la classification d'Ehrenfest des changements d'Ă©tat. Pour les transitions de phase d'ordre 2, voir les formules d'Ehrenfest.

Classification d'Ehrenfest, transition d'ordre 1

La classification d'Ehrenfest des transitions de phase repose sur le principe suivant :

« Une transition de phase est d'ordre n si la fonction enthalpie libre et ses dérivées jusqu'à l'ordre n-1 sont continues, tandis qu'une de ses dérivées d'ordre n au moins est discontinue. »

Pour une transition d'ordre 1, la dĂ©rivĂ©e d'ordre 0 de l'enthalpie libre est continue lors du changement d'Ă©tat. Autrement dit, l'enthalpie libre est invariante lors du changement d'Ă©tat Ă  pression et tempĂ©rature constantes. Ainsi, dans les conditions d'Ă©quilibre (mĂȘmes pression et tempĂ©rature), l'enthalpie libre d'une quantitĂ© de corps pur dans l'Ă©tat est Ă©gale Ă  l'enthalpie libre de cette mĂȘme quantitĂ© de corps pur dans l'Ă©tat :

Étant donnĂ© l'identitĂ© de l'enthalpie libre molaire d'un corps pur et de son potentiel chimique, ceci implique que :

En revanche, pour cette mĂȘme transition d'ordre 1, les dĂ©rivĂ©es partielles d'ordre 1 de l'enthalpie libre :

ne sont pas continues :

avec :

  • et les volumes de la quantitĂ© du corps pur respectivement dans les phases et , Ă  la tempĂ©rature et sous la pression ;
  • et les entropies de la quantitĂ© du corps pur respectivement dans les phases et , Ă  la tempĂ©rature et sous la pression .

On a donc, en termes de volume molaire et d'entropie molaire :

Dans une transition de phase d'ordre 1 il y a donc une enthalpie de changement d'Ă©tat :

Dans une transition de phase d'ordre 1 le corps pur change de volume (par exemple dans la vaporisation d'un liquide le volume rĂ©sultant de gaz est supĂ©rieur au volume initial de liquide), contrairement Ă  une transition de phase d'ordre 2 (par exemple la transition conducteur-supraconducteur) oĂč le volume du corps pur ne change pas. De plus, une transition de phase d'ordre 1 induit un changement d'entropie du corps pur, et donc implique une enthalpie de changement d'Ă©tat (la vaporisation d'un liquide nĂ©cessite l'apport de chaleur), contrairement Ă  une transition d'ordre 2 oĂč il n'y a pas d'entropie de changement d'Ă©tat. Dans une transition d'ordre 1 le corps pur passe par une sĂ©rie d'Ă©tats intermĂ©diaires oĂč les deux phases coexistent (dans une vaporisation le liquide et la vapeur coexistent depuis l'Ă©tat de liquide seul jusqu'Ă  l'Ă©tat de vapeur seule tant que la chaleur totale nĂ©cessaire Ă  son Ă©vaporation complĂšte n'a pas Ă©tĂ© apportĂ©e au liquide) ; au contraire les deux phases ne coexistent pas dans une transition d'ordre 2, celle-ci Ă©tant immĂ©diate.

DĂ©monstration

Considérons le changement d'état d'un corps pur défini par l'équation suivante, mettant en jeu les phases et à pression et température constantes :

À l'Ă©quilibre des phases, les potentiels chimiques du corps pur dans les deux phases sont Ă©gaux :

Si l'on modifie la température initiale de l'équilibre pour une autre température , tout en restant à l'équilibre des deux phases, alors la pression d'équilibre passe de à et les potentiels chimiques passent respectivement de à et de à . Les potentiels chimiques des deux phases sont toujours égaux lorsque le systÚme atteint son nouvel équilibre. On peut écrire pour le nouvel équilibre :

d'oĂč l'Ă©galitĂ© des variations des deux potentiels chimiques :

Selon la relation de Gibbs-Duhem appliquée à moles de corps pur, la variation du potentiel chimique vaut :

avec :

  • le volume molaire du corps pur Ă  et ;
  • l'entropie molaire du corps pur Ă  et .

Il s'ensuit, en déclinant l'expression pour chacune des deux phases et , et en considérant l'égalité des variations des potentiels chimiques :

On considĂšre ici une transition de phase d'ordre 1 selon la classification d'Ehrenfest, soit :

ce qui permet d'Ă©crire :

En introduisant l'enthalpie de changement d'Ă©tat , l'entropie de changement d'Ă©tat du corps pur vaut :

En notant le volume de changement d'Ă©tat :

on obtient finalement la formule de Clapeyron :

Formule de Clapeyron :

Relations de Clapeyron intégrées

On intĂšgre entre deux Ă©tats d'Ă©quilibre impliquant les deux mĂȘmes phases : un Ă©tat de rĂ©fĂ©rence et un Ă©tat .

L'enthalpie de changement d'état ne dépend que de la température. On peut par approximation considérer l'enthalpie de changement d'état comme constante sur des intervalles de température de l'ordre de quelques dizaines voire centaines de degrés.

Les volumes molaires dĂ©pendent de la tempĂ©rature et de la pression. Dans le cas des phases condensĂ©es (liquide et solide) cette dĂ©pendance est faible et peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme nĂ©gligeable pour des intervalles de tempĂ©rature peu importants. Les volumes molaires des phases condensĂ©es sont en outre nĂ©gligeables devant celui d'une phase gaz, Ă  condition toutefois d'ĂȘtre suffisamment Ă©loignĂ© du point critique pour un liquide.

Transition liquide-gaz, formule de Clausius-Clapeyron

Considérons la vaporisation d'un liquide :

L'enthalpie de changement d'Ă©tat mise en jeu est l'enthalpie de vaporisation . L'Ă©cart des volumes molaires vaut .

Si l'on est suffisamment loin du point critique du corps pur, le volume molaire du liquide est négligeable devant celui du gaz[6] :

D'autre part, Ă  des pressions de l'ordre de la pression atmosphĂ©rique le gaz peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme parfait, aussi son volume molaire peut-il ĂȘtre calculĂ© selon la loi des gaz parfaits :

avec la constante universelle des gaz parfaits. On obtient la formule de Clausius-Clapeyron[7] :

Formule de Clausius-Clapeyron :

que l'on trouve Ă©galement sous la forme :

Formule de Clausius-Clapeyron :

Contrairement à la formule de Clapeyron qui est valable quelles que soient les conditions de pression et température, c'est-à-dire du point triple au point critique dans le diagramme de phase du corps pur, cette relation n'est donc valable que :

  1. si le volume molaire du liquide est négligeable devant celui du gaz, c'est-à-dire pour un équilibre loin du point critique,
  2. si le gaz se comporte comme un gaz parfait, c'est-Ă -dire pour un Ă©quilibre aux basses pressions.

On intÚgre (pour mémoire, une enthalpie de changement d'état ne dépend que de la température) :

La pression de vaporisation est le plus souvent appelée pression de vapeur saturante du corps pur, notée .

Si l'on considĂšre l'enthalpie de vaporisation comme une constante, on obtient la formule de Rankine[8] :

Formule de Rankine :

ou, de façon plus générale :

Formule de Rankine :

En introduisant une troisiÚme constante pour ajuster plus précisément la corrélation à des données expérimentales[9] - [10], on obtient l'équation d'Antoine :

Équation d'Antoine :

L'enthalpie de vaporisation est une grandeur positive, en consĂ©quence la pression de vapeur saturante d'un corps augmente avec la tempĂ©rature ; rĂ©ciproquement, sa tempĂ©rature de vaporisation (Ă©bullition) augmente avec la pression. Par exemple l'eau bout Ă  100 °C sous la pression de 1 atm, mais au sommet du Mont Blanc, oĂč la pression n'est que de 0,5 atm, l'eau bout Ă  85 °C. Au sommet de l'Everest, elle bout Ă  72 °C. Au contraire, au fond des ocĂ©ans la pression est telle que l'eau peut se maintenir liquide Ă  plus de 300 °C prĂšs de sources chaudes[11].

Transition solide-gaz

Considérons la sublimation d'un solide :

L'enthalpie de changement d'Ă©tat mise en jeu est l'enthalpie de sublimation . De mĂȘme que pour l'Ă©quilibre liquide-gaz, le volume molaire du solide est nĂ©gligeable devant celui du gaz, et aux basses pressions le gaz peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme parfait. On obtient par consĂ©quent, en intĂ©grant la formule de Clapeyron en considĂ©rant l'enthalpie de sublimation constante, une formule similaire Ă  la formule de Rankine obtenue prĂ©cĂ©demment :

L'enthalpie de sublimation étant supérieure à l'enthalpie de vaporisation, soit , aux alentours du point triple la courbe d'équilibre solide-gaz du corps pur dans un diagramme P-T a une pente supérieure à celle de la courbe d'équilibre liquide-gaz (voir figure 1).

Transition liquide-solide

Considérons la fusion d'un solide :

L'enthalpie de changement d'état mise en jeu est l'enthalpie de fusion . L'écart des volumes molaires vaut . Les deux phases condensées ont des volumes molaires ( pour le liquide et pour le solide) dépendant peu de la température et de la pression. On peut ainsi intégrer en considérant l'enthalpie de fusion et les volumes molaires comme constants :

et finalement :

La courbe associĂ©e Ă  cette relation correspond Ă  la branche d'Ă©quilibre liquide-solide sur le diagramme de phase. Cette branche est presque linĂ©aire aux basses pressions et est pratiquement verticale Ă  cause du faible Ă©cart des volumes molaires des phases condensĂ©es ( d'oĂč et ).

L'enthalpie de fusion étant une grandeur positive et le volume molaire d'un liquide étant le plus souvent supérieur à celui d'un solide, pour la quasi-totalité des corps purs la pente de la branche liquide-solide du diagramme P-T est positive : . L'eau est une exception (ainsi que l'antimoine, l'argent, le bismuth, le gallium, le germanium, le plutonium et le sodium) car le volume molaire du solide (glace) est supérieur à celui du liquide (, par conséquent la glace flotte), ainsi , la pente de la branche d'équilibre solide-liquide de l'eau est négative : (voir la figure 1).

Applications

DĂ©termination de l'enthalpie de vaporisation

Figure 3 - Détermination de l'enthalpie de vaporisation (notée L).

La tempĂ©rature et la pression d'Ă©quilibre associĂ©e d'un gaz au contact de son liquide peuvent ĂȘtre mesurĂ©es expĂ©rimentalement dans un autoclave. On peut ainsi dĂ©terminer l'Ă©volution de la pression d'Ă©quilibre ou pression de vapeur saturante en fonction de la tempĂ©rature. En considĂ©rant que l'enthalpie de vaporisation est constante sur l'intervalle de tempĂ©rature expĂ©rimental, selon la formule de Rankine :

d'oĂč :

Si l'on trace le graphe on obtient une droite de pente négative, voir figure 3 :

La détermination graphique de cette pente permet le calcul de l'enthalpie de vaporisation :

Cas particulier de la fusion de l'eau

Figure 4 - Expérience de John Tyndall (1820-1893). Un fil lesté d'un poids passe à travers un pain de glace sans le rompre. La pression exercée par le fil sur la glace fait baisser localement la température de fusion de la glace qui fond et se resolidifie aprÚs le passage du fil.

L'eau est l'un des rares corps dont la masse volumique du solide est infĂ©rieure Ă  celle du liquide (d'oĂč le fait que la glace flotte). En consĂ©quence, la tempĂ©rature de fusion de l'eau diminue sous l'effet de la pression (pour la grande majoritĂ© des corps elle augmente avec la pression).

À pression atmosphĂ©rique la tempĂ©rature de fusion de la glace est de = 0 °C (273,15 K). La formule de Clapeyron intĂ©grĂ©e permet de calculer le changement de pression nĂ©cessaire pour faire baisser la tempĂ©rature de fusion Ă  = −1 °C (272,15 K) :

En utilisant les valeurs[12] :

  • = 333,5 kJ/kg l'enthalpie de fusion massique de l'eau ;
  • = 1,002 Ă— 10−3 m3/kg le volume massique de l'eau liquide Ă  0 °C (soit une masse volumique de 998 kg/m3) ;
  • = 1,090 5 Ă— 10−3 m3/kg le volume massique de l'eau solide (glace) Ă  0 °C (soit une masse volumique de 917 kg/m3) ;

la pression relative Ă  appliquer pour faire baisser la tempĂ©rature de fusion de l'eau Ă  −1 °C est de :

= 13,82 MPa = 138,2 bar

soit une pression absolue de 139,2 bar.

Ceci est mis en évidence dans l'expérience de Tyndall (voir figure 4). Un fil lesté d'un poids est posé sur un pain de glace. Sous l'effet de la pression due au fil la température de fusion baisse et la glace fond localement, en conséquence le fil descend dans le bloc de glace. L'eau redevient solide aprÚs le passage du fil, lorsque la pression redevient normale. Le fil traverse ainsi le bloc de glace sans le rompre[13].

Cette particularitĂ© explique le dĂ©placement des glaciers : le poids de la glace exerce sur la base du glacier une pression telle que l'eau y fond, permettant le glissement de la masse de glace par gravitĂ© sur un sol pentu. De mĂȘme, en patinage sur glace l'augmentation de pression au sol (par rapport Ă  la pression atmosphĂ©rique) due au poids du patineur fait baisser la tempĂ©rature de fusion de la glace, celle-ci fond en consĂ©quence et il se forme une mince couche d'eau liquide sous le patin, ce qui permet la glisse. Le poids du patineur Ă©tant transmis au sol par la surface de contact de la lame du patin, trĂšs faible, la pression rĂ©sultante est trĂšs importante.

Météorologie

En météorologie, la formule de Clausius-Clapeyron est utilisée couramment dans les diagrammes thermodynamiques comme les téphigrammes, Skew-T et émagrammes pour le calcul des énergies de changement de phase de l'eau atmosphérique (notée ). Sur un diagramme pression-température (P-T), la ligne séparant les deux phases est la courbe de coexistence . Pour la pression de vapeur saturante de l'eau , la formule de Clausius-Clapeyron devient[14] :

oĂč est la constante universelle des gaz parfaits.

Extension aux mélanges

Diagramme de phase des mélanges

Figure 5 - Diagramme de phase des mélanges méthane-éthane. Pression de changement d'état en fonction de la température et de la composition.

Pour les mélanges on peut, à composition donnée, tracer les courbes de changement d'état dans un diagramme représentant la pression en fonction de la température. La figure 5 montre un ensemble de courbes d'équilibre liquide-vapeur du systÚme méthane-éthane obtenues pour diverses compositions du mélange. Les courbes du méthane et de l'éthane purs y sont également représentées.

Les points critiques sont marqués par des cercles. Le lieu géométrique des points critiques des mélanges commence et finit aux points critiques des corps purs.

Une courbe pleine, pour une composition donnĂ©e, prĂ©sente deux branches qui se rejoignent au point critique. La branche joignant le point critique par la gauche (basses tempĂ©ratures) est la courbe d'Ă©bullition du mĂ©lange ; celle joignant le point critique par la droite (hautes tempĂ©ratures) est la courbe de rosĂ©e. À gauche de la courbe d'Ă©bullition le mĂ©lange est liquide, Ă  droite de la courbe de rosĂ©e il est gazeux. Au-delĂ  du point critique il est supercritique.

Pour une composition donnée, entre la courbe d'ébullition et la courbe de rosée le mélange est biphasique. Dans ce domaine, à pression et température données, les compositions de la phase liquide et de la phase gaz en équilibre sont données respectivement par la courbe d'ébullition et la courbe de rosée passant par ce point du diagramme.

Comme pour un corps pur, on peut établir théoriquement l'expression des pentes de ces courbes d'ébullition et de rosée : il s'agit de l'extension de la formule de Clapeyron aux mélanges. Cette formule s'applique à tous les changements de phase entre solide, liquide et gaz.

ÉnoncĂ© de la formule pour les mĂ©langes

La formule de Clapeyron étendue aux mélanges[15] - [16] - [17], pour un mélange de constituants notés , pour une phase de composition constante en équilibre avec une phase de composition variable, s'écrit :

Formule de Clapeyron étendue aux mélanges :

ou :

avec :

  • et les fractions molaires du corps respectivement dans les phases et ;
  • l'enthalpie molaire de la phase ;
  • et les enthalpies molaires partielles du corps respectivement dans les phases et ;
  • le volume molaire de la phase ;
  • et les volumes molaires partiels du corps respectivement dans les phases et .

Note 1 - Grandeurs molaires partielles de la phase .

Dans l'expression de , les grandeurs molaires partielles de la phase , et , sont pondérées par la composition de la phase , les fractions molaires . Néanmoins, elles sont des fonctions de la composition de la phase , les fractions molaires : et .
Les grandeurs molaires de la phase , et , sont des fonctions de la composition de la phase , les fractions molaires : et .
Les écarts et correspondent donc aux variations de propriétés d'un mélange de composition passant d'un état initial ayant les propriétés de l'état à un état final ayant les propriétés de l'état .

Note 2 - Formule du corps pur.

Dans le cas d'un corps pur les fractions molaires . Les grandeurs molaires partielles se confondent avec les grandeurs molaires : et . On retrouve la formule pour les corps purs.

Note 3 - Transition inverse.

Pour la transformation inverse, dans laquelle la phase Ă  composition constante est en Ă©quilibre avec la phase de composition variable :
avec :
  • l'enthalpie molaire de la phase ;
  • le volume molaire de la phase .
À la tempĂ©rature , on considĂšre une phase et une phase de mĂȘme composition :
  • la phase est en Ă©quilibre avec une phase de composition Ă  pression ,
  • la phase est en Ă©quilibre avec une phase de composition Ă  pression .
On a :
Ainsi la variation de la pression de changement d'Ă©tat d'un mĂ©lange n'est-elle pas la mĂȘme selon le sens de la transformation :
En consĂ©quence, pour un Ă©quilibre liquide-vapeur d'un mĂ©lange de composition donnĂ©e Ă  tempĂ©rature donnĂ©e, la pression de rosĂ©e (pression Ă  laquelle apparait la premiĂšre goutte de liquide dans le gaz) n'est pas identique Ă  la pression de bulle (pression Ă  laquelle apparait la premiĂšre bulle de gaz dans le liquide). Les deux courbes se rejoignent cependant au point critique et si le systĂšme prĂ©sente un azĂ©otrope : dans les deux cas les deux phases ont la mĂȘme composition .

DĂ©monstration de la formule Ă©tendue

On suppose une phase en équilibre avec une phase . On étudie cet équilibre à composition de la phase constante. En modifiant la pression et la température, seule la composition de la phase est donc modifiée. Les deux phases sont des mélanges de composants repérés par l'indice . On note :

  • et les fractions molaires du corps respectivement dans les phases et ;
  • et les enthalpies molaires respectives des phases et ;
  • et les enthalpies molaires partielles du corps respectivement dans les phases et ;
  • et les entropies molaires respectives des phases et ;
  • et les entropies molaires partielles du corps respectivement dans les phases et ;
  • et les volumes molaires respectifs des phases et ;
  • et les volumes molaires partiels du corps respectivement dans les phases et ;
  • et les potentiels chimiques du corps respectivement dans les phases et .

À l'Ă©quilibre des phases on a les relations, pour chaque composant :

(1)

Puisque l'on fait varier la pression, la température et la composition tout en restant à l'équilibre des phases, les potentiels chimiques varient, pour chaque composant, selon :

(2)

La relation de Gibbs-Duhem donne pour la phase :

En substituant la relation (2) pour chaque composant on a :

(3)

Pour la phase dont la composition est constante, on a pour chaque composant la relation :

En substituant cette relation pour chacun des constituants dans la relation (3) on obtient :

(4)

Le théorÚme d'Euler implique que :

ainsi :

(5)

Étant donnĂ© les relations entre grandeurs molaires partielles :

en considérant la relation (1) :

Par conséquent, la relation (5) devient :

Le théorÚme d'Euler implique que :

d'oĂč :

En substituant cette relation dans la relation (4) et en considérant que la démonstration est faite à composition de la phase constante, on obtient la formule de Clapeyron étendue aux mélanges :

Formule de Clapeyron étendue aux mélanges :

Application aux équilibres de mélanges idéaux

Si les deux phases en Ă©quilibre sont des mĂ©langes idĂ©aux, les enthalpies molaires partielles et les volumes molaires partiels se confondent respectivement avec les enthalpies molaires et les volumes molaires des corps purs aux mĂȘmes pression, tempĂ©rature et phases, soit :

En conséquence :

Les corps purs n'existent pas nĂ©cessairement dans les phases et dans les conditions de pression et de tempĂ©rature du mĂ©lange. NĂ©anmoins, pour les phases condensĂ©es (liquide et solide) il peut ĂȘtre considĂ©rĂ© que les propriĂ©tĂ©s de ces phases sont indĂ©pendantes de la pression, elles sont gĂ©nĂ©ralement donnĂ©es en fonction de la tempĂ©rature seule : elles peuvent en consĂ©quence ĂȘtre utilisĂ©es Ă  la tempĂ©rature du mĂ©lange mais pour des pressions auxquelles les phases condensĂ©es n'existent pas. Pour un gaz, le gaz idĂ©al est un gaz parfait qui peut exister Ă  toute pression et toute tempĂ©rature ; de plus l'enthalpie d'un gaz parfait ne dĂ©pend pas de la pression en vertu de la loi de Joule-Thomson. On note, pour tout corps :

La formule de Clapeyron étendue aux mélanges idéaux s'exprime selon :

Formule de Clapeyron étendue aux mélanges idéaux :

avec :

  • l'enthalpie de changement d'Ă©tat du corps pur Ă  la tempĂ©rature ;
  • l'Ă©cart des volumes molaires respectifs du corps pur dans les phases et Ă  la tempĂ©rature ; pour un gaz parfait .

Pour la pression de bulle d'un mélange liquide idéal, la phase est une phase gaz, la phase la phase liquide. L'enthalpie de changement d'état d'un corps pur est donc son enthalpie de vaporisation :

Au basses pressions, le volume molaire d'une phase condensée est négligeable devant celui d'un gaz en équilibre, aussi puisque la phase est un mélange de gaz parfaits :

De mĂȘme, pour la pression de rosĂ©e d'un mĂ©lange gazeux idĂ©al, la phase est une phase liquide, la phase la phase gaz. L'enthalpie de changement d'Ă©tat d'un corps pur est donc son enthalpie de liquĂ©faction :

Pour les volumes molaires aux basses pressions, celui du liquide étant négligeable devant celui du gaz : .

On a par conséquent les formules de Clausius-Clapeyron pour les pressions de bulle et de rosée d'un mélange idéal :

Formule de Clausius-Clapeyron
pour la pression de bulle idéale :
pour la pression de rosée idéale :

avec :

  • la pression de bulle du mĂ©lange liquide Ă  ;
  • la pression de rosĂ©e du mĂ©lange gazeux Ă  ;
  • l'enthalpie de vaporisation du corps pur Ă  ;
  • et les fractions molaires respectives du corps en phases liquide et gaz.

Puisque les enthalpies de vaporisation des corps purs sont des grandeurs positives, les deux pressions et idéales ont une pente négative en fonction de : elles ne peuvent donc qu'augmenter en fonction de . Or autour du point critique les courbes réelles présentent localement des pentes négatives en fonction de , voir figure 5. Par conséquent les courbes idéales ne peuvent pas représenter un point critique.

Pour un corps pur la formule de Clausius-Clapeyron donne :

avec la pression de vapeur saturante du composant Ă  la tempĂ©rature , d'oĂč :

Un équilibre liquide-vapeur idéal suit la loi de Raoult. Pour chaque composant on a . En conséquence :

La loi de Raoult donne également et . En introduisant ces expressions dans les deux relations ci-dessus celles-ci deviennent explicites en la pression considérée et ne dépendent plus que de la température et de la composition de phase constante. D'autre part, en dérivant ces expressions on retrouve les relations ci-dessus : la formule de Clausius-Clapeyron étendue aux équilibres liquide-vapeur de mélanges idéaux est cohérente avec la loi de Raoult.

Notes et références

Notes

  1. Deux autres relations liées aux coefficients calorimétriques , le coefficient de dilatation isotherme, et , le coefficient de compression isotherme, sont également appelées relations de Clapeyron.
  2. É. Clapeyron, « MĂ©moire sur la puissance motrice de la chaleur », Journal de l'École polytechnique, vol. 23,‎ , p. 153-191 (lire en ligne), p. 173.
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  4. Vidal 1997, p. 37.
  5. Vidal 1997, p. 42.
  6. Par exemple, dans les conditions normales de tempĂ©rature et de pression, le volume molaire de l'eau liquide est voisin de 18 ml, celui de l'eau gaz de 22 400 ml.
  7. Vidal 1997, p. 38.
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Bibliographie

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