Acidose métabolique
L'acidose mĂ©tabolique est un trouble de l'Ă©quilibre acido-basique dĂ©fini par une baisse du pH dans le secteur extracellulaire plasmatique (sang), d'origine mĂ©tabolique. C'est une baisse des ions bicarbonates qui en est la cause, elle-mĂȘme pouvant ĂȘtre due Ă une diarrhĂ©e, une atteinte rĂ©nale, ou Ă une charge acide excessive d'origine exogĂšne ou endogĂšne (lactatĂ©mie Ă©levĂ©e, Ă©tat de choc, cĂ©tose).
Spécialité | Néphrologie, médecine de soins critiques et médecine interne |
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CIM-10 | E87.2 |
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CIM-9 | 276.2 |
DiseasesDB | 92 |
MedlinePlus | 000335 |
eMedicine |
242975 med/1458 ped/15 |
Patient UK | Metabolic-acidosis |
Mise en garde médicale
Physiopathologie
Le pH reprĂ©sente la concentration en protons libres d'une solution. Le pH se mesure dans le sang, la lymphe, l'espace interstitiel et le milieu intracellulaire. Le pH n'a pas une grandeur figĂ©e car les activitĂ©s neuronales et hormonales, et d'autres signaux peuvent induire des variations rapides et transitoires du pH extra et intracellulaire. Cependant, le pH extracellulaire chez l'Homme, est habituellement de 7,4, et le pH intracellulaire a une valeur infĂ©rieure aux alentours de 7. Ces valeurs sont extrĂȘmement rĂ©gulĂ©es via plusieurs mĂ©canismes fondĂ©s sur l'Ă©quation suivante : H+ + HCO3â â H2CO3 â H2O + CO2.
- Le tampon pulmonaire permet d'éliminer un excÚs d'acide par l'hyperventilation (dyspnée de Kussmaul : respiration ample, profonde, permettant de rejeter du CO2 et de la vapeur d'eau et ainsi de faire augmenter le pH);
- Les reins ont deux fonctions importantes :
- éliminer les ions H+ dans les urines (excrétion au niveau du tube contourné distal et tube collecteur) pour 75 % sous forme d'ammonium NH4+ (c'est-à -dire H+ + ammoniac NH3), le dernier quart étant éliminé sous forme libre ou sous forme d'autres acides (par exemple H2PO4).
- rĂ©absorber les bases HCO3â, via le tube contournĂ© proximal dans la corticale rĂ©nale.
Les normes physiologiques chez l'ĂȘtre humain sont :
- pH : entre 7,38 et 7,42. (bornes souvent Ă©largies Ă 7,35-7,45)
- Bases : HCO3 entre 22 et 28 mmol/L (normes variables selon le laboratoire)
- pCO2 (pression partielle en dioxyde de carbone dans le sang) entre 35 et 45 mmHg
- Trou anionique (diffĂ©rence entre les anions et les cations dans le plasma câest-Ă -dire [Na+ + K+] - [HCO3â + Clâ], normalement situĂ© entre 12 et 20 mmol/L).
L'acidose métabolique est définie par une chute du pH sous 7,35[1], quelle qu'en soit la raison (charge acide excessive d'origine exogÚne ou endogÚne ; perte excessive de bicarbonates ; défaut d'excrétion rénale acide) et les mécanismes de compensation.
Diagnostic
- Les signes cliniques de l'acidose sont en rÚgle générale discrets : on retrouve a minima une dyspnée ample de Kussmaul (hyperventilation compensatrice), le diagnostic est alors confirmé par la mesure des gaz du sang. Les acidoses profondes sont souvent responsables de troubles neurologiques allant de la confusion mentale au coma. Les signes cliniques révélateurs d'une étiologie sont à rechercher avec le patient ou son entourage si celui-ci est inconscient. Il peut exister un collapsus cardiovasculaire si l'acidose est sévÚre.
- Diagnostic biologique[2] :
- Cependant l'acidose mĂ©tabolique n'est pas synonyme d'acidĂ©mie (pH<7.35). En effet le pH sanguin peut ĂȘtre normal (7.35 - 7.45) ou basique (> 7.45) si l'acidose mĂ©tabolique est associĂ©e Ă d'autres troubles mĂ©taboliques (ex: alcalose mĂ©tabolique associĂ©e Ă une acidose mĂ©tabolique).
Ătiologie
Le diagnostic Ă©tiologique repose sur un examen fondamental Ă demander en mĂȘme temps que les gaz du sang : le ionogramme sanguin, qui permet de calculer le trou anionique, qui seul permet de faire la diffĂ©rence entre une acidose par excĂšs d'acide ou par perte de bases. Le trou anionique se calcule par diffĂ©rence entre les cations et les anions dans le plasma : [Na+] - ([HCO3â] + [Clâ]).
- Accumulation acide : trou anionique élevé
- Perte de bicarbonates : trou anionique normal
- Accumulation d'acide dont l'anion est le Clâ : trou anionique normal
Acidose métabolique à trou anionique élevé (TA > 16mmol/L)
L'Ă©lĂ©vation du trou anionique tĂ©moigne de la prĂ©sence dans le sang d'un acide qui peut ĂȘtre endogĂšne ou exogĂšne (par intoxication)
- Surproduction d'acides organiques :
- Les acidoses lactiques (> 2 mmol/L) :
- Hypoxie tissulaire (Ă©tat de choc) ;
- Intoxication au CO ;
- MĂ©dicaments et toxiques (Ă©thanol, mĂ©thanol, biguanide, salicylĂ©s, isoniazideâŠ) ;
- DiabÚte sucré, insuffisance hépatocellulaire, cancers ;
- Héréditaires ;
- Les cétoacidoses :
- Diabétique, éthylique, de jeûne ;
- Anomalies du métabolisme du glycogÚne ;
- Les intoxications :
- Les rhabdomyolyses massives, le syndrome de lyse ;
- Les acidoses lactiques (> 2 mmol/L) :
- Les insuffisances rénales :
ExcĂšs d'acide endogĂšne
- Acidose lactique : elle est le plus souvent due Ă une hypoxie tissulaire sĂ©vĂšre (Ă©tats de choc, intoxication au monoxyde de carbone) mais peut aussi ĂȘtre due Ă certaines intoxications (biguanides, en particulier chez l'insuffisant rĂ©nal, hĂ©patique ou cardiaque), cancers, etc.
- Acidocétose : dans le diabÚte sucré insulinopénique trÚs déséquilibré, par accumulation de corps cétoniques.
Intoxications exogĂšnes
Les plus fréquentes sont l'intoxication à l'aspirine, le méthanol, l'éthylÚne glycol.
Acidoses métaboliques à trou anionique normal
Elles sont dues à une perte excessive de bases : pertes digestives (diarrhées aiguës) ou pertes rénales (acidose tubulaire rénale).
C'est la mesure du trou anionique urinaire qui permettra d'orienter le diagnostic.
Celui ci se calcule par la formule TAu = [Na+]u + [K+]u - [Cl-]u.
Ce taux est légÚrement positif en conditions physiologiques.
Si le TAu est négatif, ceci implique une grande quantité d'ions NH4+, la forme d'élimination des ions H+, dans l'urine, et donc que le rein fonctionne bien en éliminant l'excÚs d'acide, orientant vers une origine extrarénale de la perte de bicarbonate, par une diarrhée le plus souvent.
Si le TAu est franchement positif, c'est qu'il n'y a que peu d'ions NH4+ dans l'urine, et que le problĂšme de base vient des reins eux-mĂȘmes, orientant vers une acidose tubulaire rĂ©nale.
Traitement
Le traitement étiologique (de la cause), lorsqu'il est possible, est fondamental : prise en charge d'un état de choc, insulinothérapie en cas d'acidocétose, etc.
Dialyse (ou épuration extrarénale)
Elle est indiquĂ©e en cas d'acidose due Ă un toxique dialysable (par exemple une intoxication aux biguanides), en cas d'hyperkaliĂ©mie sĂ©vĂšre associĂ©e (l'acidose entraĂźne une hyperkaliĂ©mie), ou en cas d'oligoanurie (moins de 500 ml d'urine produite par jour, ce qui empĂȘche une Ă©limination naturelle des acides accumulĂ©s). Si l'Ă©puration extrarĂ©nale n'est pas rapidement disponible, un apport de bicarbonates intraveineux doit ĂȘtre envisagĂ©.
Apport intraveineux de bicarbonate de sodium
Ce traitement doit ĂȘtre rĂ©servĂ© aux acidoses mĂ©taboliques minĂ©rales, câest-Ă -dire celles qui traduisent un dĂ©faut de l'excrĂ©tion acide mĂ©tabolique normale. En cas d'acidose mĂ©tabolique organique (acidose lactique, acidocĂ©tose), le traitement doit reposer sur le traitement de la cause. En effet, la mĂ©tabolisation des sels d'acide organique en excĂšs induite par le traitement de la cause est Ă l'origine d'une gĂ©nĂ©ration Ă©quimolaire de bicarbonate qui corrige donc spontanĂ©ment le trouble.
Lorsque le bicarbonate de sodium est utilisĂ©, il doit l'ĂȘtre avec une grande prudence : on risque en effet de nombreux effets secondaires lorsque le pH est corrigĂ© trop vite ou que les bicarbonates sont ramenĂ©s Ă leur Ă©tat normal : il faut viser une concentration en HCO3â sub-normale, de l'ordre de 16 mmol/L aprĂšs 6 heures de traitement. Les risques sont principalement dus au dĂ©lai qui existe entre la correction de l'acidose et la prise en compte de cette correction par le cerveau : en effet, les rĂ©cepteurs chimiques cĂ©rĂ©braux responsables de l'hyperventilation sont stimulĂ©s par le pH du liquide cĂ©rĂ©brospinal, dont le pH met plus longtemps Ă se corriger que le pH sanguin. En cas de normalisation trop rapide, on risque donc une alcalose respiratoire (les autres risques sont l'hypokaliĂ©mie, et la surcharge hydrosodĂ©e). De plus, l'apport de bicarbonate de sodium peut aggraver paradoxalement l'acidose intracellulaire en gĂ©nĂ©rant du CO2 qui diffuse librement dans l'espace cellulaire.
D'une acidose métabolique chronique et modérée
Les deux causes majeures d'acidose mĂ©tabolique chronique sont l'insuffisance rĂ©nale (le rein ne parvient plus Ă dĂ©barrasser l'organisme de ses dĂ©chets azotĂ©s) et l'acidose tubulaire rĂ©nale. Le traitement repose sur l'apport de bicarbonate de sodium per os au long cours, par eau de Vichy ou par prĂ©paration magistrale, d'environ 2 Ă 8 grammes par jour d'HCO3â, avec une surveillance rĂ©guliĂšre du ionogramme sanguin, du ionogramme urinaire, et des gaz du sang.
Notes et références
- « Acidose mĂ©tabolique - Troubles endocriniens et mĂ©taboliques », Ădition professionnelle du Manuel Merck,â (lire en ligne, consultĂ© le ) :
« Une acidémie (pH artériel < 7,35) en résulte lorsque la charge acide surpasse la compensation respiratoire. »
- (en) C.G.MORRIS, « Metabolic acidosis in the critically ill: part 1. Classification and pathophysiology. », anaesthesia, no 63 (3),â , p. 294-301 (lire en ligne)