Ătzi
Ătzi (prononcĂ© en allemand : /ËĆtsi/ ) est un homme prĂ©historique momifiĂ© naturellement (congelĂ© et dĂ©shydratĂ©) dĂ©couvert fortuitement le Ă 3 210 mĂštres d'altitude, dans le val de Senales en Italie, Ă 92 mĂštres de la frontiĂšre de l'Autriche. La momie se trouvait dans le glacier du Hauslabjoch (il est aussi appelĂ© homme de Hauslabjoch), prĂšs de la chaĂźne de Similaun (il est appelĂ© Ă©galement Homme de Similaun) dans les Alpes de l'Ătztal (d'oĂč le surnom d'Ătzi), non loin des Dolomites italiennes. Il Ă©tait enseveli sous une couche de glace et son existence a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e par la fonte importante du glacier cet Ă©tĂ©-lĂ . Il date du NĂ©olithique final (vers [1]). Dans les mĂ©dias français, il a parfois Ă©tĂ© appelĂ© Hibernatus, par rĂ©fĂ©rence au film du mĂȘme nom[2].
présentée au musée de Préhistoire de Quinson.
Naissance | |
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DĂ©cĂšs | |
SĂ©pulture |
Musée archéologique du Haut-Adige (depuis ) |
Nom dans la langue maternelle |
Inconnu |
Surnom |
Homme de Similaun ou Homme de Hauslabjoch |
Activité |
plusieurs hypothĂšses (voir l'article) |
Taille |
1 mĂštre 60 |
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Masse |
59 kg |
Cheveux | |
Yeux |
marron |
Sites web |
(en) iceman.it/en (de) iceman.it/de (it) iceman.it |
Il s'agit d'une des momies les plus cĂ©lĂšbres au monde en raison de l'apport majeur Ă notre connaissance des sociĂ©tĂ©s nĂ©olithiques permis par son Ă©tat de conservation ainsi que de l'histoire de sa mort (homicide), objet d'une vaste enquĂȘte. Ătzi est de ce fait largement utilisĂ© dans des documentaires dont il est soit le thĂšme principal, soit une rĂ©fĂ©rence importante. Il est Ă©galement prĂ©sent dans diverses Ćuvres littĂ©raires, reprĂ©sentations artistiques (dont sa posture) et est devenu, au fil des annĂ©es une rĂ©fĂ©rence culturelle commune. La momie repose aujourd'hui dans une chambre froide Ă environnement contrĂŽlĂ© au musĂ©e archĂ©ologique du Haut-Adige Ă Bolzano, en Italie. Une zone vitrĂ©e permet au public de l'observer. Plusieurs rĂ©pliques en rĂ©sine sont Ă©galement exposĂ©es dans diffĂ©rents musĂ©es du monde.
DĂ©couverte
Le corps gisant sous un glacier dans les Alpes de l'Ătztal est mis au jour par un vent de sable du type foehn qui a fait fondre le glacier. Il est dĂ©couvert fortuitement le par un couple de randonneurs venus de Nuremberg, Helmut et Erika Simon, qui alertent la gendarmerie autrichienne et les carabinieri italiens, pensant qu'il s'agit d'un alpiniste victime d'un accident et mort de froid[3]. La momie et les objets qui l'accompagnaient ont subi les jours suivants plusieurs dommages du fait de curieux avant que des scientifiques n'interviennent : vĂȘtements dĂ©chirĂ©s, rĂ©cipient cylindrique brisĂ©, « bĂąton » (en rĂ©alitĂ© l'arc d'Ătzi) fichĂ© dans la glace et cassĂ©, etc. Le lendemain, le gardien du refuge le plus proche Markus Pirpamer et un gendarme tentent de dĂ©gager le corps de sa gangue de glace, notamment Ă l'aide d'un marteau piqueur Ă compression, ce qui endommage la momie au niveau du fessier et d'une cuisse, l'humĂ©rus Ă©tant rompu[4]. Un peu plus tard dans la journĂ©e, plusieurs alpinistes du refuge, dont le cĂ©lĂšbre Reinhold Messner se rendent sur le site. Ce dernier remarque des vestiges archĂ©ologiques autour de la momie et, pensant que la momie est celle d'un Tyrolien ĂągĂ© de 500 ans, alerte la presse[5]. Devant les camĂ©ras de tĂ©lĂ©vision, le corps est dĂ©gagĂ© des glaces le et est hĂ©liportĂ© par les secours en montagne Ă l'institut de mĂ©decine lĂ©gale d'Innsbruck. Pensant Ă un crime, le procureur local porte plainte contre X, le corps prĂ©sentant des traces bleuĂątres et le crĂąne une blessure[6] - [7].
Le corps a Ă©tĂ© dĂ©couvert couchĂ© sur le ventre. On pensait qu'il avait chutĂ© en avant mais la face gauche dĂ©formĂ©e suggĂšre plutĂŽt qu'il Ă©tait couchĂ© sur le cĂŽtĂ© gauche et qu'une fois enseveli sous la neige, lâĂ©coulement du glacier a retournĂ© son corps[8].
Les premiĂšres observations soulignent que son Ă©piderme s'est transformĂ© en adipocire avant d'ĂȘtre momifiĂ©. Les vestiges archĂ©ologiques associĂ©s au corps retiennent l'attention des archĂ©ologues. Devant l'intĂ©rĂȘt du corps, les autoritĂ©s italiennes le rĂ©clament, puisqu'il a Ă©tĂ© dĂ©couvert sur leur territoire. Une Ă©quipe internationale dirigĂ©e par Rainer Henn, le responsable de la mission scientifique autrichienne, rĂ©alise une Ă©tude publiĂ©e en 1996 avant de le remettre aux Italiens[9].
Caractéristiques
La momie congelĂ©e est celle d'un homme d'environ 45 ans, mesurant 1,59 Ă 1,65 mĂštre[10] et pesant autour de 50 kilogrammes[11], brachycĂ©phale, glabre exceptĂ© pour la barbe. Il a toutes ses dents et porte des incisives trĂšs Ă©cartĂ©es, type « dents du bonheur »[12]. Il prĂ©sente les traits dâun chasseurâcueilleur, les jambes musclĂ©es, mais le haut du corps pas particuliĂšrement dĂ©veloppĂ©, lâintĂ©rieur des mains pas trĂšs calleux, contrairement aux cultivateurs[10].
Datation
Une premiÚre datation par le carbone 14 indiquait que l'individu avait vécu durant une période comprise entre 3350 et
Les artistes hollandais Adrie et Alfons Kennis ont utilisé des scanners 3D de l'« homme des glaces » et d'autres indications anatomiques pour créer un modÚle grandeur nature.
Il s'agissait de la plus ancienne momie naturelle connue, jusqu'aux datations des momies retrouvĂ©es Ă la Cueva de la Momia (es) / Quebrada de Chulin (Mexique), « Chulina » et « Rosalia », une momie datant de 5 340 ± 70 ans AP ( ± 70 ans)[13], ou de la momie de Fallon dĂ©couverte en 1940 dans la grotte de l'Esprit (Nevada, Ătats-Unis), dĂ©sormais datĂ©e de 9 415 ans (plus ou moins 25 ans)[14].
Ăquipement et habillement
Dans la poche de la ceinture d'Ătzi et Ă ses cĂŽtĂ©s se trouvaient un arc en if en fibre d'Ă©corce torsadĂ©e de 182 cm, inachevĂ©, 14 flĂšches dans leur carquois (12 en cours de fabrication ou Ă rĂ©parer, dĂ©pourvues de pointes en silex et de plumes), une hache Ă lame de cuivre pur poli (tenue par un lacet de cuir et « collĂ©e » au manche en bois d'if avec du brai de bouleau), une dague Ă lame de silex emmanchĂ©e sur un manche de frĂȘne, dans un fourreau en tissu d'ortie et quelques champignons (dont des polypores du bouleau enfilĂ©s sur une laniĂšre de cuir, probablement Ă usage mĂ©dicinal en traitement contre la trichinose, et de l'amadou, probable allume-feu)[12] - [15]. Le corps Ă©tait encore enveloppĂ© dans une partie de ses vĂȘtements formant trois couches successives : un pagne en peau de chĂšvre maintenu par une ceinture en peau de veau, une grande veste en cuir qu'on a d'abord supposĂ© ĂȘtre de chamois et de bouquetin, des jambiĂšres attachĂ©es Ă la ceinture par des jarretelles, une cape en fibres vĂ©gĂ©tales tressĂ©es, un bonnet de fourrure en peau d'ours. Il avait Ă©galement une hotte munie d'une armature formĂ©e d'une longue tige de noisetier, deux rĂ©cipients cylindriques en Ă©corce de bouleau (l'un contenant des feuilles d'Ă©rable qui semblent avoir Ă©tĂ© le rĂ©ceptacle de charbon de bois servant de braises pour allumer plus facilement un feu)[16], un petit sac comprenant un nĂ©cessaire Ă feu (amadou, silex, fragments de pyriteâŠ)[17] et un petit sac de cuir contenant de petits outils de silex (grattoir, perçoir, lame pointue), notamment un retoucheur (ou retouchoir) servant Ă retravailler les outils en silex. Deux de ses flĂšches, son poignard et sa cape sont couverts de sang appartenant Ă quatre individus diffĂ©rents. Ătzi portait des chaussures en peau (semelle en cuir d'ours, enveloppe en peau de cerf) et paille (foin sĂ©chĂ© maintenue servant d'isolant), et en fibres d'Ă©corce[18].
En 2008, une Ă©tude rĂ©alisĂ©e par des biochimistes de l'universitĂ© de Sarrebruck a permis d'en savoir plus sur ses vĂȘtements[19] - [20]. Quatre Ă©chantillons de cuir recouvrant ses mocassins, ses bas et son manteau ont Ă©tĂ© analysĂ©s par une mĂ©thode basĂ©e sur la spectromĂ©trie de masse par MALDI-TOF, initialement conçue pour identifier les plumes et le duvet lors des contrĂŽles de qualitĂ© dans l'industrie de la literie. Il en ressort que le cuir des chaussures est constituĂ© de peau de bovin tandis que les trois autres Ă©chantillons proviennent de moutons. L'origine de ses vĂȘtements et la localisation de son corps Ă proximitĂ© d'une route utilisĂ©e encore de nos jours pour la transhumance permet d'Ă©mettre une hypothĂšse Ă ce jour invĂ©rifiable, d'une activitĂ© de berger dĂ©jĂ conditionnĂ©e par la nĂ©cessitĂ© de dĂ©placements saisonniers entre les vallĂ©es et des zones d'altitude[21].
Le sĂ©quençage de l'ADN mitochondrial trouvĂ© dans les restes de vĂȘtements a ensuite apportĂ© des informations plus prĂ©cises : ce sont cinq espĂšces diffĂ©rentes qui ont fourni les peaux utilisĂ©es par Ătzi : les jambiĂšres Ă©taient en cuir de chĂšvre, le pagne en peau de mouton, les lacets en cuir de bovin, le chapeau en fourrure d'ours et le carquois Ă©tait bien en peau de cerf[22]. Il portait un lourd manteau constituĂ© de peaux de chĂšvre et de brebis cousues ensemble (et non de chamois et de bouquetin comme on l'avait d'abord cru), ce qui suggĂšre un groupe humain d'agriculteurs/Ă©leveurs, mais pratiquant Ă©galement la chasse[22].
L'Ă©tude tracĂ©ologique du silex suggĂšre qu'Ătzi Ă©tait droitier[23].
Une exposition au ChĂąteau-musĂ©e de BĂ©lesta (PyrĂ©nĂ©es-Orientales) montre cette reconstitution complĂšte d'Ătzi : bonnet en peau d'ours brun, manteau de fourrure et pantalon en peau de chĂšvre, couche de foin dans des languettes de peau protĂ©geant des mocassins en cuir de cerf avec des semelles en cuir d'ours, ceinture en peau de veau, amulette, hache en cuivre, arc et son carquois[24].
Alimentation
Le dernier repas d'Ătzi se composait de cĂ©rĂ©ales (75 % des restes de vĂ©gĂ©taux, notamment une bouillie d'Ă©peautre mĂ©langĂ©e Ă d'autres plantes), de cerf et de bouquetin : l'Ă©tude de l'ADN des aliments conservĂ©s dans ses intestins montre en effet la prĂ©sence de cĂ©rĂ©ales domestiques indiquant qu'il a Ă©tĂ© en contact avec des populations agricoles[25]. Il semblerait qu'Ătzi ne pouvait pas digĂ©rer le lactose[26]. Ses dents sans caries tĂ©moignent dâune culture cĂ©rĂ©aliĂšre maĂźtrisĂ©e. On observe dâailleurs une altĂ©ration des dents qui prouve quâil consommait involontairement de la poussiĂšre de silice probablement quand il se servait de sa meule pour broyer les grains de cĂ©rĂ©ales[27].
Maladies et blessures d'Ătzi
Les tatouages arborĂ©s par Ătzi (61 petits groupes de traits parallĂšles ou deux marques disposĂ©s en croix sur les lombaires, les genoux et les chevilles, rĂ©alisĂ©s par incision et insertion de poudre de charbon de bois) semblent en relation avec des lĂ©sions d'arthrose qui ont Ă©tĂ© repĂ©rĂ©es Ă la radiographie[28]. On connaĂźt d'autres pratiques thĂ©rapeutiques analogues consistant Ă dĂ©poser une poudre vĂ©gĂ©tale dans une petite incision sous la peau, attestĂ©es par l'ethnographie et les sources anciennes. Ătzi porte les plus anciens tatouages nĂ©olithiques connus dans le monde[29].
Une Ă©quipe autrichienne a remarquĂ© que, parmi les 15 groupes de traits dont Ă©tait tatouĂ© Ătzi, neuf Ă©taient proches de points de mĂ©ridiens de l'acupuncture chinoise. Toutefois, comme le fait remarquer L. Renaut, « la pratique actuelle recense 670 points rĂ©partis symĂ©triquement sur tout le corps humain, le long de 12 mĂ©ridiens (ou canaux) bilatĂ©raux et de deux mĂ©ridiens axiaux. La surface du corps humain Ă©tant littĂ©ralement constellĂ©e de points dâinsertion, on peut estimer comme dĂ©pourvu de toute espĂšce de signification statistique le fait que les tatouages dâĂtzi, longilignes et assez Ă©tendus, coĂŻncident de temps Ă autre avec certains de ces points. »[29]. Il n'y a pas consensus dans la communautĂ© scientifique Ă ce sujet[7].
L'examen des cheveux au microscope Ă©lectronique a permis d'Ă©tablir la prĂ©sence anormalement Ă©levĂ©e de mĂ©taux (cuivre, manganĂšse et nickel mĂ©langĂ©s Ă de l'arsenic, ces Ă©lĂ©ments tĂ©moignant de la frĂ©quentation d'un atelier de mĂ©tallurgiste, Ă moins qu'il n'ait Ă©tĂ© lui-mĂȘme un forgeron)[30]. Les concentrations Ă©galement Ă©levĂ©es de cuivre et d'arsenic dans ses poumons noircis, suggĂšrent qu'il s'agissait d'un fondeur de cuivre[31].
L'examen du seul ongle rĂ©cupĂ©rĂ© rĂ©vĂšle une anomalie de la lame unguĂ©ale caractĂ©ristique d'un stress intense 8, 12 et 16 semaines avant sa mort[32]. Ce mauvais Ă©tat gĂ©nĂ©ral semble liĂ© Ă la prĂ©sence dans son intestin d'Ćufs de trichine, un parasite qui produit des crises tous les vingt jours. Le champignon Piptoporus betulinus, dont Ătzi avait emportĂ© une rĂ©serve, est connu pour dĂ©truire ce ver et ses Ćufs et agir comme un puissant laxatif. Une sĂ©rie de fractures des cĂŽtes du cĂŽtĂ© gauche, recalcifiĂ©es, semble indiquer une chute telle qu'on peut en faire en montagne. D'autres fractures non soignĂ©es, du cĂŽtĂ© droit, peuvent provenir d'un autre accident, d'une rixe ou de la simple pression de la glace[33]. Moins de 48 Ă 24 heures avant sa mort, Ătzi a reçu un coup de couteau Ă la main (la position de la plaie, entre le pouce et l'index, et sa profondeur, Ă©tant typiques de l'autodĂ©fense)[34]. Ces donnĂ©es, combinĂ©es Ă son Ă©quipement et ses vĂȘtements endommagĂ©s, et sa mort violente loin de son village, suggĂšrent qu'il a Ă©tĂ© impliquĂ© dans plusieurs conflits[35].
Des chercheurs ont trouvĂ© des gĂšnes de la bactĂ©rie Borrelia burgdorferi. Cela fait d'Ătzi le premier homme connu Ă avoir Ă©tĂ© infectĂ© par le parasite Ă l'origine de la maladie de Lyme[18] - [36].
Des Ă©tudes en 2011 ont rĂ©vĂ©lĂ© d'autres pathologies : athĂ©rosclĂ©rose, poumons encrassĂ©s par la fumĂ©e des feux de camp, enthĂ©sopathie au niveau des genoux suggĂ©rant de nombreuses marches dans la montagne, prĂ©sence de trois calculs biliaires indiquant que le rĂ©gime dâĂtzi Ă©tait riche en protĂ©ines[37].
Génétique
En 2012, l'analyse à 96 % de son ADN nucléaire a révélé une mutation du chromosome Y qui se retrouve seulement dans 20 % de la population corse du sud de l'ßle et 9 % de la population sarde, à savoir l'haplogroupe ADN-Y G2a2b (anciennement G2a4). Son haplogroupe mitochondrial est K1f, un haplogroupe absent ou rare parmi les populations actuelles[38].
L'Ă©tude gĂ©nĂ©tique de 2012 montre Ă©galement qu'Ătzi souffrait d'une prĂ©disposition gĂ©nĂ©tique Ă l'athĂ©rosclĂ©rose et aux maladies cardiovasculaires[39]. Les Ă©chantillons prĂ©sentaient des brins dâADN appartenant Ă la bactĂ©rie Borrelia burgdorferi responsable de la maladie de Lyme qui aurait pu ĂȘtre Ă lâorigine de ses problĂšmes dâarthrite[40]. Enfin cette Ă©tude suggĂšre qu'il devait ĂȘtre brun aux yeux marrons, du groupe sanguin O et prĂ©senter une intolĂ©rance au lactose[41].
En 2016, l'analyse gĂ©nĂ©tique du contenu de lâestomac dâĂtzi rĂ©vĂšle quâil Ă©tait porteur dâHelicobacter pylori, bactĂ©rie qui infecte la muqueuse gastrique[42]. Le sĂ©quençage du gĂ©nome de cette bactĂ©rie grĂące Ă de nouvelles techniques dâanalyses dâADN ancien, montre, selon les chercheurs, que cette souche est « un reprĂ©sentant presque pur de la population bactĂ©rienne dâorigine asiatique qui existait en Europe avant lâhybridation, ce qui suggĂšre que la population africaine est arrivĂ©e en Europe au cours du dernier millĂ©naire[43] ».
Paléo-environnement
Les pollens trouvĂ©s Ă l'intĂ©rieur du corps, prĂ©levĂ©s par endoscopie, appartiennent Ă un environnement de type forestier, ceux contenus dans son estomac indiquent quâil a pris son dernier repas Ă basse altitude, au printemps ; ce fait est cependant contradictoire avec la prĂ©sence d'un noyau de prunelle Ă cĂŽtĂ© du corps ce qui indiquerait un dĂ©cĂšs Ă l'automne[7]. Ceux trouvĂ©s dans ses vĂȘtements (17 espĂšces dâarbres et dâarbrisseaux, 30 espĂšces de bryophytes), ainsi que deux grains de blĂ©, deux prunelles, des rĂ©sidus de feuilles (Ă©rable) et de bois (if, mĂ©lĂšze, noisetier, tilleul, bouleau et ostrier) indiquent que son clan vivait dans une zone de moyenne montagne dans le Sud du Tyrol[44].
Les abondances de diffĂ©rentes formes de plusieurs Ă©lĂ©ments chimiques dans ses os et dents, tels le strontium, le plomb, l'oxygĂšne et le carbone, permettent de prĂ©ciser qu'il est originaire de la rĂ©gion de la Val Venosta, Ă vingt kilomĂštres de l'endroit oĂč il est mort[45] ou de quelque vallĂ©e Ă moins de 60 kilomĂštres au sud-est du lieu de dĂ©couverte dans le Tyrol du Sud actuel[38]. Les pollens contenus dans la neige l'entourant sont typiques de la fin dâĂ©tĂ© ou du dĂ©but dâautomne[9] - [46]. Les dĂ©tails de la facture de ses vĂȘtements ont fourni d'abondantes observations et correspondent Ă ceux d'une longue tradition alpine. Il en est de mĂȘme de l'outillage trĂšs complet qu'il avait emportĂ© avec lui[33].
La mort d'Ătzi
L'examen aux rayons X (rĂ©vĂ©lant une pointe de silex d'une flĂšche ayant transpercĂ© l'omoplate) et les expĂ©rimentations avec l'arc ont montrĂ© qu'Ătzi a Ă©tĂ© frappĂ© de dos, de bas en haut, Ă une distance de 30 Ă 40 mĂštres, donc il devait se tenir accroupi ou agenouillĂ©, ou debout en contre-haut du tireur[47]. Selon le docteur Eduard Egarter Vigl, mĂ©decin lĂ©giste Ă Bolzano, le projectile a sans doute sectionnĂ© une artĂšre d'Ătzi et entraĂźnĂ© une infection bactĂ©rienne[48].
Ceci rappelle une gravure figurant sur un menhir contemporain d'Ătzi conservĂ© dans une Ă©glise de la vallĂ©e au village de Laces, dans laquelle on voit un homme abattu de dos par un agresseur qui lui tire une flĂšche, comme le montre un reportage de la National Geographic Society[18]. La mort d'Ătzi, chef important comme le prouve sa hache de cuivre, Ă©tait-elle dĂ©jĂ entrĂ©e dans la lĂ©gende, au point d'ĂȘtre gravĂ©e dans la pierre, se demande le professeur qui intervient dans ce film.
Plusieurs hypothÚses se sont succédé pour expliquer sa mort[49] :
- Ătzi Ă©tait un berger qui se serait perdu dans le froid car il a Ă©tĂ© retrouvĂ© prĂšs d'un chemin de transhumance ; cette premiĂšre hypothĂšse est infirmĂ©e par l'absence d'excrĂ©ments de troupeaux ainsi que par la possession d'une hache et de divers Ă©lĂ©ments tels des champignons mĂ©dicinaux ;
- Ătzi Ă©tait un marchand forgeron ambulant et guĂ©risseur qui aurait dĂ» fuir Ă la suite d'un Ă©chec ; cette hypothĂšse ne correspond pas Ă une blessure Ă la main typique des guerriers, ainsi qu'avec la rĂ©partition des Ă©lĂ©ments radioactifs prĂ©sents dans ses dents, plus en rapport avec une vie sĂ©dentaire ;
- selon une hypothĂšse actuelle, Ătzi, qui Ă©tait armĂ© d'une hache Ă lame de cuivre et d'un arc non fonctionnels (hache jamais affĂ»tĂ©e, arc non montĂ© avec des flĂšches pas encore complĂštement taillĂ©es), aurait Ă©tĂ© un membre influent (roi, chamane) de sa tribu, situĂ©e Ă la frontiĂšre formĂ©e par la crĂȘte des Alpes[50], dont la sĂ©pulture aurait Ă©tĂ© placĂ©e intentionnellement sur une plate-forme rocheuse de cette frontiĂšre, le corps ayant ensuite glissĂ© Ă cause de la fonte partielle de la neige qui lâentourait[51] ;
- selon une autre hypothĂšse, sa mort au niveau d'un col (frontiĂšre entre deux clans vivant dans des vallĂ©es voisines) tĂ©moignerait d'un combat entre ces deux clans, comme le montrent les traces de sang trouvĂ©es sur le manteau, les flĂšches et la lame du couteau d'Ătzi, traces de sang appartenant Ă quatre personnes diffĂ©rentes.
L'autopsie a montrĂ© quâil n'Ă©tait pas mort de faim (son tube digestif comportant des restes de farines et de cerf), ni d'un accident ou d'une chute. En , des scientifiques italiens ont trouvĂ© une blessure dans l'Ă©paule prĂšs du poumon gauche d'Ătzi, infligĂ©e par une pointe de flĂšche. L'Ă©tude de la blessure montre qu'elle aurait pu atteindre l'artĂšre sous-claviĂšre irriguant le bras, et qu'Ătzi aurait pu se vider de son sang trĂšs rapidement. L'ossification mise en Ă©vidence par la radiographie met cependant en Ă©vidence que cette blessure Ă©tait ancienne. L'Ă©tat de ses ongles (prĂ©sence de stries tĂ©moignant d'un arrĂȘt, puis d'une reprise de croissance) laisse Ă©galement penser qu'il a Ă©tĂ© malade quelques jours ou semaines avant de mourir.
Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e par des chercheurs suisses de l'universitĂ© de Zurich en collaboration avec des chercheurs italiens a pu lever le voile sur cette Ă©nigme vieille de plus de 5 000 ans grĂące Ă un tomographe. Les rĂ©sultats de l'Ă©tude[52] ont Ă©tĂ© publiĂ©s dans Journal of Archaeological Science et ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s dans l'Ă©dition de du magazine National Geographic. L'hypothĂšse d'une mort rapide due Ă une flĂšche semble confirmĂ©e. Le projectile aurait touchĂ© une artĂšre proche de l'Ă©paule et provoquĂ© une hĂ©morragie fatale. Une observation par microscope Ă force atomique en 2012 sur des globules rouges issus d'une plaie de sa main droite â les cellules sanguines humaines les plus anciennes jamais dĂ©couvertes par des scientifiques Ă ce jour â suggĂšre au contraire que lâagonie d'Ătzi a durĂ© plus longtemps qu'estimĂ© (prĂ©sence de quantitĂ© importante de fibrines)[53].
Au-delĂ de l'analyse des causes de sa mort, l'Ă©tude de la dĂ©pouille d'Ătzi reste l'une des plus importantes sources de connaissance du mode de vie des hommes de cette Ă©poque de la Protohistoire.
Le musée de Bozen-Bolzano et les répliques
L'homme des glaces repose dans une chambre froide du musĂ©e archĂ©ologique du Haut-Adige Ă Bolzano, en Italie. Ătzi y est prĂ©sentĂ© au public dans une vitrine spĂ©ciale : posĂ© sur une balance pour contrĂŽler son poids (21,118 kg), reposant sur un drap vert de chirurgie, au centre d'une chambre froide Ă â7 °C et avec une humiditĂ© relative Ă 98 %, Ătzi est enveloppĂ© dans un drap tous les quinze jours pour assurer sa conservation[12]. L'Ă©tat particuliĂšrement bon de conservation du corps rend cette vision trĂšs rĂ©aliste, ce qui pose de façon assez crue un problĂšme Ă©thique quant Ă la prĂ©sentation de la mort au musĂ©e. Ă cette occasion, il a fallu Ă©galement mener une rĂ©flexion de fond sur la double nature d'Ătzi, Ă la fois document archĂ©ologique exceptionnel et ĂȘtre humain dĂ©cĂ©dĂ©[33].
En 2016, le palĂ©o-artiste amĂ©ricain Gary Staab rĂ©alise un CT-scan de la momie pour la reconstituer en rĂ©sine, l'imprimer en 3D puis la sculpter et la peindre. Trois rĂ©pliques d'Ătzi sont ainsi rĂ©alisĂ©es. L'une est prĂ©sentĂ©e dans une exposition itinĂ©rante aux Ătats-Unis, les deux autres sont utilisĂ©es Ă des fins d'enseignement au laboratoire de gĂ©nĂ©tique Cold Spring Harbor DNA Learning Center (en) de New York[54].
La « malĂ©diction » d'Ătzi
Les mĂ©dias ont colportĂ© la lĂ©gende d'une prĂ©tendue malĂ©diction d'Ătzi, faisant Ă©cho Ă la malĂ©diction de ToutĂąnkhamon. Sept personnes liĂ©es de prĂšs ou de trĂšs loin Ă la dĂ©couverte d'Ătzi sont mortes depuis[55] :
- le touriste allemand Helmut Simon, qui a découvert la momie, meurt à 67 ans en 2004 lors d'une randonnée ;
- Dieter Warnecke, guide de haute montagne parti Ă la recherche dâHelmut Simon, meurt dâune crise cardiaque Ă 45 ans ;
- l'archĂ©ologue Konrad Spindler qui a Ă©tĂ© le premier Ă examiner la momie, meurt en 2005 Ă 65 ans d'une sclĂ©rose latĂ©rale amyotrophique. Selon le quotidien britannique le Guardian, Konrad Spindler avait dĂ©clarĂ© en plaisantant : « La prochaine victime pourrait ĂȘtre moi » ;
- le chef de la mission scientifique consacrĂ©e Ă Ătzi, Rainer Henn, meurt Ă 64 ans dans un accident de voiture, alors qu'il allait donner une confĂ©rence sur le sujet ;
- le guide de montagne Kurt Fritz, qui a emmené le journaliste Rainer Hoezl auprÚs de la momie, meurt à 52 ans dans une avalanche ;
- le journaliste Rainer Hözl, meurt à 47 ans d'une tumeur au cerveau ;
- le spĂ©cialiste en chimie molĂ©culaire, Tom Loy, 63 ans, est dĂ©couvert mort le Ă son domicile de Brisbane, en Australie. L'archĂ©ologue souffrait d'une infection du sang depuis une douzaine d'annĂ©es. Sa maladie avait Ă©tĂ© diagnostiquĂ©e peu aprĂšs que son chemin eut croisĂ© celui de la momie congelĂ©e. Il terminait un livre consacrĂ© justement Ă Ătzi.
La malĂ©diction est considĂ©rĂ©e par de nombreux observateurs et palĂ©oanthropologues comme une pure construction mĂ©diatique (rumeur apparue aprĂšs le quatriĂšme dĂ©cĂšs, celui dâHelmut Simon) issue des dĂ©bats entre spĂ©cialistes autrichiens et italiens et une sĂ©rie de coĂŻncidences ne devant rien Ă des phĂ©nomĂšnes paranormaux[55]. Elle illustre de façon claire la confusion dans l'esprit de beaucoup entre la causalitĂ© et la corrĂ©lation, contredisant l'affirmation que « la corrĂ©lation n'implique pas la causalitĂ© ». Selon Angelika Fleckinger, directrice du musĂ©e de Bolzano, « cette histoire de malĂ©diction est un phĂ©nomĂšne intĂ©ressant qui en dit long sur la difficultĂ© qu'ont nos sociĂ©tĂ©s Ă regarder la mort. Beaucoup de gens voient un cadavre pour la premiĂšre fois au musĂ©e. Ăa touche, Ă©videmment »[56].
Notes et références
- Current Biology', volume 18, ISSUE 21, P1687-1693, NOVEMBER 11, 2008 Complete Mitochondrial Genome Sequence of the Tyrolean Iceman
- Libération, 13 juin 1995 : Jean-Paul Demoule : pourquoi Hibernatus nous fait-il fantasmer ?.
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Voir aussi
Bibliographie
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Documentaires
- (en) Otzi and the Mystery of Time (2017) sur lâInternet Movie Database
- (en) Ătzi, la renaissance de l'homme des glaces (2016) sur lâInternet Movie Database
- (en) Ătzi, la momie des glaces (2011) sur lâInternet Movie Database
- (en) Le mystĂšre Otzi (2005) sur lâInternet Movie Database
Ćuvre de fiction
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Sites officiels : (en) iceman.it/en, (de) iceman.it/de et (it) iceman.it
- Ătzi, tĂ©moin et messager de notre passĂ©, DerniĂšres nouvelles d'Ătzi, l'homme des glaces et des gĂ©nĂ©ralitĂ©s et photographies sur Hominides.com
- Exposition Musée Fenaille[PDF]
- Les tatouages d'Ătzi et la petite chirurgie traditionnelle (article payant)
- (de) Différents liens
- Iceman Photoscan â Photographies haute rĂ©solution et vues 3D.
- (en) Iceman's DNA reveals health risks and relations