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Alun de potassium

L'alun ordinaire (du latin "alumen"), alun de potassium ou encore disulfate d'aluminium et de potassium, est un sel double de formule chimique KAl(SO4)2‱12 H2O. C'est un minĂ©ral prĂ©sent naturellement dans diverses rĂ©gions du monde, telles la Syrie et le Maroc. Il peut Ă©galement ĂȘtre synthĂ©tisĂ©.

Alun de potassium
Image illustrative de l’article Alun de potassium
ion aluminium ion potasium 2ion sulfat eau de cristallisation
Identification
Nom UICPA sulfate d'aluminium et de potassium dodécahydrate
Synonymes

alun de potassium, alun de potasse, alun

No CAS 10043-67-1 (anhydre)
7784-24-9 (dodécahydrate)
No ECHA 100.112.464
PubChem 24856
SMILES
InChI
Apparence cristaux blanc
Propriétés chimiques
Formule H24AlKO20S2KAl(SO4)2·12H2O
Masse molaire[1] 474,388 ± 0,018 g/mol
H 5,1 %, Al 5,69 %, K 8,24 %, O 67,45 %, S 13,52 %,
Propriétés physiques
T° fusion 92,5 °C (anhydre)[2]
Solubilité 139 g·L-1 (eau, 20 °C, anhydre)[2])
Masse volumique 1,75 g·cm-3 (20 °C, anhydre)[2]

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Histoire

Au IVe siĂšcle av. J.-C., le philosophe ThĂ©ophraste, Ă©lĂšve d’Aristote, a Ă©crit un ouvrage intitulĂ© Sur le Sel, le Nitre et l’Alun[3]. Strabon rapporte quelques propriĂ©tĂ©s de l’alun[4]. De mĂȘme au Ier siĂšcle, le pharmacologue Dioscoride (M.M. V, 106) et l'encyclopĂ©diste Pline (H.N. XXXV, 183-185).

L’alun (στυπτηρÎčα styptĂȘria) Ă©tait abondamment utilisĂ© par les artisans orfĂšvres et les alchimistes du IIIe siĂšcle en Égypte grĂ©co-romaine. C’est une des matiĂšres premiĂšres les plus frĂ©quemment citĂ©es dans les papyrus de Leyde et de Stockholm[5]. Pour Robert Halleux, les styptĂȘria, traduit par « alun », sont des sulfates doubles d’aluminium et de mĂ©taux alcalins, mais aussi toute espĂšce de substances dotĂ©es de propriĂ©tĂ©s astringentes. L’Égypte exploitait des gisements d’alun dans la Petite Oasis et ceux-ci ont mĂȘme fait l’objet d’un monopole d’État Ă  l’époque romaine. Le principal usage de l’alun est de fixer les couleurs. En solution, il peut donner un acide faible.

On attribue Ă  Geber la dĂ©couverte de l'acide nitrique, obtenu en chauffant du nitrate de potassium (salpĂȘtre[6]) en prĂ©sence d’alun, de sulfate de cuivre[7] et d'acide sulfurique (le vitriol).

À la fin du XVe siĂšcle, d'importants gisements d'alun sont dĂ©couverts dans les monts de la Tolfa, une rĂ©gion d'Italie appartenant aux États pontificaux. Compte tenu du rĂŽle jouĂ© Ă  cette Ă©poque par l'alun dans l'industrie textile, l'exploitation de ces gisements sera une source de revenus pour les États pontificaux.

L'utilisation de l’alun Ă©tait connue des Romains, Pline en parle dans ses Ă©crits. Buffon, dans ses Ɠuvres complĂštes, dĂ©taille son utilisation dans la teinture des matĂ©riaux :

« Ce sel a, en effet, des propriĂ©tĂ©s utiles, tant pour la mĂ©decine que pour les arts et surtout pour la teinture et la peinture. La plupart des pastels ne sont que des terres d’alun, teintes de diffĂ©rentes couleurs. Il sert Ă  la teinture en ce qu’il a la propriĂ©tĂ© d'ouvrir les pores et d’entamer la surface des laines et des soies qu’on veut teindre et de fixer les couleurs dans leurs substances. Il sert aussi Ă  la prĂ©paration des cuirs, Ă  lisser le papier
 On frotte d’alun calcinĂ© les formes qui servent Ă  imprimer les toiles et papiers pour y faire adhĂ©rer les couleurs
 »

Propriétés

L'alun est astringent, émétique et hémostatique[8]. Sa température de fusion est de 92,5 °C[9].

Sa solubilité est de l'ordre de 114 g/l à 20 °C[10].

Utilisations

Atelier des cuves balanceuses pour l'alunage des cuirs hongroyés.

Cuir et textile

L'alun favorisant la coagulation des protéines (propriété hémostatique), il fut utilisé pour traiter le cuir[11] par les hongroyeurs, qui l'utilisaient mélangé au chlorure de sodium[12].

On l'emploie comme mordant pour la teinture du tissu[12].

Cosmétique

La pierre d'alun (potassium alum) rĂ©gule la sudation sans boucher les pores de la peau (propriĂ©tĂ© astringente)[11]. Elle combat les bactĂ©ries qui causent les mauvaises odeurs (propriĂ©tĂ© bactĂ©ricide). Elle peut ĂȘtre utilisĂ©e comme aprĂšs-rasage afin de stopper les saignements dus aux micro-coupures (propriĂ©tĂ© hĂ©mostatique). La pierre d'alun s'utilise humidifiĂ©e Ă  l'eau froide en la passant lentement sur la peau. Ce type de pierre se trouve en pharmacies et parapharmacies. Le cĂŽtĂ© « naturel » du produit contribue Ă  un regain d'intĂ©rĂȘt[11]. Ceci est fortement remis en cause depuis quelques annĂ©es (voir ci dessous : "alimentation" et "consĂ©quences sur la santĂ©", Alzheimer et autres problĂšmes), et a conduit les fabricants Ă  communiquer sur les termes "Kalunite", "pure", et "sans hydroxides d'aluminium", sans que ne soient apportĂ©s d'Ă©lĂ©ments scientifiques ou fiches techniques.

Alimentation

Dans les annĂ©es 1800, en France, en Allemagne et en Angleterre certains boulangers introduisaient de l'alun de potassium dans la farine comme substitut du bitartrate de potassium dans la levure de boulanger[13]. Des morts par accident ou par empoisonnement volontaire liĂ©es Ă  l'alun ont Ă©tĂ© rapportĂ©es Ă  cette Ă©poque. Seule une partie de l'alun utilisĂ© dans la manufacture du pain est dĂ©composĂ©e par les phosphates prĂ©sents dans la farine, son utilisation dans les produits alimentaires fut interdite et punie d'une peine d'emprisonnement Ă  la fin des annĂ©es 1870. Des expĂ©riences menĂ©es par Devergie et Orfila sur des animaux vivants fournirent la preuve qu'il s'agit d'un poison dont l'action corrosive attaque les membranes muqueuses. Les symptĂŽmes observĂ©s sont le vomissement, la constipation, une asthĂ©nie extrĂȘme et une perte d'appĂ©tit[13]. D'autres expĂ©riences menĂ©es sur des chiens en bonne santĂ© par Henry A. Mott conduisirent au mĂȘme constat, l'autopsie de ces derniers dĂ©cela la prĂ©sence d'une grande quantitĂ© d'aluminium dans le cƓur, le foie, les reins et le sang[13].

Utilisé de maniÚre traditionnelle dans la fabrication du « sirop de miel au sucre »[14] - [15] (sirop de glucose, appelé localement « faux miel ») notamment au Maghreb pour recouvrir ou enrober les gùteaux secs (makrout, baklava, kalb el-louz, zalabia, etc.). Son innocuité ne semble pas remise en cause, et son usage se poursuit de nos jours, au moins dans les familles.

Autres

Il est d'autre part utilisé comme coagulant dans le traitement de l'eau potable[16].

Il a aussi été utilisé comme adjuvant immunologique[17].

Il est aussi utilisé dans la fabrication de la plasticine. Il fait partie des ingrédients de certaines recettes de pùte à modeler maison non toxiques. Le paragraphe "alimentation" et les études qu'il cite devrait amener à se poser des questions sur cette non toxicité.

Sous forme de solution, il est utilisé pour faire rougir les hortensias, comme tout autre acide.

Une solution d'alun peut aussi ĂȘtre utilisĂ©e pour dissoudre une vis ou un taraud en acier cassĂ© dans de l'aluminium. L'alun n'attaque pas l'aluminium, mais rĂ©agit avec le fer, bien que la rĂ©action soit lente. Dissoudre une vis cassĂ©e peut prendre plusieurs jours voire semaines, mais la rĂ©action peut ĂȘtre accĂ©lĂ©rĂ©e par la chaleur.

SynthĂšse

Il est possible de l'obtenir en mélangeant des solutions concentrées de sulfates de potassium K2SO4 et de sulfate d'aluminium Al2(SO4)3 que l'on laisse s'évaporer :

Conséquences sur la santé

Au contact de l'eau, la pierre d'alun libĂšre notamment de l'hydroxyde d'aluminium censĂ© ĂȘtre inerte mais dont l'innocuitĂ© n'a pas Ă©tĂ© formellement dĂ©montrĂ©e[18]. Aucun renseignement toxicologique officiel ni restriction d'utilisation ne concernent actuellement l'alun naturel. L'hydroxyde d'aluminium est pourtant autorisĂ© en cosmĂ©tologie naturelle et biologique Ă  la diffĂ©rence du chlorhydrate d'aluminium[19] ou du chlorure d'aluminium fabriquĂ©s industriellement et dont l'innocuitĂ© a Ă©tĂ© remise en cause fin 2011 par l'Agence française de sĂ©curitĂ© sanitaire des produits de santĂ©[20] - [21] en tant que composants de dĂ©odorants ou d’anti-transpirants. Certains sites revendeurs de pierres d'alun (taper Kalunite sur un moteur de recherche) mettent toutefois l'absence d'hydroxyde d'aluminium (?) en avant, des Ă©tudes danoises mais aussi anglaises [22] ayant mis en cause l'aluminium dans la maladie d'Alzheimer entre autres problĂšmes de santĂ©. La majoritĂ© des fabricants industriels de dĂ©odorant communiquent sur l'absence de sels d'aluminium dans leurs formulations[19].

L'argument d'innocuité à cause de la trÚs forte solidité des liaisons est remise en cause par certaines études citées ci-dessus (paragraphe alimentation). L'étude du début du paragraphe[18] indique clairement la possibilité de libération d'hydroxyde d'aluminium dans l'eau, qui lui est réputé inerte. Le manque de définition des produits ainsi que des mécanismes en jeu lors de l'application sur la peau ou lors de l'ingestion ne permettent pas de se faire une idée juste, dans l'attente d'études plus poussées. Ce problÚme est similaire à l'utilisation de l'argile en soins externes et interne. Dans ce cas, des études sur des animaux n'ont pas montré de concentration de l'aluminium dans les organes (voir l'article argile). (voir aussi Controverse sur l'innocuité des déodorants).

Fabrication artisanale

Il existe dans le monde de moins en moins de fabricants travaillant la pierre d'alun de façon artisanale selon une méthode de taille et de polissage à la main.

La méthode artisanale nécessite un travail à partir du vrai cristal d'alun non reconstitué. Les pierres d'alun fabriquées selon cette méthode sont de plus en plus rares.

On retrouve aujourd'hui de nombreuses pierres moulées reconnaissables à leur aspect opaque et poudreux. Le véritable cristal d'alun est, quant à lui, reconnaissable à sa légÚre transparence (absence d'hydroxyde d'aluminium selon les sites de vente de cosmétique) et la non homogénéité du produit.

Produit de synthĂšse industrielle

Un produit de synthĂšse industrielle, l’Ammonium alun ou Ammonium alum, fabriquĂ© Ă  partir de sulfate d'ammonium, sous-produit de l'industrie du caprolactame, d'acide sulfurique et d'alumine est vendu comme dĂ©odorant naturel. Pourtant de nombreux marchands de produits naturels affirment que les produits de synthĂšse seraient intrinsĂšquement nocifs, n'Ă©tant pas d'origine naturelle, notamment par la prĂ©sumĂ©e migration des molĂ©cules d'aluminium sous la peau (voir Controverse sur l'innocuitĂ© des dĂ©odorants).

Notes et références

  1. Masse molaire calculĂ©e d’aprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. EntrĂ©e « Aluminium potassium sulfate Â» dans la base de donnĂ©es de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© au travail) (allemand, anglais), accĂšs le 28 septembre 2019 (JavaScript nĂ©cessaire)
  3. DiogÚne Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres [détail des éditions] (lire en ligne) (Livre V, 42 - 50)
  4. Strabon, Géographie [détail des éditions] [lire en ligne] (Livre XXXIII, 30)
  5. Les alchimistes grecs. Papyrus de Leyde, Papyrus de Stockholm, Recettes, texte établi et traduit par Robert Halleux, sous la direction de Henri-Dominique Saffrey, Les Belles Lettres, coll. « Universités de France », 1981 (réed. 2002) (ISBN 9782251000039).
  6. KNO3
  7. CuSO4⋅5H2O
  8. « Alun de potassium - Identification de la substance », sur biam2.org (consulté le ).
  9. Mathey JĂ©rome, « SynthĂšse des cristaux d’Alun de Potassium », .
  10. « Alun de potassium », sur cristallographie.free.fr (consulté le ).
  11. Marie-Claude Martini, BTS esthétique-cosmétique, vol. 2, Cosmétologie, 2008, p. 49
  12. Frédéric Georges Cuvier, Dictionnaire des sciences naturelles, vol. 51, éd. F. G. Levrault, 1827, p. 293
  13. The effects of alumina salts on the gastric juice in the process of digestion by Henry A. MOTT, Jr, Ph.D. (Journal of American Chemical Society 1897, vol 2, p13-23)
  14. « Sirop de Miel au sucre pour gĂąteaux orientaux | La cuisine de Djouza », La cuisine de Djouza,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  15. Bernard LAURANCE, « Zlabias », La Cuisine de Bernard,‎ 2010-2016 (lire en ligne, consultĂ© le )
  16. Fiche de l'alun liquide
  17. [PDF] « Exemple d'utilisation de l'alun pour dé-sensibiliser l'allergie aux graminée. », sur cytos.com (consulté le )
  18. Pierre d'alun: la fausse bonne idée en matiÚre de déodorant naturel?
  19. [PDF] « Les sels d'aluminium des déodorants sont-ils dangereux ? », 25 avril 2009.
  20. [PDF] « Évaluation du risque liĂ© Ă  l’utilisation de l’aluminium dans les produits cosmĂ©tiques (oct 2011) ».
  21. [PDF] « CR de la Commission de cosmétologie (28/01/2011), portant en p. 13 sur l'évaluation du risque lié à l'aluminium dans le domaine ».
  22. « Trop d’aluminium favoriserait la maladie d’Alzheimer », Medisite,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).

Bibliographie

  • Paul Pascal, « Nouveau traitĂ© de chimie minĂ©rale », Masson Éditeurs, 1961.
  • Jean Delumeau, L'Alun de Rome, Paris, SEVPEN, 1962.
  • Jean Perrotey, « aluns », EncyclopĂŠdia Universalis , 2004

Voir aussi

Article connexe

Lien externe

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