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Empire khmer

L'Empire khmer (en khmer ចក្រភពខ្មែរ ឬ ážąáž¶ážŽáž¶áž…áž€áŸ’ážšážáŸ’áž˜áŸ‚ážš) — parfois dĂ©signĂ© comme l’empire d'Angkor ou « Cambodge impĂ©rial » au XIIe siĂšcle[1], mais plus largement, « royaume angkorien » dĂšs 802[2] — est une des anciennes puissances dominantes de la pĂ©ninsule indochinoise du IXe au XIIIe siĂšcles[3]. Le royaume succĂšde aux royaumes et principautĂ©s de Chenla[4], et sa fondation est datĂ©e conventionnellement en 802, lorsque le roi Jayavarman II se dĂ©clare Chakravartin, « Roi des rois ». Il prend fin aprĂšs plusieurs prises d'Angkor par les Siamois entre 1352 et 1431, bien que cette derniĂšre date soit aujourd'hui considĂ©rĂ©e comme conventionnelle.

Empire khmer
Royaume de Kambuja
(km) ážąáž¶ážŽáž¶áž…áž€áŸ’ážšážáŸ’áž˜áŸ‚ážš

802–1431

Drapeau
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
L'Empire khmer au Xe siĂšcle.
Histoire et événements
802 Fondation
950 Victoire contre le royaume de Champā
1177-1181 Annexion du royaume de Champā
1220 Perte des territoires orientaux au profit du ĐáșĄi Việt et du Champā
1238 Émancipation du royaume de Sukhothaï
1431 Sac d'Angkor par les ThaĂŻs, qui vassalisent le royaume

Entités précédentes :

Entités suivantes :

Devenu le royaume du Cambodge (royaume de Kambuja), morcellé et vasalisé, son histoire se poursuit alors, dans des frontiÚres considérablement réduites et disputées.

Le site archéologique d'Angkor témoigne aujourd'hui de la puissance, de la richesse et du raffinement culturel de l'Empire khmer à son apogée. Les religions officielles furent l'hindouisme, le bouddhisme mahāyāna et le bouddhisme theravāda[5].

Histoire

Origines

À ce jour, les plus anciennes traces des origines de l’empire ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes sur le site du temple de Sdok Kok Thom, dans la province thaĂŻlandaise de Sa Kaeo. Une stĂšle, datĂ©e de 1053, Ă©nonce la chronologie des anciens souverains khmers, depuis l'accession au trĂŽne de Jayavarman II en 802, jusqu'Ă  Udayādityavarman II (1050-1066)[6].

Jayavarman II, au IXe siĂšcle, introduit le culte du dieu-roi (devaraja (en)) dans le brahmanisme. DĂ©sormais, le roi est la reprĂ©sentation de Shiva, un des dieux de la triade brahmanique (Brahmā, Vishnou, Shiva) et en consĂ©quence une manifestation de Bhagavan, gĂ©nĂ©ralement confondu avec Shiva ou Vishnou. Le souverain doit ĂȘtre adorĂ© comme une divinitĂ©, avec des rites formels. Shiva et le dieu-roi partagent d’ailleurs le mĂȘme symbole religieux, le lingam[7].

Le Bakong, temple d'État d'Indravarman Ier Ă©rigĂ© sur le site de Hariharalaya.

D’aprĂšs une ancienne interprĂ©tation, Jayavarman II aurait Ă©tĂ© un ancien prince qui vĂ©cut Ă  la cour de Sailendra Ă  Java (dans l'actuelle IndonĂ©sie) et en aurait rapportĂ© l’art et la culture lors de son retour au Cambodge[8]. Des recherches plus rĂ©centes conduites notamment par Claude Jacques[9] et Michael Vickery[10] remettent toutefois en cause cette thĂ©orie. Alors que l’influence javanaise se faisait dĂ©jĂ  sentir sur la majeure partie de la pĂ©ninsule, la carriĂšre politique de Jayavarman aurait dĂ©butĂ© Ă  Vyadhapura, probablement Banteay Prey Nokor, prĂšs de l’actuelle ville cambodgienne de Kompong Cham ce qui lui aurait assurĂ© des contacts de longue date (mĂȘme si les inscriptions ont montrĂ© que ces relations Ă©taient houleuses) avec les voisins Chams plutĂŽt qu’un long sĂ©jour dans la lointaine Java[11]. De nombreux et anciens temples du Phnom Kulen sont de style cham (tel Prasat Damrei Krap) ou javanais (comme Prasat Thmar Dap), mĂȘme si leur disposition asymĂ©trique est typiquement khmĂšre[12].

AprĂšs son Ă©ventuel retour au Chenla, Jayavarman II gagne rapidement de l’influence par la conquĂȘte de plusieurs Ă©tats voisins et, vers 790, prend la tĂȘte d’un royaume que les Khmers appelaient « Kambuja ». Dans les annĂ©es qui suivent, il Ă©tend encore son territoire et Ă©tablit une nouvelle capitale Ă  Hariharalaya, prĂšs de l’actuelle commune cambodgienne de Roluos. En 802, il fait cĂ©lĂ©brer sur le Mahendraparvata un rituel magique d’inspiration hindouiste, que dĂ©crit la stĂšle de Sdok Kok Thom, par lequel il s’autoproclame chakravartin (« roi des rois ») et libĂšre le Cambodge de la tutelle de Java[13] - [alpha 1]. Ainsi, Jayavarman II ne devient pas seulement un souverain incontestĂ© de droit divin, mais il marque aussi l’indĂ©pendance de son royaume. Le roi s’éteint en 834 et son fils Jayavarman III lui succĂšde. À sa mort, ce successeur (avant 877?) est Ă  son tour remplacĂ©, aprĂšs une pĂ©riode de troubles, par un cousin Indravarman Ier[6].

Yasodharapura – la premiĂšre citĂ© d’Angkor

Phnom Bakheng, le premier temple bĂąti sur le site d'Angkor.

Les successeurs de Jayavarman II poursuivent le dĂ©veloppement du royaume de Kambuja. Indravarman Ier (qui rĂšgne de 877 Ă  889) arrive Ă  Ă©tendre le pays sans guerre et commence une politique de construction massive pour remercier les dieux d’avoir apportĂ© Ă  l’empire la prospĂ©ritĂ© du commerce et de l’agriculture. On lui doit notamment d’importants travaux d’irrigation et la construction du temple de Preah KĂŽ. Son fils Yasovarman Ier lui succĂšde de 889 Ă  910 et fonde une nouvelle capitale Ă  Yaƛodharapura, la premiĂšre citĂ© d’Angkor et le temple de Phnom Bakheng, Ă  une quinzaine de kilomĂštres au nord-ouest d’Hariharalaya[14].

Au sommet du Phnom Bakheng, une colline qui surplombe d’une soixantaine de mĂštres la plaine d’Angkor, il fait donc Ă©riger un temple-montagne. Pyramide Ă  cinq degrĂ©s et cent neuf tours, il s’agit d’une reprĂ©sentation du mont Meru, centre de l’univers et sĂ©jour des dieux dans la cosmologie indienne[15].

On doit aussi Ă  Yasovarman I le Baray oriental, un immense rĂ©servoir d’eau de 7,5 sur 1,8 km[16].

Au dĂ©but du Xe siĂšcle, le royaume part en dĂ©crĂ©pitude et alors que Harshavarman Ier puis son frĂšre Isanavarman II rĂšgnent Ă  Angkor, un de leurs oncles, Jayavarman IV, se proclame roi Ă  Koh Ker avant de diriger, Ă  la mort de ses neveux, l’ensemble du pays depuis sa nouvelle capitale[17].

Cette pĂ©riode est marquĂ©e par l’avĂšnement d’un style architectural aux formes gigantesques auquel le site de Koh Ker donnera son nom, et dont le Prasat Thom, un temple-montagne de trente mĂštres de hauteur, est l’élĂ©ment le plus reprĂ©sentatif[18].

Yaƛodharapura retrouve toutefois son statut de capitale sous Rajendravarman II, neveu de Yasovarman I et roi de 944 Ă  968. Celui-ci perpĂ©tue sur le site la tradition des grands travaux de ses ancĂȘtres et on lui doit notamment le Mebon oriental, situĂ© sur une Ăźle au milieu du Baray oriental, le PrĂš Rup et de nombreux autres temples et monastĂšres. Dans ce contexte Ă©clate Ă  l’est, en 950, la premiĂšre guerre avec le royaume de Champā, qui se conclut par une victoire khmĂšre[19].

La richesse des dĂ©corations du temple de Banteay Srei, construit au Xe siĂšcle en grĂšs rose et en latĂ©rite, fait aujourd’hui encore rĂ©fĂ©rence.

Sous ce rÚgne, certains dignitaires accroissent leur influence ; cet ascendant se caractérise par une multiplication de constructions de monuments grandioses dont le joyau est Banteay Srei, fondé en 967 par le brahmane Yajnavaraha, guru du futur Jayavarman V[20].

En 968, Jayavarman V succĂšde Ă  son pĂšre, Rajendravarman II. AprĂšs avoir Ă©tabli sa suzerainetĂ© sur d’autres princes, son rĂšgne est une longue pĂ©riode de paix, marquĂ©e par la prospĂ©ritĂ© et un essor culturel[21]. Il Ă©tablit une nouvelle capitale, Jayendranagari, prĂšs de Yasodharapura et s’entoure de philosophes, de lettrĂ©s et d’artistes[22].

La mort de Jayavarman V, vers 1001, ouvre une nouvelle phase de troubles, oĂč plusieurs souverains ont des rĂšgnes courts avant d’ĂȘtre supplantĂ©s par leurs successeurs. Cette pĂ©riode semble se clore avec l’arrivĂ©e au pouvoir, vers 1010, de Suryavarman Ier[23].

MĂȘme si Suryavarman Ier essuie plusieurs tentatives de coups d’État, il peut mener une politique de conquĂȘtes militaires qui lui permettent d’étendre son royaume jusqu’à l’actuelle ville thaĂŻlandaise de Lopburi Ă  l’ouest et l’isthme de Kra au sud. Durant son rĂšgne, qui s’achĂšve en 1050, initie la construction du Baray occidental, le second rĂ©servoir d’eau encore plus grand que le premier (8 kilomĂštres par 2,1)[24].

Suryavarman II et Angkor Vat

Gravure du temple d’Angkor Vat, tirĂ©e du livre de Louis Delaporte, Voyage au Cambodge : l'architecture khmĂšre (1880).

La fin du XIe siĂšcle est une nouvelle pĂ©riode de conflits et de luttes de pouvoir sanglantes qui ne s’achĂšvent que sous Suryavarman II, au pouvoir de 1113 Ă  1150 et qui parvient Ă  unifier son royaume en interne. La construction du temple d’Angkor Vat, dĂ©diĂ© au dieu Vishnou prend trente-sept annĂ©es. Dans le mĂȘme temps, l’empire s’agrandit, Ă  l’ouest en intĂ©grant l’état MĂŽn d'Haripunchai (dans le nord de l'actuelle ThaĂŻlande) et certaines zones frontaliĂšres du royaume de Pagan (de nos jours la Birmanie), Ă  l’est en annexant plusieurs provinces du Champā, au sud en investissant la pĂ©ninsule malaise jusqu’au royaume de Grahi (correspondant Ă  peu prĂšs Ă  l’actuelle province thaĂŻlandaise de Nakhon Si Thammarat) et enfin au Nord, en poussant jusqu’au sud du Laos contemporain[25].

La fin de Suryavarman II n’a pas Ă©tĂ© clairement dĂ©finie Ă  ce jour. La derniĂšre inscription se rĂ©fĂ©rant Ă  lui traite d’un plan d’invasion du ĐáșĄi Việt auquel il aurait participĂ© en 1145. On suppose qu’il meurt lors d’une de ces expĂ©ditions militaires, entre 1145 et 1150[26].

Une nouvelle pĂ©riode de troubles suit la mort de Suryavarman II, oĂč les rĂšgnes sont brefs et les souverains dĂ©posĂ©s par leurs successeurs. Finalement le Kambuja est dĂ©fait en 1177 par l’armĂ©e Cham lors d’une bataille navale sur le lac TonlĂ© Sap, et devient une province du Champā[27].

Jayavarman VII et Angkor Thom

TĂȘte prĂ©sumĂ©e de Jayavarman VII, MusĂ©e Guimet Paris.
Représentation de Jayavarman VII au musée de cire de Siem Reap.

Fils de l’ancien roi Dharanindra Varman II, le futur Jayavarman VII, qui rĂšgne de 1181 Ă  1218 ou 1219, est un prince Ă  la tĂȘte d’un fief proche de Kampong Svay (dans l’actuelle province de Kampong Thom) ; Yaçovarman II l’envoie au Champā en tant que chargĂ© militaire et il y est lorsque le souverain khmer se fait dĂ©poser par TribhuvanĂąditya-Varman et il ne retourne que bien plus tard dans sa principautĂ©[28].

Suivant la tradition historiographique fondĂ©e sur les textes chinois, en 1177, aprĂšs la prise d’Angkor par les Chams, Jayavarman VII rĂ©ussit Ă  rĂ©unir une armĂ©e et Ă  reconquĂ©rir la capitale[29]. Mais cette histoire classique de la grande conquĂȘte d'Angkor par les Chams en 1177, suivie de l'occupation de la ville pendant plusieurs annĂ©es, n'est plus soutenable aprĂšs une Ă©tude attentive des sources Ă©pigraphiques et non des textes chinois peu fiables car recopiĂ©s. Les bas-reliefs du Bayon qui montrent ceux que l'on identifie Ă  partir de ces textes comme des vainqueurs Chams, reprĂ©senteraient en fait des alliĂ©s Chams qui, aux cĂŽtĂ©s de Jayavarman, lui ont permis de reprendre le pouvoir, alors qu'un usurpateur s'en Ă©tait emparĂ© durant la campagne de Jayavarman contre Vijaya (actuelle province de BĂŹnh Định). Le souverain serait donc parti pour sa reconquĂȘte depuis Vijaya oĂč il s'Ă©tait fait des alliĂ©s Chams (ceux qui l'avaient aidĂ© Ă  remporter sa victoire contre les Chams de Vijaya). Au Cambodge ces alliĂ©s auraient aidĂ© Ă  la rĂ©unification du pays en rĂ©primant une rĂ©volte Ă  Malyang (aux cĂŽtĂ©s de Vidyanandana). AprĂšs que ces princes Chams aient Ă©tĂ© Ă©levĂ©s Ă  la dignitĂ© de yuvarāja ils seraient retournĂ©s au Champa oĂč ils auraient principalement maintenu l'autoritĂ© khmĂšre sur Vijaya. Les mieux documentĂ©s de ces rois sont SĆ«ryavarmadeva et SĆ«ryajayavarmadeva (beau-frĂšre du roi du Cambodge) et le prince Vidyānanda, qui se retourna ensuite contre Jayavarman[30].

Jayavarman VII accĂšde, donc, au trĂŽne et continue la guerre contre ses voisins de l’Est, jusqu’en 1203 et la dĂ©faite du Champa qui doit cĂ©der une partie importante de son territoire[31].

Mais si Jayavarman VII est connu comme le dernier grand roi d’Angkor, c’est surtout pour les grands travaux rĂ©alisĂ©s durant son rĂšgne, notamment la nouvelle capitale, baptisĂ©e Angkor Thom qu’il a crĂ©Ă©e[32].

Des recherches rĂ©centes par satellite ont rĂ©vĂ©lĂ© qu’Angkor Thom – dont la population Ă©tait estimĂ©e Ă  un million d’habitants - Ă©tait Ă©tendu sur plus de 1 000 kilomĂštres carrĂ©s ce qui en fait le centre urbain connu le plus vaste du monde prĂ©industriel[33].

Au centre, le roi, adepte du bouddhisme mahāyāna, construit le Bayon, avec ses tours de pierre symbolisant des visages monumentaux du Bodhisattva Avalokiteƛvara. D’autres temples importants datent de la mĂȘme Ă©poque, tels Ta Prohm, Banteay Kdei ou Neak Pean, ainsi que le rĂ©servoir de Srah Srang[34].

Le rĂ©seau routier est dĂ©veloppĂ© afin de connecter toutes les villes de l’empire entre elles. Sur ces routes, 121 gites d'Ă©tape sont crĂ©Ă©s, pour les marchands, les fonctionnaires et les voyageurs. Enfin, 102 hĂŽpitaux sont Ă©tablis, dissĂ©minĂ©s sur l’ensemble du territoire[35].

Les derniers Ă©clats

À la mort de Jayavarman VII vers 1219, son fils Indravarman II monte sur le trĂŽne et rĂšgne jusqu’en 1243. Bouddhiste comme son pĂšre, il achĂšve la construction de plusieurs temples. En tant que chef de guerre, il est moins heureux : en 1220, sous la pression conjuguĂ©e du ĐáșĄi Việt et de ses alliĂ©s chams, l’empire doit restituer la plupart des territoires prĂ©cĂ©demment conquis au dĂ©triment du Champā. À l’ouest, les sujets thaĂŻs se rebellent, fondent le premier royaume de SukhothaĂŻ et chassent les Khmers. Dans les 200 ans qui suivent, les ThaĂŻs deviennent les principaux rivaux du Kambuja[36].

Jayavarman VIII succĂšde en 1243 Ă  Indravarman II. Contrairement Ă  ses prĂ©dĂ©cesseurs, il est adepte de Shiva et impose un retour Ă  l’ancienne religion de l’empire. Il convertit de nombreux temples bouddhistes en sanctuaires hindouistes. Sur le plan extĂ©rieur, le pays est menacĂ© en 1283 par les armĂ©es mongoles de Kubilai Khan qui dirige alors la Chine. Le roi Ă©vite la guerre avec son puissant voisin en acceptant de s’acquitter d’un tribut annuel. Le rĂšgne de Jayavarman VIII prend fin en 1295, quand il est dĂ©posĂ© par son gendre Indravarman III qui va conserver le trĂŽne jusqu’en 1308. Le nouveau roi est un fidĂšle du bouddhisme theravāda, introduit depuis Sri Lanka et qui va rapidement s’imposer dans toute la rĂ©gion[37].

En , le diplomate chinois Zhou Daguan arrive Ă  Angkor et reste Ă  la cour d’Indravarman III jusqu’en . Il n'est ni le premier ni le dernier reprĂ©sentant chinois Ă  y rĂ©sider, mais son sĂ©jour est restĂ© cĂ©lĂšbre car il rĂ©dige plus tard un rapport dĂ©taillĂ© sur la vie Ă  Angkor. Son rapport est aujourd’hui encore la principale source permettant de comprendre Angkor du temps de sa splendeur. À cĂŽtĂ© de la description de plusieurs grands temples (le Bayon, pour lequel on lui doit de savoir que les tours Ă©taient recouvertes d’or, le BaphĂ»on, Angkor Vat) le texte est une mine d’informations de qualitĂ© sur la vie quotidienne, les us et les coutumes des habitants d’Angkor[38].

DĂ©clin et chute

Peu de donnĂ©es sont disponibles de nos jours sur la pĂ©riode qui suit le rĂšgne d’Indravarman III. La derniĂšre inscription connue se trouve sur un pilier et date de 1327. Plus aucune construction monumentale ne semble avoir Ă©tĂ© entreprise dĂšs lors[39].

À l’ouest, le royaume d'Ayutthaya soumet vers 1350 celui de Sukhothaï qui vient de s’affranchir de la tutelle khmùre, puis lance plusieurs attaques contre la capitale[40].

La capitale est conquise en 1352 ; ses habitants sont dĂ©portĂ©s et le pays est placĂ© sous l’autoritĂ© siamoise. Les Khmers parviennent Ă  se libĂ©rer, mais Angkor doit Ă  nouveau subir les assauts des armĂ©es d’Ayutthaya en 1394, 1420 et 1431. Pour Ă©chapper Ă  ces raids, le roi Ponhea Yat dĂ©cide de quitter sa capitale en 1432 pour Srey Santhor, puis, en 1434, s’installe Ă  Chaktomuk, sur le site de l’actuelle Phnom Penh. Ang Chan Ier l’abandonne Ă  son tour pour s’établir Ă  Lovek[41], oĂč il fait construire son palais en 1553.

Au XVIe siĂšcle, le roi Barom Reachea Ier (1566 – 1576), profite des difficultĂ©s siamoises (Ayutthaya est mise Ă  sac par les Birmans en 1569) pour retourner installer la capitale Ă  Angkor, mais l'embellie est de courte durĂ©e[42].

Le danger birman Ă©cartĂ©, le roi d'Ayutthaya Naresuan investit l’ouest de l’Empire khmer, prend Lovek, en dĂ©porte la population et fait transfĂ©rer les trĂ©sors de la ville. PrivĂ© de ces attributs, censĂ©s avoir Ă©tĂ© offerts par les dieux afin de protĂ©ger le royaume, l’Empire khmer entre dĂ©finitivement dans une pĂ©riode de rĂ©cession[43].

Une lĂ©gende veut d’ailleurs que, lors de cette conquĂȘte, les armĂ©es siamoises aient jetĂ© des piĂšces d’argent au pied des fortifications avant de faire mine de se retirer. Les Khmers ont alors dĂ©montĂ© les murs de bambou afin de rĂ©cupĂ©rer cette monnaie, laissant leur ville sans dĂ©fense quand les envahisseurs sont revenus. Ce mythe semble symboliser une chute qui doit plus Ă  la faiblesse de l’Empire khmer qu’à la puissance du Siam[44].

1 fuang d'argent figurant le Hamsa (uniface, post. 1600).

À propos de monnaie, la fabrication locale de numĂ©raire reste peut Ă©tudiĂ©e, mais elle est certaine : les premiĂšres frappes de cette pĂ©riode remonteraient Ă  l'usurpateur Neay Kan ; prĂšs d'un siĂšcle plus tard, en 1595, le voyageur portugais Gabriel Quiroga de San Antonio note que circulent trois types de monnaies, de valeurs Ă©quivalentes Ă  1, Âœ et ÂŒ d'unitĂ©, prenant l'apparence de rondelle en argent frappĂ©e sur une seule face, aux motifs respectifs d'un coq ou d'un paon, d'un serpent, et d'un cƓur de lotus. Par ailleurs, circule un type appelĂ© « fleur de lotus » d'aprĂšs son motif stylisĂ© et sa dĂ©coupe, semble produit ultĂ©rieurement, les monnaies sont en alliage d'Ă©tain ou en billon, de mĂȘme que le fuang, figurant un crabe ou une couronne. La plupart des recherches rĂ©centes sur la numismatique khmer tendent Ă  trouver peu probable que l'Empire khmer n'ait pas dĂ©veloppĂ© une politique monĂ©taire Ă  l'instar de ses voisins, comme le Siam, la Chine impĂ©riale et le ViĂȘt Nam, et ce, dĂšs le Xe siĂšcle. AprĂšs 1600, il est d'usage de considĂ©rer les monnaies circulantes dans cette rĂ©gion comme produites par le royaume d'Ayutthaya. Des monnaies figurant l'oiseau sacrĂ© Hamsa, appelĂ©es takung takom, sont alors Ă©mises[45] - [46] - [47].

Angkor aprĂšs le XVe siĂšcle

Plan d'Angkor Vat Ă©tabli par des pĂšlerins japonais entre 1623 et 1636.

MĂȘme si des inscriptions attestent l’installation Ă  partir du XVIIe siĂšcle de Japonais Ă  Angkor, dont le plus connu est Ukondafu Kazufusa, qui cĂ©lĂ©bra le nouvel an khmer lĂ -bas en 1632[48], le recul est engagĂ©.

Entre 1619 et 1627, Chey Chettha II fait transfĂ©rer sa capitale Ă  Oudong oĂč la cour royale va rĂ©sider jusqu’en 1863. Il se rapproche aussi de l’Annam, la nouvelle puissance qui monte Ă  l’ouest et dont il Ă©pouse une princesse, espĂ©rant pouvoir ainsi limiter l’influence que le Siam exerce sur son royaume. En contrepartie, il accepte l’installation de colons. En outre, officiellement pour aider le souverain khmer, un gĂ©nĂ©ral annamite est Ă©galement nommĂ© comme commandant de la place de Prey Nokor qui sera rebaptisĂ©e SaĂŻgon en 1698[49].

L’époque qui va suivre est marquĂ©e par des troubles incessants mettant aux prises les diffĂ©rents monarques et des prĂ©tendants. Ces crises sont aggravĂ©es par les interventions rĂ©guliĂšres des voisins siamois et annamites, souvent Ă  la demande d’un des deux camps. Parfois mĂȘme, quand le titulaire du trĂŽne montre des vellĂ©itĂ©s d’indĂ©pendance, une armĂ©e est envoyĂ©e pour dĂ©poser le rĂ©calcitrant et le remplacer par un rival plus conciliant sans que ce dernier ait pour sa part demandĂ© quoi que ce soit[50].

Ces interventions s’accompagnent Ă©galement d’annexions. En 1770, les armĂ©es de HuĂ© s’opposent Ă  une offensive siamoise sur Oudong, mais imposent un protectorat Ă  l’ensemble du pays. En 1794, Rama Ier profite de la rĂ©volte des TĂąy SÆĄn et de l’affaiblissement passager de l’Annam pour annexer les provinces d’Angkor, Battambang, Khorat, Mongkol Borey (en) et Sisophon. En 1841, l’empereur Minh MáșĄng de la dynastie des Nguyễn du Vietnam dĂ©cide d’annexer purement et simplement le Cambodge.

Des rĂ©sidents en provenance de HuĂ© « Ă©paulent » dans leur tĂąche les gouverneurs de province alors que le vietnamien devient la langue de l’administration. Mais en 1845 la population se rĂ©volte et, aidĂ©e par le Siam, repousse les envahisseurs. Les deux puissances dĂ©cident alors une fois pour toutes de rĂ©gler leur diffĂ©rend quant Ă  leur domination sur le Cambodge et conviennent de dĂ©limiter leurs zones d’influence de part et d’autre du MĂ©kong[51].

Au milieu du XIXe siĂšcle le roi Ang Duong est intronisĂ© aprĂšs accord de ses deux suzerains qui en profitent pour avaliser leurs conquĂȘtes des derniĂšres dĂ©cennies[52]. Mais, sitĂŽt au pouvoir, il tente de se rapprocher des puissances europĂ©ennes qui veulent alors prendre pied dans la rĂ©gion et Ă©crit une lettre le Ă  NapolĂ©on III, nouvel empereur des Français Ă  qui il propose une alliance. Charles de Montigny, consul de France Ă  Shanghai est chargĂ© de conclure un traitĂ© d’amitiĂ© avec le Cambodge, mais la mission Ă©choue[53].

À la mort du roi, son fils Norodom Ier lui succĂšde, mais plusieurs dignitaires se rangent derriĂšre Si Votha (en), un autre des fils d’Ang Duong. Norodom est obligĂ© d’aller chercher Ă  Bangkok une armĂ©e siamoise pour qu'elle le rĂ©installe sur le trĂŽne Ă  Oudong. Toutefois, afin de desserrer l’étreinte de ses voisins de l’ouest, le roi se rapproche des Français qui sont en train d’investir la Cochinchine. Un traitĂ© de protectorat est signĂ© le 11 aoĂ»t 1863[54].

Historiographie

De la pĂ©riode angkorienne, aucun enregistrement Ă©crit n’est Ă  ce jour parvenu jusqu’à nous, hormis les inscriptions lapidaires. De ce fait, la connaissance sur la civilisation khmĂšre historique se limite Ă  l’épigraphie que rĂ©vĂšlent les fouilles et recherches archĂ©ologiques sur les supports suivants :

  • les Ă©pitaphes sur les monuments qui dĂ©crivent de maniĂšre dithyrambique les exploits politiques et religieux des rois ;
  • les dĂ©couvertes numismatiques ;
  • les bas-reliefs sur les murs de certains temples qui dĂ©peignent des campagnes militaires, la vie au palais, sur les marchĂ©s et des scĂšnes de la vie quotidienne de la population ;
  • les rĂ©cits et chroniques d'observateurs ou diplomates chinois, de missionnaires, de marchands et de voyageurs Ă©trangers[55].

L'une des principales raisons de l'absence de manuscrits khmĂšrs semble ĂȘtre la disparition massive des manuscrits sur ĂŽles : putrescibles, ils pouvaient ĂȘtre conservĂ©s jusqu'Ă  nous Ă  condition d'ĂȘtre copiĂ©s de siĂšcle en siĂšcle ; or, il semble que les bibliothĂšques khmĂšres aient eu Ă  souffrir de plusieurs pĂ©riodes d'arrĂȘts dans la chaĂźne de transmission (dont un important « vide » aprĂšs 1431), ce qui fait que des manuscrits pourraient avoir Ă©tĂ© perdus Ă  jamais[56].

DĂ©couverte occidentale et exploration

L'expĂ©dition Doudart de LagrĂ©e sur les marches d’Angkor Vat en 1866. De gauche Ă  droite : Francis Garnier, Louis Delaporte, Clovis Thorel, Ernest Doudart de LagrĂ©e, Lucien Joubert, Louis de CarnĂ© - photo Émile Gsell.

Les premiers récits sur l'Empire khmer apparus en Europe dateraient de 1570 et seraient le fait de voyageurs espagnols et portugais[57].

Il faut attendre la publication en 1819 par Jean-Pierre Abel-Rémusat de Description du royaume de Cambodge, traduction d'un récit de voyage d'un officier chinois du XIIIe siÚcle, pour que l'histoire de cet empire réapparaisse comme surgie du néant[58].

En 1861, au dĂ©but de la conquĂȘte de la Cochinchine par la France, le naturaliste Henri Mouhot, explorant la rĂ©gion avec l'abbĂ© Sylvestre pour le compte de la British Royal Geographical Society, permet la re-dĂ©couverte d'Angkor Vat puis d'Angkor Thom par les occidentaux – en rĂ©alitĂ©, le temple n’a jamais Ă©tĂ© complĂštement abandonnĂ©[33]. Son rĂ©cit est publiĂ© dans la revue Le Tour du Monde en 1863, avant de faire l’objet d’un livre[59].

De 1866 à 1868, sous le commandement d'Ernest Doudart de Lagrée puis de Francis Garnier, une Mission d'exploration du Mékong est plus exhaustive et fait l'objet d'un compte-rendu dans Voyage d'Exploration en Indo-Chine, publié en 1873[60].

Recherches archéologiques sous le protectorat français

De nombreuses missions d'exploration se succĂšdent alors jusqu'Ă  la longue prĂ©sence d'Étienne Aymonier, nommĂ© reprĂ©sentant au Cambodge en 1879. Celui-ci organisa la traduction des nombreuses inscriptions et tenta de reconstituer l'histoire des rois khmers. RentrĂ© en France Ă  l'issue de sa mission (vers 1886), il publia de nombreuses Ă©tudes, un dictionnaire khmer et de multiples articles qu'il rassemble Ă  partir de 1900 dans son grand ouvrage Le Cambodge[61]. Ces travaux permettent Ă©galement de rĂ©tablir la filiation entre l’Empire khmer et le Cambodge moderne. En effet, avec le temps, la croyance populaire avait fini par attribuer la construction des temples tels celui d’Angkor Ă  des divinitĂ©s[62].

Depuis le début du XXe siÚcle, le site d'Angkor est patiemment réhabilité par des archéologues, qui tentÚrent dans un premier temps de conserver et restaurer les monuments puis de définir un cadre chronologique des différents sites découverts. Grùce à leurs travaux, ils purent prouver la continuité avec le Cambodge moderne, alors que jusque-là la période angkorienne était entourée de mythes chez la plupart des Cambodgiens[63].

Reproduction du temple d'Angkor Vat Ă  l'exposition coloniale internationale Ă  Paris.

Toutefois, ces travaux servirent aussi de prĂ©texte pour justifier la « mission civilisatrice » du colonialisme et le rĂŽle des puissances « protectrices » dans la remise en Ɠuvre de brillantes cultures sur le dĂ©clin[64]. Ces thĂ©ories atteindront leur paroxysme en 1931, lors de l’exposition coloniale internationale de Paris, oĂč une reproduction du temple d’Angkor sera une des grandes attractions de la manifestation[65].

Recherches depuis l'indépendance du Cambodge

Ce n’est que vers le dĂ©but des annĂ©es 1950, avec notamment Bernard-Philippe Groslier de l'École française d'ExtrĂȘme-Orient et les travaux de George CƓdĂšs, que l’attention se porte avec plus d’acuitĂ© sur l’utilisation de l’imposant rĂ©seau hydraulique dĂ©couvert bien avant et surtout sur le besoin de procĂ©der Ă  une cartographie dĂ©taillĂ©e du site de l’ancienne capitale[66].

Toutefois, le budget limitĂ© de la conservation d’Angkor dans les annĂ©es 1960 puis la guerre civile cambodgienne empĂȘchĂšrent d’explorer cette voie.

Cependant, Ă  partir du milieu des annĂ©es 2000 les Ă©tudes par satellite rĂ©vĂšlent que la citĂ© de Jayavarman VII Ă©tait bien plus Ă©tendue : soit une surface de plus de mille kilomĂštres carrĂ©s[33]. En contrepartie, la densitĂ© de population Ă©tait faible, comme ce qu'avait pu ĂȘtre celle de la citĂ© maya Tikal[33].

Débats contemporains sur les causes du déclin

Certains historiens pensent que le dĂ©clin de l'Empire khmer est liĂ© au fait que les rois avaient adoptĂ© le bouddhisme hÄ«nayāna et n’étant plus considĂ©rĂ©s comme Devaraja, il n’était plus nĂ©cessaire d’ériger des temples monumentaux Ă  leur gloire ou Ă  celle des dieux pour s'attirer leur protection[alpha 2]. Le recul du concept de dieu-roi a aussi dĂ» conduire Ă  un affaiblissement de l’autoritĂ© du souverain et Ă  la difficultĂ© de trouver des volontaires prĂȘts Ă  se dĂ©vouer pour sa cause. L’entretien du systĂšme hydraulique a lui aussi dĂ» s’étioler et les rĂ©coltes semblent avoir Ă©tĂ© contrariĂ©es par les inondations et les sĂ©cheresses. Ces problĂšmes sont trĂšs certainement une des principales causes du dĂ©clin de l’empire, alors que du temps de sa splendeur, les trois rĂ©coltes annuelles ont largement contribuĂ© Ă  sa prospĂ©ritĂ© et Ă  sa puissance[68].

Il est d’autre part probable que la peste noire eut un impact non nĂ©gligeable sur les Ă©vĂšnements dĂ©crits ci-dessus. L’épidĂ©mie apparut en Chine dans les annĂ©es 1330 et atteint l’Europe vers 1345 aprĂšs avoir touchĂ© l’ensemble des voies de communications dont les ports du Sud-Est asiatique avec lesquels l’empire commerçait[69]. Il parait donc peu vraisemblable que le royaume angkorien ait pu ĂȘtre miraculeusement prĂ©servĂ© de l’épidĂ©mie.

On peut Ă©galement penser que les projets pharaoniques de constructions et les luttes de pouvoir au sein de la famille royale ont jouĂ© un rĂŽle nĂ©faste dans le devenir de l’Empire khmer. Des indications tendent toutefois Ă  montrer qu’Angkor ne fut pas abandonnĂ©e brutalement et que pendant un temps une lignĂ©e de rois khmers y rĂ©gnait alors qu’une autre s’était installĂ©e plus au sud-ouest, d’abord Ă  Lovek, puis Ă  Oudong [alpha 3] Ă  une quarantaine de kilomĂštres au nord de l’actuelle Phnom Penh[70].

Une autre raison qui a dĂ» avoir son importance est liĂ©e Ă  la conquĂȘte par les Siamois de l’isthme de Kra, au nord de la pĂ©ninsule Malaise, qui Ă©tait alors une importante zone de transbordement de marchandises en transit entre l’Inde et la Chine et de vente de produits en provenance de l'arriĂšre-pays. La perte de cette source de revenus importants a sĂ»rement influĂ© dans la dĂ©cision des souverains de se rapprocher des bassins du MĂ©kong et du Bassac qui, outre leur Ă©loignement relatif des envahisseurs siamois, tiraient bĂ©nĂ©fice du passage des navires de commerce venant faire une halte et s’approvisionner en riz et en produit de la forĂȘt cambodgienne, tels les cardamomes. Mais ce dĂ©placement vers le sud n’était pas sans risque pour l’empire. Alors que prĂšs du TonlĂ© Sap, l’élĂ©ment hydraulique Ă©tait parfaitement maĂźtrisĂ©, avec des plaines en pente douce irriguĂ©es par de nombreuses riviĂšres au dĂ©bit constant, l’est du royaume Ă©tait tributaire des caprices du MĂ©kong qui suivant les annĂ©es faisait subir aux rĂ©coltes inondations ou sĂ©cheresses[71].

Une thĂšse plus rĂ©cente attribue la chute de l’Empire angkorien Ă  un dĂ©sastre Ă©cologique et Ă  une faillite des infrastructures. La prospĂ©ritĂ© du pays reposait sur un systĂšme hydraulique Ă©laborĂ© de rĂ©servoirs (Baray) et de canaux utilisĂ©s pour le commerce, les dĂ©placements et l’irrigation. Dans le mĂȘme temps, de nouvelles zones de forĂȘt furent dĂ©frichĂ©es sur le Phnom Kulen au profit de riziĂšres nĂ©cessaires pour nourrir des habitants de plus en plus nombreux. Cela favorisa l’érosion des sols et les eaux de pluie ne tardĂšrent pas Ă  transporter des sĂ©diments qui encombrĂšrent le rĂ©seau de canaux, qui avaient de plus en plus de difficultĂ©s Ă  rĂ©pondre aux besoins croissants de la population. Ces canaux, ne pouvant plus remplir efficacement leurs rĂŽles, le manque d’eau se fit bientĂŽt sentir, entrecoupĂ© d’inondations massives que les digues en mauvais Ă©tat ne pouvaient plus trop contenir[72].

En dĂ©finitive, il apparaĂźt de plus en plus comme difficile de parler de « dĂ©cadence », de « dĂ©clin soudain » ou de « disparition brutale » de l'empire : Ă  l'arrĂȘt de la politique de construction en pierres, a succĂ©dĂ© une longue pĂ©riode de constructions en bois et en bambou, lesquelles ne se sont pas conservĂ©es faute d'entretien (ou par exemple de reconstruction aprĂšs incendie), mise Ă  part leurs fondations qui demeurent visibles ; par ailleurs, la disparition des sources manuscrites n'interdit pas d'estimer que cette civilisation ait pu se transformer, par assimilation, Ă  d'autres cultures ; il faut Ă©galement rappeler qu'au XIVe siĂšcle, l'Asie du Sud Est connaĂźt une migration des citĂ©s et des populations vers les littoraux, lĂ  oĂč se passe l'expansion commerciale par le nĂ©goce maritime, mettant donc en retrait tous les centres urbains de l'hinterland, et qu'enfin, l'archĂ©ologie et l'Ă©pigraphie sont loin d'avoir encore dit leurs derniers mots[56].

Culture et société

Les plus anciens monuments khmers connus sont des tours de briques du VIIe siĂšcle. Ensuite, apparurent des petits temples Ă©tagĂ©s en pyramide. Le dĂ©veloppement de galeries couvertes amena progressivement Ă  des plans plus Ă©laborĂ©s. Petit Ă  petit, la brique est Ă©vincĂ©e par la pierre. L’architecture khmĂšre a atteint son apogĂ©e avec la construction d’Angkor Vat par Suryavarman II (1113 – 1150) et celle d’Angkor Thom par Jayavarman VII (1181 – 1218). La sculpture a elle aussi prospĂ©rĂ©, montrant une Ă©volution d’un naturalisme relatif Ă  une technique plus conventionnelle. Les bas-reliefs, absents des premiers monuments ont ensuite supplantĂ© en importance les statues et ont mĂȘme, plus tard occupĂ© des murs entiers oĂč ils dĂ©peignaient avec une incroyable richesse des tranches de vies de l’époque[27].

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Khmer Empire » (voir la liste des auteurs).

Notes

  1. Le « Mont central » Ă©voquĂ© dans l'inscription de cette stĂšle avait Ă©tĂ© identifiĂ© Ă  tort comme Ă©tant le temple du Bayon, qui avait donc Ă©tĂ© classĂ© comme shivaĂŻte et parmi les plus anciens, selon Étienne Aymonier (1906) et Étienne Lunet de LajonquiĂšre (1911). Ce n'est que dans les annĂ©es 1920-1930, avec les Ă©tudes de Louis Finot et Victor Gouloubew de l'École française d'ExtrĂȘme-Orient, que le temple de Phnom Bakheng a Ă©tĂ© identifiĂ© avec le Mont central de l'inscription. Le roi constructeur du Phnom Bakheng a ensuite Ă©tĂ© identifiĂ© comme Ă©tant Yasovarman Ier (roi de 889 Ă  910), et fait explicitement rĂ©fĂ©rence Ă  Jayavarman II comme fondateur de la premiĂšre citĂ© d'Angkor. Le Bayon a pour sa part Ă©tĂ© reconnu comme affectĂ© au culte bouddhiste et construit ou remaniĂ© par Jayavarman VII Ă  la fin du XIIe siĂšcle.
  2. D’autres sources affirment au contraire que les invasions Ă©trangĂšres, en prouvant que les divinitĂ©s ne protĂ©geaient plus le royaume, n'ont pas Ă©tĂ© la consĂ©quence mais la cause de l'effondrement de l’hindouisme au Cambodge[67].
  3. Oudong aurait Ă©tĂ© ainsi nommĂ©e en mĂ©moire du prince U Thong, premier roi d’Ayutthaya sous le nom de Ramathibodi Ier[70].

Références

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Annexes

Bibliographie

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Article connexe

Liens externes


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