Boeing 367-80
Le Boeing 367-80, surnommé Dash 80, est un avion quadriréacteur développé et construit par la branche commerciale de Boeing afin de servir de prototype pour l'avion de ligne 707 et le ravitailleur KC-135. Apparu au début des années 1950, au moment où les turboréacteurs font leur apparition sur les avions civils, le 367-80 est utilisé pour démontrer la supériorité des avions à réaction par rapport à ceux à hélices ; pour cela, il intègre plusieurs caractéristiques du bombardier à réaction B-47 Stratojet, dont la voilure en flèche et les réacteurs dans des nacelles suspendues sous les ailes, caractéristiques qu'incorpore également le B-52 Stratofortress. Le quadriréacteur peut atteindre une vitesse de 900 km/h et monter à plus de 10 000 m d'altitude ; sa distance franchissable est de plus de 5 000 km.
Boeing 367-80 | |
Le Dash 80 passe au-dessus de la péninsule Olympique, dans l'État de Washington ; le lac Cushman, le Puget Sound et le mont Rainier sont visibles en arrière-plan. | |
Rôle | Prototype d'avion de ligne à réaction et d'avion ravitailleur |
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Constructeur | Boeing |
Premier vol | |
Retrait | |
Investissement | 16 millions de dollars |
Variantes | Boeing 707 KC-135 Stratotanker |
Exemplaire unique construit pour les besoins de démonstration, le Dash 80 est assemblé en moins de deux ans à partir de 1952 dans l'usine Boeing de Renton, pour un coût de 16 millions de dollars. Le prototype est présenté pour la première fois en et effectue son premier vol le . Au cours de sa carrière, il est dans un premier temps utilisé pour la promotion du Boeing 707 auprès des compagnies aériennes ; lors d'un vol de démonstration, le pilote d'essai Tex Johnston réalisera deux tonneaux afin de mettre en avant les capacités de l'avion. Le 367-80 sert par la suite de banc d'essai pour tester différents turboréacteurs et systèmes destinés à équiper d'autres avions de la firme. Retiré en 1970, le prototype est exposé depuis 2003 au Centre Steven F. Udvar-Hazy de la Smithsonian Institution, sur l'aéroport international de Washington-Dulles en Virginie. Les 707 et KC-135, qui sont dérivés du Dash 80, sont produits à plus de 1 800 exemplaires et plusieurs continuent de voler en 2019.
Conception et développement
Contexte historique
Jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les activités de la Boeing Airplane Company portent essentiellement sur des avions militaires, tous équipés de moteurs à pistons : le bombardier quadrimoteur B-17, produit à plus de 12 000 exemplaires et utilisé principalement en Europe, le B-29 Superfortress, bombardier lourd à long rayon d'action utilisé massivement sur le théâtre du Pacifique, et le C-97 Stratofreighter, avion de transport militaire dérivé du B-29[1]. Dans le domaine du transport de passagers, les avions de la firme se vendent mal : l'avion de ligne bimoteur 247, développé au début dfes années 1930, est rapidement dépassé sur les performances et la capacité d'emport par les DC-2 et DC-3 de la Douglas Aircraft Company[1] ; le 307 Stratoliner, qui reprend les ailes, l'empennage et les moteurs du B-17, vole pour la première fois en 1938 mais sa production est stoppée avec l'entrée en guerre des États-Unis et seuls dix exemplaires sont construits. Les premières ébauches d'avion à réaction font suite à une demande des militaires pour un bombardier ou avion de reconnaissance propulsé par des turboréacteurs, lancée en 1943 à différents avionneurs et qui aboutit l'année suivante à un appel d'offres. À la suite de la défaite de l'Allemagne en , l'inspection de ses laboratoires par les scientifiques américains permet aux avionneurs de s'inspirer des études réalisées par les ingénieurs allemands et les appliquer à leurs propres projets[1]. En particulier, la voilure en flèche, qui permet des meilleures performances à grande vitesse, est adoptée par Boeing sur son projet dénommé Model 450 et qui deviendra le B-47 ; pour le placement des réacteurs, les militaires rejettent pour des raisons de sécurité l'idée initiale proposée par l'avionneur d'une installation dans le fuselage, poussant les ingénieurs à faire le choix de nacelles suspendues sous les ailes[2].
Parallèlement au développement du B-47, Boeing se lance dans la conception d'un avion de ligne à réaction à partir de l'automnne 1946 avec la série des modèles 473[3]. Reprennant la voilure du B-47, le premier est le 473-1, propulsé par deux turboréacteurs à simple flux Rolls-Royce Nene installés dans des nacelles suspendues sous les ailes et pouvant emporter 27 passagers sur des vols intérieurs[4] - [5] - [6]. Le 473-11, qui fait suite au premier et reprend son architecture, voit sa distance franchissable passer de 1 900 à 2 400 km mais reste cantonné aux vols intérieurs[5]. Un premier projet d'avion intercontinental est le 473-25, à six turboréacteurs Pratt & Whitney J57, pouvant embarquer près de 100 passagers[3] - [5].
À la fin des années 1940, deux développements encouragent Boeing à envisager la construction d'un avion de ligne à réaction. Le premier est l'arrivée, fin 1947, du B-47 Stratojet, un bombardier à réaction et à voilure en flèche[7] ; Boeing estime que ce programme lui a permis de maîtriser la voilure en flèche ainsi que le placement des turboréacteurs dans des nacelles suspendues sous les ailes[7] - [8]. Le second est le vol inaugural, en 1949, du premier avion de ligne à réaction au monde, le de Havilland Comet[9]. Avec une vitesse de croisière de 800 km/h, il permet de réduire de façon significative les temps de trajet par rapport aux avions à hélice. Durant l'été 1950, Bill Allen (en), le président de Boeing, dirige une délégation de la société en Angleterre, où il voit le Comet en vol lors du salon aéronautique de Farnborough. Il visite également l'usine de Havilland, à Hatfield dans l'Hertfordshire, où les Comet sont en cours de construction. Boeing considère qu'il possède les technologies clés qui lui permettraient d'améliorer à la fois les performances et la maintenance des moteurs du Comet. De plus, les ingénieurs de la firme travaillent à ce moment-là sur la conception du bombardier lourd B-52 Stratofortress, qui reprend les innovations introduites sur le B-47 ; la United States Air Force[n 1] (USAF) en a commandé deux prototypes en 1949 et il effectuera son premier vol le .
Dans le même temps, afin de suppléer les ravitailleurs KB-29, l'USAF met en service des KC-97 à moteurs à pistons, version de l'avion de transport C-97 dédiée au ravitaillement en vol, en [10]. Néanmoins, bien que plus performants que les KB-29, ils se révèlent rapidement dépassés au moment où les avions à réaction, d'abord les chasseurs puis les bombardiers, arrivent massivement dans les unités ; ils volent moins vite et moins haut que les avions qu'ils ravitaillent, ce qui oblige ces derniers à ralentir et descendre pour être ravitaillés, puis à brûler une partie de leur carburant pour regagner leur altitude et leur vitesse de croisière[11]. Par ailleurs, à cause la différence de motorisation entre ravitailleur et ravitaillé, et donc de type de carburant consommé, les KC-97 doivent disposer de deux types de réservoirs séparés : ceux remplis avec de l'essence pour les moteurs du ravitailleur et les autres avec du kérosène pour alimenter le système de ravitaillement en vol. Cette inadéquation poussera l'Air Force à chercher, dès la fin de l'année 1953, un ravitailleur à réaction afin de remplacer ses KC-97 entrés en service seulement deux ans plus tôt, puis l'Air Research and Development Command (ARFC) lancera un appel d'offres à différents avionneurs en dans ce but[12] - [13].
Travail de conception
En 1950, Boeing produit provisoirement un cahier des charges pour un avion de ligne à réaction, désigné modèle 473-60C[14] - [15]. Cependant, les compagnies aériennes ne sont pas convaincues[16], car elles n'ont aucune expérience dans le transport à réaction, et misent sur le succès des avions à moteur à pistons, comme le Douglas DC-4, DC-6, Boeing 377 et Lockheed Constellation. Il se pose également un problème plus important : Boeing a l'expérience de la vente à l'armée mais ne connait pas les mêmes succès avec les avions civils[9]. Ce marché est à l'époque dominé par Douglas qui choisit de répondre aux besoins des compagnies aériennes en affinant et en développant sa gamme d'avions à hélice. En 1950, Douglas est affairé à la commercialisation prochaine du DC-7. Boeing décide que la seule façon de surmonter la méfiance des compagnies aériennes à l'égard de l'avion de ligne à réaction est de leur montrer un avion terminé[17] - [18].
Pour le premier exemplaire d'une nouvelle génération d'avions de transport de passagers, Boeing souhaite un numéro de modèle soulignant la différence par rapport à ses avions à hélices précédents[19], qui portent des numéros de série dans les 300. Les séries 400, 500 et 600 étant déjà utilisées par des aéronefs militaires, des missiles et d'autres produits, Boeing décide que les avions de ligne à réaction porteraient des numéros de la série 700 et que le premier serait le 707[20] - [21] ; le ravitailleur deviendra le Model 717[22] - [n 2]. Cependant, juste après l'approbation du programme et bien que le projet soit annoncé comme le modèle 707, Boeing change la désignation de son appareil en « Model 367-80 » ; il s'agit alors d'une tactique de désinformation visant à tromper ses concurrents en faisant passer le nouvel avion pour une version du « 367 », numéro de modèle du C-97 Stratofreighter[19] - [21] - [23], un avion de génération précédente auquel le Dash 80 ne doit rien, bien qu'il reprenne la même section de fuselage de forme bilobée, large de 3,35 m, mais que la jonction entre les deux lobes du fuselage du 367 soit aplanie[16] - [24]. Le prototype est simplement appelé le « -80 », « Dash 80 » en anglais[19] - [23].
À la fin du mois de les dessins sont complets ; le , une semaine après le prenier vol du B-52, le conseil d'administration de Boeing approuve à l'unanimité l'alllocation d'un budget de 15 millions de dollars pour la construction d'un prototype[22] - [25] ; par la suite, un million de dollars sera ajouté à cette somme portant l'investissement total à 16 millions de dollars[22] - [26] - [n 3]. Une telle somme représente alors plus du double des bénéfices nets engrangés par la firme l'année précédente[22] - [27]. La construction de l'avion débute en octobre ou novembre dans une section cloisonnée, gardée et à accès restreint, de l'usine Boeing de Renton, dans l'état de Washington[22] - [23] - [28]. Comme il s'agit d'un prototype de démonstration, il n'y a pas de certification, aucune ligne de production et la plupart des pièces sont fabriquées sur mesure. L'avion est conçu pour être décliné en trois principales versions pour autant de rôles distincts : un avion de ligne moyen et long-courrier pouvant emporter entre 80 et 130 passagers ; un avion de transport militaire à destination du Military Air Transport Service (en) (MATS) ; un ravitailleur pour le Strategic Air Command de l'USAF[29].
Descriptif technique
Vue d'ensemble
Le Boeing 367-80 est un monoplan construit essentiellement en alliage d'aluminium[30]. La voilure reprend les caractéristiques de celle du B-47, notamment la flèche de 35°[31] ; toutefois, celle du 367-80 est placée en position basse par rapport au fuselage ; elle a un dièdre positif, est plus épaisse et sa structure est plus rigide[8]. L'empennage est de type conventionnel, en T inversé, et la dérive est rabattable pour permettre l'accès aux hangars de faible hauteur[32] - [n 4]. Les quatre turboréacteurs, des Pratt & Whitney JT3P (appellation civile des du J57, qui équipe entre autres le B-52), sont placés dans des nacelles séparées suspendues sous les ailes[33] ; chacun développe 44,4 kN de poussée[21]. L'installation des réacteurs dans des nacelles individuelles facilite leur maintenance et évite qu'une éventuelle avarie, comme un incendie, ne se propage aux autres moteurs[30].
Le fuselage, long de 38,96 m, large de 3,35 m et mesurant 4,17 m de haut, est de forme bilobée, avec un lobe inférieur plus petit que le supérieur et le pli entre les deux aplani. Le plancher de la cabine se situe au niveau de la jonction des deux lobes. Au sol, le poids de l'avion est réparti sur un train d'atterrissage tricycle ; ce dernier est constitué d'un diabolo de deux roues à l'avant, qui se retracte vers l'avant, et de deux bogies de quatre roues pour le train principal, placés sous les ailes et qui se rétractent vers l'intérieur, dans le lobe inférieur du fuselage[34].
Systèmes
Sur le 367-80, le système hydraulique alimente plus de dispositifs que sur les avions précédents[35]. Les réservoirs de liquide hydraulique sont placés dans les extrémités des ailes et le fluide y est maintenu à une pression de 2,4 bars ; disposer les réservoirs ainsi, le plus loin possible du fuselage, est motivé par des raisons de sécurité, le liquide étant hautement inflammable[36]. Toutefois, dans sa configuration initiale, le prototype dispose d'un système de commandes de vol par câbles[37].
Afin de limiter la traînée aérodynamique lorsque le train d'atterrissage est sorti, les trappes des atterrisseurs restent fermées lorsque le train est verrouillé ; elles ne s'ouvrent que lorsque qu'il se déploie ou se rétracte[38]. Lors de la rétraction du train d'atterrissage, les freins s'actionnement automatiquement pour bloquer les roues et les empêcher de tourner dans le vide ; ils sont relâchés dès que le train est verrouillé en position rentrée[38]. Un système mécanique permet de descendre le train et de le verrouiller en cas de défaillance du système hydraulique[38].
Les dispositifs hypersustentateurs du 367-80 se composent de volets Fowler sur le bord de fuite des ailes ; ils sont disposés de façon à ne pas être soufflés par les gaz des réacteurs. Pour le contrôle en roulis, afin de limiter les contraintes et conserver une efficacité aux différentes plages de vitesse[39], le Dash 80 est équipé de deux types d'ailerons : intérieurs et extérieurs. Les premiers, près de l'extrémité de l'aile, sont utilisés à basse vitesse, lorsque les volets sont baissés ; en raison des contraintes générées sur la structure par effet de bras de levier, les ailerons intérieurs, plus près de l'emplanture, prennent le relais à grande vitesse[40]. Sur l'extrados, des destructeurs de portance, ou spoilers, actionnés hydrauliquement, aident au contrôle en roulis et permettent de plaquer l'avion au sol à l'atterrissage[41].
Comme l'avion est conçu pour voler à plus de 10 000 m d'altitude, son fuselage est entièrement pressurisé[23].
Intérieur
L'accès à l'intérieur de l'avion peut se faire par trois portes : deux grandes portes cargos installées sur le côté gauche du fuselage, une en avant de la cabine et l'autre en arrière, ainsi qu'un petite porte d'accès sur le lobe inférieur du fuselage, à l'avant, sur le côté droit, qui permet d'accéder à la cabine par une trappe aménagée dans le plancher. L'équipage du cockpit se compose de trois membres : commandant de bord, copilote et mécanicien navigant, ce dernier disposant d'un panneau d'instrumentation mobile[42] ; cette particularité du panneau d'instrumentation permet au copilote de tenir également le rôle de mécanicien navigant lorsque l'équipage est volontairement limité à deux membres, tel que prévu pour les premiers vols[43]. L'intérieur de l'avion n'est pas équipé comme une cabine d'avion de ligne ; il n'y a pas de siège et seulement quelques hublots répartis sur toute la longueur du fuselage[23] : quatre sur le côté gauche et huit sur le côté droit, dont cinq en avant du bord d'attaque de l'aile[44] ; néanmoins, le revêtement intérieur se compose d'un revêtement en contreplaqué de base utilisé pour abriter les instruments nécessaires aux essais en vol. Le fuselage, large de 3,35 m, doit permettre l'installation de rangées de cinq sièges : deux d'un côté et trois de l'autre.
Dans sa partie inférieure, sous le plancher de la cabine, le fuselage accueille deux soutes : une en avant des ailes et l'autre en arrière, séparées par le caisson central de la voilure[23].
Histoire opérationnelle
Premiers essais
Assemblé à l'usine Boeing de Renton, le Dash 80 sort d'usine le avec quelques semaines d'avance sur le calendrier[45], deux ans seulement après l'approbation du projet, et 18 mois après le début de sa construction[46] - [47] Il est baptisé au champagne par Bertha Boeing, épouse de William Edward Boeing, fondateur de la firme, sous les deux noms du quadriréacteur dans ses versions d'avion de ligne et de ravitailleur, respectivement Jet Stratoliner et Jet Stratotanker[48] - [49]. Il est ensuite soumis à une série d'essais au sol. Le , le train d'atterrissage principal gauche se romp, endommageant les volets hypersustentateurs de l'aile gauche et les nacelles des moteurs de celle-ci[50] ; la structure principale de l'avion n'est cependant pas abîmée et les dégâts sont rapidement réparés[24] - [51].
Le , le Dash 80 réalise son vol inaugural, d'une durée de 84 minutes, avec les pilotes d'essai Alvin Tex Johnston et Richard Dix Loesch aux commandes, ce dernier occupant à la fois le rôle de copilote et de mécanicien navigant grâce au panneau d'instrumentation mobile[51] - [52]. Le deuxième vol, qui a lieu deux jours plus tard, doit permettre d'étudier le comportement de l'avion à basse et moyenne altitude, le fonctionnement du système de contrôle du roulis ; le sytème d'air conditionné est également testé[8]. Le , au cours de son troisième vol, le quadriréacteur atteint une vitesse de plus de 885 km/h (Mach 0,8) et monte jusqu'à 12 800 m d'altitude[8]. Lors de son septième vol, le , le Dash 80 vole en formation avec un B-52A afin de simuler un ravitaillement en vol[8], ce qui conduit à ce que l'Air Force annonce le une commande de 29 modèles 717-100A de ravitaillement qui seront désignés KC-135A[53]. Par la suite, 88 exemplaires supplémentaires sont commandés[13] - [54] - [55] ; il s'agit alors de ravitailleurs de transition destinés à équiper l'Air Force en attendant les résultats de l'appel d'offres de l'AFRC[13].
De nombreux vols d'essais suivent, au cours desquels le problème le plus important découvert est une forte tendance au « roulis hollandais » - un lacet alternant avec le roulis de rotation. Boeing a déjà une grande expérience de cela, sur le B-47 et le B-52, et a développé un système amortisseur de lacet sur le B-47 qui a pu être adapté plus tard au Dash 80. D'autres problèmes sont trouvés au niveau des freins : lors d'un atterrissage, un dysfonctionnement de ces derniers entraîne un dépassement de la piste qui provoque la rupture du train avant ; le nez de l'avion racle le sol sur une dizaine de mètres, causant des dégâts supplémentaires à l'appareil[53] - [56] - [57]. L'incident se produit le , jour où l'Air Force fait part à l'avionneur de son intention d'acquérir des KC-135A[53] ; par la suite, l'appareil est immobilisé pendant un mois et demi, le temps d'effectuer les réparations et résoudre le problème[58] - [59]. Au cours de cette première phase d'essais en vol, qui s'achève le , le 367-80 dépasse les attentes des ingénieurs en ce qui concerne les performances de l'avion, sa maniabilité et sa consommation de carburant[60].
Vols de démonstration
En plus du programme d'essais en vol, Boeing utilise également le Dash 80 pour des vols de démonstration devant des dirigeants des compagnies aériennes et d'autres figures clés de l'industrie. Ceux-ci concentrent leur attention sur la question de l'aménagement de la cabine d'un avion de ligne. Faisant un écart important par rapport à sa pratique habituelle, Boeing missionne l'entreprise de dessin industriel Walter Dorwin Teague pour créer une cabine aussi novatrice que l'avion lui-même[61].
Entre et , le prototype est modifié dans le cadre des essais de ravitaillement en vol[62] ; il est équipé d'une perche de ravitaillement semblable à celle dont sont dôtés les KC-97 et un compartimement est amménagé à l'arrière, dans la partie inférieure du fuselage, pour l'opérateur de la perche[63] - [64].
Dans le cadre du programme de démonstration du Dash 80, Bill Allen (en) invite des représentants de l'Aerospace Industries Association (en) (AIA) et de l'International Air Transport Association (IATA) au festival Seafair de Seattle de 1955 et aux courses d'hydroplanes de la Gold Cup, tenus sur le lac Washington le [65]. Le Dash 80 est programmé pour effectuer un survol simple, mais le pilote d'essai de Boeing, Alvin Tex Johnston, effectue deux tonneaux barriqués pour montrer les capacités de l'avion[66] - [67] - [68]. Le lendemain, Bill Allen convoque Johnston dans son bureau en lui disant de ne pas recommencer de telles manœuvres, même si le pilote affirme qu'il n'y a pas de risque. Johnston explique à Allen : « c'est une manœuvre en 1 g. C'est absolument sans danger, mais c'est très impressionnant[58] - [69] ». L'histoire du tonneau barriqué apparaît sur une vidéo intitulée Frontiers of Flight - The Jet Airliner, réalisée par le National Air and Space Museum, en association avec la Smithsonian Institution, en 1992[68].
La Pan American World Airways (abrégée Pan Am), qui souhaite devenir la première compagnie aérienne américaine à disposer d'une flotte d'avions de ligne à réaction, passe commande dans ce but le ; deux contrats sont signés, d'un montant total de 269 millions de dollars, et portent sur l'achat de 20 exemplaires de l'avion de Boeing et de 25 Douglas DC-8[70]. Toutefois, l'intérêt de la compagnie pour le 707 est dû au fait que les appareils doivent être livrés à partir de décembre 1958, avant les avions de Douglas, permettant ainsi à la Pan Am d'atteindre son objectif[70] - [71]. Parallèlement, les vols de démonstration continuent : trois jours plus tard, le , le Dash 80 réalise un aller-retour transcontinental entre Seattle et Washington[66]. L'aller se fait en 3 heures et 58 minutes à la vitesse moyenne de 950 km/h et un maximum de 990 km/h ; l'altitude de croisière est comprise entre 10 100 et 10 700 m et la pressurisation maintient à l'intérieur du fuselage la même pression qu'à 2 400 m ; 29 000 litres de carburant sont consommés au cours de ce premier vol[72]. Grâce à des vents favorables, le retour vers Seattle prend 4 heures et 8 minutes[72].
Mise en production
Pour le ravitailleur KC-135, plusieurs modifications sont apportées par rapport au Dash 80 : le fuselage est allongé de trois mètres et sa largeur passe de 3,35 à 3,66 m (de 132 à 144 pouces) ; la voilure est agradie et le train d'atterrissage renforcé, permettant ainsi d'accroître sa capacité d'emport. Sur l'avion de ligne, cette largeur de fuselage permet d'accueillir des rangées de six sièges au lieu de cinq mais reste toutefois inférieure aux 3,73 m du Douglas DC-8 concurrent. Cependant, au moment où Boeing commence la production du 707, une modification est faite sur la base de retours d'information d'un responsable de la compagnie American Airlines, qui a étudié le prototype[73]. Son directeur général, Cyrus Rowlett Smith, affirme en effet qu'il achèterait l'avion à condition qu'il soit un pouce plus large que le DC-8 de Douglas. Il est par conséquent décidé de concevoir le modèle de production avec six sièges de front et un fuselage plus large (3,76 m, 148 in). Cette décision retarde peu la présentation du modèle de production puisque le 367-80 est en grande partie construit à la main et que peu d'outils de production sont créés pour sa fabrication[74].
L'assemblage des KC-135 a lieu à l'usine de Renton, où sont alors construits les derniers exemplaires du KC-97. Le premier exemplaire, qui porte le numéro d'identification (serial) 55-3118, sort d'usine et est présenté publiquement le , le même jour que le dernier KC-97[75] - [76]. Lors de la cérémonie, l'avion est baptisé sous le nom de City of Renton par Sarah Baxton, épouse du maire de la ville Joe Baxter[75] ; il effectue son premier vol le , avec Dix Loesch et Tex Johnston aux commandes[77] - [78]. Les premiers appareils sont livrés aux unités de l'Air Force l'année suivante.
Vie en tant qu'avion expérimental
Après l'arrivée des premiers KC-135 à l'été 1956, puis des 707 de production fin 1957, le Dash 80 est adapté en avion expérimental général et utilisé par Boeing pour tester de nouveaux systèmes et technologies[79]. L'une des tâches les plus importantes, à la fin des années 1950, est de tester des systèmes pour le nouveau Boeing 727 alors en développement, en particulier ses dispositifs hypersustentateurs.
Pour cela, sa voilure est modifiée, avec l'installation de becs Krueger sur le bord d'attaque et de volets expérimentaux à double fente sur le bord de fuite, entre les nacelles intérieures et le fuselage[80]. En raison de leur taille, ces volets ne sont pas retractables et doivent être changés pour tester d'autres configurations, allant jusqu'à les abaisser à 90°[80]. À partir de , ces essais nécessitent l'installation d'un cinquième moteur pour simuler le troisième réacteur du 727[16] ; le réacteur, un JT3C-6, est installé à l'arrière du fuselage sur le côté gauche et dispose d'une tuyère coudée pour diriger le flux d'air au-dessus de l'empennage horizontal[80] - [81] - [82]. Des fils de laine sont accrochés sur la nacelle dans le but de matérialiser et d'étudier la circulation de l'air autour de celle-ci, en particulier au voisinage de la vitesse de décrochage[80]. Afin de visualiser le flux des gaz ejectés, de l'huile est injectée dans le réacteur ; la tuyère spéciale sera ultérieurement remplacée par un inverseur de poussée[83].
Entre le et le , le 367-80 est dôté d'un train d'atterrissage basse pression dans le cadre du programme d'avion de transport militaire lourd CX-HLS (Cargo Experimental-Heavy Logistics System), qui requiert la possibilité de décoller et d'atterrir sur des pistes non revêtues[84] - [85]. Ce train d'atterrissage, qui permet de diviser par trois la pression au sol, compte un total de vingt roues : quatre à l'avant et huit pour chacun des atterrisseurs principaux ; plus grand que le train d'origine, il ne peut pas être rétracté, ce qui oblige l'avion à voler à vitesse réduite. Une première série d'essais a lieu sur le Harper Dry Lake (en), en Californie, à proximité de la base Edwards[86] ; après un retour à Seattle, l'avion effectue une tournée sur plusieurs aéroports et bases aériennes, où il se pose et décolle parfois sur des pistes non asphaltées, en particulier sur des pistes en herbe[87].
D'autres essais, réalisés en 1969 pour la National Aeronautics and Space Administration (NASA), portent sur la forme des ailes et des dispositifs hypersustentateurs avec lesquels l'air comprimé issu des moteurs est dirigé sur les volets pour accroître la portance pendant le décollage et l'atterrissage[16] - [82].
Le programme d'essai s'achève en , après 1 691 vols d'une durée totale de près de 2 350 heures[88] - [89] - [90].
Derniers vols
En 1972, le 367-80 est définitivement retiré et Boeing en fait don au National Air and Space Museum (NASM) de la Smithsonian Institution, qui l'avait désigné comme l'un des douze appareils les plus importants de tous les temps[88] - [91]. Le , il est envoyé à l'aéroport international de Washington-Dulles, où il doit être pris en charge par le musée ; cependant, comme ce dernier ne possède alors pas de hangar suffisamment grand pour l'accueillir, l'avion est conduit le lendemain au Military Aircraft Storage and Disposition Center (MASDC), cimetière d'avions attenant à la base aérienne Davis–Monthan à Tucson (Arizona), où il sera entreposé pendant près de dix-huit ans sous le numéro CA006[87] - [92] - [93] - [94]. En , l'appareil, que le NASM a prêté à Boeing, est remis en état de vol puis ramené à Seattle pour y être restauré en vue du 75e anniversaire de la fondation de l'entreprise[87]. En 1994, 40 ans après son premier vol, le Dash 80 est reconnu comme Historic Mechanical Engineering Landmark (« jalon historique de l'ingénierie mécanique ») par l'American Society of Mechanical Engineers[95].
Au début des années 2000, avec la construction à proximité de l'aéroport de Washington-Dulles, à Chantilly (Virginie), du Centre Steven F. Udvar-Hazy qui doit ouvrir au public en , le NASM dispose désormais de l'espace nécessaire pour exposer le Dash 80[93] - [96]. C'est au mois d'août que l'avion y est convoyé depuis le Boeing Field, situé à Seattle ; pour cette occasion, le quadriréacteur est piloté par Gerald Whites, chef pilote d'essai des projets spéciaux de Boeing, comme commandant de bord, le copilote étant le pilote d'essai Charles Gebhard[97]. Une première étape d'une durée de deux heures et demi, couverte le , amène l'appareil à Rapid City, dans le Dakota du Sud ; il rejoint ensuite la base de Wright-Patterson, dans l'Ohio, au terme de son deuxième vol, qui dure trois heures[98] - [99]. L'âge de l'avion et de ses sytèmes ne permet pas d'atteindre le niveau de pressurisation nécessaire pour atteindre de hautes altitudes, ce qui limite également sa vitesse ; au cours du voyage, le Dash 80 vole à 5 800 m d'altitude, à la vitesse de 460 km/h[99].
Le dernier vol du Dash 80 se fait vers l'aéroport international de Washington-Dulles, le . Il est mis en exposition au Steven F. Udvar-Hazy Center, une annexe du National Air and Space Museum de la Smithsonian Institution, située à proximité de l'aéroport de Washington-Dulles à Chantilly.
Caractéristiques techniques
Les caractéristiques du 367-80 sont celles de l'avion dans sa configuration initiale, avant les modifications qu'il subira au cours de sa carrière. Celles du 707-120 et du KC-135A sont données à titre de comparaison.
367-80 | KC-135A | 707-120 | |
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Équipage du cockpit | Trois | Trois | Trois ou quatre |
Longueur du fuselage | 38,96 m | 41,52 m | 44,22 m |
Envergure | 39,52 m | 39,88 m | 39,88 m |
Hauteur | 11,58 m | 11,68 m | 11,79 m |
Largeur Ă— hauteur du fuselage | 3,35 m Ă— 4,17 m[100] | 3,66 m Ă— 4,22 m[100] | 3,76 m Ă— 4,33 m[100] |
Motorisation (Ă—4) | Pratt & Whitney JT3P[101] | P&W J57-P-59W[101] | P&W JT3C-6[101] |
Poussée unitaire | 44,4 kN | 61,2 kN avec injection d'eau | 49,8 kN |
Distance franchissable | 5 700 km | 13 960 km | 4 560 km |
Vitesse de croisière | 885 km/h | 815 km/h | 920 km/h |
Vitesse maximale | 940 km/h | 960 km/h | 1000 km/h |
Sources : Dominique Breffort[102], René Jacquet-Francillon[103], Alain Pelletier[86] - [101] et Richard Smith[104].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Boeing 367-80 » (voir la liste des auteurs).
Notes
- On met « La » car l'article est suivi de « United » qui, en phonétique /ju:naitid/, commence par une diphtongue ; or, en français devant une diphtongue, on met « le » ou « la » et non « l' », par exemple « le Yougoslave » et non « l’Yougoslave », etc.
- Après l'attribution de la désignation « KC-135 » par l'USAF au 717, ce dernier numéro sera abandonné au profit de l'appellation militaire ; le Boeing 707-020, version court-courrier du 707, sera brièvement désigné « Boeing 717 » avant que l'avionneur ne fasse le choix de « Boeing 720 », contraction de « 707-020 » ; après le rachat de McDonnell Douglas par Boeing à la fin des années 1990, le numéro 717 sera utilisé pour désigner le MD-95.
- Compte tenu de l'inflation, calculée sur l'indice des prix à la consommation, 16 000 000 $ de 1952 correspondent à environ 154 050 000 dollars en 2023.
- Cette caractéristique est déjà présente sur les bombardiers B-47 et B-52, l'avion de transport C-97 et sa version d'avion de ligne 377 Stratocruiser ; les ravitailleurs KC-135, ultérieurs, disposeront également de'une dérive rabattable.
Références
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Voir aussi
Avions comparables
Bibliographie
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Liens externes
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