Ămeraude
LâĂ©meraude est un minĂ©ral, du groupe des silicates, sous-groupe des cyclosilicates, variĂ©tĂ© de bĂ©ryl, dont la couleur verte provient de traces de chrome, de vanadium et parfois de fer. L'Ă©meraude est, avec le diamant, le saphir et le rubis, l'une des quatre gemmes qualifiĂ©es de pierres prĂ©cieuses.
Ămeraude CatĂ©gorie IX : silicates[1] | |
Ămeraude - Mine de Muzo[3] - Colombie (XX 2 cm) | |
Général | |
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Numéro CAS | |
Classe de Strunz | 9.CJ.05
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Classe de Dana | 61.01.01.01
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Formule chimique | (M = Cr, Fe, V) | Be3(Al,M)2(SiO3)6
Identification | |
Masse formulaire[4] | 537,5018 ± 0,0072 uma Al 10,04 %, Be 5,03 %, O 53,58 %, Si 31,35 %, |
Couleur | verte |
Classe cristalline et groupe d'espace | dihexagonale dipyramidale P6/mmc |
SystĂšme cristallin | hexagonal |
Clivage | clivage basal faible |
Cassure | conchoĂŻdale |
Ăchelle de Mohs | 7,5 - 8,0 |
Trait | blanc |
Ăclat | vitreux |
Propriétés optiques | |
Indice de réfraction | Ne=1,560 à 1,596 No= 1,566 à 1,602 |
Pléochroïsme | bleu-vert / jaune-vert |
BirĂ©fringence | Î=0,004-0,007 ; uniaxe nĂ©gatif |
Dispersion | 2 vz ~ 0,014 |
Transparence | translucide,opaque,transparent |
Propriétés chimiques | |
Densité | 2,7 - 2,9 |
Température de fusion | 2477 à 2519 °C |
Fusibilité | fusible |
Solubilité | soluble dans HF |
Comportement chimique | donne une perle vert clair quand on la chauffe |
Propriétés physiques | |
Magnétisme | aucun |
Radioactivité | aucune |
Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire. | |
Historique de la description et appellations
Inventeur et Ă©tymologie
Le mot Ă©meraude proviendrait du grec ÏÎŒÎŹÏÎ±ÎłÎŽÎżÏ / smĂĄragdos, dĂ©formation du mot perse zamarat qui veut dire « cĆur de pierre ». Comme pour dâautres mĂ©taux et pierres prĂ©cieuses, mythes et lĂ©gendes se mĂȘlent Ă la rĂ©alitĂ© historique lorsquâon parle dâĂ©meraude. On en Ă©voque dĂ©jĂ la prĂ©sence Ă Babylone, au IIe millĂ©naire av. J.-C., oĂč elle servait de monnaie dâĂ©change. Ă la pĂ©riode antique de lâĂgypte, prĂšs de la mer Rouge, se trouvaient des mines dâĂ©meraude, dont on a fabriquĂ© des bijoux pour les grands de l'empire. Ces mines de Djebel Zabarah, redĂ©couvertes en 1816 par l'explorateur français FrĂ©dĂ©ric Cailliaud, ont Ă©tĂ© abusivement surnommĂ©es mines de ClĂ©opĂątre. Elles Ă©taient dĂ©jĂ Ă©puisĂ©es, mais elles ne contenaient probablement que des gemmes de piĂštre qualitĂ©.
Dans lâAntiquitĂ©, des auteurs comme ThĂ©ophraste, HĂ©rodote ou Pline l'Ancien mentionnent la prĂ©sence dâĂ©meraudes et dĂ©crivent parfois des statues, voire des colonnes ou obĂ©lisques taillĂ©es dans cette pierre. On sait maintenant quâil ne sâagissait pas de vĂ©ritables Ă©meraudes. Ă ces Ă©poques reculĂ©es, dâautres pierres aux reflets verts pouvaient facilement donner le change, et il existait dĂ©jĂ des imitations, notamment en verre. En revanche, il est concevable que des statuettes aient Ă©tĂ© taillĂ©es dans des blocs de minĂ©raux Ă lâĂ©tat brut, de moindre qualitĂ©.
Ă lâĂ©poque romaine, on Ă©voque une lame d'Ă©meraude utilisĂ©e comme instrument optique par lâempereur NĂ©ron, qui sâen serait servi pour corriger sa myopie lorsquâil regardait les combats de gladiateurs[5]. Ă cette Ă©poque, on connaissait principalement une mine en Europe, celle dâHabachtal (de) en Autriche. DĂ©couverte par des tribus celtes, elle a Ă©galement Ă©tĂ© exploitĂ©e par les Romains.
Au XVIe siÚcle, CortÚs apporte un lot d'émeraudes qui disparaßt en transit des cÎtes nord-africaines. Les Espagnols découvrent en Amérique du Sud de nouveaux gisements, principalement en Colombie. La mine de Chivor sera exploitée à partir de 1545[6] et celle de Muzo, en 1594[6].
En Inde, la pierre du « Grand Moghol », découverte en 1695, pÚse 217,80 carats et mesure environ 10 cm. Elle porte des inscriptions religieuses. Elle a été achetée pour 2,2 millions de dollars par un anonyme.
Jusquâau dĂ©but du XXe siĂšcle, on appelait Ă©galement « Ă©meraude orientale » une pierre radicalement diffĂ©rente : le corindon vert, dont la composition sâapparente Ă celle du rubis et du saphir.
Nomenclature de l'Ă©meraude
- Ămeraude sans remplissage constatĂ© : Ă©meraude sans traitement
- Ămeraude avec prĂ©sence dâhuile ou de rĂ©sine : Ă©meraude traitĂ©e. Selon la quantitĂ© de remplissage ; insignifiante, mineur, modĂ©rĂ©, signifiante, trĂšs signifiante
- Ămeraude fortement imprĂ©gnĂ©e de rĂ©sines durcies facilement visibles en surface Ă la loupe : Ă©meraude traitĂ©e
- Ămeraude imprĂ©gnĂ©e de colorant : bĂ©ryl traitĂ© ou Ă©meraude traitĂ©e
- Morillon : Ă©meraude brute qui se vend au poids[7]. « Morillon, les Lapidaires nomment ainsi des Ă©meraudes brutes quâon vend au marc. Il y a aussi des demi-morillons. » Denis Diderot[8]
Caractéristiques physico-chimiques
CritÚres de détermination
LâĂ©meraude est composĂ©e de silicate d'aluminium et de bĂ©ryllium, auquel sâajoutent du chrome, du vanadium et du fer. Sa duretĂ© varie entre 7,5 et 8 sur l'Ă©chelle de Mohs. LâĂ©meraude est lĂ©gĂšrement dichroĂŻque (vert-jaune ou vert-bleu). Sa cassure est conchoĂŻdale et son trait est blanc. Sa densitĂ© varie de 2,7 Ă 2,9.
Lâidentification des Ă©meraudes, notamment pour Ă©tablir les liens entre les gisements connus (62 gisements dans 19 pays) et les anciennes pierres, se fait par spectromĂ©trie de masse, en mesurant la proportion de ses isotopes dâoxygĂšne. Le rapport 18O/16O varie de 7 Ă 25 selon les gisements.
L'Ă©meraude est soluble dans l'acide fluorhydrique. Elle donne une perle vert clair quand on la chauffe.
Cristallographie
Le systĂšme cristallin de lâĂ©meraude est hexagonal, son groupe d'espace est P6/mmc. Sa structure est trĂšs similaire Ă celle du bĂ©ryl, les atomes Al et M (M = Cr, Fe, V) Ă©tant situĂ©s sur les sites d'occupation mixte octaĂ©driques reliant les anneaux Si6O18.
Croissance des minéraux
Les émeraudes sont rares, car leur formation nécessite des conditions géologiques exceptionnelles :
- le béryllium, composant principal du béryl, se trouve en effet surtout dans le magma de la croûte terrestre ;
- le chrome, le vanadium et le fer, qui transforment le béryl en émeraude, sont plutÎt situés dans le manteau terrestre.
Entre deux types de gisements connus, Brésil et Colombie, on remarque des différences marquées :
- au BrĂ©sil, les Ă©meraudes se sont formĂ©es, pour certaines, il y a deux milliards dâannĂ©es, et dâautres, il y a environ 600 millions dâannĂ©es. Les cristaux se sont solidifiĂ©s en se mĂ©langeant Ă un mica noir et possĂšdent des inclusions minĂ©rales. Elles manquent souvent de puretĂ© ;
- en Colombie, la formation remonte Ă 65 millions dâannĂ©es, quand des mouvements tectoniques ont amenĂ© des minĂ©raux Ă 300 °C au contact dâune couche sĂ©dimentaire datant du dĂ©but du CrĂ©tacĂ©, environ 135 millions dâannĂ©es avant notre Ăšre. Cette couche contenait des fossiles aquatiques, dont les coquilles de calcaire sâĂ©taient dissoutes, et offrait ainsi des cavitĂ©s qui ont permis au magma de former des cristaux extrĂȘmement purs.
Exploitation des gisements
Utilisations
En joaillerie, on la taille principalement en « Ă©meraude » (rectangle Ă pans coupĂ©s), en « cabochon », en « poire » ou en « ovale ». LâĂ©meraude est une des pierres prĂ©cieuses les plus chĂšres. La prĂ©sence trĂšs frĂ©quente dâinclusions, gracieusement appelĂ©es « givres » ou poĂ©tiquement « jardin », nâest pas un handicap, car elle peut attester de l'origine de la pierre ; certaines originalitĂ©s cristallographiques sont trĂšs recherchĂ©es par des collectionneurs (Ă©toile Ă six branches, appelĂ©e Ă©meraude trapiche).
La plupart des émeraudes sont traitées avec des huiles ou des résines, c'est pourquoi il est déconseillé de les nettoyer par la technique des ultrasons, surtout aussi à cause de leur fragilité (inclusions ou fractures).
Extraction et production
La Colombie est le plus important producteur mondial (60 % de la production mondiale, 6 millions de carats pour lâannĂ©e 1995) : mines de Chivor, Muzo, Peñas Blancas et de Coscuez appelĂ©es le triangle d'or. Non seulement la Colombie est championne de la quantitĂ©, mais Ă©galement de la qualitĂ©. Ses Ă©meraudes sont gĂ©nĂ©ralement plus pures que celles ayant dâautres provenances. La banque de la RĂ©publique de Colombie possĂšde une collection de magnifiques pierres.
La répartition entre les principaux pays producteurs est la suivante[9] :
Pays | Gisements | % production |
Colombie | Chivor, Muzo, Peñas Blancas, Coscuez | 60 % |
Zambie | Miku, Kufubu, Mufulira | 15 % |
Brésil | Santa Terezinha de Goïas, Belmont, Carnaïba | 12 % |
Russie | Oural | 4 % |
Zimbabwe | Sandawana | 3 % |
Madagascar | Ankadilalana | 3 % |
Autres :
|
3 % |
Taille
Le plus important centre de taille est situĂ© en Inde, Ă Jaipur, oĂč le nombre de lapidaires est estimĂ© Ă 100 000. La taille d'Ă©meraudes s'y est dĂ©veloppĂ©e du fait de la grande prĂ©dilection du maharadjah pour les pierres prĂ©cieuses et notamment les Ă©meraudes provenant du monde entier. La taille est pratiquĂ©e en recherchant le minimum de pertes, comme au BrĂ©sil. Les pierres taillĂ©es en Colombie Ă©taient taillĂ©es suivant le mĂȘme principe jusqu'Ă ce que les principes de taille europĂ©ens, favorisant la qualitĂ© plutĂŽt que le rendement, soient adoptĂ©s par les tailleries de Bogota. Les plus belles pierres sont gĂ©nĂ©ralement retaillĂ©es Ă Paris. En outre, IsraĂ«l a dĂ©veloppĂ© un centre de taille ultra-moderne Ă Ramat Gan.
Les plus belles Ă©meraudes
Le Devonshire, un cristal brut d'un vert soutenu de 1 384 carats, est peut-ĂȘtre l'Ă©meraude la plus cĂ©lĂšbre. Extraite dans la mine de Muzo (Colombie), elle fut offerte en 1831 Ă William Cavendish, le 6e duc de Devonshire par l'empereur Pierre Ier du BrĂ©sil. En 1956, on a trouvĂ© une Ă©meraude de 11 000 carats, en Afrique du Sud. Les Ă©meraudes les plus connues (et exposĂ©es) sont dans les villes suivantes :
- Palais de Topkapi Ă Istanbul (16 300 carats) ;
- Musée minéralogique de Moscou (11 130 carats) ;
- Kunsthistorisches Museum de Vienne : émeraude dite « de Moctezuma », bloc de calcaire couvert de cristaux d'émeraude qui fut offert à Hernån Cortés par le souverain aztÚque ; flacon à parfum (2 680 carats) ;
- Vienne (2 200 carats) ;
- TrĂ©sor impĂ©rial dâIran Ă TĂ©hĂ©ran ;
- British Museum Ă Londres ;
- L'American Museum of Natural History à New York présente une émeraude brute exceptionnelle de par sa pureté et sa couleur, la Patricia (632 carats) ;
- L'émeraude Isabella de 964 carats ayant appartenu à la famille d'Hernån Cortés, remontée en 1993 d'une épave engloutie en 1757 au large des cÎtes de la Floride par Victor Benilous[10] - [11] ;
- On peut aussi citer l'émeraude de Saint Louis, cabochon de 51 carats qui ornait la fleur de lys centrale de la couronne dite de Saint Louis. Cette couronne faisait partie des Regalia du Royaume de France depuis au moins la fin du XIIIe siÚcle et était conservée dans le Trésor de Saint-Denis. Si la couronne a été détruite à la révolution (1791), la pierre est toujours conservée au Muséum national d'histoire naturelle, à Paris.
Galerie
Ămeraude Ă l'Ă©tat brut, BrĂ©sil. Ămeraude, Colombie,
4,5Ă4,5Ă2,5 cm.Ămeraude, Colombie,
3,1Ă1,7Ă1 cm.
Notes et références
- La classification des minéraux choisie est celle de Strunz, à l'exception des polymorphes de la silice, qui sont classés parmi les silicates.
- (en) Joseph E. Pogue et Ph. D. Evanston, The Emerald Deposits of Muzo, Colombia, Illinois, vol. LV, 1917 (Arizona Meeting, September, 1916).
- (en) Joseph E. Pogue et Ph. D. Evanston, The Emerald Deposits of Muzo, Colombia, Illinois, vol. LV, 1917 (Arizona Meeting, September, 1916).
- Masse molaire calculĂ©e dâaprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
- Pline l'Ancien dans https://www.persee.fr/doc/numi_0484-8942_1998_num_6_153_2195 / page 128.
- (fr) Historique des gisements d'Ă©meraude et identification des Ă©meraudes anciennes, sur www.crpg.cnrs-nancy.fr.
- Paul Rouaix, Dictionnaire des arts dĂ©coratifs Ă l'usage des artisans, des artistes, des amateurs et des Ă©coles⊠(1850-19..), Ădition Librairie illustrĂ©e (Paris), 1 vol. (VII-1043 p.) : fig. ; gr. in-8, Droits : domaine public.
- Denis Diderot, Encyclopédie, 1re éd., tome 10, p. 714.
- Statistiques du ministĂšre des Mines et de lâĂnergie colombien, donnĂ©es 2000.
- « Médiums au secours du trésor aztÚque », dans Plongée magazine, no 16, p. 18.
- (en) The Isabella Emerald, Cortes Treasure.
Voir aussi
Articles connexes
- Trapiche (minéraux), le cas de l'émeraude trapiche