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Vol UTA 772

Le vol UTA 772 est un vol de la compagnie aérienne française UTA, opéré par un McDonnell Douglas DC-10 reliant Brazzaville à Paris via N'Djaména le . Il fut victime d'un attentat à la bombe : l'avion explosa au-dessus du désert du Ténéré au Niger, tuant sur le coup les 170 passagers et membres d'équipage.

Vol UTA 772
N54629, le DC-10 d'UTA, impliqué dans l'accident, en 1981
N54629, le DC-10 d'UTA, impliqué dans l'accident, en 1981
Caractéristiques de l'accident
Date
TypeAttentat Ă  la bombe
SiteDésert du Ténéré, au Niger
CoordonnĂ©es 16° 51′ 57″ nord, 11° 57′ 10″ est
Caractéristiques de l'appareil
Type d'appareilMcDonnell Douglas DC-10-30
CompagnieUTA
No d'identificationN54629
Lieu d'origineN'Djaména, Tchad
Lieu de destinationParis, France
PhaseCroisière
Passagers156
Équipage14
Morts170[1]
Survivants0

GĂ©olocalisation sur la carte : Afrique
(Voir situation sur carte : Afrique)
Vol UTA 772
GĂ©olocalisation sur la carte : Niger
(Voir situation sur carte : Niger)
Vol UTA 772

Description

Le vol UTA772, en provenance de Brazzaville, décolle le de N'Djaména à destination de Paris, pour un vol sans escale au-dessus du Niger, du Sahara algérien et de la mer Méditerranée. Vingt minutes après le décollage, à 12 h 30 GMT, le commandant de bord ne signale aucune anomalie à bord au contrôle aérien. Vingt minutes plus tard, il aurait dû entrer de nouveau en contact radio pour signaler la position de l'appareil. Dans l'après-midi sont lancées les recherches. Un avion militaire français - C-160 Transall - basé au Tchad découvre l'épave le lendemain, à 650 km au nord de N'Djaména[2].

Il n'y a aucun survivant. Parmi les passagers se trouvaient le ministre tchadien du Plan et de la Coopération qui se rendait à la réunion du Fonds monétaire international, à Washington, ainsi que l'épouse de l'ambassadeur des États-Unis à N'Djaména[2] - [3].

Avion

L'avion impliqué est un McDonnell Douglas DC-10-30 immatriculé N54629 (numéro de série MSN 46852/125), il effectue son premier vol le 13 mars 1973 avant d'être livré le 1er mai suivant à la compagnie UTA. Au moment de l'accident, il totalise 14777 cycles pour 60276 heures de vol.[4]

EnquĂŞte

L'attentat n'est pas revendiqué[5]. Quelques semaines auparavant, la Libye et le Tchad avaient signé un accord frontalier, présageant une détente dans le conflit entre ces deux pays[3]. Plusieurs hypothèses sont évoquées par les services français, qui mènent l'enquête. D'abord la situation géopolitique au Congo, ensuite celle moyen-orientale. Les enquêteurs évoquent l'Iran, le Hezbollah libanais ou encore la Syrie. La flotte française a effectué des manœuvres au large du Liban durant l'été[5].

Finalement, il apparaît que l'attaque a été organisée par le pouvoir libyen du colonel Kadhafi. En effet, la Jamahiriya arabe libyenne, en conflit avec le Tchad, avait entrepris d'envahir ce pays durant le conflit tchado-libyen. La France (opération Épervier) et les États-Unis étaient intervenus militairement pour contrecarrer cette tentative.

La route prise par le vol 772

Une instruction est ouverte par le Parquet de Paris le . L'enquête du juge Jean-Louis Bruguière permet d'identifier six ressortissants libyens, hauts fonctionnaires des services secrets et de la diplomatie libyenne :

  • Abdallah Senoussi, beau-frère de Mouammar Kadhafi, vice-prĂ©sident des services de renseignement libyens. Il a fourni l’engin explosif de l’attentat, donnĂ© les instructions et contrĂ´lĂ© les opĂ©rations. Il est impliquĂ© dans l'enquĂŞte sur le financement illĂ©gal de la campagne prĂ©sidentielle de Nicolas Sarkozy, Ă  la suite de plusieurs Ă©lĂ©ments rĂ©vĂ©lant des Ă©changes d'argent avec Claude GuĂ©ant[6].
  • Abdelsalam Hammouda, collaborateur de Senoussi et membre des services secrets libyens. Il Ă©tait responsable de la coordination de la prĂ©paration de l'attentat.
  • Abdallah Elazragh, premier conseiller Ă  l’ambassade de Libye Ă  Brazzaville. Il a remis son billet d'avion au porteur de la bombe placĂ©e dans une valise.
  • Ibrahim Naeli et Arbas Musbah, membres des services secrets libyens, spĂ©cialistes en explosifs et en questions aĂ©riennes. Ils ont vĂ©rifiĂ© l’engin explosif avant de le remettre Ă  Elazragh.
  • Issa Shibani, membre des services secrets libyens, a achetĂ© le minuteur — dont un fragment a Ă©tĂ© retrouvĂ© dans les dĂ©bris.

En 1999, la Cour d’assises spéciale de Paris a condamné par contumace les six accusés. Un mandat d'arrêt international a été lancé à leur encontre.

Suites de l'enquĂŞte

Ceux-ci n'étant pas suivis d'effet, une plainte a été déposée contre le colonel Kadhafi le , par S.O.S. Attentats et la sœur de l'une des victimes.

Cette demande a été rejetée par la Cour de cassation, par arrêt du .

Le , une plainte a été déposée contre la France devant la Cour européenne des droits de l'homme pour déni de justice[7].

Cette décision a donné lieu à la publication par S.O.S. Attentats de deux ouvrages collectifs : Le Livre Noir, 2002 et Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, ainsi qu'à la tenue, le , d’un colloque international présidé par Philippe Kirsch à l'Assemblée nationale[8] - [9].

En , des négociations sont entamées par Guillaume Denoix de Saint Marc, qui a perdu son père dans l'attentat, et la veuve de celui-ci. Ils rencontrent Saïf al-Islam Kadhafi, un des fils du colonel alors en déplacement à Paris, ainsi que les représentants de la Fondation Kadhafi qu'il dirige.

Après avoir consultĂ© les autres familles, ils crĂ©ent le collectif « Les familles du DC10 UTA en colère ! Â» regroupant tous les ayants droit concernĂ©s, quelle que soit leur nationalitĂ©, soit plus de 1 500 personnes[10]. Ce collectif va conduire de difficiles nĂ©gociations durant deux ans avec la partie libyenne, au cours de plusieurs tournĂ©es qui se dĂ©rouleront Ă  Tripoli et Ă  Paris. Les nĂ©gociateurs seront Guillaume et Emmanuelle Denoix de Saint Marc, Ă©paulĂ©s de ValĂ©ry Denoix de Saint Marc, avocat et cousin germain de Guillaume.

Le , une plainte est déposée aux États-Unis sur le fondement du dossier d'instruction français fourni par S.O.S. Attentats aux avocats américains[11].

Le , lors de la première visite du ministre des Affaires Ă©trangères libyen, M. Chalgham, Ă  Paris, le collectif « Les familles du DC10 UTA en colère ! Â» organise une grande manifestation de protestation sur l'esplanade des Invalides, Ă  laquelle est invitĂ©e S.O.S. Attentats.

Le 1er , dans un discours Ă  l'occasion du 34e anniversaire de son coup d'État, le prĂ©sident libyen dĂ©clare : « Le problème liĂ© Ă  l'affaire UTA et l'affaire Lockerbie est derrière nous. Nous ouvrons une nouvelle page dans nos relations avec l'Occident ». Le , « Les familles du DC10 UTA en colère ! Â» signent un accord intermĂ©diaire avec la Libye, permettant la levĂ©e des sanctions de l'ONU le . Quelques semaines plus tard Ă  l'ONU, la Libye reconnaĂ®tra formellement sa responsabilitĂ© pour les activitĂ©s des fonctionnaires libyens concernant les deux attentats du DC-10 d'UTA et de Lockerbie[12].

Les victimes de l'attentat de Lockerbie sont dédommagées par la Libye. Dès lors, les Britanniques et les Américains souhaitent la levée des sanctions contre la Libye alors qu'à la suite de la pression médiatique et du lobbying exercés par les « Familles du DC10 UTA en colère ! » la France insistait pour attendre qu'un accord sur l'indemnisation des victimes du DC-10 d'UTA soit signé avec les associations de victimes.

Le , le collectif « Les familles du DC10 UTA en colère ! Â» a signĂ© avec les reprĂ©sentants libyens de la Fondation Kadhafi un accord concernant un dĂ©dommagement d'un million de dollars pour chacune des familles des 170 victimes. Par dĂ©cision du , la Cour de justice de l'Union europĂ©enne a rayĂ© de son rĂ´le la plainte dĂ©posĂ©e par Mme de Castelnau et S.O.S. Attentats contre la France[13]. Par dĂ©cision du , un juge fĂ©dĂ©ral amĂ©ricain a condamnĂ© le gouvernement libyen et six de ses hauts responsables Ă  payer environ six milliards de dollars de dommages-intĂ©rĂŞts pour l'attentat commis le contre le DC 10 de la compagnie aĂ©rienne française UTA (vol UT 772)[14].

MĂ©morial

MĂ©morial du Vol 772 de l'UTA

Un mĂ©morial a Ă©tĂ© construit dans le dĂ©sert du TĂ©nĂ©rĂ© par « Les Familles de l'Attentat du DC10 UTA Â», association membre de l'association française des victimes du terrorisme, avec un financement de la Fondation de l'attentat du DC10. Son coĂ»t de 400 000 euros a Ă©tĂ© couvert grâce aux intĂ©rĂŞts des indemnitĂ©s payĂ©es par la Libye[15].

Le mĂ©morial est situĂ© Ă  10 km du site du crash (coordonnĂ©es : 16° 51′ 54″ N, 11° 57′ 13″ E)[16], ceci afin qu'il puisse ĂŞtre vu depuis les avions suivant la mĂŞme route aĂ©rienne que le vol 772 et pour prĂ©server le site de l'accident oĂą subsistent encore de nombreux dĂ©bris[15].

Le monument a été construit à l'initiative de Guillaume Denoix de Saint Marc qui avait mené la négociation avec la Libye, en vue du dédommagement. Il s'est rendu en mission exploratoire sur le site du crash en avec trois autres victimes[16] et la construction du mémorial s'est déroulée en [17].

Le mémorial est situé sur un point culminant, à 419 m d'altitude, au milieu de cordons dunaires[18]. Il est constitué d'un disque de 80 mètres de diamètre qui a été créé en disposant 150 tonnes de pierres noires sur le sol clair. En creux, au centre du disque, on distingue la silhouette d'un DC-10 grandeur nature. Il est orienté selon le cap 318° tenu avant le crash[18]. Cent soixante-dix miroirs reposant sur des supports en béton sont disposés autour du cercle tous les 2° à l'exception de 20° au nord[18]. Les miroirs ont été cassés pour représenter les vies brisées de chaque victime de l'attentat. Le reflet aléatoire qu'ils produisent augmente la visibilité du site[18]. L'une des ailes de l'avion, récupérée sur site, est disposée verticalement au bord du disque. Elle indique le nord et le nom des victimes y est inscrit[15]. Les quatre points cardinaux sont représentés par des triangles de pierres noires[18]. Trois traînées de réacteurs sont matérialisées par des mini-dunes formées par le sable le long de murets édifiés sur 200 m de long[18].

La construction du mémorial en un lieu très isolé géographiquement et où la chaleur est intense, a constitué un véritable défi logistique. Les 150 tonnes de pierres noires ont dû être acheminées par camion sur 50 km. Le chantier qui s'est déroulé en six semaines a employé 130 à 140 personnes, Touaregs, Toubous et Haoussas : des ouvriers, cuisiniers et mécaniciens recrutés à Agadez. Une grande partie du travail s'est déroulée à la main[15] - [16]. Il a fallu creuser un puits à une vingtaine de kilomètres du mémorial pour les besoins du chantier[16].

Ce monument n'est pas bien identifiable depuis le sol et ne reste visible dans sa totalité que depuis un avion, voire de Google maps[19] - [20].

Trois autres monuments édifiés en hommage aux victimes existent. L'un a été érigé à N'Djamena, une stèle a été placée au cimetière du Père-Lachaise (77e division) à Paris et un mémorial existe à Brazzaville[21]. Dans le Ténéré, une première stèle avait été érigée au milieu des débris de l'appareil par des collègues des trois employés d'Exxon morts dans l'attentat, à l'occasion d'une mission d'exploration dans la zone[16] - [21].

Victimes

Nationalité des victimes de l'attentat[22] :

Dans la culture

Le rappeur Abd al Malik, dans son album Gibraltar (2006), consacre la chanson Le Grand frère à l'un de ses proches, Hubert Saboukoulou, victime de l'attentat. Il en est également question dans son livre Qu'Allah bénisse la France, 2004.

Notes et références

  1. Aviation Safety Network Database.
  2. « Cent soixante et onze personnes à bord du vol N'Djamena-Paris Les débris éparpillés du DC-10 d'UTA ont été repérés au Niger », sur Le Monde.fr, (consulté le ).
  3. « L'explosion du DC-10 Brazzaville - Paris La direction d'UTA privilégie la thèse de l'attentat », sur Le Monde.fr, (consulté le ).
  4. « Crash-aerien 19 sep 1989 d'un mcdonnell douglas dc-10-30 n54629 », sur aviation-safety.net (consulté le ).
  5. « L'enquête sur l'explosion en vol du N'Djamena-Paris DC-10 d'UTA : l'attentat sans " signature " », sur Le Monde.fr, (consulté le ).
  6. Fabrice Arfi et Karl Laske, « Financements libyens: Claude Guéant préfère désormais se taire face aux juges », Mediapart,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. http://www.cap-office.net/_zfiles0/sos-attentats/9150CB8C05974A55814B575B374A0A66.pdf.
  8. « SOS Attentats », sur www.sos-attentats.org (consulté le ).
  9. « SOS Attentats », sur www.sos-attentats.org (consulté le ).
  10. « Les Familles de l'Attentat du DC10 d'UTA - membre de l'AfVT », sur www.dc10-uta.org (consulté le ).
  11. http://www.cap-office.net/_zfiles0/sos-attentats/25C703DF8A1A4119926AF0318BA9BDB0.pdf.
  12. (en) Libya "accepted responsibility for the actions of its officials".
  13. http://www.cap-office.net/_zfiles0/sos-attentats/AF31B04920C34572B4AAC4C63532CD88.pdf.
  14. http://www.cap-office.net/_zfiles0/sos-attentats/6A9A1CF1259F485CBF9C471988163D02.pdf.
  15. La-Croix.com, « Un monument en plein Sahara pour les victimes de l'attentat du DC10 », sur La Croix, (consulté le ).
  16. (en-GB) Vibeke Venema, « The Sahara memorial seen from space », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. « Communiqué de presse, 6 décembre 2007 », sur Les familles de l'attentat du DC10 d'UTA (consulté le ).
  18. « Description du mémorial », sur Les familles du DC10 UTA en colère !.
  19. Site Liminaire, page "Mémorial à vol d’oiseau", consulté le 04 septembre 2018.
  20. (en-US) « UTA Flight 772 Memorial (Desert Week 2) », Google Sightseeing,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. « Inauguration du Mémorial en hommage aux 170 victimes du DC10 d’UTA », Site de l'association "Les Familles de l'attentat du DC10 d'UTA", sur www.dc10-uta.org (consulté le ).
  22. « Les Familles de l'Attentat du DC10 d'UTA - membre de l'AfVT », sur www.dc10-uta.org (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

Liens internes

Liens externes

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