CAMPSA
La CAMPSA (acronyme de CompañĂa Arrendataria del Monopolio de PetrĂłleos, soit : Compagnie adjudicataire du monopole pĂ©trolier) est une ancienne compagnie pĂ©troliĂšre espagnole.
CompañĂa Arrendataria del Monopolio de PetrĂłleos (CAMPSA) | |
Création | |
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Dates clĂ©s | 1958 : consortium avec Amospain (American Overseas Petroleum Spain Ltd, filiale de Texaco et de la Standard Oil) 1964 : exploitation du gisement dâAyoluengo 1981 : intĂ©gration au sein de lâInstitut national des hydrocarbures (INH) 1987 : devient filiale de Repsol 1993 : levĂ©e du monopole dâĂtat, « Campsa » devient une marque de Repsol |
Disparition | |
Forme juridique | SociĂ©tĂ© Ă monopole dâĂtat |
SiĂšge social | Madrid Espagne |
ActivitĂ© | Ănergie (solaire, biomasse, etc.), pĂ©trochimie, gisements et exploitations miniĂšres |
Produits | Pétrole, gaz naturel, produits pétrochimiques, stations-service |
Effectif | 9571 (1981) |
FondĂ©e en , la CAMPSA devait assumer le monopole des opĂ©rations dâextraction, importation, raffinage, entreposage et distribution du pĂ©trole, jugĂ© ressource stratĂ©gique nationale par la dictature de Primo de Rivera alors au pouvoir. Dans ses dĂ©buts cependant, et encore sous la DeuxiĂšme RĂ©publique (1931-1936), la compagnie dĂ©laissa les activitĂ©s dâexploration et de production pour se concentrer sur la commercialisation et le stockage du pĂ©trole et de ses dĂ©rivĂ©s ; le nombre de sondages dâexploration effectuĂ©s par la CAMPSA ne prit de lâampleur quâĂ partir de 1941, dans le cadre de la politique dâautarcie dĂ©ployĂ©e par le jeune rĂ©gime franquiste et sous lâeffet de lâembargo de brut dĂ©crĂ©tĂ© contre lâEspagne par les AlliĂ©s aprĂšs la Seconde Guerre mondiale.
En 1947, une nouvelle loi vint refaçonner le Monopolio de PetrĂłleos, donnant Ă lâĂtat la facultĂ© dâoctroyer des concessions portant sur les activitĂ©s pĂ©troliĂšres industrielles Ă dâautres entitĂ©s que la CAMPSA, mais maintenait la distribution et la commercialisation sous la tutelle exclusive de cette derniĂšre. Une loi de remodela Ă nouveau le rĂ©gime juridique du secteur pĂ©trolier espagnol et autorisait dĂ©sormais, tout en renforçant le rĂŽle de lâĂtat, lâouverture au capital Ă©tranger des activitĂ©s de prospection et de production, disposition qui permit Ă la CAMPSA de sâassocier Ă Amospain, filiale de Texaco et de la Standard Oil, notamment en vue dâexploiter commercialement les gisements dĂ©couverts Ă Ayoluengo, dans la province de Burgos, unique extraction sur terre jamais rĂ©alisĂ©e en Espagne.
AprĂšs la Transition dĂ©mocratique, toutes les participations de la CAMPSA Ă des permis de prospection et Ă des concessions dâexploitation en Espagne furent cĂ©dĂ©es par une loi de 1981 Ă la firme semi-publique ENIEPSA. La mĂȘme annĂ©e, la CAMPSA, qui comportait alors un vaste ensemble dâinstallations de stockage et de moyens de transport, fut intĂ©grĂ©e dans lâInstitut national des hydrocarbures (INH), qui regroupait dâautres sociĂ©tĂ©s publiques du secteur Ă©nergĂ©tique et qui fonda en 1987 la sociĂ©tĂ© Repsol, dont la CAMPSA allait ĂȘtre dorĂ©navant lâune des filiales. Les rĂšglements de la CEE interdisant la constitution de monopoles, il fut mis un terme au monopole pĂ©trolier en , et les actifs de la CAMPSA, dissoute en tant que sociĂ©tĂ© Ă cette occasion, furent rĂ©partis entre les diffĂ©rentes sociĂ©tĂ©s pĂ©troliĂšres opĂ©rant Ă ce moment-lĂ sur le marchĂ© espagnol, tandis que « Campsa » devenait une simple marque commerciale dĂ©tenue par Repsol.
Histoire
Contextualisation : activité pétroliÚre en Espagne
Par suite de la demande croissante de pĂ©trole, des activitĂ©s dâexploration avaient Ă©tĂ© engagĂ©es dans toutes les parties du monde, conduisant dans les premiĂšres annĂ©es du XXe siĂšcle Ă la dĂ©couverte dâimportants gisements, notamment aux Ătats-Unis, en Iran, en Russie, en Argentine, au Canada, au Mexique, en Ăquateur, au Venezuela, en Irak et en Roumanie. En Espagne, des voix toujours plus nombreuses sâĂ©levaient pour requĂ©rir lâĂtat espagnol de mettre en marche et de stimuler la recherche de pĂ©trole sur le territoire national. Au lendemain de la PremiĂšre Guerre mondiale, lâon assista en Espagne Ă une vĂ©ritable ruĂ©e sur le pĂ©trole, donnant lieu entre 1920 et 1923 Ă la crĂ©ation de nombreuses sociĂ©tĂ©s vouĂ©es Ă la prospection dâhydrocarbures, dotĂ©es pour la plupart dâun siĂšge social au Pays basque, principalement Ă San SebastiĂĄn, et sâaccompagnant dâun grand nombre de requĂȘtes de consignation au cadastre, plus particuliĂšrement dans les provinces dâĂlava, de Guipuscoa, de Biscaye, de Navarre, de Burgos et de Cantabrie. Ces sociĂ©tĂ©s de prospection avaient pour caractĂ©ristiques communes de regrouper un faible nombre dâassociĂ©s (mais qui avaient accĂšs, selon leurs propres dires, Ă des informations privilĂ©giĂ©es sur la localisation de gisements), de ne disposer que dâun capital modeste (limitant leurs investissements dans la prospection), et de ne rester en activitĂ© que pendant une brĂšve pĂ©riode avant leur liquidation. Dans les dĂ©buts, les travaux de prospection pĂ©troliĂšre Ă©taient mis en marche dans telle ou telle zone sur la seule foi dâindices empiriques de la prĂ©sence dâhydrocarbures, notamment des Ă©manations de gaz combustibles, des roches imprĂ©gnĂ©es dâasphalte, ou mĂȘme lâexistence de gisements de soufre, sans guĂšre dâĂ©tude gĂ©ologique prĂ©milinaire[1].
Peu Ă peu pourtant, au fur et Ă mesure que sâaffinaient les techniques de dĂ©tection du pĂ©trole dans la nature, lâon se mit en Espagne Ă mener des Ă©tudes et recherches gĂ©ologiques plus rigoureuses. Dans le mĂȘme temps, la crĂ©ation de sociĂ©tĂ©s de prospection de pĂ©trole se ralentit Ă partir de 1924, aprĂšs que les autoritĂ©s espagnoles, sur indication de lâInstitut gĂ©ologique dâEspagne (IGE), eurent dĂ©limitĂ© les rĂ©serves dâhydrocarbures sur lâensemble du territoire national[2]. ParallĂšlement, dans les annĂ©es 1920, un grand nombre dâinnovations et de dĂ©veloppements techniques dans lâexploration pĂ©troliĂšre furent introduites, dont en particulier les mĂ©thodes de prospection gĂ©ophysiques (Ă©lectriques, gravimĂ©triques et sismiques), permettant de mettre en Ă©vidence des rĂ©serves non dĂ©tectables Ă la surface[3].
Dans la dĂ©cennie 1920, diffĂ©rents pays europĂ©ens, soucieux, pour motifs stratĂ©giques, de garantir leur approvisionnement en produits pĂ©troliers, mirent sur pied des compagnies pĂ©troliĂšres publiques. Ainsi fut crĂ©Ă©e en 1924 la Compagnie Française des PĂ©troles (CFP), qui, quoique regroupant des intĂ©rĂȘts privĂ©s, Ă©tait pour un tiers sous contrĂŽle du gouvernement français, puis en 1926, Ă lâinstigation de Mussolini, lâAzienda generale italiana petroli (AGIP), compagnie pĂ©troliĂšre Ă monopole, appartenant Ă lâĂtat italien et ayant pour mission de dĂ©velopper lâensemble des activitĂ©s tant industrielles que commerciales liĂ©es aux produits pĂ©troliers[4].
Fondation de la CAMPSA
En 1917, lâon commença Ă dĂ©battre en Espagne de lâopportunitĂ© pour le pays de maĂźtriser ses ressources Ă©nergĂ©tiques. Ă cette Ă©poque, le marchĂ© espagnol de lâĂ©nergie Ă©tait aux mains des Sept SĆurs, dont notamment la Shell, Ă capital britannique, et la Standard Oil, Ă capital amĂ©ricain. Cependant, la situation Ă©conomique et politique internationale qui avait rĂ©sultĂ© de la PremiĂšre Guerre mondiale avait mis le gouvernement de la dictature de Primo de Rivera en mesure dâexproprier les compagnies Ă©trangĂšres et de fonder dans la foulĂ©e une entreprise sous direction espagnole et avec lâĂtat comme partie prenante. Primo de Rivera prĂ©conisait une politique industrielle protectionniste propre Ă renforcer lâindustrie espagnole, et dont lâĂ©lĂ©ment clef Ă©tait la maĂźtrise des ressources Ă©nergĂ©tiques, plus particuliĂšrement le pĂ©trole et ses dĂ©rivĂ©s.
Câest dans cette perspective que fut crĂ©Ă©e la CompañĂa Arrendataria del Monopolio de PetrĂłleos Sociedad AnĂłnima (littĂ©r. Compagnie adjudicataire du monopole pĂ©trolier, acronyme CAMPSA), premiĂšre entreprise pĂ©troliĂšre publique en Espagne, conçue pour ĂȘtre le centre et le moteur dâun conglomĂ©rat industriel national et visant Ă stimuler une industrie pĂ©trochimique et chimique capable de structurer le secteur Ă©nergĂ©tique. Jusque-lĂ , toutes les grandes compagnies pĂ©troliĂšres Ă©trangĂšres et quelques espagnoles avaient pu agir librement sur les marchĂ©s espagnols, en important et distribuant les diffĂ©rents dĂ©rivĂ©s du pĂ©trole que lâon consommait alors en Espagne[4].
La CAMPSA fut fondĂ©e le , pendant la dictature de Miguel Primo de Rivera et sous les auspices de la loi instituant le monopole du pĂ©trole (Ley del Monopolio de PetrĂłleos) par DĂ©cret royal du . Câest le ministre des Finances de la dictature primorivĂ©riste, JosĂ© Calvo Sotelo, qui fut chargĂ© de rĂ©aliser la constitution de la CAMPSA. Dans une lettre quâil adressa au roi Alphonse XIII, il lui exposa les motifs de la fondation de lâentreprise pĂ©troliĂšre, signalant que :
« Le pĂ©trole est un facteur industriel de base ; de mĂȘme, câest un Ă©lĂ©ment substantiel pour la dĂ©fense nationale [âŠ]. En Espagne, le pĂ©trole se trouve de facto monopolisĂ© par deux grands trusts industriels, la Standard Oil et la Shell, qui depuis 1925 se partagent amicalement les bĂ©nĂ©fices du marchĂ© espagnol[5]. »
La CAMPSA allait dorĂ©navant assumer le monopole de lâimportation, de la transformation, de lâentreposage et de la distribution et vente des combustibles liquides et de leurs dĂ©rivĂ©s sur le territoire de la PĂ©ninsule et des BalĂ©ares (et non sur celui des Canaries), ainsi que de se charger dâintensifier et de stimuler « les travaux de sondage destinĂ©s Ă mettre en lumiĂšre les gisements de pĂ©trole naturels dans les sous-sol de lâEspagne », encore que dans ses dĂ©buts, la compagnie ait dĂ©laissĂ© les activitĂ©s dâexploration et de production. Lâaction de lâĂtat impliquait la mise sous tutelle de lâensemble des biens, Ă©quipements et contrats dâachat et de vente de plusieurs sociĂ©tĂ©s privĂ©es (dont quelques françaises, notamment la Desmarais frĂšres) opĂ©rant jusque-lĂ sur le marchĂ© espagnol, mais dont lâactivitĂ© sâĂ©tait bornĂ©e Ă importer un Ă©ventail de dĂ©rivĂ©s du pĂ©trole pour les traiter plus avant dans leurs installations[6].
Le fut promulguĂ© le DĂ©cret royal annonçant le concours public devant permettre Ă lâadministration de lâĂtat dâattribuer la gestion du monopole pĂ©trolier rĂ©cemment mis en place. Cette adjudication Ă©chut alors Ă quatre grandes banques espagnoles, la Banco de Vizcaya, la Banco Hispano Americano, la Banesto et la Banco Urquijo, par quoi la totalitĂ© du capital vint Ă se retrouver entre des mains espagnoles, lâĂtat espagnol sây rĂ©servant un minimum de 30 %. La crĂ©ation de la CAMPSA allait bientĂŽt se traduire par un progrĂšs industriel de lâEspagne, principalement dans lâindustrie de raffinage.
Les pays oĂč les compagnies pĂ©troliĂšres lĂ©sĂ©es par cette mesure dâexpropiation avaient leur siĂšge (en particulier lâanglo-hollandaise Royal Dutch Shell et lâamĂ©ricaine Standard Oil, lesquelles Ă elles deux contrĂŽlaient depuis 1925 la quasi-totalitĂ© du marchĂ© espagnol et prĂšs de 80 % du marchĂ© mondial du pĂ©trole), firent en sorte quâune campagne diplomatique soit enclenchĂ©e et maintenue contre le gouvernement espagnol et que la livraison de brut Ă lâEspagne soit boycottĂ©e pendant un certain nombre dâannĂ©es. Le jeune Ătat soviĂ©tique Ă©tait le seul Ătat Ă ne pas sâassocier Ă cette politique de rĂ©torsion, ce qui porta lâEspagne Ă nĂ©gocier lâacquisition de pĂ©trole soviĂ©tique. Ces manĆuvres de dĂ©stabilisation, menĂ©es par les Ătats-Unis et le Royaume-Uni, allaient contribuer Ă prĂ©cipiter le renversement de la dictature primorivĂ©riste en [7] - [8].
Dans le sillage de la crĂ©ation de la CAMPSA, et afin de riposter aux reprĂ©sailles des compagnies Ă©trangĂšres expropriĂ©es, susceptibles de compromettre lâapprovisionnement en pĂ©trole de lâEspagne, la CompañĂa Española de PetrĂłleos Sociedad AnĂłnima (acronyme CEPSA) fut mise sur pied le , sous lâĂ©gide du gouvernement espagnol, par un groupe de banques espagnoles et dâinvestisseurs privĂ©s. Ladite firme se constitua comme pendant privĂ© de lâentreprise publique CAMPSA, par quoi elle Ă©tait en mesure dâacquĂ©rir des gisements de pĂ©trole Ă lâĂ©tranger lui permettant de sâapprovisionner elle-mĂȘme en brut, ce que la CAMPSA, de par son statut dâentreprise publique, nâĂ©tait pas en droit de faire. La CEPSA se constitua aprĂšs avoir acquis quelques semaines auparavant lâamĂ©ricaine Falcon Oil Corporation, laquelle dĂ©tenait les droits de production de pĂ©trole brut et les permis dâexploration dans diffĂ©rents Ătats fĂ©dĂ©rĂ©s du Venezuela (notamment la zone du lac Maracaibo). En 1930, la CEPSA avait promptement lancĂ© Ă Santa Cruz de Tenerife (dans les Canaries) la construction de ce qui fut la premiĂšre raffinerie moderne en Espagne, avec pour objectif de traiter le brut importĂ© Ă partir des actifs nouvellement acquis au Venezuela. Le choix de lâĂźle de Tenerife sâexplique par sa position gĂ©ographique, lâarchipel des Canaries ne tombant pas sous le coup du monopole pĂ©trolier de 1927 et faisant office de point nodal des routes internationales du pĂ©trole et de principal lieu de transit de la flotte mondiale[9].
Sous la DeuxiĂšme RĂ©publique, lâactivitĂ© de la CAMPSA allait se centrer sur la commercialisation du pĂ©trole et de ses dĂ©rivĂ©s, pour les besoins de laquelle furent amĂ©nagĂ©s 16 sites de stockage, en plus de 34 lieux de dĂ©pĂŽt de moindre ampleur. Mais la sociĂ©tĂ© ne dĂ©ploya quasiment aucune activitĂ© dâexploitation de gisements pĂ©troliers sur le territoire espagnol, ni ne chercha Ă acquĂ©rir des gisements Ă lâĂ©tranger[10].
NĂ©anmoins, de 1900 jusquâĂ la fin de la Guerre civile en 1939, des forages avaient quand mĂȘme eu lieu en Espagne pour un total de quelque 20 000 mĂštres linĂ©aires, chiffre moyennement Ă©levĂ©, et toujours avec un bilan commercial dĂ©ficitaire. Ă partir de 1924, on observe, dans le domaine de la prospection pĂ©troliĂšre, une intervention rĂ©solue de lâĂtat espagnol, soucieux de trouver des hydrocarbures sur le territoire national afin de freiner la sortie de devises[11].
Guerre civile
AprĂšs lâĂ©clatement de la Guerre civile en , la CAMPSA, Ă lâĂ©gal dâautres institutions, allait voir ses installations partagĂ©es entre les deux camps opposĂ©s, de sorte que deux entitĂ©s distinctes viendront Ă fonctionner sĂ©parĂ©ment[12]. Dans la zone rĂ©publicaine, la compagnie avait au dĂ©but du conflit la main sur la majeure partie des rĂ©serves de pĂ©trole existant en Espagne. Ce nonobstant, lâentreprise Ă©prouva bientĂŽt de grandes difficultĂ©s Ă se procurer du pĂ©trole en raison du pacte de non-intervention que la France et le Royaume-Uni avaient obtenu de faire signer, encore que la RĂ©publique soit parvenue Ă assurer ses approvisionnements par le biais de lâUnion soviĂ©tique et de la Roumanie[13]. ParallĂšlement, les compagnies Texaco et Shell, respectivement amĂ©ricaine et britannique, vendaient du pĂ©trole Ă crĂ©dit au camp franquiste, qui se vit livrer jusquâĂ 3 500 000 tonnes de pĂ©trole, soit plus du double de ce qui a Ă©tĂ© reçu par le camp rĂ©publicain[14]. Plus particuliĂšrement, la CAMPSA avait conclu en un accord avec Texaco, par lequel ce dernier sâengageait Ă garantir les fournitures de pĂ©trole de la zone nationaliste. Le prĂ©sident de la Texaco, le pro-nazi Torkild Rieber, joua un rĂŽle clef dans ces nĂ©gociations[12]. MalgrĂ© ces aides, lâEspagne nationaliste sâefforçait de ne pas dĂ©pendre de lâextĂ©rieur et crĂ©a en 1937, câest-Ă -dire toujours en pleine Guerre civile, une SecciĂłn de ProspecciĂłn, ressortissant au DĂ©partement de lâindustrie, qui se mit en devoir de mener des travaux dâexploration dans le nord de lâEspagne, dont entre autres des sondages dans le col de lâEscudo, en Cantabrie, ou dans les environs de Pampelune, tandis que de leur cĂŽtĂ©, les rĂ©publicains se mettaient en quĂȘte de pĂ©trole en Catalogne[14].
Au long du conflit, certaines des installations de la CAMPSA furent gravement affectées par les actions militaires, les bombardements, etc.
AprÚs-guerre et décennie 1950
Sous la dictature franquiste, le rĂ©gime monopolistique instituĂ© par Calvo Sotelo fut maintenu, quoique les rapports entre la CAMPSA et les autoritĂ©s nâaient pas Ă©tĂ© dĂ©nuĂ©es de frictions. Ainsi, dans les cercles phalangistes, critiquait-on notamment le manque dâinvestissements de la part de la compagnie, qui en 1946 nâavait il est vrai encore construit aucune raffinerie[15]. Dans le contexte de lâaprĂšs-guerre civile, en raison de la politique dâautarcie appliquĂ©e par le pouvoir franquiste et par suite de lâostracisme international prononcĂ© contre lâEspagne, une grave pĂ©nurie de combustibles sâĂ©tait fait jour, qui porta lâInstitut national de l'industrie (INI) Ă prendre diffĂ©rentes initiatives en vue dâobtenir des hydrocarbures[note 1]. En dĂ©pit du manque de capitaux Ă cette Ă©poque, le nombre de sondages dâexploration sâaccrut, et entre 1940 et 1950, une intense activitĂ© de forage fut dĂ©ployĂ©e par la CAMPSA, qui en 1941 commença, avec une tour de forage Foraki, une campagne de sondages de peu de profondeur (< 900 mĂštres), tous effectuĂ©s dans anticlinal de Zamanzas, dans la province de Burgos. AprĂšs avoir fait acquisition dâune tour de forage plus puissante, la CAMPSA entreprit en 1949 des sondages plus profonds dans la mĂȘme zone, atteignant 2 177 mĂštres de profondeur pour le site de sondage Villanueva de Rampalay-1, lequel cependant, bien que ne produisant que de petites quantitĂ©s de gaz et de pĂ©trole, vit sa pression et son dĂ©bit dĂ©cliner rapidement, avant dâĂȘtre finalement obturĂ© et abandonnĂ©[16].
ParallĂšlement fut fondĂ©e en 1940 une compagnie espagnole dâexploration pĂ©troliĂšre, la CompañĂa de InvestigaciĂłn y Exploraciones PetrolĂferas (CIEPSA), filiale de la CEPSA et premiĂšre grande entreprise petroliĂšre privĂ©e espagnole. La CIEPSA fut constituĂ©e avec les capitaux rĂ©unis de la CEPSA et de la compagnie amĂ©ricaine Socony Vacuum Oil, cette derniĂšre nĂ©e de la fusion en 1931 de la Standard Oil Company de New York (Socony) et de la Vacuum Oil Company, et devenue entre-temps la troisiĂšme compagnie pĂ©troliĂšre au monde (en 1955, elle fut rebaptisĂ©e Socony Mobil Oil Company et en 1963 Mobil, qui fait partie depuis 1999 de la sociĂ©tĂ© ExxonMobil). Les techniciens de la CIEPSA sâattelĂšrent aussitĂŽt Ă lâĂ©tude gĂ©ologique des bassins sĂ©dimentaires de lâEspagne et Ă©tablirent une cartographie dĂ©taillĂ©e des anticlinaux de surface susceptibles dâintĂ©resser la prospection dâhydrocarbures. En 1947, une fois levĂ©es les restrictions imposĂ©es Ă la suite de la Seconde Guerre mondiale, la CIEPSA put faire venir une Ă©quipe de forage des Ătats-Unis, capable de creuser Ă 2 500 mĂštres de profondeur. Pourtant, le premier puits de forage, construit en 1947, sur lâanticlinal dâOliana, dans la province de LĂ©rida, et parvenant Ă 2 323 mĂštres de profondeur, nâatteignit pas son objectif, Ă savoir les couches calcaires du crĂ©tacĂ© supĂ©rieur, raison pour laquelle le puits fut comblĂ© et abandonnĂ©[16]. En 1950, alors que le blocus international contre la dictature de Franco avait pris fin, lâamĂ©ricain George Cranmer, en visite dans la province de Navarre, croyant y discerner des similitudes gĂ©ologiques avec le Texas, dĂ©cida dâentreprendre des prospections dans le bassin de lâĂbre et atteignit une profondeur de 3 415 mĂštres, mais sans obtenir de rĂ©sultat[17] - [18]. Nombre dâautres compagnies de forage, soit espagnoles, soit mixtes espagnoles et Ă©trangĂšres, allaient opĂ©rer sur le territoire espagnol, rĂ©alisant entre 1940 et 1964 plus de 170 sondages[19].
En 1947, le Monopolio de PetrĂłleos fut reconfigurĂ© par une nouvelle loi en vertu de laquelle Ă©tait dĂ©volue Ă lâĂtat la facultĂ© dâoctroyer des concessions portant sur les activitĂ©s industrielles liĂ©es aux hydrocarbures, tandis que celles portant sur la distribution et la commercialisation demeuraient de la compĂ©tence exclusive de la CAMPSA. En substance, la loi remplaçait lâancien rĂ©gime dâadjudication par un systĂšme de services dĂ©concentrĂ© et accentuait lâintervention de lâĂtat.
Par dĂ©cret du , les recherches dâhydrocarbures Ă©taient dĂ©clarĂ©es dâintĂ©rĂȘt national et confiĂ©es Ă lâInstitut national de l'industrie (INI), Ă©tant entendu quâil Ă©tait loisible Ă celle-ci de sâassocier Ă dâautres entitĂ©s. En outre, la totalitĂ© du territoire national espagnol Ă©tait dĂ©crĂ©tĂ© rĂ©serve au seul bĂ©nĂ©fice de lâĂtat espagnol, Ă lâexception des zones oĂč sâappliquaient des permis dâexploitation ou des concessions prĂ©existants[16].
En 1957, la CAMPSA sâassocia Ă la sociĂ©tĂ© semi-publique REPESA pour fonder la sociĂ©tĂ© anonyme Butano, oĂč la CAMPSA dĂ©tenait 50 % du capital[20].
Loi de 1958 et décennies 1960 et 1970
La recherche pĂ©troliĂšre en Espagne fut profondĂ©ment remodelĂ©e par lâadoption le de la loi dĂ©finissant le rĂ©gime juridique applicable Ă la recherche et Ă lâexploitation des hydrocarbures (Ley sobre el rĂ©gimen jurĂdico de la investigaciĂłn y explotaciĂłn de los Hidrocarburos), qui modifiait et amĂ©liorait les conditions dans lesquelles cette activitĂ© pouvait se dĂ©ployer, car soustrayant pour la premiĂšre fois le pĂ©trole Ă la sphĂšre miniĂšre. Ce nouveau rĂ©gime normatif renforçait la prĂ©sence de lâĂtat, au motif de lâapprovisionnement national, bien que lâembargo international dĂ©cidĂ© par lâONU ait Ă©tĂ© levĂ© dĂšs 1950. La principale innovation consistait en lâouverture au capital Ă©tranger des activitĂ©s de prospection et de production. Cette nouvelle loi Ă©veilla aussitĂŽt lâintĂ©rĂȘt des compagnies internationales, telles que Chevron, Texaco, Phillips, Gulf Oil et Esso, qui allaient sâassocier Ă des entitĂ©s espagnoles, tant publiques que privĂ©es, et se mettre Ă investir en Espagne[19].
Ă la suite de lâadoption de cette loi, la CAMPSA modifia elle aussi sa stratĂ©gie dâexploration, collaborant dĂ©sormais avec des compagnies amĂ©ricaines[21] et sâengageant en particulier dans lâexploitation du champ pĂ©trolifĂšre dâAyoluengo, dans la municipalitĂ© de Sargentes de la Lora (province de Burgos), par le biais dâun consortium rĂ©unissant la CAMPSA, dĂ©tentrice de 50 % de lâactionnariat, et AMOSPAIN, acronyme dâAmerican Overseas Petroleum Spain Ltd, filiale de Texaco et de la Standard Oil Co. of California[22] - [23]. Ledit gisement avait Ă©tĂ© dĂ©couvert en 1964 et le puits dâexploration Ayoluengo-1, forĂ© en , fut mis en production trois ans plus tard. Lâobjectif du puits Ă©tait dâexaminer une structure anticlinale qui avait Ă©tĂ© identifiĂ©e grĂące Ă lâanalyse de lignes sismiques enregistrĂ©es dans la plaine de la Lora dans les annĂ©es 1962-63. En , un essai de production Ă 1 350 mĂštres de profondeur fut rĂ©alisĂ©, donnant lieu Ă un dĂ©bit de quelque 80 barils de pĂ©trole par jour ; les travaux se poursuivirent avec un nouvel essai, aprĂšs forage des strates du jurassique infĂ©rieur, qui fit jaillir une petite quantitĂ© de brut dâune densitĂ© de 41Âș API, considĂ©rĂ© impropre Ă la commercialisation. Il fut mis fin aux opĂ©rations de forage du puits no 1 en , quand aucun indice de prĂ©sence dâhydrocarbures ne put ĂȘtre dĂ©tectĂ© Ă 2 397 mĂštres de profondeur[24]. NĂ©anmoins, cette dĂ©couverte sera Ă lâorigine de la premiĂšre exploitation commerciale de pĂ©trole effectuĂ©e en Espagne et, du reste, la seule Ă ce jour (2022) jamais effectuĂ©e sur terre. En effet, une campagne de forage de puits de dĂ©veloppement eut lieu ensuite jusquâĂ une profondeur dâenviron 1 500 mĂštres, culminant avec la mise en service en 1967 du puits Ayoluengo-32. La production commerciale de pĂ©trole dĂ©buta en , pour atteindre en 1969 son maximum de production, avec 5 200 barils de pĂ©trole extraits quotidiennement. De 1976 Ă 1985, 20 autres puits furent forĂ©s, et Ayoluengo-53, construit en 1990, fut lâultime puits dâune sĂ©rie de 52 forĂ©s sur le mĂȘme champ. En , lâassociation regroupant la CAMPSA, Texaco et Calspain sâĂ©tait vu accorder pour une pĂ©riode de 50 ans la concession dâexploitation sous lâintitulĂ© Lora, mais entre-temps, les droits dâexploitation du champ dâAyoluengo ont passĂ© par les mains de plusieurs propriĂ©taires. Le forage du puits dâexploration ainsi que les premiers puits dâexploitation, en plus de lâamĂ©nagement des installations de surface et le dĂ©marrage de la production de ce champ, est Ă mettre Ă lâactif dâAMOSPAIN[25].
En 1981, en vertu dâun dĂ©cret-loi, toutes les participations de la CAMPSA Ă des permis de prospection et Ă des concessions dâexploitation en Espagne furent cĂ©dĂ©es Ă la firme ENIEPSA (dĂ©nomination nouvelle que la sociĂ©tĂ© ENPASA avait adoptĂ©e en 1976), avec lâINI comme actionnaire unique (100%). En 1985, le champ dâAyoluengo vint Ă ĂȘtre gĂ©rĂ© directement par la sociĂ©tĂ© Chevron (anciennement Calspain)[26] - [note 2].
Entre 1940 et 1964, plus de 170 forages furent accomplis, pour un total de quelque 280 000 mÚtres linéaires, sur lesquels la CIEPSA en fora environ 79 000 et la CAMPSA 33 000. Cette derniÚre creusa dans la période 1941-1963 un total de 33 puits, seule ou en association avec AMOSPAIN[24].
Pour ce qui est de lâextraction en mer, les premiers permis en ce sens furent octroyĂ©s en 1965, pour lâexploration du plateau continental de la MĂ©diterranĂ©e, et en 1970 la premiĂšre trouvaille de pĂ©trole fut faite Ă Amposta par le groupe Shell-CAMPSA-INICOPAREX[27].
Le gisement de gaz Poséidon situé dans la golfe de Cadix fut découvert en 1978 par la CAMPSA et mis en production en 1997 par Repsol, avec une production de 10 000 m3 de gaz à la fin de la décennie 2010 et une production cumulée de 2323 millions de m3[28].
Réorganisation et disparition (décennie 1980)
En 1981, il fut dĂ©cidĂ© dâintĂ©grer la CAMPSA au sein de lâInstitut national des hydrocarbures (INH)[29], qui regroupait dâautres sociĂ©tĂ©s publiques du secteur Ă©nergĂ©tique, telles que lâENPETROL et la PETROLIBER. Cette mesure sâinscrivait dans le plan de lutte du gouvernement espagnol contre les effets du deuxiĂšme choc pĂ©trolier. Ă ce moment, la CAMPSA disposait dâune organisation comprenant un personnel de 9 571 employĂ©s, un vaste ensemble dâinstallations destinĂ©es au stockage, ainsi que diffĂ©rents moyens de transport (navires pĂ©troliers, wagons-citernes et camions-citernes)[30].
En 1987, lâInstitut national des hydrocarbures fonda la sociĂ©tĂ© Repsol, dont la CAMPSA Ă©tait dĂ©sormais lâune des filiales. En raison des prescriptions Ă©manant de la CommunautĂ© Ă©conomique europĂ©enne et interdisant la constitution de monopoles, il fut mis un terme au monopole Ă©tatique du pĂ©trole en . En consĂ©quence, le rĂ©seau commercial de la CAMPSA â Ă lâexclusion des aĂ©roports â fut dissous, et les actifs de la compagnie furent rĂ©partis entre les diffĂ©rentes sociĂ©tĂ©s pĂ©troliĂšres opĂ©rant Ă ce moment-lĂ sur le marchĂ© espagnol, en proportion de leur taux dâactivitĂ©, câest-Ă -dire principalement Repsol, Cepsa et BP (British Petroleum), tandis que la CAMPSA elle-mĂȘme disparaissait comme sociĂ©tĂ© le . Les actifs logistiques restants de lâancien monopole servirent Ă mettre sur pied la CompañĂa LogĂstica de Hidrocaburos (CLH), devenue Exolum en 2021[31].
La marque « Campsa » passa aux mains de la compagnie Repsol au titre de simple marque commerciale de cette entreprise.
Notes et références
Notes
- Lâentreprise publique Empresa Nacional Calvo Sotelo (ENCASO) mit en Ćuvre un ambitieux projet de raffinage de schistes bitumineux, mais celui-ci allait souffrir dâimportants retards et ne se rĂ©vĂ©la pas viable Ă©conomiquement.
Cf. O. Puche Riart & J. Navarro Comet (2019), p. 24 & G. Tortella (2010), p. 155-156. - ENPASA (Empresa Nacional de PetrĂłleos de AragĂłn, S.A.) avait Ă sa fondation en 1960 un capital dĂ©tenu Ă hauteur de 51 % par lâINI et, pour le restant, par des sociĂ©tĂ©s françaises. RebaptisĂ©e ENIEPSA, elle devint en 1976 intĂ©gralement propriĂ©tĂ© de lâINI.
Références
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- G. Tortella (2010), p. 151.
- G. Tortella (2010), p. 151-152.
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