AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Colonisation assistée

La colonisation assistĂ©e, ou migration assistĂ©e, est une stratĂ©gie utilisĂ©e en biologie de la conservation qui consiste en l’introduction intentionnelle d’espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales dans un milieu se trouvant en dehors de leurs aires de rĂ©partition originelles[1].

Ce processus de conservation s’intĂšgre dans un contexte de perte de biodiversitĂ© et de changement climatique. La colonisation assistĂ©e a pour but de littĂ©ralement venir en aide Ă  ces espĂšces en les dĂ©plaçant volontairement dans un nouveau milieu qui correspondra sur le long terme Ă  la niche Ă©cologique de l’espĂšce.

Contrairement Ă  d’autres mĂ©thodes de conservation qui ont pour but la rĂ©introduction des espĂšces au sein de leurs aires de rĂ©partition naturelle, la colonisation assistĂ©e prĂ©sente des risques consĂ©quents liĂ©s au fait que les espĂšces ou variĂ©tĂ©s dĂ©placĂ©es n’étaient pas primitivement prĂ©sentes dans le milieu colonisĂ©. Certaines mesures visent Ă  rĂ©duire ces risques, qui peuvent par exemple engendrer des prolifĂ©rations indĂ©sirables (problĂ©matiques d’espĂšces invasives) ou de la compĂ©tition due au recouvrement de niches Ă©cologiques d’espĂšces dĂ©jĂ  prĂ©sentes sur le site d’introduction par l’espĂšce colonisatrice.

La colonisation assistée est aussi parfois utilisée à des fins économiques[2] (cf. exemple sur les langoustes de Tasmanie).

La migration assistĂ©e reste majoritairement thĂ©orique, Ă  part pour quelques exemples d’applications[3]. Ceci est dĂ» au fait que cette stratĂ©gie de conservation est un sujet de dĂ©bat dans le domaine de l’environnement et de la conservation. Un consensus sur son acceptabilitĂ© n’a pas encore Ă©tĂ© atteint.

Contexte

En raison de l’urbanisation, de la fragmentation des habitats, de l’expansion de l’agriculture, ou encore de pollutions, la capacitĂ© des espĂšces Ă  survivre dans leurs habitats naturels peut ĂȘtre menacĂ©e. On observe dĂ©jĂ  aujourd’hui de nombreuses modifications dans l’aire de rĂ©partition de certaines espĂšces, cependant toutes ne sont pas capables de disperser ou de s’adapter suffisamment vite pour faire face au changement climatique et aux pressions anthropiques[4].

PrĂ©dictions de l’évolution globale des tempĂ©ratures Ă  la suite du changement climatique.

Prépondérance du changement climatique

Le moteur de la conceptualisation de la colonisation assistĂ©e a d’abord Ă©tĂ© la prise en compte du changement climatique par les conservationnistes, et l’anticipation des menaces pouvant entraĂźner certains taxons vers un vortex d'extinction. Le dĂ©bat persiste sur les capacitĂ©s de certaines espĂšces Ă  s’adapter au rĂ©chauffement global, notamment en raison des barriĂšres naturelles et anthropiques Ă  la migration.

En effet, celui-ci entraĂźne des modifications de conditions de vie. Ces modifications affectent souvent les tempĂ©ratures, ainsi que les cycles hydrologiques locaux. Par exemple, « au Canada, les limites climatiques de nombreuses essences forestiĂšres devraient se dĂ©placer d’environ 300 km vers le nord d’ici 2060[5]. » On s’attend notamment Ă  ce que la composition des forĂȘts quĂ©bĂ©coises soit modifiĂ©e : en effet, selon un mĂ©moire publiĂ© par le ministĂšre des Ressources naturelles du QuĂ©bec[6], 14 des 49 espĂšces arborescentes prĂ©sentes dans la province pourraient ĂȘtre dĂ©savantagĂ©es par la nouvelle rĂ©alitĂ© climatique d’ici 2100. Le changement climatique est donc en train de dĂ©placer et de rĂ©duire la taille des enveloppes climatiques de plusieurs espĂšces. La question se pose aussi pour les espĂšces qui suivent la montĂ©e en altitude pour compenser l’augmentation de tempĂ©rature, et qui se retrouvent parfois en quelque sorte cernĂ©es par les reliefs.

Menaces sur les espĂšces

Le potentiel d’impact se situe de l’ordre du gĂšne et des organismes, Ă  celui des populations, des communautĂ©s, et des Ă©cosystĂšmes[7]. Ce phĂ©nomĂšne rend les individus, les espĂšces, et les communautĂ©s plus vulnĂ©rables aux espĂšces envahissantes, aux Ă©pidĂ©mies, et au parasitisme[5]. Ce qui, ensuite, crĂ©e des stresses environnementaux pour lesquelles certaines espĂšces vĂ©gĂ©tales et animales ne sont pas adaptĂ©es[5]. De plus, si les stresses perdurent, les espĂšces vulnĂ©rables risqueraient de ne plus ĂȘtre en mesure de se rĂ©gĂ©nĂ©rer[5].

À force de stress, les espĂšces les plus vulnĂ©rables risquent d’atteindre des extinctions locales, qui ont le potentiel de devenir globale, privant d’autres espĂšces de ressources ou de niches, et entraĂźnant des dĂ©rĂšglements dans les dynamiques Ă©cologiques de leur Ă©cosystĂšme. Ces dĂ©rĂšglements pourraient engendrer une perte de fonctions Ă©cologiques, qui affecterait la santĂ© et la productivitĂ© des forĂȘts, ainsi que la biodiversitĂ© locale[5]. Ces dĂ©rĂšglements mĂšneraient ainsi Ă  une modification du paysage. Des forets pourraient devenir des savanes[8], qui pourraient finalement devenir des dĂ©serts.

Les points chauds de la biodiversitĂ©. Ce sont les zones comportant la biodiversitĂ© la plus riche. De ce fait, ce sont les zones les plus Ă  risques face au changement climatique, et nĂ©cessitant le plus d’étude pour des stratĂ©gies de conservation.

Cependant, en parallĂšle, le changement climatique crĂ©e des espaces propices Ă  la survie de ces espĂšces ailleurs. Ces nouveaux espaces peuvent se situer en bordure de leur espace de distribution habituel, tout comme ils peuvent se trouver Ă  plusieurs kilomĂštres ou sur d’autres continents, hors de portĂ©e pour une dispersion naturelle[7].

RĂ©ponses

Face Ă  ces nouvelles conditions, les espĂšces impliquĂ©es devraient assurer leur survie en migrant et colonisant de nouveaux espaces. Mais ce stratagĂšme n’est pas nĂ©cessaire pour tous. Les pressions environnementales ont toujours su ĂȘtre le vecteur de l’évolution naturelle, et certaines espĂšces possĂšdent le potentiel de s’adapter aux nouvelles conditions climatiques sans avoir Ă  quitter leur Ă©cosystĂšme actuel. Ce potentiel varie d’une espĂšce Ă  une autre. Entre autres, une Ă©tude a dĂ©terminĂ© que l’évolution de la tolĂ©rance Ă  de plus hautes tempĂ©rature parmi certaines espĂšces d’amphibiens et de reptiles permettrait probablement Ă  ces espĂšces de survivre Ă  une augmentation en tempĂ©rature de 3 °C sur 100 annĂ©es[9]. Cependant, le rythme d’évolution du changement climatique dĂ©passe celui de l’évolution naturelle de la majoritĂ© des espĂšces et des communautĂ©s, notamment les espĂšces vĂ©gĂ©tales[5]. Par exemple, au QuĂ©bec, le rythme de migration des espĂšces arborescentes est Ă©valuĂ© Ă  100 Ă  200 m/an, tandis que la vitesse de dĂ©placement du climat est estimĂ©e Ă  2 000 Ă  10 000 m/an[10].

Les espĂšces et les populations d’arbres forestiers devraient donc migrer plus rapidement que leur capacitĂ© naturelle. Par consĂ©quent, les stratĂ©gies d’adaptation au changement climatique, telles que la migration assistĂ©e, ont retenu l’attention depuis 2007[11]. Les espĂšces peuvent ĂȘtre exportĂ©es vers un habitat offrant un avenir climatique plus propice Ă  leur survie[5] ; ou inversement, des espĂšces sont importĂ©es pour leur diversitĂ© gĂ©nĂ©tique dĂ©jĂ  adaptĂ©e Ă  un climat plus chaud, afin de maintenir la productivitĂ© forestiĂšre locale[10].

La migration assistĂ©e est donc une mesure prĂ©ventive face au changement climatique, qui altĂšre les communautĂ©s et les conditions environnementales, et qui se fait Ă  une vitesse trop rapide pour l’écosystĂšme[12].

Des biologistes peuvent aussi implĂ©menter des espĂšces exotiques adaptĂ©es aux nouvelles conditions abiotiques, et capable de remplacer les fonctions Ă©cologiques des espĂšces locales stressĂ©es[10]. De cette maniĂšre les dynamiques de l’écosystĂšme restent relativement stables, et l’écosystĂšme peut conserver sa valeur ».

Terminologie

Brian J. Keel est le premier Ă  utiliser le terme de « migration assistĂ©e » dans sa thĂšse en 2007. Il plaide en faveur de l’utilisation de la migration assistĂ©e comme stratĂ©gie de conservation contre le changement climatique rapide :

« In these situations where plants are prevented from migration, human intervention will be necessary to prevent extinction. I call this intervention “assisted migration”, which is the employment of techniques to ensure the maintenance of plant populations in a changing global environment through the intentional creation of populations beyond the boundary of a plant’s present range. »[13]

Cependant, la terminologie du terme employĂ© par Keel est dĂ©battue car il peut prĂȘter Ă  confusion. En effet, en Ă©cologie le terme « migration » fait rĂ©fĂ©rence Ă  un phĂ©nomĂšne de dĂ©placement pĂ©riodique d’une espĂšce d’un endroit Ă  un autre. Cette dĂ©finition est en contradiction avec celle de la colonisation assistĂ©e, dans laquelle une espĂšce est dĂ©placĂ©e durablement et artificiellement, en dehors de son aire de rĂ©partition originelle, afin de fonder une nouvelle population.

Types d’application

La migration assistĂ©e a le potentiel d’ĂȘtre appliquĂ© aux espĂšces vĂ©gĂ©tales et animales. Cependant, elle est plus souvent appliquĂ©e aux espĂšces vĂ©gĂ©tales. Les animaux ont la capacitĂ© de se dĂ©placer pour atteindre des espaces plus propices Ă  leur survie, afin de trouver plus de nourriture, et de meilleure niche Ă©cologique[9]. Ils peuvent aussi se reproduire plus rapidement, en exprimant des mutations sĂ©lectionnant les plus adaptĂ©es[9]. Les espaces vĂ©gĂ©tales ne possĂšdent ces capacitĂ©s, et leur rythme d’évolution ne peut entrer en compĂ©tition avec le rythme de modification des caractĂ©ristiques abiotiques et biotiques de leur environnement[9] ; elles ont donc plus de besoins d’assistances.

La migration assistĂ©e offre trois types de procĂ©dĂ©s. La rĂ©introduction, l’introduction, et l’augmentation[14].

Les habitats cibles peuvent ĂȘtre une expansion de leur habitat originel, un habitat duquel ils ont connu une baisse d’effectif ou une extinction locale, ou un nouvel habitat qui n’a jamais soutenu cette espĂšce[15]. Dans tous les cas, l’habitat cible est caractĂ©risĂ© par des conditions propices Ă  la survie de l’espĂšce.

L’augmentation

L’augmentation a lieu lorsque la population atteint une densitĂ© trop basse pour assurer la survie de l’espĂšce via la reproduction, tout en risquant divers alĂ©as gĂ©nĂ©tiques tels que la consanguinitĂ© et l’homozygotie[14]. De nouveaux individus de la mĂȘme espĂšce sont introduits afin d’augmenter la diversitĂ© gĂ©nĂ©tique et l’accumulation d’individus.

Cependant, la prĂ©sence de membres de la mĂȘme espĂšce ne garantit pas que le nouvel habitat va convenir aux individus introduits, surtout si le manque d’effectif est causĂ© par une baisse de qualitĂ© de l’environnement. Dans ce cas-ci, le nouvel habitat empĂȘcherait l’établissement efficaces des nouveaux individus, et l’augmentation aurait de fortes chances d’ĂȘtre contre-productive[16].

La réintroduction

La rĂ©introduction consiste en l’importation d’une espĂšce dans un Ă©cosystĂšme dans lequel il habita, mais en fut extirpĂ©[16]. Puisque cet environnement l’a supportĂ© dans le passĂ©, on peut Ă©mettre l’hypothĂšse qu’il serait propice Ă  l’établissement de l’espĂšce. Cependant, comme prĂ©cĂ©demment, des facteurs sont Ă  considĂ©rer[16]. Avant de pratiquer ce stratagĂšme il est important de s’assurer que la cause de l’extinction locale a Ă©tĂ© traitĂ©e. Il est aussi important de s’assurer de l’authenticitĂ© des documents dĂ©crivant l’espĂšce comme ayant appartenu autrefois au site de rĂ©introduction. Finalement, il faut aussi s’assurer que l’habitat n’a pas subi de modification depuis le dĂ©clin de l’espĂšce[16].

L’introduction

Dans le cas de l’introduction, une espĂšce est introduite dans un Ă©cosystĂšme dans lequel elle n’a jamais habitĂ©. Ce procĂ©dĂ© peut ĂȘtre exercĂ© pour plusieurs raisons, tels que le biocontrĂŽle d’une espĂšce envahissante[14], la perpĂ©tuitĂ© de l’espĂšce, ou le remplacement d’une espĂšce disparue localement[16]. Ce procĂ©dĂ© est plus sensible, car l’impact de l’implantation est beaucoup plus difficile Ă  prĂ©voir. Si le sujet est mal Ă©tudiĂ©, il peut entraĂźner des dĂ©sastres Ă©cologiques pour l’écosystĂšme hĂŽte[16].

Enjeux

Ce concept offre des bĂ©nĂ©fices intĂ©ressants, tels que la prĂ©vention de l’extinction d’espĂšces ou de gĂ©notypes, la prĂ©servation de services Ă©cosystĂ©miques, ou la prĂ©servation de certaines industries, comme la foresterie[7]. Mais : « l’invasion d’essences dĂ©placĂ©es dans un nouvel Ă©cosystĂšme, l’introduction de nouveaux organismes nuisibles et maladies, l’échec de la translocation et la collecte excessive de semences ou de boutures provenant de populations sources »[5] posent problĂšmes. D’autres nĂ©gateurs soutiennent qu’il devrait y avoir une limite Ă  l’implication humaine, qui a causĂ© des catastrophes dans le passĂ©[15].

Échec de projet

La stratĂ©gie serait considĂ©rĂ©e comme un Ă©chec dans le cas d’un projet, si l’espĂšce introduite ne parvient pas Ă  survivre dans le nouvel Ă©cosystĂšme. Cela pourrait ĂȘtre dĂ» Ă  une mauvaise planification, ou Ă  un stress non-considĂ©rĂ©[15]. Il n’est pas facile d’acquĂ©rir toutes les connaissances concernant une espĂšce et ses interactions avec son habitat, ce qui rend l’étude des stress d’une migration difficile Ă  estimer. Il pourrait ĂȘtre causĂ© par le transport des individus, une dĂ©sorientation durant la mise en libertĂ©, ou un dĂ©lai entre la mise en libertĂ© et les premiĂšres pĂ©riodes de reproductions[15].

Une autre cause d’échec consisterait en un effort effectuĂ© inutilement Ă  la suite d'une mauvaise interprĂ©tation des prĂ©visions d’évolutions des niches climatiques. En effet, le fait qu’une espĂšce soit considĂ©rĂ© comme Ă©tant vulnĂ©rable au changement climatique Ă  cause d’une perte de surface de distribution ne signifie pas que la migration assistĂ©e est la stratĂ©gie propice Ă  son cas. Les conditions gĂ©ographiques doivent d’abord ĂȘtre prises en considĂ©rations pour Ă©valuer la combinaison des pertes et des gains en surface[3]. Une espĂšce qui ne perd pas d’habitat adĂ©quats ne nĂ©cessite pas d’implication humaine. Une espĂšce qui ne possĂ©dera pas de nouveaux espaces adĂ©quats hors de son champ de distribution actuelle ne nĂ©cessitera pas d’aide migratoire. Seule une espĂšce qui gagnerait, par le changement climatique, une quantitĂ© non nĂ©gligeable de territoires adĂ©quats, tout en perdant une quantitĂ© importante de territoires actuel, et en ayant des difficultĂ©s de dispersions est Ă©ligible Ă  une stratĂ©gie de migration assistĂ©e[3].

EspĂšces envahissantes

Un des contre-arguments les plus frĂ©quemment associĂ©s Ă  la migration assistĂ©e, est le fait que les espĂšces implĂ©mentĂ©es ont le potentiel de se comporter comme des espĂšces envahissantes. Une espĂšce envahissante est une espĂšce exotique venant d’un Ă©cosystĂšme, et s’implĂ©mentant dans un nouveau. Les espĂšces envahissantes ont la caractĂ©ristique de « trop bien s’adapter », et de devenir dominantes dans le nouvel Ă©cosystĂšme, au dĂ©triment des espĂšces natives[15].

Cependant, les espĂšces envahissantes ont souvent Ă©tĂ© la cause d’une introduction accidentelle. Un plan de stratĂ©gie incluant la migration assistĂ©e devrait faire l’objet d’une Ă©tude exhaustive, et prendre en compte ce risque en particulier. De ce fait, ce risque devrait prĂ©senter un potentiel minime avant d’entreprendre un tel projet[15]. De plus, une Ă©tude a mentionnĂ© que moins de 1 % des espĂšces ayant Ă©tĂ© introduites dans un nouvel environnement sont devenues envahissantes[17].

Hybridation

L’hybridation reprĂ©sente un autre contre-argument. L’hybridation a lieu lorsque l’espĂšce introduite est assez proche d’au moins d’une des espĂšces locales pour former des hybrides[1]. Une rĂ©percussion de cette hybridation est la dilution gĂ©nĂ©tique et l’assimilation, qui causerait l’extinction de certaines espĂšces. Il est estimĂ© que l’hybridation serait responsable d’au moins 31 % des extinction d’espĂšces de poissons d’eau douce en AmĂ©rique du Nord[1].

Le poids des risques et des bénéfices

Le changement climatique a le potentiel de causer la perte de plusieurs espĂšces, et que les mĂ©thodes habituelles de conservation pourraient ne pas protĂ©ger les espĂšces d’un dĂ©clin Ă©ventuel[3]. Les environnementalistes craignant les risques de la migration assistĂ©e proposent des mĂ©thodes alternatives, tels que la trame verte, ou le couloir Ă©cologique, afin de connecter diffĂ©rents habitats[18]. Cependant, la vitesse de ce changement Ă©tant grandissante, des habitats connectĂ©s pourraient ne pas ĂȘtre suffisants face Ă  cette menace. Le principe de prĂ©caution est aussi appelĂ© face Ă  la stratĂ©gie de la migration assistĂ©e[15]. Cependant, la situation est trop dĂ©licate pour se baser sur les stratĂ©gies actuelles. Il est donc nĂ©cessaire de considĂ©rer la migration assistĂ©e, mais uniquement sous des conditions bien Ă©tudiĂ©es, et avec un plan de suivi sur plusieurs annĂ©es.

Trois points de vue principaux sur l’utilisation de la colonisation assistĂ©e existent au sein de la communautĂ© scientifique:

  • La colonisation assistĂ©e est nĂ©cessaire et doit inclure un dĂ©placement extensif d’espĂšces au-delĂ  de leurs distributions actuelles. Les partisans de cette approche soutiennent que la colonisation assistĂ©e est une action nĂ©cessaire pour lutter contre le changement climatique et les perturbations dues Ă  l’activitĂ© humaine.
  • La mĂ©thode prĂ©cĂ©dente est trop agressive. Les partisans prĂŽnent une approche permettant d’équilibrer risques et avantages de la colonisation assistĂ©e.
  • La colonisation assistĂ©e doit ĂȘtre Ă©vitĂ©e. Les dĂ©fenseurs de cette approche considĂšrent que les connaissances scientifiques actuelles et la limitation des technologies disponibles ne permettent pas de prĂ©dire correctement l’impact et les effets Ă  moyen terme de l’assistance Ă  la colonisation. Les dĂ©fenseurs de cette thĂšse estiment que les risques de mise en place de la colonisation assistĂ©e sont trop Ă©levĂ©s compte tenu des difficultĂ©s Ă  prĂ©voir les rĂ©gions cibles, du manque de donnĂ©es disponibles qui permettraient de modĂ©liser les enveloppes climatiques de la plupart des espĂšces, et des incertitudes dans les prĂ©visions climatiques.

Conditions et mĂ©thodes d’application

Selon les directives IUCN[19] - [20], la colonisation assistĂ©e ne doit ĂȘtre utilisĂ©e qu’en dernier recours, par exemple dans des cas extrĂȘmes afin d’éviter l’extinction d’une espĂšce ou lorsqu’il ne reste plus aucune zone habitable dans l’aire de rĂ©partition naturelle de l’espĂšce. En consĂ©quence, seules les espĂšces dont la probabilitĂ© d’extinction est importante, ou les espĂšces clefs de voĂ»te (celles ayant un rĂŽle Ă©cologique essentiel) ainsi que les espĂšces peu rĂ©silientes sont concernĂ©es par cette mĂ©thode.

Aujourd’hui, une approche relevant du champ de l’écologie fonctionnelle tend Ă  s’imposer. En effet la colonisation assistĂ©e peut recevoir une prioritĂ© plus Ă©levĂ©e dans les stratĂ©gies d’adaptation au changement climatique si les taxons dĂ©placĂ©s remplissent des fonctions Ă©cologiques essentielles, plutĂŽt que d’avoir peu d’avantages collatĂ©raux, ou mĂȘme des effets nĂ©fastes. (Cf exemples)

La gestion des populations dĂ©placĂ©es aprĂšs la colonisation nĂ©cessitera un suivi rĂ©gulier, mais l’intervention humaine est la premiĂšre Ă©tape pour aider les espĂšces Ă  se dĂ©placer Ă  mesure que le climat change.

Outre les effets physiologiques directs sur les organismes et les modifications de la condition physique, le changement climatique affectera de nombreuses espĂšces par le biais d’impacts indirects sur la structure, les fonctions et les processus de l’écosystĂšme. Les changements dans l’abondance des espĂšces dominantes, des espĂšces de base et des espĂšces clĂ©s modifieront ces processus, ce qui affectera de nombreux organismes associĂ©s.

L’examen des stratĂ©gies d’adaptation aux changements climatiques fournit un large Ă©ventail d’approches pour le maintien de processus Ă©cologiques, telles que le cycle des Ă©lĂ©ments nutritifs, l’hydrologie, les interactions entre espĂšces, la fourniture d'habitat, la dispersion et les perturbations. Des Ă©cologistes du paysage et de la restauration ont ainsi proposĂ© que la vĂ©gĂ©tation soit rĂ©tablie et restaurĂ©e aux niveaux locaux et rĂ©gionaux pour amĂ©liorer les processus et les fonctions Ă©cologiques susceptibles de maintenir la biodiversitĂ©. Mais le rĂ©chauffement global altĂšre aussi les communautĂ©s vĂ©gĂ©tales. La relocalisation des taxons peut alors ĂȘtre entreprise pour assurer des fonctions Ă©cologiques directement affectĂ©es par le changement climatique ou lorsqu’il exacerbe d’autres causes de dĂ©clin, telles que la fragmentation ou la salinisation.

Par exemple, considĂ©rons une espĂšce d’arbre qui est en dĂ©clin et qui fournit des nids Ă  une communautĂ© d’oiseaux. L’approche fonctionnelle vise Ă  trouver quelles espĂšces d’arbres pourraient persister dans la rĂ©gion Ă  l’avenir pour fournir un habitat de nidification aux oiseaux, et pourrait inclure l’option d’introduire plusieurs espĂšces, si plusieurs espĂšces sont capables de remplir la fonction souhaitĂ©e.

NĂ©anmoins, il est nĂ©cessaire de comprendre les stratĂ©gies adaptatives pour les espĂšces confrontĂ©es Ă  des changements de climat, par des expĂ©riences de transplantation Ă  grande Ă©chelle. Ces expĂ©riences prennent du temps et sont coĂ»teuses, mais elles seront essentielles Ă  la mise en place d’un programme efficace de migration assistĂ©e.

L’idiosyncrasie de la biologie des espĂšces empĂȘche l’élaboration de plans de migration assistĂ©e adaptĂ©s Ă  chacune des nombreuses espĂšces susceptibles d’ĂȘtre menacĂ©es par le changement climatique. Par consĂ©quent, les gestionnaires seront obligĂ©s de gĂ©nĂ©raliser les stratĂ©gies prĂ©vues en fonction de grandes catĂ©gories de caractĂ©ristiques du cycle vital. On peut imaginer que les futurs « biologistes de la migration assistĂ©e » se retrouvent dans une position similaire Ă  celle des biologistes des espĂšces envahissantes actuels : rechercher des gĂ©nĂ©ralisations thĂ©oriques et lutter avec des idiosyncrasies imprĂ©vues dans la pratique[21] - [22] - [23] - [24].

Plusieurs protocoles ont Ă©tĂ© mis au point lors d’étude portant sur l’application responsable de le migration assistĂ©e, afin de guider des dĂ©cisions Ă  propos des situations et des pĂ©riodes adĂ©quates pour la migration assistĂ©e, ainsi que pour la planification du projet s’il est dĂ©crĂ©tĂ© faisable[3].

Conditions géographiques

Selon la rĂ©partition des espaces d’origines, et des espaces potentiels, le potentiel d’action de la migration assistĂ©e peut varier. En effet, si les changements climatiques induisent une faible ou forte perte d’espace aux conditions adĂ©quates dans l’espace d’origine, ainsi qu’un faible gain d’espace potentiel, les espĂšces ne gagneraient pas Ă  ĂȘtre transportĂ©es ailleurs[3]. De mĂȘme, si les changements climatiques causent une faible perte d’espace aux conditions adĂ©quates dans l’espace d’origine, ainsi qu’un fort gain d’espace potentiel, la migration assistĂ©e ne devrait pas ĂȘtre appliquĂ©e[3].

Cependant, si une perte importante d’espace aux conditions adĂ©quates dans l’espace d’origine et d’espaces propices est estimĂ©e, la migration assistĂ©e devient un candidat de stratĂ©gie de conservation d’espĂšce[3]. L’étude d’HĂ€llfors (2017)[3] prĂ©sente une figure reprĂ©sentant bien ces conditions.

Protocole

Une Ă©tude[17] sur la propagation d’espĂšces vĂ©gĂ©tales Ă  graines a Ă©laborĂ© un protocole Ă  suivre avant de dĂ©terminer la possibilitĂ© d’appliquer la migration assistĂ©e Ă  un projet de conservation. Le protocole est le suivant.

DĂ©veloppement d’une liste d’espĂšces de base

Lors de cette Ă©tape, l’importance est portĂ©e sur la collecte d’une banque de donnĂ©e sur les graines prĂ©sentes sur le site, ainsi que leur localisation. Plusieurs banques de donnĂ©es ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©tablies. Le Millennium Seed Bank Project des Jardins botaniques royaux de Kew a pour but de collectionner et mettre en banque les graines de 35 % des plantes mondiales[17].

Cela commence par la compilation d’une liste des espĂšces porteuses de graines sur le lieu investit, suivi de l’élimination d’espĂšces hybrides ou non-native, l’élimination d’espĂšce Ă  graines rĂ©calcitrantes, et la hiĂ©rarchisation des espĂšces selon leur importance dans la communautĂ©.

La compilation nécessite un protocole de collection de graine assez minutieux et précis qui comprend :

  • la capture de 95 % de la diversitĂ© gĂ©nĂ©tique de chaque espĂšce ;
  • collection restreinte, qui laisse des graines sur le terrain qui pourront germer et produire les gĂ©nĂ©rations futures ;
  • collection sur plusieurs annĂ©es, afin d’avoir un minimum de 3 000 graines, en gardant un but optimal de 30 000 ;
  • collection de graines toujours matures ;
  • collection reprĂ©sentant les gradients de densitĂ© du site ;
  • les coordonnĂ©es GPS associĂ©es Ă  chaque collection.
EspĂšces importantes Ă  la restauration

Au cours de cette Ă©tape, on dĂ©termine quelles espĂšces sont importantes pour la restauration du site. En utilisant la liste rĂ©sultant de la premiĂšre Ă©tape, on identifie les espĂšces pionniĂšres non-agressive qui sont utilisĂ©es en restauration, les espĂšces les plus conservatives qui sont souvent utilisĂ©es dans des projets de restauration, et les espĂšces non-agressives qui sont aux lisiĂšres de l’espace.

EspÚces avec un bénéfice potentiel pour la migration assistée

AprĂšs la deuxiĂšme Ă©tape, on priorise la liste selon les espĂšces qui ont :

  • des risques gĂ©ographiques ;
  • des contraintes dans leur histoire de vie ;
  • des limites de dispersion ;
  • un taxon trĂšs conservateur ;
  • des distributions trĂšs fragmentĂ©es ;
  • une abondance restreinte Ă  l’emplacement Ă©tudiĂ©.

Détermination des priorités de collection au niveau de la population.

Au cours de cette Ă©tape, on crĂ©e un modĂšle de distribution Ă  l’aide d’un systĂšme d’information gĂ©ographique pour espĂšces dans les lisiĂšres du site, dans les zones en dehors des futures estimations climatiques, et dans les zones non-protĂ©gĂ©es.

Implémentation de la stratégie de migration assistée

Au cours de cette etape, on peut entreprendre un protocole de correspondance d’habitat Ă  l’aide du systĂšme d’information gĂ©ographique.

Exemples

Exemples de succĂšs Ă©cologiques

En tant que mĂ©thode de conservation controversĂ©e, la colonisation assistĂ©e n’est encore qu’à ses dĂ©buts, de nombreuses Ă©tudes sont menĂ©es par la communautĂ© scientifique, dont voici quelques exemples. Cette liste non exhaustive reprend des Ă©tudes menĂ©es chez diffĂ©rents taxons et avec des motivations Ă©cologique ou Ă©conomique.

Les Pins du Mexique

Carte de répartition de Pinus pseudostrobus, en vert[25].

Les changements climatiques globaux vont perturber l’équilibre Ă©tabli entre les populations forestiĂšres et le climat pour lequel ils sont adaptĂ©s, pouvant induire une dĂ©tĂ©rioration progressive des forĂȘts engendrant ainsi des consĂ©quences Ă©cologiques et Ă©conomiques.

Afin d’anticiper ce phĂ©nomĂšne, en 2015, une Ă©quipe de recherche a expĂ©rimentĂ© la colonisation assistĂ©e sur trois espĂšces de Pins — Pinus pseudostrobus, Pinus leiophylla et Pinus devoniana — dans les montagnes du Mexique[26].

Naturellement, ces trois espĂšces sont rĂ©parties le long d’un gradient d’altitude entre 2 900 m et 1 650 m, avec la dominance, de haut en bas, de P. pseudostrobus, puis de P. leiophylla et enfin de P. devoniana[26]. À la suite d'une colonisation assistĂ©e ascendante de 300 mĂštres d’altitude (plantation de pins entre 3 200 et 1 950 m), la survie moyenne chez les trois espĂšces est de 79,6 %, avec une diffĂ©renciation gĂ©nĂ©tique notable, majoritairement due Ă  la pression sĂ©lective exercĂ©e par les variations de tempĂ©ratures. Cette diversitĂ© gĂ©nĂ©tique traduit l’adaptation des pins Ă  leur nouvel environnement, par sĂ©lection naturelle.

Les Papillons d’Angleterre

Melanargia galathea

Entre 2000 et 2008, une Ă©tude a Ă©tĂ© menĂ©e sur la colonisation assistĂ©e de deux espĂšces de papillons britanniques : Melanargia galathea et Thymelicus sylvestris au nord de l’Angleterre[27].

Thymelicus sylvestris

Les deux espĂšces ont Ă©tĂ© introduites, respectivement, Ă  65 km et 35 km au nord de leur aire de rĂ©partition naturelle, dans des zones respectant leur niche Ă©cologique respective. Le suivi des populations au sein des sites d’introduction a permis de montrer que, chez les deux espĂšces, le taux de croissance de la population assistĂ©e Ă©tait Ă©quivalent Ă  celui d’une population naturelle. De plus, entre 2000 et 2006, les individus se sont dispersĂ©s, augmentant l’aire de distribution de M. galathea de 7,2 Ă  17,8 ha et celle de T. sylvestris de 0,17 Ă  3,64 ha[27].

Ainsi, dans ce cas d’étude, la colonisation assistĂ©e semble ĂȘtre un succĂšs, avec le maintien des populations aprĂšs huit gĂ©nĂ©rations (2000-2008) et l’élargissement de leur aire de rĂ©partition.

Les Langoustes de Tasmanie

Entre 2005 et 2007, une expĂ©rience a Ă©tĂ© menĂ©e dans le sud de la Tasmanie, visant Ă  augmenter la production issue de la pĂȘcherie de la langouste australe : Jasus edwardsii, tout en augmentant la rĂ©silience de ces populations face aux changements climatiques[2].

Langouste australe, Jasus edwardsii

Ainsi, 5 747 langoustes femelles matures ont Ă©tĂ© dĂ©placĂ©es depuis Maatsuyker Islands (en) vers deux sites Ă  des latitudes supĂ©rieures : Riedle Bay (ceb) et Taroona Reserve (en), respectivement Ă  185 km et 120 km de Maatsuyker Island. Ce changement d’environnement (tempĂ©rature, salinitĂ© de l’eau), mais Ă©galement le type, l’abondance et la qualitĂ© des proies ainsi que la disponibilitĂ© et le type de refuges ont affectĂ© le cycle de vie des langoustes.

Ainsi, en rĂ©ponse au stress environnemental, les langoustes ont optimisĂ© l’allocation d’énergie Ă  la croissance au dĂ©triment de la reproduction (notion de trade-off). En effet, la premiĂšre annĂ©e, la croissance de J. edwardsii est passĂ©e de 3 Ă  6 mm par an tandis que 50 % ne se sont pas reproduit cette annĂ©e[2]. À partir de la deuxiĂšme annĂ©e, 93 % des femelles qui ne se sont pas reproduites la premiĂšre annĂ©e, ont recommencĂ© Ă  se reproduire, tandis que leur taux de croissance a rĂ©gressĂ© jusqu’à revenir identique Ă  celui des langoustes de Maatsuyker Islands. Ces femelles ont augmentĂ© leur production d’Ɠufs de 65 000 Ć“ufs par an.

Cette expĂ©rience montre le potentiel de la colonisation assistĂ©e comme outil pour amĂ©liorer la production, la durabilitĂ© et la rĂ©silience de la pĂȘche. En effet, malgrĂ© une maturitĂ© sexuelle tardive, en rĂ©ponse Ă  un stress environnemental, la croissance plus importante des langoustes permet une production d'Ɠufs, plus importante.

Exemples d’effets indĂ©sirables

MalgrĂ© l’objectif de la conservation de la biodiversitĂ©, la connaissance partielle d’un Ă©cosystĂšme et l’insuffisante prise en compte de toutes les interactions Ă©cologiques au sein de l’écosystĂšme peut entraĂźner de nombreux effets indĂ©sirables sur la biodiversitĂ©. Ainsi, la colonisation comporte de nombreux risques comme apporter de nouveaux agents pathogĂšnes, crĂ©er une nouvelle compĂ©tition pour les ressources, bouleverser les interactions Ă©cologiques ou encore diminuer la diversitĂ© locale en favorisant l’hybridation[28].

Par prĂ©caution, lorsque l’écosystĂšme n’est pas compris dans sa globalitĂ© et que tous les potentiels effets d’une colonisation assistĂ©e ne sont pas connus, il est aujourd’hui conseillĂ© d’utiliser les mesures de conservation existantes et d’attĂ©nuer l’impact de l’activitĂ© humaine sur l’écosystĂšme[28], afin d’éviter tout effet indĂ©sirable pouvant amener Ă  des catastrophes Ă©cologiques.

Les Crevettes d’AmĂ©rique du Nord

Saumon rouge, Oncorhynchus nerka

Mysis relicta (en) est une crevette d’eau douce, d’une taille comprise entre 1 et 2 centimĂštres de long, originaire d’un nombre limitĂ© de lacs d’AmĂ©rique du nord et de SuĂšde. En 1949, M.relicta Ă©tĂ© introduite dans un lac du Canada (Kootenay Lake) afin d’augmenter les populations de truites arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss), en dĂ©clin[29]. L’expĂ©rience fut un succĂšs, entraĂźnant une importante augmentation de la taille et du nombre de truites.

Ces rĂ©sultats ont encouragĂ©, entre 1968 et 1975, les gestionnaires de la faune du Flathead Lake (Montana, USA) Ă  introduire M. relicta afin d’augmenter les populations d’une autre espĂšce de saumon (Oncorhynchus nerka) en amĂ©liorant leur rĂ©gime alimentaire. Malheureusement, la crevette vit la journĂ©e au fond du lac et remonte la nuit dans les eaux de surface, tandis que le saumon se nourrit la journĂ©e dans les eaux peu profondes[29]. Contrairement au lac du Canada (Kootenay Lake), l’absence de courants verticaux (upwelling) rend les crevettes inaccessibles pour le saumon.

Vue de Flathead Lake

À dĂ©faut de devenir des proies, les crevettes sont devenues des concurrentes pour les ressources alimentaires du lac, entraĂźnant l’effondrement de la population de saumon rouge.

La disparition du saumon rouge a eu nombreuses rĂ©percussions sur tout le rĂ©seau trophique. Ainsi, les populations d’aigles (Haliaeetus leucocephalus), de coyotes (Canis latrans), de visons (Neovison vison), de loutre de riviĂšre (Lutra canadensis), de grizzly (Ursus arctos) et mĂȘme de cerf de Virginie (Docoileus virginianus) ont Ă©tĂ© affectĂ©es par cette perte de ressource alimentaire.

Il est Ă©galement notable que la dĂ©gradation de la biodiversitĂ© a eu un impact Ă©conomique, puisque le nombre de visiteurs annuel est passĂ© de 46 500 en 1983, Ă  moins de 1 000 en 1989[29].

Cette Ă©tude dĂ©montre, avec du recul (colonisation assistĂ©e dans les annĂ©es 1970), que chaque Ă©cosystĂšme est unique et doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme tel. Dans ce cas d’étude, un succĂšs de restauration (Kootenay Lake) s’est transformĂ© en dĂ©sastre Ă©cologique (Flathead Lake) Ă  cause d’un seul facteur non considĂ©rĂ© (absence de courants verticaux).

Les Écureuils de Terre-Neuve

Bec-croisé des sapins, Loxia curvirostra
Martre d’AmĂ©rique, Martes americana

Afin de sauver la population de martre d’AmĂ©rique (Martes americana) en dĂ©clin sur l’üle de Terre-Neuve, l’écureuil roux d’AmĂ©rique (Tamiasciurus hudsonicus) a Ă©tĂ© introduit en 1963. L’objectif de cette colonisation assistĂ©e Ă©tant de favoriser la survie et la reproduction du martre en enrichissant son rĂ©gime alimentaire[28].

Mais, les effets ne furent pas ceux escomptĂ©s, puisque la martre est toujours menacĂ©e sur l’üle de Terre-Neuve[30].

En revanche, la population d’écureuils roux a grandement prolifĂ©rĂ© au sein des forĂȘts de conifĂšres. La densitĂ© d’écureuils sur l’üle est deux fois supĂ©rieure Ă  la densitĂ© d’écureuils continentaux. Ceci provoque une forte compĂ©tition Ă  la faune locale pour les ressources alimentaires : en dĂ©vorant les cĂŽnes de sapin baumier (Abies balsamea), l’écureuil a provoquĂ© la disparition, en 1988, du bec-croisĂ© des sapins (Loxia curvirostra) qui se nourrissait Ă©galement de ces cĂŽnes[28].


Voir Aussi

https://www.rncan.gc.ca/forets/changements-climatiques/13084

https://www.rncan.gc.ca/forets/changements-climatiques/adaptation/13122

Notes et références

  1. (en) Anthony Ricciardi et Daniel Simberloff, « Assisted colonization is not a viable conservation strategy », Trends in Ecology & Evolution, vol. 24, no 5,‎ , p. 248–253 (ISSN 0169-5347, PMID 19324453, DOI 10.1016/j.tree.2008.12.006, lire en ligne, consultĂ© le )
  2. (en) Peter J. Hawthorne, Adrian Linnane, Caleb Gardner et Bridget S. Green, « The Good, the Bad and the Recovery in an Assisted Migration », PLOS ONE, vol. 5, no 11,‎ , e14160 (ISSN 1932-6203, PMID 21151965, PMCID PMC2996890, DOI 10.1371/journal.pone.0014160, lire en ligne, consultĂ© le )
  3. (en) « Quantifying the need and potential of assisted migration », Biological Conservation, vol. 205,‎ , p. 34–41 (ISSN 0006-3207, DOI 10.1016/j.biocon.2016.11.023, lire en ligne, consultĂ© le )
  4. « Assisted Colonization and Rapid Climate Change », sur online.nwf.org (consulté le )
  5. J. H. Pedlar, D. W. McKenney et I. Aubin, « Comment la migration assistĂ© pourrait-elle faciliter l’adaptation des forĂȘts aux changements climatiques? Nouvelles Express 63. », Nouvelles Express,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  6. Périé, C., S. de Blois, M.-C. Lambert et N. Casajus. 2014. Effets anticipés des changements climatiques sur l'habitat des espÚces arborescentes au Québec. Gouvernement du Québec, ministÚre des Ressources naturelles, Direction de la recherche forestiÚre. Mémoire de recherche forestiÚre n° 173. 46 p. En ligne : https://mffp.gouv.qc.ca/publications/forets/connaissances/recherche/Perie-Catherine/Memoire173.pdf (consulté le 18 janvier 2022)
  7. I. Aubin, C.M. Garbe, S. Colombo et C.R. Drever, « Why we disagree about assisted migration: Ethical implications of a key debate regarding the future of Canada's forests », The Forestry Chronicle, vol. 87, no 06,‎ , p. 755–765 (ISSN 0015-7546 et 1499-9315, DOI 10.5558/tfc2011-092, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. (en) « ‘Tipping points’ for the Amazon forest », Current Opinion in Environmental Sustainability, vol. 1, no 1,‎ , p. 28–36 (ISSN 1877-3435, DOI 10.1016/j.cosust.2009.07.003, lire en ligne, consultĂ© le )
  9. (en) DAVID K. SKELLY, LIANA N. JOSEPH, HUGH P. POSSINGHAM et L. KEALOHA FREIDENBURG, « Evolutionary Responses to Climate Change », Conservation Biology, vol. 21, no 5,‎ , p. 1353–1355 (ISSN 0888-8892 et 1523-1739, DOI 10.1111/j.1523-1739.2007.00764.x, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. Lamhamedi, M. S, « L’écophysiologie, un Atout Pour RĂ©ussir la Migration AssistĂ©e de Sources GĂ©nĂ©tiques D’épinette Blanche », Avis de Recherche forestiĂšre,‎
  11. (en) Mary I. Williams et R. Kasten Dumroese, « Preparing for Climate Change: Forestry and Assisted Migration », Journal of Forestry, vol. 111, no 4,‎ , p. 287–297 (lire en ligne, consultĂ© le )
  12. (en) S. Trumbore, P. Brando et H. Hartmann, « Forest health and global change », Science, vol. 349, no 6250,‎ , p. 814–818 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, PMID 26293952, DOI 10.1126/science.aac6759, lire en ligne, consultĂ© le )
  13. (en) Brian J. Keel (Chapter 3 Assisted Migration - 28 p.), Assisted Migration as a Conservation Strategy for Rapid Climate Change: Investigating Extended Photoperiod and Mycobiont Distributions for Habenaria Repens Nuttall (Orchidaceae) as a Case Study, Antioch University New England, , 160 p. (lire en ligne)
  14. (en) Andrew R. Weeks, Carla M. Sgro, Andrew G. Young et Richard Frankham, « Assessing the benefits and risks of translocations in changing environments: a genetic perspective », Evolutionary Applications, vol. 4, no 6,‎ , p. 709–725 (ISSN 1752-4571, PMID 22287981, PMCID PMC3265713, DOI 10.1111/j.1752-4571.2011.00192.x, lire en ligne, consultĂ© le )
  15. (en) Bridget S. Green, Caleb Gardner, Adrian Linnane et Peter J. Hawthorne, « The Good, the Bad and the Recovery in an Assisted Migration », PLoS ONE, vol. 5, no 11,‎ , e14160 (ISSN 1932-6203, PMID 21151965, PMCID PMC2996890, DOI 10.1371/journal.pone.0014160, lire en ligne, consultĂ© le )
  16. (en) Philip J. Seddon, « From Reintroduction to Assisted Colonization: Moving along the Conservation Translocation Spectrum », Restoration Ecology, vol. 18, no 6,‎ (ISSN 1526-100X, DOI 10.1111/j.1526-100x.2010.00724.x@10.1111/(issn)1526-100x.2525thanniversaryvi, lire en ligne, consultĂ© le )
  17. (en) « Assisted migration of plants: Changes in latitudes, changes in attitudes », Biological Conservation, vol. 143, no 1,‎ , p. 18–27 (ISSN 0006-3207, DOI 10.1016/j.biocon.2009.08.015, lire en ligne, consultĂ© le )
  18. (en) MEADE KROSBY, JOSHUA TEWKSBURY, NICK M. HADDAD et JONATHAN HOEKSTRA, « Ecological Connectivity for a Changing Climate », Conservation Biology, vol. 24, no 6,‎ , p. 1686–1689 (ISSN 0888-8892, DOI 10.1111/j.1523-1739.2010.01585.x, lire en ligne, consultĂ© le )
  19. « Guidelines for Reintroductions and Other Conservation Translocations », sur portals.iucn.org (consulté le )
  20. (en) « IUCN Guidelines For Re-introduction », sur portals.iucn.org (consulté le )
  21. « Canadian Institute of Forestry », sur pubs.cif-ifc.org (DOI 10.5558/tfc2011-092, consulté le )
  22. (en) « Using assisted colonisation to conserve biodiversity and restore ecosystem function under climate change », Biological Conservation, vol. 157,‎ , p. 172–177 (ISSN 0006-3207, DOI 10.1016/j.biocon.2012.08.034, lire en ligne, consultĂ© le )
  23. (en) C. D. Thomas, H. P. Possingham, C. Parmesan et D. B. Lindenmayer, « Assisted Colonization and Rapid Climate Change », Science, vol. 321, no 5887,‎ , p. 345–346 (ISSN 1095-9203 et 0036-8075, PMID 18635780, DOI 10.1126/science.1157897, lire en ligne, consultĂ© le )
  24. (en) Jason S. McLACHLAN, Jessica J. Hellmann et Mark W. Schwartz, « A Framework for Debate of Assisted Migration in an Era of Climate Change », Conservation Biology, vol. 21, no 2,‎ , p. 297–302 (ISSN 1523-1739, DOI 10.1111/j.1523-1739.2007.00676.x, lire en ligne, consultĂ© le )
  25. Elbert L. Little, Atlas of United States trees., U.S. Dept. of Agriculture, Forest Service,, (lire en ligne)
  26. (en) D. Castellanos-Acuña, R. Lindig-Cisneros et C. SĂĄenz-Romero, « Altitudinal assisted migration of Mexican pines as an adaptation to climate change », Ecosphere, vol. 6, no 1,‎ , art2 (ISSN 2150-8925, DOI 10.1890/ES14-00375.1, lire en ligne, consultĂ© le )
  27. (en) Stephen G. Willis, Jane K. Hill, Chris D. Thomas et David B. Roy, « Assisted colonization in a changing climate: a test-study using two U.K. butterflies », Conservation Letters, vol. 2, no 1,‎ , p. 46–52 (ISSN 1755-263X, DOI 10.1111/j.1755-263X.2008.00043.x, lire en ligne, consultĂ© le )
  28. (en) Daniel Simberloff et Anthony Ricciardi, « Assisted colonization is not a viable conservation strategy », Trends in Ecology & Evolution, vol. 24, no 5,‎ , p. 248–253 (ISSN 0169-5347, PMID 19324453, DOI 10.1016/j.tree.2008.12.006, lire en ligne, consultĂ© le )
  29. Craig N. Spencer, B. Riley McClelland et Jack A. Stanford, « Shrimp Stocking, Salmon Collapse, and Eagle Displacement », BioScience, vol. 41, no 1,‎ , p. 14–21 (ISSN 0006-3568 et 1525-3244, DOI 10.2307/1311536, lire en ligne, consultĂ© le )
  30. « Rapport COSEPAC : Martre d’AmĂ©rique - Population de Terre-Neuve », (consultĂ© le )
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.