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Critique du mormonisme

La critique du mormonisme porte sur la doctrine, les pratiques et l’histoire de l’Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours. L'Église a en effet Ă©tĂ© l’objet de critiques dĂšs sa crĂ©ation par Joseph Smith, en raison de ses croyances en contradiction avec celles du christianisme traditionnel. Au XIXe siĂšcle, les dĂ©rives thĂ©ocratiques de l'Église et la pratique de la polygamie furent particuliĂšrement contestĂ©es. Tout au long de l’histoire de l'Église, de nombreux critiques remirent en cause la lĂ©gitimitĂ© de Joseph Smith comme prophĂšte, l’historicitĂ© des Écritures saintes du mormonisme, le non-accĂšs des Noirs Ă  la prĂȘtrise et le refus des travaux d'historiens susceptibles de modifier l'histoire officielle de l’Église.

Les critiques portent sur plusieurs sujets :

  1. les aspects théologiques : certaines doctrines du mormonisme sont en rupture avec le christianisme traditionnel, ce que dénoncent plusieurs critiques chrétiens,
  2. les aspects scientifiques : les critiques rejettent la prĂ©tendue historicitĂ© du Livre de Mormon et du Livre d'Abraham et remettent en cause « l’histoire officielle » de l'Église,
  3. les aspects financiers : l'Église est critiquĂ©e pour l'absence de publication dĂ©taillĂ©e de ses finances, la loi amĂ©ricaine ne l'exigeant pas, pour son important business et sur l'importance de ses exigences financiĂšres,
  4. les aspects Ă©thiques : l'Église est Ă©galement critiquĂ©e pour des doctrines passĂ©es ou prĂ©sentes posant des problĂšmes Ă©thiques, comme le non accĂšs des Noirs Ă  la prĂȘtrise (1844-1978), son soutien Ă  des dictatures, ses rituels secrets inspirĂ©s de la franc-maçonnerie ou son recours Ă  la violence comme dans le cas du massacre de Mountain Meadows,
  5. les aspects sexuels : l'Église fait l'objet de controverses en raison de son soutien Ă  la polygamie jusqu'en 1890, du rĂŽle subalterne accordĂ©e aux femmes en son sein, de sa condamnation de la sexualitĂ© hors mariage et de l'homosexualitĂ©, et des cas d'abus sexuels, y compris sur mineurs, perpĂ©trĂ©s par des membres en situation d'autoritĂ©,
  6. les aspects sectaires : l'Église est parfois accusĂ©e, par des associations et des ex-membres, d'utiliser des mĂ©thodes propres aux sectes, par exemple le conditionnement, le contrĂŽle de la vie de ses membres et les mesures disciplinaires en cas de faute.

Critiques théologiques

Les saints des derniers jours considÚrent que leur religion est le rétablissement du christianisme dans sa perfection d'origine[1].

Cependant, la plupart des autres Églises chrĂ©tiennes considĂšrent que le mormonisme s'Ă©carte du christianisme traditionnel de maniĂšre significative. Les Ă©lĂ©ments de discorde portent entre autres sur la nature mĂȘme de la DivinitĂ©, la rĂ©vĂ©lation divine, la question de l'autoritĂ© et la notion de salut. Le refus des mormons d’adhĂ©rer au Symbole de NicĂ©e les empĂȘche d’ĂȘtre admissibles au Conseil ƓcumĂ©nique des Églises[2]. En raison de ces diffĂ©rences, les protestants historiques comme les protestants Ă©vangĂ©liques refusent aux mormons la qualitĂ© de chrĂ©tiens[3]. De mĂȘme, pour les catholiques, la conception qu'ont dĂ©veloppĂ©e les mormons de la TrinitĂ©, oĂč le PĂšre, le Fils et le Saint-Esprit sont trois dieux sĂ©parĂ©s, n’a rien Ă  voir avec le christianisme[2].

Nature de la divinité

PremiĂšre Vision de Joseph Smith

La principale pierre d'achoppement entre le mormonisme et le christianisme traditionnel porte sur la nature mĂȘme de Dieu.

Trinité

La vision chrétienne classique de la Trinité est celle d'un Dieu consistant en une seule substance divine se manifestant en trois personnes. Ainsi, « le Fils est consubstantiel au PÚre » selon le Credo de Nicée. Les chrétiens considÚrent traditionnellement que la Bible enseigne que les trois personnages ne forment en réalité qu'un seul Dieu.

Pour les mormons, Dieu le PÚre, son Fils Jésus-Christ et le Saint-Esprit sont des personnages divins distincts. Ils sont certes unis dans leurs objectifs mais, selon Joseph Smith, « ces trois-là constituent trois Personnages distincts et trois Dieux »[4].

Nature matérielle de Dieu

Pour le mormonisme, Dieu le PÚre a un corps matériel : « Le PÚre a un corps de chair et d'os aussi tangible que celui de l'homme, le Fils aussi[5] ». Or, pour la Bible et selon le christianisme traditionnel, Dieu est incréé et est l'origine de toutes choses, y compris les lois de la nature. Il se trouve par définition hors de l'ordre naturel puisque ce dernier a été créé par lui. Toute matiÚre ne peut exister qu'au travers de sa volonté. Dieu est de nature totalement spirituelle. Jésus dit en effet : « Dieu est esprit[6] » ; et encore : « un esprit n'a ni chair ni os comme vous voyez que j'ai[7] ». Si le Fils a pris un corps pour se révéler à l'homme, c'est qu'il n'en avait pas avant[8].

Transformation de l'homme en dieu

Pour les mormons, Dieu fait partie de l'ordre naturel. Selon Joseph Smith, « Dieu lui-mĂȘme a jadis Ă©tĂ© tel que nous sommes maintenant et est un homme divinisĂ© et siĂšge sur son trĂŽne dans les cieux lĂ -haut[9] ! » En consĂ©quence, l'homme digne sur cette Terre peut lui-mĂȘme devenir un dieu Ă  son tour. Cette idĂ©e a Ă©tĂ© rĂ©sumĂ©e par Lorenzo Snow en ces termes : « Ce que l'homme est, Dieu l'a Ă©tĂ©. Ce que Dieu est, l'homme peut le devenir[10]. » Du fait de sa nature humaine divinisĂ©e, Dieu le PĂšre possĂšde un corps physique Ă©ternel. Cette thĂ©orie a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e dans le cadre de la doctrine de l'Adam-Dieu, selon laquelle Dieu le PĂšre devint Adam et fut le pĂšre biologique de JĂ©sus et de Satan.

Pluralité des dieux

Pour le mormonisme, les concepts ci-dessus font qu'il existe plusieurs dieux. Certains dĂ©tracteurs de la religion mormone la qualifient donc de polythĂ©iste. Ceci est renforcĂ© par les Ă©crits mĂȘmes de la religion mormone qui donnent le mot dieu au pluriel, par exemple :

  • « Au commencement, les dieux Ă©levĂ©s en dignitĂ© se rĂ©unirent afin d'imaginer un plan pour crĂ©er le monde et les hommes[11] » ;
  • « Les dieux organisĂšrent et formĂšrent la terre[12] ».

Plan de salut

Le Plan de salut
La Chute de l'homme par Lucas Cranach, illustration du XVIe siĂšcle

Péché originel

Les chrétiens traditionnels considÚrent que la désobéissance d'Adam et Ève au commandement de Dieu fut un grand mal. Cet acte est généralement perçu comme un rejet de la sagesse de Dieu par l'homme afin de céder à ses propres désirs. Les chrétiens considÚrent que c'est par la chute d'Adam et Ève que le péché est entré dans le monde, faisant tomber la condamnation et la mort sur tous leurs descendants. En raison de ce péché originel, chaque homme naßt avec une nature pécheresse et a besoin de l'intervention divine pour lui apporter le salut.

L'Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours rejette le concept de pĂ©chĂ© originel, bien qu'elle reconnaisse que l'homme dans son Ă©tat naturel est un ennemi de Dieu[13]. Selon Joseph Smith, « les hommes seront punis pour leurs propres pĂ©chĂ©s et non pour la transgression d'Adam ». Cette derniĂšre n'est pas rĂ©ellement perçue comme un mal mais plutĂŽt comme une Ă©tape nĂ©cessaire afin que la race humaine puisse exister[14]. Joseph Fielding Smith, 10e prĂ©sident de l'Église, Ă©crivit Ă  ce sujet : « je veux remercier [Ève] d'avoir tentĂ© Adam afin de prendre de ce fruit. Il accepta la tentation, avec pour rĂ©sultat que des enfants vinrent au monde »[15]. De plus, les mormons considĂšrent qu'Adam et Ève avaient en fait reçu deux commandements contradictoires : l'un qui Ă©tait de se multiplier et remplir la Terre, l'autre qui Ă©tait de ne pas manger du fruit. En consĂ©quence, le deuxiĂšme commandement devait ĂȘtre transgressĂ© afin d'obĂ©ir au premier.

Foi et Ɠuvres

Les chrĂ©tiens considĂšrent gĂ©nĂ©ralement qu'en l'absence de l'Ɠuvre salvatrice de JĂ©sus-Christ, l'homme est spirituellement mort et qu'il ne peut rien faire pour son propre salut. Selon les protestants, c'est par la grĂące seule, et non au travers d'Ɠuvres justes, que Dieu pardonne les pĂ©chĂ©s et rend l'homme digne de vivre en sa prĂ©sence. Le salut est donc pour eux seulement par la foi, sans les Ɠuvres. NĂ©anmoins, ils font Ă©galement des Ɠuvres, mais non plus pour ĂȘtre sauvĂ©s, mais pour ĂȘtre fidĂšle Ă  Dieu. Ces Ɠuvres n'apportent rien au salut, mais amĂšneront des rĂ©compenses. Selon la catholiques, ce sont la foi et les Ɠuvres, portĂ©s par la charitĂ©, qui apportent le salut mais pas les Ɠuvres seules[16].

Les mormons croient que c'est l'obĂ©issance Ă  la Loi et donc les Ɠuvres qui sauvent : « Le genre humain peut ĂȘtre sauvĂ© en obĂ©issant aux lois et aux ordonnances de l’Évangile[17] ». Les mormons croient que grĂące au sacrifice expiatoire de JĂ©sus-Christ tout le genre humain peut ĂȘtre sauvĂ© en obĂ©issant aux lois et aux ordonnances de l'Évangile : « L'homme progresse par le repentir
 ce qui l'attend aprĂšs cette vie, c'est une glorification selon ce qu'il aura mĂ©ritĂ©. Celui qui a obĂ©i Ă  tous les commandements de Dieu et exĂ©cutĂ© toutes ses ordonnances se trouvera en la prĂ©sence de Dieu[18]. »Ils croient en outre que, pour conserver leur salut, ils doivent persĂ©vĂ©rer dans la justice jusqu'Ă  la fin de leur vie. Pour les mormons, le salut s'entretient au quotidien. Selon la doctrine mormone, le salut est gratuitement Ă  la portĂ©e de tous ceux qui s'y prĂ©parent.

Saintes Écritures

La critique des Écritures mormones sont fondĂ©es sur : la contestation thĂ©ologique de l'idĂ©e d'un complĂ©ment Ă  apporter aux saintes Écritures ; la contestation de certaines prophĂ©ties contenues dans les Écritures mormones ; les impossibilitĂ©s historiques du Livre de Mormon.

Bible et révélation moderne

Les chrĂ©tiens considĂšrent le canon des Écritures comme clos, ce qui fait de la Bible le seul ouvrage sacrĂ© des chrĂ©tiens (bien qu'il puisse y avoir des dĂ©saccords sur le nombre de livres que celle-ci doit contenir). De nombreux protestants considĂšrent par ailleurs la Bible comme la seule autoritĂ© infaillible (doctrine de la Sola scriptura). Les chrĂ©tiens rejettent l'idĂ©e qu'une rĂ©vĂ©lation moderne puisse complĂ©ter le message biblique. Pour l'Église catholique, « au fil des siĂšcles il y a eu des rĂ©vĂ©lations dites "privĂ©es", dont certaines ont Ă©tĂ© reconnues par l’autoritĂ© de l’Église. Elles n’appartiennent cependant pas au dĂ©pĂŽt de la foi. Leur rĂŽle n’est pas d’"amĂ©liorer" ou de "complĂ©ter" la RĂ©vĂ©lation dĂ©finitive du Christ, mais d’aider Ă  en vivre plus pleinement Ă  une certaine Ă©poque de l’histoire. (
) La foi chrĂ©tienne ne peut pas accepter des "rĂ©vĂ©lations" qui prĂ©tendent dĂ©passer ou corriger la RĂ©vĂ©lation dont le Christ est l’achĂšvement. C’est le cas de certaines religions non chrĂ©tiennes et aussi de certaines sectes rĂ©centes qui se fondent sur de telles "rĂ©vĂ©lations". »[19]

Les mormons estiment que la Bible a Ă©tĂ© partiellement altĂ©rĂ©e, qu'il y manque beaucoup de parties extrĂȘmement prĂ©cieuses[20]. Ils croient Ă  la nĂ©cessitĂ© de la rĂ©vĂ©lation continue, par laquelle Dieu continue Ă  se rĂ©vĂ©ler, rĂ©vĂ©lations contenues dans des ouvrages canoniques additionnels comme le Livre de Mormon, les Doctrine et Alliances et la Perle de Grand Prix, mais aussi au moyen de rĂ©vĂ©lations donnĂ©es aux prophĂštes contemporains dirigeant l'Église.

Selon les critiques, cette conception entre en conflit avec la Bible oĂč il est prĂ©cisĂ© que rien ne doit ĂȘtre ajoutĂ© Ă  ce livre (Apocalypse 22:18,19), ce qui signifie que la rĂ©vĂ©lation de Dieu aux hommes a pris fin avec la Bible et que Livre de Mormon est une tentative illĂ©gitime de la complĂ©ter.

Les mormons considĂšrent que la mise en garde de l'apĂŽtre Jean concerne uniquement l'Apocalypse. Dans l'Ancien Testament on trouve en effet des commandements du mĂȘme genre interdisant d'enlever ou d'ajouter aux paroles qui Ă©taient Ă©crites[21], bien qu'elles furent complĂ©tĂ©es par la suite.

Prophéties contestées

Les textes sacrés des mormons contiennent des prophéties qui ne se sont pas réalisées ou sont contestées ; ainsi, par exemple :

  • Le Missouri est qualifiĂ© de lieu des rassemblements des saints pour l'Ă©ternitĂ© mais les Mormons devront le quitter en 1833 : « Le pays de Missouri est le pays que j'ai dĂ©signĂ© et consacrĂ© au rassemblement des saints. C'est pourquoi ceci est la terre de promission et le lieu pour la ville de Sion (
). Independence est un lieu pour le temple. c'est pourquoi il est sage que la terre soit achetĂ©e par les saints afin qu'ils obtiennent ce pays en hĂ©ritage Ă©ternel[22]. »Les mormons rĂ©pondent que l'Écriture est toujours en vigueur, d'autant qu'ils sont revenus dans le Missouri oĂč la communautĂ© mormone est importante.
  • Le 19 janvier 1841, selon une nouvelle rĂ©vĂ©lation, les mormons se virent enjoints de construire le temple Ă  Nauvoo en Illinois : « Venez avec tout votre or et votre argent, vos pierres prĂ©cieuses
 je vous commande
 de me bĂątir une maison »[23] ; « En ce qui concerne l'hĂŽtel
 qu'il soit construit en mon nom
 et que mon serviteur Joseph et sa maison y aient une place de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration
 pour toujours et Ă  jamais dit le Seigneur »[24] ; mais en 1846, les mormons devront Ă  nouveau quitter cette terre promise par Dieu aux mormons pour l'Ă©ternitĂ©. Les mormons rĂ©pondent que l'Écriture est toujours en vigueur, d'autant que le temple de Nauvoo a Ă©tĂ© reconstruit.
  • Selon Joseph Smith : « Les habitants de la Lune sont d'une taille uniforme; environ 1,85 mĂštre. Ils s'habillent comme les quakers et suivent tous Ă  peu prĂšs cette mode; ils arrivent Ă  vivre trĂšs longtemps; environ 1 000 ans »[25]. Or, selon les mormons : « Vous recevrez sa parole [de Joseph Smith] en toute patience et avec une foi totale, comme si elle sortait de ma bouche[26]. » Les mormons rĂ©pondent qu'il ne s'agit pas d'une prophĂ©tie mais d'une opinion personnelle entendue par une seule personne, rapportĂ©e de bouche-Ă -oreille, jamais publiĂ©e du vivant de l'auteur et sans valeur doctrinale. Ils ajoutent que la croyance d'une Lune habitĂ©e Ă©tait courante Ă  l'Ă©poque et mĂȘme enseignĂ©e par les Églises[27].

D'autres prophéties des écrits sacrés mormons entrent en contradiction avec la Bible :

  • En 83 avant JĂ©sus-Christ, le Livre de Mormon annonce que JĂ©sus-Christ devait naĂźtre Ă  JĂ©rusalem[28] ; cependant, pour les ChrĂ©tiens, la Bible avait annoncĂ© au VIIIe siĂšcle av. J.-C. qu'il devait naĂźtre Ă  BethlĂ©em[29], oĂč selon les chrĂ©tiens, il naquit effectivement Ă  BethlĂ©em[30]. Les mormons rĂ©pondent qu'Ă  ce sujet le Livre de Mormon ne mentionne pas JĂ©rusalem comme ville mais comme pays : « Et voici, il naĂźtra de Marie, Ă  JĂ©rusalem, qui est le pays de nos ancĂȘtres » (Alma 7:10), ce qui inclut BethlĂ©em, distante de 8 kilomĂštres.
  • Le Livre de Mormon annonce trois jours de tĂ©nĂšbres sur toute la terre lors de la mort du Seigneur[31] alors que selon les Évangiles, il n'y eut que trois heures[32]. Les mormons rĂ©pondent que cette prophĂ©tie du Livre de Mormon ne concerne que le pays des NĂ©phites-Lamanites (voir HĂ©laman 14:20 et 3 NĂ©phi 8:3).

Livre de Mormon

Le Livre de Mormon est rejeté par les chrétiens non-mormons comme une tentative illégitime de compléter la parole de Dieu. En outre, il fait également l'objet de critiques théologiques spécifiques :

  • de nombreuses modifications ont progressivement Ă©tĂ© apportĂ©es au texte par Joseph Smith dans les Ă©ditions successives, ce qui, selon les critiques, est incompatible avec l'idĂ©e d'un livre traduit par la rĂ©vĂ©lation divine ; ce Ă  quoi les mormons rĂ©pondent que le don de traduction de Joseph Smith n'Ă©tait pas limitĂ© aux travaux prĂ©cĂ©dant la premiĂšre Ă©dition et que la presque totalitĂ© des modifications ont Ă©tĂ© des corrections typographiques, grammaticales, ajout de prĂ©cisions, refonte de la structure et suppression d'hĂ©braĂŻsmes[33].
  • des contradictions entre le Livre de Mormon et la Bible ; les mormons considĂšrent de leur cĂŽtĂ© qu'il n'y en a pas et s'emploient Ă  le dĂ©montrer ;
  • des contradictions avec la doctrine mormone actuelle ; idem.

Autorité

Saint Pierre recevant les clefs dans les PĂ©ricopes d'Henri II, illustration du XIe siĂšcle

Apostasie

Les chrĂ©tiens non-mormons soutiennent gĂ©nĂ©ralement que la vraie Église fut divinement Ă©tablie par JĂ©sus et qu'elle ne peut jamais disparaĂźtre de la terre. Catholiques, orthodoxes et anglicans croient Ă  la continuitĂ© littĂ©rale de l'Église primitive au travers de la succession apostolique. Pour les protestants, les institutions ecclĂ©siastiques sont des rĂ©alitĂ©s humaines et peuvent se tromper ; s'ils reconnaissent qu'il y a eu des temps de corruption et d'apostasie au sein du christianisme, ils croient qu'il est toujours restĂ© des fidĂšles au vĂ©ritable message de l'Évangile, ces fidĂšles constituant l'Église de Dieu peu importe l'Ă©tat des institutions religieuses.

Les mormons croient au contraire qu'il y a eu une grande apostasie, Ă  savoir la corruption gĂ©nĂ©rale et totale des principes de l'Église Ă©tablie par JĂ©sus-Christ. Cette situation nĂ©cessitait selon eux un rĂ©tablissement de l'Évangile originel par une nouvelle rĂ©vĂ©lation, appelĂ©e aussi "dispensation"[34]. Selon la doctrine mormone, il n'y aura cependant pas d'autre apostasie gĂ©nĂ©rale avant la seconde venue de JĂ©sus-Christ.

Pour les chrĂ©tiens non-mormons, une telle apostasie gĂ©nĂ©ralisĂ©e est impossible. À ce propos, l'auteur catholique Patrick Madrid Ă©crit : « Puisque le Christ est l'esprit et la tĂȘte de l'Église (Éph 4:15-16), animant le corps, les membres bĂ©nĂ©ficient d'une union spirituelle avec lui (Jean 15:1-8). Il est inconcevable qu'il permette que son corps se dĂ©sintĂšgre sous les attaques de Satan. L'apĂŽtre Jean nous rappelle que JĂ©sus est plus grand que Satan (1 Jean 4:4). »[35]

BaptĂȘme

Bien que la signification et la cĂ©rĂ©monie du baptĂȘme puissent varier lĂ©gĂšrement d'une Église chrĂ©tienne Ă  une autre, elles reconnaissent gĂ©nĂ©ralement l'authenticitĂ© du baptĂȘme s'il est effectuĂ© par une autre dĂ©nomination chrĂ©tienne, Ă  condition que celui-ci soit fait par l'eau et selon la formule trinitaire (au nom du PĂšre, du Fils et du Saint-Esprit). Si un chrĂ©tien rejoint une autre Église chrĂ©tienne, une profession de foi suffit gĂ©nĂ©ralement et il n'est pas rebaptisĂ© si son baptĂȘme est reconnu comme valide.

Les mormons considĂšrent que l'autoritĂ© de la prĂȘtrise est requise pour des ordonnances telles que le baptĂȘme et que celle-ci fait dĂ©faut aux autres Églises chrĂ©tiennes en raison de l'apostasie gĂ©nĂ©rale (voir ci-dessus). L'Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours ne reconnaĂźt donc pas le baptĂȘme effectuĂ© par les autres dĂ©nominations chrĂ©tiennes.

De mĂȘme, les Églises chrĂ©tiennes ne reconnaissent pas le baptĂȘme mormon comme valable. En 2001, la CongrĂ©gation pour la doctrine de la foi de l'Église catholique romaine a rendu un avis selon lequel le baptĂȘme effectuĂ© par l'Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours n'Ă©tait pas acceptĂ©[36] - [37]. Pour l'Église luthĂ©rienne Ă©vangĂ©lique en AmĂ©rique, « bien que les mormons fassent usage d'eau - et de beaucoup d'eau - et disent "le PĂšre, le Fils et le Saint-Esprit", leurs enseignements quant Ă  la nature de Dieu diffĂšrent de maniĂšre substantielle du credo orthodoxe chrĂ©tien. Puisque la comprĂ©hension mormone de la Parole de Dieu n'est pas la mĂȘme que la comprĂ©hension chrĂ©tienne, il est correct de dire que le baptĂȘme chrĂ©tien n'a pas eu lieu. »[38] La plupart des autres Églises protestantes ont Ă©galement publiĂ© des avis rejetant formellement le baptĂȘme mormon[39] - [40].

BaptĂȘme des morts

Afin de donner la possibilitĂ© aux dĂ©funts de recevoir les bĂ©nĂ©dictions de l'Évangile, les mormons baptisent les morts : un mormon prend temporairement l'identitĂ© d'un dĂ©funt et se fait baptiser. Le dĂ©funt peut alors accepter ou non ce sacrement. Cela pose le problĂšme de la remise en cause de la foi d'un mort ainsi que du caractĂšre confidentiel de ce baptĂȘme post-mortem. Certaines personnalitĂ©s ont ainsi Ă©tĂ© baptisĂ©es sans que leurs proches en soient avisĂ©es : le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, Guillaume Depardieu, Louis de FunĂšs; par ailleurs des baptĂȘmes post-mortem de victimes juives de la Shoah interrogent sur ces pratiques, certains Juifs survivants de l'Holocauste et des organisations juives ont critiquĂ© cette pratique. Par ailleurs, la pratique de microfilmage Ă  laquelle se livre l'Église mormone pour baptiser les morts a suscitĂ© quelques inquiĂ©tudes.

Certains mormons ont soumis des noms sans en avoir obtenu la permission au prĂ©alable. En dĂ©cembre 2002, la chercheuse indĂ©pendante Helen Radkey a publiĂ© un rapport montrant que, malgrĂ© la promesse de l'Église en 1995 de retirer les noms des victimes juives de l'Holocauste, sa base de donnĂ©es comprenait les noms de 19 000 personnes ayant entre 40 et 50 % de chances « d'ĂȘtre victimes de l'Holocauste
 en Russie, en Pologne, en France et en Autriche »[41] - [42]. Le gĂ©nĂ©alogiste Bernard Kouchel a consultĂ© l'index gĂ©nĂ©alogique international de l'Église mormone et a dĂ©couvert que de nombreux juifs bien connus avaient Ă©tĂ© baptisĂ©s par procuration, dont Maimonides, Albert Einstein et Irving Berlin, et ceci sans avoir obtenu la permission de la famille[43] - [44].

Des groupes juifs, dont le centre Simon-Wiesenthal, se sont prononcĂ©s contre le baptĂȘme par procuration des auteurs et des victimes de l'Holocauste au milieu des annĂ©es 1990 et encore dans les annĂ©es 2000 quand ils ont dĂ©couvert que cette pratique se poursuivait[45] - [46]. Le doyen associĂ© du Centre Simon-Wiesenthal, Abraham Cooper, s'est plaint que des personnages infĂąmes tels qu'Adolf Hitler et Eva Braun figuraient aussi sur les registres gĂ©nĂ©alogiques des mormons, dĂ©clarant : « Que ce soit officiel ou non, il n'en demeure pas moins que c'est exactement le genre d'activitĂ© qui a fĂąchĂ© et blessĂ©, vraiment, tant de victimes de l'Holocauste et a alarmĂ© la communautĂ© juive »[47] - [48]. En 2008, l'organisation Rassemblement amĂ©ricain des survivants de l'Holocauste a annoncĂ© qu'Ă©tant donnĂ© la violation, par les mormons, des accords qui avaient Ă©tĂ© conclus, elle ne nĂ©gocierait plus avec l'Église pour essayer d'empĂȘcher le baptĂȘme par procuration. Intervenant Ă  l'occasion de l'anniversaire de la Nuit de Cristal, Ernest Michel, un survivant de l'Holocauste qui a rendu compte des ProcĂšs de Nuremberg, en tant que prĂ©sident honoraire du Rassemblement amĂ©ricain des survivants de l'Holocauste, a appelĂ© l'Église mormone Ă  « mettre en place un systĂšme pour dĂ©faire ce qu'[ils] avaient fait », a dĂ©clarĂ© que l'Église avait violĂ© Ă  plusieurs reprises leurs accords et que les pourparlers avec les dirigeants mormons Ă©taient terminĂ©s. Il a prĂ©cisĂ© que les groupes juifs se tourneraient dĂ©sormais vers les cours de justice pour rĂ©gler cette question[49]. Michel qualifia cette pratique de rĂ©vision de l'histoire qui joue le jeu des nĂ©gationnistes de l'Holocauste, affirmant : « Ils me disent que la judĂ©itĂ© de mes parents n'a pas Ă©tĂ© altĂ©rĂ©e mais
 dans 100 ans, comment seront-ils capables de garantir que ma mĂšre et mon pĂšre [
], qui vĂ©curent en tant que Juifs et furent massacrĂ©s par Hitler sans autre raison qu'ĂȘtre Juifs, ne seront pas identifiĂ©s un jour comme victimes mormones de l'Holocauste ? »[49]. En fĂ©vrier 2012, cette question a refait surface lorsqu'il a Ă©tĂ© attestĂ© que les parents de Simon Wiesenthal, survivant de l'Holocauste et dĂ©fenseur des droits des Juifs, avaient Ă©tĂ© ajoutĂ©s Ă  la base de donnĂ©es gĂ©nĂ©alogiques[50]. Peu aprĂšs, il a Ă©tĂ© annoncĂ© dans la presse qu'Anne Frank avait Ă©tĂ© baptisĂ©e par procuration pour la neuviĂšme fois, au Temple de Saint-Domingue, en RĂ©publique Dominicaine[51].

En France, la pratique du microfilmage des archives publiques, que l'Église mormone effectuait depuis 1960, a fait l'objet de questionnements Ă  partir de 1981, dans un contexte de lutte naissante contre les sectes, si bien que la CNIL a diligentĂ© une enquĂȘte en Utah, laquelle a abouti Ă  un renouvellement de l'autorisation du microfilmage en 1987. L'historien Bernard Blandre, qui a Ă©tudiĂ© ce sujet, relĂšve cinq types d'arguments Ă©voquĂ©s dans les Ă©missions tĂ©lĂ©visĂ©es et les articles de journaux critiques Ă  l'Ă©gard de cette pratique : l'incomprĂ©hension et l'irritation vis-Ă -vis du baptĂȘme des morts, le gigantisme des moyens mis en Ɠuvre, le risque d'un monopole mormon sur les sources de recherches gĂ©nĂ©alogiques, l'aspect Ă©thique relatif au fait de dĂ©cider pour des morts, et l'Ă©ventualitĂ© d'une exploitation des donnĂ©es recueillies Ă  d'autres fins[52]. En 2008, une directive de la CongrĂ©gation vaticane pour le clergĂ© a Ă©tĂ© envoyĂ©e aux diocĂšses catholiques pour empĂȘcher l'Église mormone de microfilmer et de numĂ©riser les informations contenues dans les registres de sacrements catholiques de sorte que les personnes dont les noms y figurent ne reçoivent pas le baptĂȘme mormon.

De son cĂŽtĂ©, l'Église mormone a stipulĂ© dĂšs les annĂ©es 1990 Ă  ses adeptes, dans ses Ă©crits, de soumettre les noms de leurs propres ancĂȘtres uniquement pour les ordonnances, et Ă  demander la permission aux membres survivants de la famille pour les personnes dĂ©cĂ©dĂ©es au cours des 95 derniĂšres annĂ©es[53]. Des centaines de milliers de noms proposĂ©s mais qui ne respectaient pas cette politique ont Ă©tĂ© retirĂ©s des registres de l'Église[54]. L'apĂŽtre mormon Boyd K. Packer a dĂ©clarĂ© que l'Église avait Ă©tĂ© transparente sur sa pratique de l'utilisation des documents publics pour poursuivre le travail d'ordonnance au temple[55]. En 2003, D. Todd Christofferson, reprĂ©sentant de l'Église, a dit au New York Times que son organisation religieuse faisait tout son possible pour supprimer les noms proposĂ©s Ă  tort, mais qu'il n'Ă©tait pas possible de s'attendre Ă  ce que l'Église trouve tout le monde et que l'accord de 1995 n'incluait pas ce type de responsabilitĂ© sur la direction de l'Église[56]. Les responsables de l'Église ont ajoutĂ© que, conformĂ©ment Ă  l'accord de 1995, celle-ci avait retirĂ© de ses bases de donnĂ©es plus de 300 000 noms de victimes juives de l'Holocauste, et par la suite Ă©galement des noms identifiĂ©s ultĂ©rieurement par des groupes juifs. En 2008, les responsables de l'Église ont dĂ©clarĂ© qu'une nouvelle version de l'application FamilySearch avait Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e dans le but d'empĂȘcher la soumission de noms de victimes de l'Holocauste pour les ordonnances du temple[57].

PrĂȘtrise

La prĂȘtrise est l'autoritĂ© et le pouvoir que Dieu donne Ă  l'homme d'agir en toutes choses pour le salut de l'homme[58]. Le terme prĂȘtrise est un gĂ©nĂ©rique qui englobe tous les offices du sacerdoce, tous les ordres religieux : le diaconat, l'Ă©piscopat, l'apostolat, le patriarcat, etc. Les membres masculins de l’Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours qui dĂ©tiennent la prĂȘtrise sont organisĂ©s en collĂšges et ont l'autoritĂ© d'administrer les sacrements et d'exercer certaines fonctions administratives dans l'Église. Il y a selon les mormons deux types de prĂȘtrise dont les catholiques et protestants contestent qu'ils puissent la dĂ©tenir :

  • Jean Baptiste, sous la direction de Pierre, Jacques et Jean, aurait confĂ©rĂ© Ă  Joseph Smith et Ă  Oliver Cowdery la prĂȘtrise d'Aaron[59] ; or, la Bible affirme que la prĂȘtrise d'Aaron appartient exclusivement aux Juifs de la tribu de LĂ©vi et de la famille d'Aaron[60]. Selon les mormons, une restriction en vigueur Ă  une Ă©poque peut ĂȘtre divinement abandonnĂ©e Ă  une autre Ă©poque.
  • Pierre, Jacques et Jean auraient confĂ©rĂ© la prĂȘtrise de MelchisĂ©dech Ă  Joseph Smith et Ă  Oliver Cowdery[61] ; or, la Bible affirme que JĂ©sus-Christ est le seul possesseur de la prĂȘtrise de MelchisĂ©dech et qu'il ne la transmet pas[62]. Les mormons rĂ©pondent que la majoritĂ© des versions bibliques parlent d'un sacerdoce « immuable », « permanent », « perpĂ©tuel », « Ă©ternel » ou encore « inaliĂ©nable » lĂ  oĂč les versions Ostervald, Segond et Darby, seules dans ce cas, disent « non transmissible » (HĂ©breux 7:24). Ils ajoutent que la Bible ne dit pas explicitement que JĂ©sus soit le seul possesseur de la prĂȘtrise de MelchisĂ©dech.

Critiques scientifiques

Livre de Mormon

Les scientifiques rejettent les aspects « miraculeux » du rĂ©cit de Joseph Smith et avancent diverses explications possibles quant Ă  l'origine du Livre de Mormon : la rĂ©daction du livre par Joseph Smith de maniĂšre indĂ©pendante (l’ouvrage reflĂšterait certains aspects de sa vie), le plagiat Ă©ventuel d’autres ouvrages (comme le Manuscrit de Spaulding et Vue des HĂ©breux) ou l’assistance d’un proche plus instruit, comme Oliver Cowdery ou Sidney Rigdon.

L’Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours considĂšre que le Livre de Mormon est non seulement un texte religieux mais aussi un rĂ©cit historique. Cette croyance entre en contradiction avec les connaissances scientifiques tant en archĂ©ologie qu'en linguistique ou en gĂ©nĂ©tique des populations au sujet du peuplement de l'AmĂ©rique prĂ©colombienne.

Critiques des questions financiĂšres

Siùge de l'Église à Salt Lake City

L'Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours tire la majoritĂ© de ses revenus de dons de ses propres membres qui lui versent mensuellement une dĂźme reprĂ©sentant 10 % de leurs revenus, ainsi que des offrandes de jeĂ»ne (destinĂ©es Ă  l'aide aux dĂ©munis). Elle rĂ©colte aussi des bĂ©nĂ©fices dus Ă  des investissements financiers variĂ©s. Chaque paroisse mormone Ă  travers le monde est chargĂ©e de collecter la dĂźme de ses fidĂšles, et transfĂšre ensuite les fonds sur le compte bancaire de l'Église du pays concernĂ©. Ces fonds sont gĂ©rĂ©s, sous la supervision de l'Épiscopat prĂ©sident, par la direction des Affaires temporelles de la rĂ©gion concernĂ©e, qui dĂ©cide de leur rĂ©partition selon les besoins des paroisses locales. Les fonds de la dĂźme sont principalement utilisĂ©s pour

  • construire, entretenir et faire fonctionner les temples, les Ă©glises et d'autres bĂątiments
  • fournir des fonds de fonctionnement aux pieux (diocĂšses), aux paroisses et aux autres unitĂ©s de l'Église
  • l'Ɠuvre de prosĂ©lytisme
  • le fonctionnement des Ă©tablissements d'enseignement, des sĂ©minaires et des instituts de l'Église
  • l'impression et la distribution de la documentation pĂ©dagogique et didactique
  • l'Ɠuvre gĂ©nĂ©alogique et du temple

Une partie des revenus de l'Église (hors dĂźme) est thĂ©saurisĂ©e ou investie dans des projets commerciaux.

Non-publication du bilan financier

Plusieurs critiques de l'Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours lui reprochent son manque de transparence financiĂšre[63] - [64]. En effet, l'Église ne publie de bilan financier que dans les pays oĂč cela est requis par la loi, comme au Royaume-Uni oĂč l'audit financier est effectuĂ© par le bureau Grant Thorton. Il est donc impossible de savoir prĂ©cisĂ©ment quels sont ses avoirs. Seules circulent des estimations livrĂ©es par des journalistes d'investigation. Ainsi, en 1997, le Time Magazine estimait le capital de l'Église Ă  plus de 30 milliards de dollars et son chiffre d'affaires annuel Ă  5,9 milliards de dollars[65]. L'Église rĂ©agit en affirmant que ces chiffres Ă©taient « fortement exagĂ©rĂ©s »[66] mais ne communiqua aucun Ă©lĂ©ment financier. En 2002, le journal Les Échos estimait le chiffre d'affaires de l'Église Ă  « 4 milliards de dollars de revenus annuels nets d'impĂŽts », estimation « probablement infĂ©rieure Ă  la rĂ©alitĂ© »[67].

Holding financier

L'Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours possĂšde des milliers de lieux de culte Ă  travers le monde, 159 temples[68] ainsi que des institutions Ă©ducatives (principalement Brigham Young University). En outre, elle contrĂŽle de nombreuses entreprises commerciales, ce qui suscite diverses controverses. Ces sociĂ©tĂ©s sont gĂ©nĂ©ralement gĂ©rĂ©es au travers de la Deseret Management Corporation. On peut citer entre autres :

  • AgReserves Inc., le principal producteur de noix aux États-Unis[69]
  • Bonneville International Corporation, le 14e rĂ©seau de radio aux États-Unis[69]
  • Hawaii Reserves Inc., holding gĂ©rant des propriĂ©tĂ©s et compagnies dans l'État de Hawaii. Avec le Polynesian Cultural Center (principale attraction touristique de l'Ăźle)[70] et la Brigham Young University-Hawaii, le holding a gĂ©nĂ©rĂ© un revenu de 260 millions de dollars pour l'Ă©conomie de Hawaii en 2005[71]
  • Beneficial Financial Group, une compagnie d'assurance et de services financiers avec un capital de 3,1 milliards de dollars[72]
  • Deseret Morning News, le second quotidien d'Utah[73]
  • Deseret Book, Ă©diteur de livres et chaĂźne de librairies
  • Farmland Reserve Inc., qui possĂšde des terrains d'une superficie totale de 270 000 acres (1 093 km2) au Nebraska[74] et de 312 000 acres (1 263 km2) en Floride[69]
  • Zions Securities Corporation, qui possĂšde prĂšs de 280 000 m2 de bĂątiments commerciaux ainsi que 1100 appartements, principalement Ă  Salt Lake City[75]. La compagnie possĂšde le ZCMI Center Mall et le Crossroads Plaza, deux importants centres commerciaux. L'Église a rĂ©cemment annoncĂ© leur dĂ©molition afin de les remplacer par le vaste centre commercial City Creek Center[76] qui devrait ouvrir en 2011.

Dans un discours prononcĂ© en 1999, Gordon B. Hinckley reconnaĂźt que l'Église possĂšde des entreprises lucratives : « Ces entreprises sont-elles destinĂ©es Ă  faire des bĂ©nĂ©fices ? Oui, bien sĂ»r. Elles fonctionnent dans un monde compĂ©titif »[77]. Cependant, il justifie ces investissements par le fait que « certaines de ces entreprises rĂ©pondent directement aux besoins de l'Église. Par exemple, notre activitĂ© est la communication (
) VoilĂ  pourquoi nous possĂ©dons un journal, le Deseret News, qui est la plus ancienne entreprise d'Utah. Nous possĂ©dons Ă©galement des chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision et des stations de radio »[77].

En 1991, l'Arizona Republic publie une enquĂȘte "L'empire financier mormon" reprenant la liste d'une centaine de sociĂ©tĂ©s liĂ©es Ă  l'Église[78]. LĂ  oĂč les mormons voient une bĂ©nĂ©diction du Seigneur, les critiques s'inquiĂštent de la richesse et du pouvoir dĂ©tenu par l'Église au travers de son « empire financier »[63]. L'ex-mormon et historien D. Michael Quinn dĂ©crit ainsi les deux positions : « La hiĂ©rarchie mormone utilise Ă  prĂ©sent son influence dans le monde des affaires plus prĂ©cisĂ©ment et plus fortement que jamais auparavant. Il est difficile d'examiner (
) L'empire financier mormon des annĂ©es 90 sans un sentiment de crainte (
) À l'aube du XXIe siĂšcle, beaucoup de non-membres aux États-Unis et dans d'autres pays estiment l'Église engagĂ©e dans le colonialisme et l'impĂ©rialisme religieux. Cependant, pour le mormon converti, les finances de l'Église sont ce que le Seigneur a fait pour son peuple, son Église et royaume. Ces points de vue sont irrĂ©conciliables. »[79]

En consĂ©quence, un reproche communĂ©ment adressĂ© Ă  l'Église est celui de fonctionner davantage comme une multinationale soucieuse de son business que comme une structure religieuse dĂ©sintĂ©ressĂ©e. Selon Ryan Cragun, un ex-mormon sociologue Ă  l'UniversitĂ© de Tampa, le mormonisme « est une religion qui fait appel Ă  des hommes qui ont Ă©conomiquement rĂ©ussi en rĂ©compensant leur acuitĂ© financiĂšre avec le respect et des positions de prestige au sein de la religion ». Selon The Huffington Post, des ex-membres se plaignent que l'investissement financier dans les Ɠuvres charitables de l'Église soit limitĂ© alors que les opĂ©rations immobiliĂšres et de recherche de profit apparaissent largement prioritaires ; d'ailleurs, contrairement Ă  l'Église adventiste du septiĂšme jour, l'Église mormone n'a pas utilisĂ© son argent pour construire des hĂŽpitaux[80].

Financement des Autorités générales

L'Église admet indemniser les AutoritĂ©s gĂ©nĂ©rales (l'Ă©quivalent des cardinaux de l'Église catholique) et les prĂ©sidents de mission (environ 350 renouvelĂ©s tous les 3 ans), c'est-Ă -dire les personnes qui Ɠuvrent Ă  plein temps pour l'Église, mais parle d'« allocation d’entretien » (living allowance) et affirme qu'elle est « modeste »[81], sans en rĂ©vĂ©ler toutefois le montant. Une fuite de 2014 indique un montant de 120 000 dollars amĂ©ricains pour l'allocation d'entretien de base[82], auxquels il convient d'ajouter diffĂ©rentes sommes (dont une somme pour le logement, Ă©valuĂ©e Ă  826.92 dollars mensuels en 2000)[82]. L'Église considĂšre que l'indemnitĂ© octroyĂ©e aux AutoritĂ©s gĂ©nĂ©rales est donnĂ©e pour permettre de rĂ©aliser un devoir et non pour le rĂ©compenser. Pour les observateurs extĂ©rieurs, il s’agit d’un « clergĂ© payĂ© » mĂȘme si l’Église ne le considĂšre pas ainsi[83] et ce « systĂšme de salaires pour les autoritĂ©s gĂ©nĂ©rales de l’Église se poursuit depuis 1882 »[83], ce qui pousse les critiques Ă  dĂ©noncer l’hypocrisie de l’Église en la matiĂšre[84]. Pour les observateurs extĂ©rieurs, les AutoritĂ©s gĂ©nĂ©rales « peuvent Ă©galement recevoir un revenu significatif des livres qu'elles publient (
) les mormons achetant les livres Ă©crits par les AutoritĂ©s gĂ©nĂ©rales principalement en raison de l'office que dĂ©tient l'auteur plutĂŽt qu'en raison du contenu du livre. »[83].

Financement des missions

Le fait d'effectuer sa mission, ce qui est prĂ©sentĂ© comme un devoir par l'Église, repose sur la participation financiĂšre des familles qui doivent assumer les frais liĂ©s Ă  la mission du (de la) jeune fidĂšle, ainsi que sur les membres locaux qui sont encouragĂ©s Ă  prendre en charge ses repas. Selon l'auteur Alain Gillette, en demandant d'agir ainsi, l'Église mormone, pourtant riche, fait des Ă©conomies substantielles, laissant « ses fidĂšles impĂ©cunieux s'endetter pour subventionner cet exceptionnel prosĂ©lytisme »[85]. De plus, il a Ă©tĂ© rapportĂ© que l'Église avait refusĂ© l'accĂšs aux soins aux missionnaires lorsque ceux-ci souffraient physiquement ou psychologiquement, et il est frĂ©quent que ceux qui ont des problĂšmes de santĂ© lors de leur mission soient stigmatisĂ©s comme faibles spirituellement. De ce fait, malgrĂ© la crainte de reprĂ©sailles, certains mormons ayant contractĂ© une maladie lors de leur mission ont consultĂ© des juristes dans le but de poursuivre l'Église pour nĂ©gligence, tandis qu'un site de soutien, sickrms.com, a vu le jour[86].

Paiement de la dĂźme

Selon l'Ă©vĂȘque-prĂ©sident de l'Église, David Burton, environ un million de fidĂšles mormons versent la dĂźme, soit 10 % de tous leurs revenus, ce qui reprĂ©senterait une rentrĂ©e d'argent annuelle d'environ 3,2 milliards de dollars[87]. Or, un ancien adepte dont le tĂ©moignage a Ă©tĂ© publiĂ© sur Prevensectes.me critique l'importance que le versement de cet argent revĂȘt dans la doctrine[88] : en effet, alors que dans les autres religions le paiement de la dĂźme est souvent une dĂ©cision personnelle qui ne fait pas l'objet d'un contrĂŽle[89], le fidĂšle mormon qui dĂ©roge Ă  cette injonction n'obtiendra pas de postes de responsabilitĂ© au sein de l'Église, ne pourra pas enseigner Ă  la Brigham Young University, et ne pourra pas recevoir de lettre de recommandation pour accomplir ses ordonnances au temple, condition essentielle pour accĂ©der au plus haut degrĂ© de gloire ; de ce fait, l'Ă©vĂȘque ou prĂ©sident d'un pieu vĂ©rifie annuellement si chaque mormon a bien donnĂ© un paiement complet de cette dĂźme[90]. Selon Cragun, « il y a tout Ă  fait une pression parce que les mormons croient que cette personne [l'Ă©vĂȘque qui les interroge Ă  ce sujet]
 reçoit des rĂ©vĂ©lations directes de Dieu et sait s'ils mentent »[89].

Le non-respect du versement de la dĂźme peut conduire Ă  des reprĂ©sailles, comme l'atteste une ex-fidĂšle qui n'a pas Ă©tĂ© autorisĂ©e Ă  prendre part Ă  la CĂšne dominicale pendant un mois, a dĂ» en compensation effectuer le mĂ©nage de la chapelle durant cette pĂ©riode, et dit s'ĂȘtre ainsi senti humiliĂ©e[91]. En 1983, l'Église a publiĂ© un dĂ©pliant enjoignant chaque fidĂšle Ă  s'acquitter de cet impĂŽt, tandis qu'un officiel de l'Église a dĂ©clarĂ© : « Ceux qui ne versent pas automatiquement leur part convenue se radient eux-mĂȘmes des vrais avantages de la participation Ă  l'Église, et des bĂ©nĂ©dictions qui en dĂ©coulent » ; en consĂ©quence, certains foyers, principalement ceux aux revenus modestes, en viennent Ă  s'endetter pour conserver leur place au sein de l'Église et leur espĂ©rance de salut[92].

Critiques Ă©thiques

Situation des noirs

L’Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours a longtemps refusĂ© d’ordonner des personnes noires Ă  la prĂȘtrise (1844-1978), ce qui a suscitĂ© de nombreuses critiques face Ă  une disposition jugĂ©e raciste, jusqu’à son abrogation. Cette pratique est apparue du temps de Brigham Young, prophĂšte et second prĂ©sident de l'Église en 1844 et n'a disparu qu'en 1978, aprĂšs avoir suscitĂ© de nombreuses critiques.

Selon Brigham Young, la couleur noire Ă©tait liĂ©e Ă  une malĂ©diction divine sur la postĂ©ritĂ© de CaĂŻn, et si l'homme blanc s'unit avec une femme noire, il mĂ©riterait d'ĂȘtre dĂ©truit par Dieu. Toutefois, Brigham Young s'oppose aux mauvais traitements infligĂ©s aux Noirs par les Blancs.

Les thĂ©ories raciales de l'Église ont Ă©voluĂ© au fil des successions Ă  la prĂ©sidence de l'Église jusqu'au changement de position de 1978. Depuis cette date, l'Église condamne toute forme de racisme.

Massacre de Mountain Meadows

Au dĂ©but du mois de septembre 1857, une centaine d'Ă©migrants d'Arkansas et du Missouri en route pour la Californie campent Ă  l'extrĂ©mitĂ© sud de la vallĂ©e de Mountain Meadows, Ă  environ 500 km au sud de Salt Lake City. AprĂšs plusieurs Ă©chauffourĂ©es avec les Indiens, les Ă©migrants se prĂ©parent Ă  un siĂšge. De leur cĂŽtĂ©, les Indiens font appel au renfort de tribus voisines, mais bĂ©nĂ©ficient aussi du soutien de la communautĂ© mormone locale, et lancent un assaut consĂ©quent. Le 11 septembre, le camp des Ă©migrants dĂ©pose les armes. Selon les accords du traitĂ©, ils devaient se constituer prisonniers et ĂȘtre escortĂ©s par les miliciens mormons prĂ©sents Ă  Cedar City. Peu aprĂšs le dĂ©part de la caravane, les mormons et les Indiens assaillent les Ă©migrants dĂ©sarmĂ©s.

L'enquĂȘte attendra la fin de la Guerre de SĂ©cession pour aboutir et John D. Lee sera reconnu coupable du massacre et exĂ©cutĂ©. ParallĂšlement, au sein de la communautĂ© mormone l'affaire est portĂ©e devant le CollĂšge des douze apĂŽtres. Brigham Young, surnommĂ© le MoĂŻse AmĂ©ricain pour son rĂŽle dans l'installation des mormons dans l'Ouest amĂ©ricain, propose d'excommunier John D. Lee et Isaac C. Haight, jugĂ©s par leurs pairs responsables du massacre. La proposition est acceptĂ©e[93]. Lee sera rebaptisĂ© Ă  titre posthume en 1961[94].

Le motif prĂ©cis de ce massacre, en dehors de l'aveuglement religieux de quelques-uns, reste encore trouble aujourd'hui : ressentiment des mormons envers les Missouriens de la caravane, traitement exĂ©crable des Indiens d'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale par les Ă©migrants lĂ  oĂč les mormons entretiennent des relations plus stables, etc.

Le 12 septembre 2007, Ă  l'occasion du cent-cinquantenaire de l'Ă©vĂ©nement, l'Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours a reconnu la responsabilitĂ© de dirigeants locaux de l'Église de l'Ă©poque de l'Ă©vĂ©nement et a exprimĂ© ses regrets, non seulement pour le massacre, mais aussi vis-Ă -vis de la tribu indienne des PaĂŻutes, sur qui les coupables avaient fait porter la faute. Le porte-parole de l'Église a indiquĂ© qu'il est probable que les Indiens n'auraient pas participĂ© au massacre s'ils n'y avaient pas Ă©tĂ© encouragĂ©s et incitĂ©s par des dirigeants locaux de l'Église.

L'Église a par la mĂȘme occasion rappelĂ© qu'elle travaillait Ă  rĂ©aliser une Ă©tude sur ce massacre. Un Ă©lĂ©ment dĂ©jĂ  connu de cette Ă©tude est que Brigham Young, alors prĂ©sident de l'Église, avait envoyĂ© un message aux responsables de Mountain Meadows, leur commandant de ne pas interfĂ©rer avec le convoi d'immigrants, mais que ce message Ă©tait arrivĂ© trop tard.

Cette Ă©tude rĂ©vĂšle aussi que « la responsabilitĂ© du massacre incombait Ă  des dirigeants locaux de l'Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours Ă©tablis dans la rĂ©gion de Mountain Meadows qui dĂ©tenaient Ă©galement des postes civils et militaires, et Ă©galement Ă  des fidĂšles agissant sous leurs ordres »[95].

Soutien aux régimes autoritaires

La mission mormone d'Allemagne n'a pas souhaitĂ© s'opposer au nazisme et a soulignĂ© des parallĂšles entre leurs objectifs respectifs, tandis que l'Église mormone a dĂ©savouĂ© et mis beaucoup de temps Ă  rĂ©habiliter H. G. HĂŒbener, un mormon rĂ©sistant excommuniĂ© dĂšs son arrestation par les nazis puis dĂ©capitĂ© par ceux-ci[96]. De mĂȘme, David Conley Nelson, auteur de Moroni and The Svastika : Mormons in Nazi Germany, cite le cas de Max Reschke, un mormon qui a protĂ©gĂ© des Juifs et des Polonais, mais dont l'Église mormone n'a pas parlĂ©[97].

D'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, Gillette note que les mormons ont vu leurs effectifs augmenter dans les pays dirigĂ©s par l'extrĂȘme-droite, « lĂ  oĂč le fascisme progressait », citant l'exemple du Nicaragua Ă  l'Ă©poque de la dynastie Somoza ; il rapporte Ă©galement la satisfaction de l'adjoint de la mission mormone au Chili lors de l'accession au pouvoir de Pinochet, dĂ©clarant que celui-ci « mĂ©rit[ait] un grand coup de main ». De plus, l'Église mormone n'enseigne pas la non-violence : les fidĂšles ne sont pas objecteurs de conscience, des photos de combattants dĂ©corent parfois les halls de paroisse, tandis que les fidĂšles de l'Utah ont affichĂ© un soutien massif Ă  la guerre en Irak dans les premiers temps du conflit[98].

Rituels Ă©tranges et secrets

Les rituels qui se dĂ©roulent au temple doivent ĂȘtre tenus secrets. L'ex-mormone Deborah Laake rapporte que, lors d'une cĂ©rĂ©monie au temple, on lui a expliquĂ© ce qui lui arriverait au cas oĂč elle divulguerait les dĂ©tails de ces rituels. Elle cite le cas de Ross Peterson, un cadre de l'Église, qui fut menacĂ© d'excommunication pour s'ĂȘtre entretenu, avec un journaliste, sur les changements dans les rituels du temple. Par ailleurs, certains de ces rituels – aujourd'hui abandonnĂ©s – Ă©taient discutables selon Laake qui Ă©voque les « Ă©pouvantables « punitions » consistant Ă  se trancher la gorge ou Ă  s'arracher le cƓur, qui [l]'avaient Ă©branlĂ©e le jour de [s]on mariage »[99].

Présentation biaisée de sa propre histoire

Une analyse de l'ouvrage de B. H. Roberts (en) intitulĂ© Histoire de l'Église (en), lequel a Ă©tĂ© comparĂ© aux manuscrits originaux dont il est tirĂ©, a dĂ©montrĂ© que « plus de 62 000 mots » ont Ă©tĂ© ajoutĂ©s ou supprimĂ©s[100]. Sur la base de cette analyse, Jerald et Sandra Tanner soutiennent que l'Église dĂ©forme son histoire pour se prĂ©senter sous un jour plus favorable et affirment qu'il y a systĂ©matiquement une omission des Ă©vĂ©nements susceptible de dĂ©peindre Joseph Smith, le fondateur de l'Église, d'une maniĂšre nĂ©gative[101]. NĂ©anmoins, selon D. Michael Quinn, les mĂ©thodes utilisĂ©es par Roberts dans Histoire de l'Église, bien qu'imparfaites par rapport aux normes actuelles, n'Ă©taient pas des pratiques inhabituelles au XIXe siĂšcle av. J.-C., y compris par des historiens rĂ©putĂ©s[102].

Le couple Tanner cite l'utilisation sĂ©lective des dĂ©clarations de Brigham Young, prĂ©sentĂ©es de maniĂšre Ă  donner l'illusion qu'il Ă©tait en faveur des Noirs recevant la prĂȘtrise[103]; il dit Ă©galement que l'Église a tentĂ© de discrĂ©diter la preuve dĂ©montrant que Joseph Smith avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©, jugĂ© et reconnu coupable par un juge de paix Ă  Bainbridge, New York, en 1826[104]. Le couple a aussi pointĂ© du doigt des changements tels que la page de titre de l'Ă©dition de 1830 du Livre de Mormon qui dĂ©crivait Smith comme Ă©tant l'« auteur et propriĂ©taire » du livre, alors que dans les Ă©ditions suivantes, il Ă©tait simplement prĂ©sentĂ© comme Ă©tant le « traducteur »[105], ainsi que la description de l'habilitĂ© d'Oliver Cowdery Ă  utiliser la baguette divinatoire figurant dans l'Ă©dition de 1829 du Livre des Commandements (en) qui n'apparaĂźt pas dans la section correspondante de l'Ă©dition de 1835 de Doctrine et Alliances[106]. En rĂ©ponse Ă  la critique relative Ă  la mention « auteur et propriĂ©taire », l'organisme mormon apologiste FARMS (en) affirme que celle-ci Ă©tait conforme aux lois sur le droit d'auteur en vigueur en 1830[107].

Les Ostling considĂšrent comme des distorsions volontaires d'autres omissions, relevant que le manuel de l'Église largement distribuĂ© Enseignements des prĂ©sidents de l'Église : Brigham Young (en) omet toute mention de la polygamie de Young et que le rĂ©sumĂ© chronologique de sa vie comprend la date de son premier mariage, la date du dĂ©cĂšs de la premiĂšre Ă©pouse et la date du second mariage lĂ©gal, mais omet de mentionner les dizaines d'autres mariages contractĂ©s par Young[108]. En 1842, Willard Richards (en) a compilĂ© un certain nombre de documents dans le but de produire une histoire de l'Église mormone, notamment les divers rĂ©cits relatifs Ă  Zelph (en). Lorsqu'il combina ces rĂ©cits, Richards supprima les rĂ©fĂ©rences de Woodruff Ă  la colline de Cumorah ainsi que celles de Heber C. Kimball Ă  la « derniĂšre grande bataille avec les Lamanites »[109].

L'historien spĂ©cialiste du mormonisme D. Michael Quinn a accusĂ© les dirigeants de l'Église de demander aux historiens de dissimuler « les controverses et les difficultĂ©s du passĂ© mormon »[110] ; pareillement, le chercheur mormon Allen Roberts considĂšre que les dirigeants de l'Église « tentent de contrĂŽler les reprĂ©sentations du passĂ© mormon »[111]. Le professeur non mormon John Hallwas, de la Western Illinois University, a Ă©crit Ă  propos des historiens mormons : « [Ils] ne mentionnent pas l'intimidation, la tromperie, la rĂ©pression, le vol et la violence provenant du mormonisme, ou tout autre sujet susceptible de remettre en cause le caractĂšre sacrĂ© de l'expĂ©rience mormone »[112].

Toutefois, en 1969, la Western History Association (en) a publié l'observation, par l'historien juif Moses Rischin (en), d'une nouvelle tendance parmi les historiens mormons, celle de faire des récits plus objectifs[113]. Quinn estime que ce changement est à l'origine du terme « Nouvelle histoire mormone (en) », mais note quelques efforts antérieurs à cette date, notamment l'ouvrage de 1950 de Juanita Brooks (en) intitulé Le massacre de Mountain Meadows (en), publié par la Stanford University Press[114].

Critiques sur les questions liées à la sexualité

RĂŽle de la femme et polygamie

L’Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours considĂšre que l’homme et la femme ont des rĂŽles diffĂ©rents. Tout homme digne peut progressivement, Ă  partir de l'Ăąge de 12 ans, recevoir les diffĂ©rents offices de la prĂȘtrise et faire partie du clergĂ©.

Historiquement, de son origine en 1831 Ă  1889, l'Église a permis la polygamie sous le nom de mariage plural, ce qui lui a valu de nombreux problĂšmes avec les autoritĂ©s.

Certaines épouses plurales de Joseph Smith et des présidents de l'église sont par ailleurs adolescentes[115], particuliÚrement jeunes, ou bien déjà mariées[116].

Ces pratiques ont cependant été abandonnées, et l'église s'en justifie en indiquant notamment que Joseph Smith était initialement réticent mais que cela était un ordre de Dieu[117].

De nos jours, si la femme doit rester soumise Ă  son mari[118], ne peut faire partie du clergĂ© ou accĂ©der Ă  la prĂȘtrise, elle peut cependant avoir des responsabilitĂ©s dans l’Église dans des domaines comme l'entraide, l’enseignement, l'art et la culture. Elle peut aussi accĂ©der Ă  des positions dirigeantes dans l’organisation des femmes de l’Église (la SociĂ©tĂ© de secours), dans l'organisation des jeunes filles ou dans l’enseignement des jeunes enfants (la Primaire). Ces organisations restent nĂ©anmoins sous la supervision des dirigeants de la prĂȘtrise. Selon le CIAOSN, le travail Ă  l'extĂ©rieur de la femme peut ĂȘtre considĂ©rĂ© « dangereux pour sa fidĂ©litĂ© Ă  l'enseignement et Ă  la morale »[118].

Pour l'Union nationale des associations de dĂ©fense des familles et de l'individu victimes de sectes, l'Église s'est opposĂ©e Ă  une modification de la Constitution amĂ©ricaine en faveur des droits des femmes, l'E.R.A. (Equal Rights Amendment), l'ancien prĂ©sident de l'Église, Gordon B. Hinckley, alors apĂŽtre, ayant coordonnĂ© la campagne d'opposition[119]. Pour les mormons, cet argument est faible, l'Utah, État trĂšs majoritairement mormon jusqu'en 1986, ayant Ă©tĂ© l'un des premiers des États-Unis Ă  avoir accordĂ© le droit de vote aux femmes.

Dans certains mouvements dissidents, le rĂŽle de la femme peut varier de l’accĂšs Ă  la prĂȘtrise (CommunautĂ© du Christ) Ă  la polygamie (Église fondamentaliste de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours).

Perception de l'homosexualité

DĂšs le dĂ©but, le mormonisme a mis l’accent sur l’importance de la relation hĂ©tĂ©rosexuelle et du mariage puisque celui-ci est une condition nĂ©cessaire pour atteindre la vie Ă©ternelle, le degrĂ© le plus Ă©levĂ© dans la gloire cĂ©leste[120]. Cependant, le Livre de Mormon et les Doctrine et Alliances ne comportent aucune condamnation spĂ©cifique de l’homosexualitĂ© et l’Église semble peu se prĂ©occuper de la question avant 1959.

À partir de 1959, l’Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours multiplie les dĂ©clarations condamnant l’homosexualitĂ©. Ainsi dans les annĂ©es 1960, Spencer W. Kimball, futur 12e prĂ©sident de l’Église, la considĂšre comme une « maladie »[121] et un « pĂ©chĂ© odieux »[122]. L’apĂŽtre Boyd K. Packer, dans un discours en 1976, rĂ©Ă©ditĂ© en brochure et largement diffusĂ© dans l’Église Ă  partir de 1978, condamne sĂ©vĂšrement l’homosexualitĂ©[123]. Plusieurs de ces dĂ©clarations sont jugĂ©es homophobes par certains critiques. Ainsi, Affirmation, association ayant pour but de venir en aide aux homosexuels membres ou anciens membres de l'Église, accuse celle-ci d'avoir installĂ© un climat de haine ayant poussĂ© de nombreux jeunes mormons homosexuels Ă  se suicider, et reprend le nom et l'histoire de quelques-uns d'entre eux sur une page servant de mĂ©morial[124].

Plus rĂ©cemment, en 1995, l’apĂŽtre Dallin H. Oaks condamne la violence Ă  l’encontre des homosexuels[125]. Cependant, l’homosexualitĂ© reste sĂ©vĂšrement condamnĂ©e : la mĂȘme annĂ©e, l’apĂŽtre James E. Faust enseigne que le diable encourage le mauvais usage des fonctions sacrĂ©es de procrĂ©ation, dont l’homosexualitĂ©[126]. En 2004, Gordon B. Hinckley, 15e prĂ©sident de l’Église, prĂ©cise : « Nous ne sommes pas anti-gay. Nous sommes pro-famille. Disons les choses ainsi. Et nous aimons ces personnes et essayons de travailler avec elles pour les aider. Nous savons qu’elles ont un problĂšme. Nous voulons les aider Ă  rĂ©soudre ce problĂšme »[127].

En juillet 2007, l'Église a mis en ligne un fascicule intitulĂ© Dieu aime ses enfants destinĂ© Ă  faire comprendre sa position sur cette question. Ce document, qui avait Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© de trois autres (1974, 1983, 1992), explique que « l'Église ignore l'origine de l'homosexualitĂ© » et « admet que tous les gays ne peuvent pas changer leur orientation sexuelle » ; par ailleurs, il ne recommande pas le mariage aux personnes gays. Un dĂ©fenseur de la cause des saints des derniers jours homosexuels estime que la rĂ©vision de ce document prĂ©sente des « Ă©volutions positives », mĂȘme s'il pense que les points nĂ©gatifs restent majoritaires[128].

En fĂ©vrier 2010, l'Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours a lancĂ© le site "Mormons and Gays"[129] conçu pour aider les personnes Ă  tendance homosexuelle Ă  ĂȘtre des membres "dignes" et pratiquants de l'Église et pour que les autres membres de l'Église les considĂšrent et les traitent comme membres Ă  part entiĂšre de la communautĂ©.

Abus sexuels en son sein

Depuis les années 2000, des cas d'abus sexuels perpétrés par des membres masculins en situation d'autorité dans les églises locales, y compris des cas de pédophilie, ont été rapportés dans les médias.

Par exemple, en 2001, l'Église a versĂ© trois millions de dollars Ă  JĂ©rĂ©mie Scott aprĂšs que celui-ci eut intentĂ© une action en justice contre l'Église en 1998, afin que l'affaire ne se termine pas devant les tribunaux. Son avocat a dĂ©crit cette action comme une tentative dissimulation d'abus sexuel. L'Église a rejetĂ© sa responsabilitĂ© lĂ©gale dans cette affaire et a dĂ©clarĂ© que le contentieux se rĂšglerait uniquement sur l'aspect financier[130].

En septembre 2008, l'Ă©vĂȘque mormon Timothy McCleve a plaidĂ© coupable d'avoir agressĂ© sexuellement des enfants de sa paroisse et a Ă©tĂ© condamnĂ©, en dĂ©cembre 2008, Ă  15 ans de prison[131].

En mars 2010, l'ancien Ă©vĂȘque mormon Lon Kennard Sr. a Ă©tĂ© accusĂ© de 43 chefs d'accusation de violences sexuelles et d'exploitation sexuelle d'enfants et a Ă©tĂ© emprisonnĂ© dans le ComtĂ© de Wasatch, dans l'Utah. En novembre 2011, Kennard a Ă©tĂ© condamnĂ© aprĂšs avoir plaidĂ© coupable de trois chefs d'accusation de crime de sĂ©vices sexuels aggravĂ©s pour abus sexuel sur ses propres filles[132] - [133].

En dĂ©cembre 2013, l'Ă©vĂȘque mormon Todd Michael Edwards a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  trois ans de prison pour avoir agressĂ© deux adolescentes qui frĂ©quentaient son Ă©glise Ă  Menifee en Californie. Ayant plaidĂ© coupable, Edwards a reçu deux condamnations simultanĂ©es de trois ans de prison pour deux chefs d'accusation de gestes sexuels non consentis et de pĂ©nĂ©tration sexuelle avec un objet Ă©tranger, tandis que l'accusation de subornation de tĂ©moin a Ă©tĂ© rejetĂ©e[134].

En janvier 2014, deux hommes ont intentĂ© un procĂšs dans l'État amĂ©ricain de Hawaii contre l'Église, allĂ©guant qu'ils avaient Ă©tĂ© abusĂ©s sexuellement lorsqu'ils Ă©taient enfants dans une ferme appartenant Ă  l'Église, Ă  Maui, de 1986 Ă  1988[135].

En janvier 2014, l'ex-Ă©vĂȘque mormon Michael Wayne Coleman a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© et inculpĂ© pour avoir attirĂ© un mineur vers lui dans le but d'abuser de lui sexuellement, un examen de son ordinateur et de son portable ayant rĂ©vĂ©lĂ© un Ă©change de photographies nues avec un Ă©tudiant adolescent au BrĂ©sil[136].

En aoĂ»t 2017, l'ex-Ă©vĂȘque mormon Erik Hughes a plaidĂ© coupable d'avoir agressĂ© sexuellement deux adolescents de sa congrĂ©gation Ă  Mapleton dans l'Utah, les faits s'Ă©tant dĂ©roulĂ©s en juin 2014 pendant son mandat d'Ă©vĂȘque. Il a finalement Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  des peines allant de un Ă  15 ans d'emprisonnement pour abus sexuel sur mineur et de 0 Ă  5 ans d'emprisonnement pour subornation de tĂ©moin[137].

Le 15 aoĂ»t 2017, MormonLeaks (en) a publiĂ© un document de 316 pages contenant des cas confirmĂ©s et prĂ©sumĂ©s d'abus sexuels sur mineurs s'Ă©tant perpĂ©trĂ©s entre 1959 et 2017 au sein de l'Église[138].

Le 30 octobre 2017, un tribunal australien a condamné Darran Scott à dix ans de prison pour avoir agressé sexuellement des garçons, dont certains ont été rencontrés lorsqu'il était dirigeant mormon[139].

ConfrontĂ©e Ă  de tels cas, l'Église des saints des derniers jours a dĂ©clarĂ© sur son site que le comportement d'agression, qu'il soit physique, sexuel, verbal ou Ă©motionnel, Ă©tait un pĂ©chĂ© et qu'elle le condamnait sans rĂ©serve ; par ailleurs, elle a prĂ©cisĂ© que les victimes de maltraitance doivent le signaler Ă  leur Ă©vĂȘque et ĂȘtre assurĂ©es qu'elles ne sont pas Ă  blĂąmer pour ces abus[140]. En mars 2018, l'Église a publiĂ© ses ressources en matiĂšre d'abus sexuels destinĂ©es aux dirigeants des Ă©glises locales et publiĂ© un document d'information indiquant notamment que « les dirigeants de l'Église ne devraient jamais ignorer un abus ou conseiller Ă  un membre de ne pas signaler les activitĂ©s criminelles aux autoritĂ©s chargĂ©es de l'application de la loi »[141] - [142].

Critiques sur l'aspect sectaire

Procédures disciplinaires

Un membre jugĂ© dĂ©viant risque de se voir convoquĂ© devant un conseil de discipline, et ceci mĂȘme si son seul tort est d'avoir Ă©mis des critiques pertinentes sur son Église. Par exemple, en juin 2016, l'adepte Jeremy Runnells a Ă©tĂ© convoquĂ© devant ce type de conseil pour avoir rĂ©digĂ© une longue lettre relevant diverses incohĂ©rences doctrinales, Ă©tant de ce fait accusĂ© d'apostasie. Ainsi, le conseil disciplinaire peut se transformer en arme visant Ă  museler toute vellĂ©itĂ© de remise en question de l'enseignement mormon[143].

La procĂ©dure de discipline mise en Ɠuvre par le conseil disciplinaire comprend trois degrĂ©s : la probation, la disqualification, et l'excommunication, cette derniĂšre mesure sanctionnant les cas jugĂ©s les plus sĂ©rieux. Gillette estime que les excommuniĂ©s sont « marquĂ©s au fer rouge d'un ostracisme sans pitiĂ© ni charitĂ© », tandis que leur famille fait l'objet d'un « apitoiement parfois ostensible » de la part de la communautĂ©[144]. Des ex-membres tĂ©moignent du fait que quitter l'Église les a conduits Ă  ĂȘtre rejetĂ©s par leurs amis, leur famille et leurs collĂšgues de travail lorsque ceux-ci sont membres[145]. Aux États-Unis, l'ex-mormon Morris Bird a d'ailleurs mis en place, dĂšs 2014, des journĂ©es de rencontre entre sortants de groupes sectaires car il avait remarquĂ© les similitudes des expĂ©riences quel que soit le groupe, notamment le rejet familial[146].

Endoctrinement

Évoquant l'influence de l'Église sur le fidĂšle, Gillette parle d'« endoctrinement » et de « conditionnement des esprits » qui s'exercent notamment par un accaparement maximal du temps du fidĂšle, mĂȘme au dĂ©triment de ses objectifs personnels. Le dĂ©ploiement massif des activitĂ©s proposĂ©es par l'Église aboutit Ă  la formation d'une « culture-sujette soumise Ă  l'autoritĂ© souveraine de la hiĂ©rarchie », le but Ă©tant, selon lui, de donner l'illusion d'un libre arbitre afin de dissimuler ce qu'il nomme la « servitude adorĂ©e par les fidĂšles », l'individu ayant le sentiment d'en tirer profit. Finalement, l'emprise s'effectue Ă  travers « le rĂ©seau social et les contraintes idĂ©ologiques qui structurent toute communautĂ© mormone », ce qui conduit les fidĂšles Ă  adhĂ©rer « spontanĂ©ment » et « aveuglĂ©ment »[147]. Selon Marie Drilhon, prĂ©sidente de l'ADFI-Yvelines, le mouvement est « autoritaire, oĂč le contrĂŽle des personnes par la hiĂ©rarchie est trĂšs fort. Il n'y a pas de vraie libertĂ© de penser »[148].

Culpabilisation

L'association suisse InfoSekta reproche Ă  l'Église mormone sa façon dualiste d'aborder les problĂšmes, laquelle affirme que toutes les dĂ©cisions du groupe rĂ©sultent de la volontĂ© du Saint-Esprit ; en consĂ©quence, tout adepte qui n'est pas en accord avec celles-ci doit jeĂ»ner et prier intensĂ©ment, celui-ci Ă©tant systĂ©matiquement considĂ©rĂ© comme Ă©tant faible spirituellement, Ă©tant guidĂ© par ses propres dĂ©sirs, Ă©garĂ© par le Diable, etc. Avec le temps, cette vision manichĂ©enne est intĂ©riorisĂ©e par le fidĂšle, ce qui l'amĂšne Ă  ĂȘtre en proie Ă  des conflits internes et Ă  s'auto-dĂ©prĂ©cier, perdant ainsi confiance en ses propres capacitĂ©s. L'association conclut : « Encore une fois, la responsabilitĂ© repose uniquement sur l'individu. Si l'on n'est pas heureux, ce n'est pas le systĂšme qui, avec ses normes rigides, force trop l'individualitĂ© Ă  suivre des chemins prescrits, mais sa propre insuffisance Ă  s'adapter au « seul chemin qui rend heureux » »[149].

ContrÎle de la vie privée des adeptes

Aux États-Unis et au Royaume-Uni, des mormons et des ex-mormons se sont insurgĂ©s contre la politique de l'Église consistant parfois Ă  poser des questions indiscrĂštes aux jeunes membres, notamment en lien avec leur sexualitĂ©, tout comportement sexuel ou romantique hors mariage hĂ©tĂ©rosexuel Ă©tant proscrit. En 2018, plus de 800 manifestants se sont rassemblĂ©s devant le siĂšge de l'Église pour prĂ©senter une pĂ©tition signĂ©e par plus de 55 000 personnes demandant la fin des entretiens semestriels Ă  huis clos entre des dirigeants masculins de l'Église et les enfants et les adolescents, de nombreux membres ayant Ă©tĂ© interrogĂ©s sur leurs comportements sexuels et leurs pensĂ©es d'une maniĂšre qui leur semblait nuisible[150]. En gĂ©nĂ©ral, un Ă©vĂȘque mormon commence Ă  poser ce genre de questions aux jeunes qui ont atteint l'Ăąge de huit ans, puis ces entretiens se renouvellent annuellement jusqu'Ă  deux fois depuis l'Ăąge de douze ans jusqu'Ă  l'Ăąge adulte. Selon David Sheppard qui a grandi au sein de l'Église, ces confessions obligatoires induisent chez les jeunes un sentiment de culpabilitĂ©, d'autant que les autoritĂ©s mormones affirment que la masturbation et la pornographie sont des activitĂ©s sataniques ; il explique qu'il a subi un interrogatoire de six heures qui l'a rendu malade au cours duquel on lui a notamment demandĂ© s'il avait eu un orgasme et s'il avait touchĂ© une fille, et que finalement il s'est senti comme un dĂ©viant sexuel ou un pervers. De mĂȘme, Stephen Blomfield estime que ces « entretiens peuvent ĂȘtre vraiment embarrassants, intrusifs et stressants »[151]. En 2019, une ex-adepte française relate le cas de « l'un de [s]es amis adolescents qui se masturbait [qui] a dĂ» subir un entretien individuel mensuel et a eu interdiction de parler en public pendant un certain temps. Il l'a trĂšs mal vĂ©cu »[148].

Élitisme et culte de la personnalitĂ©

Marie Drilhon, prĂ©sidente de l'ADFI-Yvelines, estime que « les membres sont conscients de leur supĂ©rioritĂ© » et que « la conversion y est perçue comme un acte de charitĂ© envers le converti », tandis qu'un ex-adepte a dĂ©noncĂ© sur un site Internet, l'idolĂątrie dont font l'objet les dirigeants de l'Église, ce qui lui a valu une excommunication[148].

Suppression de la contestation interne

L'Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours a Ă©galement fait l'objet de critiques en raison des mesures disciplinaires qu'elle a prises Ă  l'encontre de membres qui avaient publiĂ© des articles ou des ouvrages remettant en cause l’histoire officielle de l'Église ou contestant certaines de ses doctrines. Plusieurs intellectuels ont Ă©tĂ© ainsi excommuniĂ©s en raison de leurs publications ou de l'expression publique de leurs opinions. Joan et Richard Ostling affirment que l'Église riposte contre les membres qui publient des informations ne respectant pas les politiques qu'elle Ă©dicte[152], citant les excommunications du scientifique Simon Southerton[153] et de la biographe Fawn McKay Brodie[154]. Ils disent aussi que l'Église porte atteinte Ă  la libertĂ© intellectuelle et qu'« aucune autre religion assez importante en AmĂ©rique ne surveille ses disciples de cette maniĂšre »[152]. Richard Abanes a Ă©tabli une liste des membres de l'Église qui ont Ă©tĂ© excommuniĂ©s ou censurĂ©s pour leurs points de vue jugĂ©s inacceptables pour la hiĂ©rarchie mormone[155] : la journaliste Deborah Laake pour son livre CĂ©rĂ©monies secrĂštes : Journal intime d'une femme chez les mormons ; Cecilia Konchar-Farr, une enseignante d'anglais Ă  la Brigham Young University, pour ses opinions sur les lois sur l'avortement ; l'Ă©crivain Janice Merrill Allred ; le professeur d'anglais Gail Houston ; l'anthropologue David Knowlton.

Épisode du September Six

Un des Ă©pisodes les plus marquants de la rĂ©pression de la contestation par l’Église fut sans doute l’affaire des « Six de Septembre » (The September Six). Durant le mois de septembre 1993, six intellectuels mormons renommĂ©s, connus pour leurs travaux et leurs Ă©crits, furent ainsi exclus de l’Église. Parmi eux se trouvaient l'historien D. Michael Quinn et trois femmes fĂ©ministes. Cinq d'entre eux furent excommuniĂ©s et une autre fut disqualifiĂ©e[156]. À des titres divers, tous furent condamnĂ©s pour hĂ©rĂ©sie, bien que les motifs n'aient pas Ă©tĂ© rendus publics. Ces exclusions remarquĂ©es ont Ă©tĂ© suivies d'une reprise en main Ă  tous les niveaux. D'autres intellectuels moins connus furent sanctionnĂ©s, dans la foulĂ©e, Ă  des Ă©chelons locaux. L'Église a portĂ© un coup d'arrĂȘt Ă  toute expression dissidente, aux progrĂšs du fĂ©minisme et Ă  la rĂ©vision de l'histoire officielle, et elle a repris, Ă  cette date, le contrĂŽle de ses intellectuels[157].

Limitation de la liberté d'expression à l'université Brigham Young

La libertĂ© acadĂ©mique Ă  l'universitĂ© Brigham Young, dĂ©pendant de l’Église, est Ă©galement l’objet de controverses. En 1992, l’universitĂ© a introduit une politique limitant l’expression critique envers les doctrines, la politique et les autoritĂ©s de l’Église. L’American Association of University Professors a publiĂ© un rapport examinant le cas de plusieurs professeurs ayant fait face Ă  de telles mesures et a conclu que « les violations de la libertĂ© acadĂ©mique Ă©taient terriblement communes et que la libertĂ© acadĂ©mique Ă©tait terriblement faible »[158]. En 2006, l'universitĂ© Brigham Young met un terme au contrat de Jeffrey Nielsen, professeur de philosophie, pour « avoir choisi de contredire et de s'opposer Ă  l'Église sur un sujet d'importance pour les autoritĂ©s de l'Église » en ayant soutenu le mariage homosexuel dans un article du Salt Lake Tribune[159].

Surveillance des membres critiques

Richard Abanes et les Ostling reprochent Ă  l'Église de maintenir un comitĂ© appelĂ© le Strengthening Church Members Committee (en) dirigĂ© par deux apĂŽtres de l'Église[155]. L'existence de ce comitĂ© a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e en 1991, lorsqu'un mĂ©mo de 1990 de l'Église y faisant rĂ©fĂ©rence a Ă©tĂ© mentionnĂ© dans la presse[160]. Le 6 aoĂ»t 1992, il a fait l'objet d'un examen dans le Sunstone (magazine) (en) par Lavina Fielding Anderson et Eugene England, alors professeur de BYU ; peu aprĂšs, The Salt Lake Tribune a publiĂ© des informations sur ce comitĂ© dans ses Ă©ditions du 8 et 15 aoĂ»t 1992. Selon les Ostling, le but de ce comitĂ© est de recueillir « les lettres Ă  l'Ă©diteur, d'autres Ă©crits, des citations dans les mĂ©dias et des activitĂ©s publiques » des membres de l'Église qui publient des opinions contraires Ă  la politique officielle de celle-ci[161] En rĂ©ponse, le porte-parole de l'Église Don LeFevre a reconnu l'existence de ce comitĂ©[162], a dit que celui-ci est chargĂ© de « re[cevoir] des plaintes des membres de l'Église au sujet des autres membres qui ont fait des dĂ©clarations susceptibles de causer du tort Ă  l'Église », et qu'il doit ensuite « transmettre l'information au chef ecclĂ©siastique de la personne en question » ; en outre, il a dit que le comitĂ© ne rendait pas de jugements ni n'imposait de pĂ©nalitĂ©s et que la discipline Ă©tait « entiĂšrement Ă  la discrĂ©tion des dirigeants locaux »[162]. Selon Eugene England, le vice-prĂ©sident de la BYU Stan Albrecht a dĂ©missionnĂ© en 1992 en partie Ă  cause de « la difficultĂ© Ă  mener une carriĂšre universitaire en raison des plaintes de la facultĂ© de religion BYU sur les Ă©crits d'autres professeurs, faites au Strengthening Church Members Committee ». England a connu d'autres personnes touchĂ©es par les activitĂ©s de ce comitĂ©, certains ayant consultĂ© leurs dossiers, l'un d'eux contenant des coupures de journaux sur le fait d'ĂȘtre un jeune dĂ©mocrate Ă  l'universitĂ©[163].

Ce comitĂ© est censĂ© ĂȘtre encore en activitĂ© et a Ă©tĂ© mentionnĂ© lors de la procĂ©dure disciplinaire de 2004 Ă  l'encontre de Grant H. Palmer, auteur de l'ouvrage critique An Insider's View of Mormon Origins, le comitĂ© ayant apparemment envoyĂ© un dossier sur Palmer Ă  son prĂ©sident de pieu[164] - [165].

En juin 2014, la chaĂźne KUTV a enquĂȘtĂ© pour savoir si ce comitĂ© Ă©tait impliquĂ© dans la discipline religieuse qui a touchĂ© plusieurs blogueurs et militants mormons ; or, il a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© que l'ancien prĂ©sident de pieu John Dehlin avait des coupures de journaux et une longue transcription de podcast. L'Église mormone a refusĂ© tout commentaire Ă  ce sujet, bien qu'un communiquĂ© de presse ait dĂ©clarĂ© prĂ©cĂ©demment que « les dĂ©cisions [Ă©taient] prises par les dirigeants locaux et non dirigĂ©es ou coordonnĂ©es par le siĂšge de l'Église »[166] - [167]. Plusieurs blogs suggĂšrent Ă©galement que le comitĂ© Ă©tait bel et bien impliquĂ©[168] - [169] - [170] - [171] The New York Times a dĂ©crit cet Ă©pisode comme une « rĂ©pression » impliquant « plus d'une douzaine de mormons » et cita Michael Otterson, reprĂ©sentant des affaires publiques de l'Église, qui affirma : « Il n'y a pas d'effort coordonnĂ© pour dire aux dirigeants locaux d'empĂȘcher leurs membres de bloguer ou de discuter de leurs questions en ligne »[172].

Notes et références

  1. « Les mormons sont-ils chrĂ©tiens ? », sur le site francophone de l'Église de JĂ©sus-Christ des saints des derniers jours (consultĂ© le )
  2. CĂ©line Hoyeau, « Qui sont les mormons ? », sur le site du journal La Croix, (consultĂ© le )
  3. Institute for Religious Research Le Mormonisme, est-il une religion chrétienne ?
  4. Joseph Smith, Enseignements du prophĂšte Joseph Smith, p. 300
  5. Doctrines et Alliances 130.22.
  6. Jean 4.24
  7. Luc 24.39.
  8. HĂ©breux 10.5.
  9. Joseph Smith, Enseignements du prophĂšte Joseph Smith, p. 279.
  10. As man now is, God once was: As God now is, man may be. (Lorenzo Snow, 1840)
  11. Le journal des discours, Vol VI sermon de J. Smith.
  12. La Perle de grand prix Abraham 4.1.
  13. « Car l'homme naturel est ennemi de Dieu, et l'est depuis la chute d'Adam, et le sera pour toujours et à jamais, à moins qu'il ne se rende aux persuasions de l'Esprit-Saint, et ne se dépouille de l'homme naturel, et ne devienne un saint par l'expiation du Christ, le Seigneur, et ne devienne semblable à un enfant, soumis, doux, humble, patient, plein d'amour, disposé à se soumettre à tout ce que le Seigneur juge bon de lui infliger, tout comme un enfant se soumet à son pÚre. » (Mosiah 3:19)
  14. « Adam tomba pour que les hommes fussent, et les hommes sont pour avoir de la joie. » (2 Néphi 2:25)
  15. Joseph Fielding Smith, The Ensign, Vol. 36 No. 1
  16. 1 Corinthiens, 13, 2.
  17. Article de foi n°3.
  18. L’Étoile, mai 1951 p.44-45).
  19. Le Christ JĂ©sus "MĂ©diateur et PlĂ©nitude de toute la RĂ©vĂ©lation", CatĂ©chisme de l'Église Catholique
  20. 1 NĂ©phi 13:26-29
  21. Deutéronome 4:2;12:32
  22. Doctrines et Alliances 57, 1-5.
  23. Doctrines et Alliances 124, 26-31.
  24. Doctrines et Alliances 124.56-59.
  25. Traduit du “journal of Oliver B. Huntington”, contemporain de Smith et fidĂšle mormon lui-mĂȘme. Ouvrage de la “Utah State Historical Society, Vol 2, p.166.
  26. Doctrines et Alliances 21.5
  27. Van Hale, Les mormons et les hommes de la Lune, Sunstone, vol. 7, n° 5, septembre-octobre 1982, p. 12-17
  28. Alma 7, 10.
  29. Michée 5, 2.
  30. Matthieu 2, 1.
  31. HĂ©laman 14, 20-27.
  32. Luc 23, 44.
  33. Marcel Kahne, "Changements dans le texte du Livre de Mormon", argumentaire non daté présent sur le site français "la feuille d'olivier"
  34. Dispensation : terme anglais tirĂ© de la Bible anglaise du roi Jacques (Ă©pitre de Paul aux ÉphĂ©siens, chapitre 1, verset 10). Dans la thĂ©ologie du mormonisme, une dispensation est une Ă©poque au cours de laquelle Dieu dispense ses rites sacrĂ©s par l'intermĂ©diaire d'au moins un serviteur autorisĂ© sur la terre, celui-ci dĂ©tenant les clefs de la Sainte PrĂȘtrise. Adam, HĂ©noc, NoĂ©, Abraham, MoĂŻse et JĂ©sus-Christ auraient ainsi chacun inaugurĂ© une nouvelle dispensation de l'Évangile. Selon la croyance mormone, quand Dieu organise une dispensation, il rĂ©vĂšle Ă  nouveau tout ce qui avait Ă©tĂ© prĂ©cĂ©demment rĂ©vĂ©lĂ© pour le salut de l'homme, et davantage
  35. Patrick Madrid, In Search of "The Great Apostasy"
  36. Josephus Card. Ratzinger, Responsum ad propositum dubium de validitate baptismatis, 2001
  37. Zenit, L'Église catholique ne reconnait pas le baptĂȘme mormon
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Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

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