Violations des droits de l'homme pendant la guerre civile syrienne
Durant le conflit syrien, depuis 2011, les exactions ont été nombreuses et attribuées aux différents belligérants, en particulier au régime syrien, accusé de multiples crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
Les victimes sont diverses : journalistes, personnels soignants, défenseurs des droits de l'homme, femmes et enfants, minorités religieuses, prisonniers d'opinion...
En juillet 2017, l'ONU met en place une commission chargée de la collecte de preuves : Le Mécanisme international, impartial et indépendant (MIII) chargé de la collecte des preuves des crimes de guerre en Syrie.
Attaques ciblées
Les attaques ciblées contres des civils et des infrastructures civiles constituent des crimes de guerre. Elles sont cependant systématiquement utilisées par les aviations syrienne et russe, visant notamment les infrastructures nécessaires aux habitants : hÎpitaux, secours, écoles, marchés, boulangeries, captage d'eau, convois humanitaires... dans uns stratégie délibérée de faire fuir les populations civiles[1] - [2].
Contre des journalistes
Les citoyens syriens qui filment les manifestations au printemps 2011 sont les premiers pris pour cibles par l'armée et les milices du régime. Cela devient rapidement habituel : faire disparaßtre les témoins avant de réprimer le reste des manifestants[3].
à l'exception des journalistes sélectionnés par les autorités officielles, les reporters sont bannis de Syrie. Ceux qui entrent malgré tout dans le pays, font des cibles particuliÚrement visées. Durant les 18 premiers mois de la guerre civile, l'organisation Reporters sans frontiÚres dénombre 33 meurtres de journalistes[4]. Beaucoup de journalistes ont été tués par les forces armées du gouvernement, comme Marie Colvin[5]. La mort du journaliste français Gilles Jacquier, alors en reportage autorisé par Damas, a tout d'abord été imputée à des tirs rebelles mais serait, selon ses confrÚres présents sur place, le fait du régime syrien[6] - [7] - [8] - [9].
La Syrie est en avril 2014, le pays le plus dangereux au monde pour les journalistes[10]. Ă cette pĂ©riode, le gouvernement n'est plus le seul Ă s'en prendre aux journalistes, mais Ă©galement certains groupes armĂ©s extrĂ©mistes, notamment lâĂtat islamique. Ă l'instar du rĂ©gime, ils s'opposent Ă la libertĂ© de la presse et le simple fait d'avoir une camĂ©ra ou un appareil photo sont des motifs d'arrestation et de dĂ©tention[11] - [12].
Contre du personnel soignant
DĂ©but 2017, le rapporteur spĂ©cial sur le droit Ă la santĂ© auprĂšs des Nations unies, revenant d'une enquĂȘte auprĂšs de blessĂ©s et soignants en Syrie, peut « confirmer que les infrastructures de santĂ© sont dĂ©libĂ©rĂ©ment visĂ©es dans le conflit syrien, ce qui constitue une violation du droit international et des droits de l'homme. C'est sans prĂ©cĂ©dent. Les hĂŽpitaux sont ciblĂ©s, les civils sont volontairement privĂ©s d'accĂšs aux soins. » et affirme que les bombardements d'hĂŽpitaux ne peuvent pas ĂȘtre niĂ©s, et sont au contraire des faits avĂ©rĂ©s, rĂ©pĂ©tĂ©s et qu'il s'agit d'une tactique de guerre[13].
MĂ©decins sans frontiĂšres affirme que « depuis le dĂ©but du soulĂšvement syrien, lâaide humanitaire en zone dâopposition est criminalisĂ©e et le personnel de santĂ©, directement visĂ© par le gouvernement syrien, fait lâobjet dâune vĂ©ritable campagne de persĂ©cution ». L'ONG n'a pas l'autorisation d'intervenir en Syrie, et dĂ©cide d'opĂ©rer clandestinement[14] - [15].
Des tĂ©moins, parmi lesquels des soignants survivants, le GPPI, Physicians for Human rights et le New York Times affirme qu'apporter des soins mĂ©dicaux dans une zone d'opposition est un crime aux yeux du rĂ©gime d'Assad, qui, avec ses alliĂ©s, a visĂ© et tuĂ© des centaines de personnels soignants et en a arrĂȘtĂ©, torturĂ©, souvent Ă morts, des centaines d'autres. La mort de 942 personnels soignants a Ă©tĂ© documentĂ©e par Physicians for Human rights[16] - [17].
Contre l'aide humanitaire
Des convois humanitaires, en plus d'ĂȘtre empĂȘchĂ©s d'accĂšs Ă des zones assiĂ©gĂ©es, sont Ă©galement la cible de bombardements aĂ©riens. Le ciblage d'un convoi de l'ONU le 20 septembre 2016 fait de nombreux blessĂ©s et morts[18].
Le largage de 28 bombes barils lors de la distribution d'aide alimentaire à Daraya, quelques heures aprÚs l'arrivée du seul convoi humanitaire depuis plusieurs années de siÚge a provoque l'indignation[19].
Selon MĂ©decins sans frontiĂšres « lâaide humanitaire en zone dâopposition est criminalisĂ©e et le personnel de santĂ©, directement visĂ© par le gouvernement syrien, fait lâobjet dâune vĂ©ritable campagne de persĂ©cution ». L'enlĂšvement de cinq volontaires par l'Ătat islamique contraint Ă©galement l'ONG Ă cesser ses activitĂ©s dans la zone contrĂŽlĂ©e par le groupe[14] - [15].
Contre des minorités religieuses
Deux Ă©vĂȘques aleppins sont enlevĂ©s le 22 avril 2013 : le grec orthodoxe Boulos Yazij et le syriaque orthodoxe Yohanna Ibrahim. Revenant de Turquie, leur chauffeur a Ă©tĂ© abattu, et les deux Ă©vĂȘques sont portĂ©s disparus[20]. De nombreux tĂ©moignages accusent des brigades rebelles d'enlĂšvements, de tortures et de meurtres ciblant les minoritĂ©s chrĂ©tiennes et kurdes[21].
Viols et agressions sexuelles pendant le conflit
Women Under Siege, une organisation de dĂ©fense des droits humains, avait documentĂ©, en juillet 2012, plus de 100 cas de viols et d'agressions sexuelles pendant le conflit. La plupart de ces crimes sont attribuĂ©s aux Shabiha et aux autres milices loyalistes. Les victimes Ă©taient des hommes, des femmes et des enfants, les femmes et les filles reprĂ©sentant 80 % des victimes[22], mĂȘme si une Ă©tude du HCR indique que les violences sexuelles envers les hommes et les garçons pourraient ĂȘtre sous-estimĂ©es[23].
à la fin de novembre 2013, selon un rapport de l'EMHRN intitulé Violence against Women, Bleeding Wound in the Syrian Conflict, prÚs de 6 000 femmes avaient été victimes de viols (y compris de viols collectifs) depuis le début du conflit. Les chiffres sont probablement beaucoup plus élevés, un grand nombre de cas ne faisant pas l'objet de déclaration[24] - [25] - [26]. En mars 2014, Abdel Karim Rihaoui, président de la Ligue syrienne des droits de l'homme, estime à plus de 50 000 le nombre des femmes violées dans les prisons du régime syrien[27] - [28]. Parmi elles, 90 % auraient été violées de maniÚre répétée[29]. Les hommes et les mineurs sont également victimes de viol[30].
Le viol est utilisĂ© comme arme de guerre par le rĂ©gime de maniĂšre systĂ©matique, ce qui pourrait constituer un crime contre l'humanitĂ©[29] - [30]. Les forces de sĂ©curitĂ© du rĂ©gime sont Ă©galement connues pour harceler sexuellement les femmes, notamment lorsque leurs Ă©poux ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s[31].
En 2017, une étude du HCR indique que les violences sexuelles ont lieu également hors du territoire syrien dans les pays d'asile entre réfugiés ou par la population locale[32].
Exactions envers des enfants
Le 25 mai 2011, le corps mutilĂ© de Hamza al-Khatib, un garçon ĂągĂ© de 13 ans disparu depuis le 29 avril, est rendu Ă sa famille par les autoritĂ©s syriennes. Il porte des marques de tortures : cou et mĂąchoire brisĂ©s, rotules broyĂ©es, brĂ»lures de cigarettes, blessures par balles dans les bras et parties gĂ©nitales mutilĂ©es. Il avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© lors d'une manifestation contre le rĂ©gime. Les images de son corps, diffusĂ©es par la famille malgrĂ© l'interdiction, alimentent l'indignation contre le rĂ©gime, qui nie les tortures et les circonstances du dĂ©cĂšs[33] - [34] - [35]. Cependant, la photographie de son corps torturĂ©, prise par le rĂ©gime fait partie des photographies exfiltrĂ©es par l'ancien photographe lĂ©giste CĂ©sar, elle porte le numĂ©ro 23 et « apporte la preuve que l'adolescent a Ă©tĂ© torturĂ© par les services de renseignement »[36].
Au dĂ©but du mois de fĂ©vrier 2012, le Fonds des Nations unies pour l'enfance estimait en outre que plus de 500 enfants avaient Ă©tĂ© tuĂ©s[37] ; 400 enfants supplĂ©mentaires auraient aussi Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s et torturĂ©s dans les prisons syriennes[38]. Ces deux informations ont Ă©tĂ© contestĂ©es par le gouvernement syrien.
Le 12 juin 2012, l'ONU dĂ©nonce le gouvernement syrien comme Ă©tant « l'un des pires sur sa liste annuelle « de la honte » oĂč figurent les protagonistes des pays en conflit oĂč les enfants sont tuĂ©s, torturĂ©s et forcĂ©s Ă combattre. » Dans son rapport « Les enfants dans les conflits armĂ©s », rendu public le mĂȘme jour, les Nations unies affirment que « les soldats syriens ont torturĂ© et exĂ©cutĂ© sommairement des enfants, et se sont servis de certains d'entre eux ĂągĂ©s d'Ă peine huit ans comme de « boucliers humains » au cours de leurs opĂ©rations contre les rebelles ». Le rapport cite Ă l'appui les circonstances d'une opĂ©ration menĂ©e le 9 mars par les forces de sĂ©curitĂ© syriennes, armĂ©e, services de renseignement et milice Chabiha, contre le village d'Ayn l'Arouz dans la rĂ©gion d'Idleb oĂč ont Ă©tĂ© « raflĂ©s des dizaines de garçons ĂągĂ©s de huit Ă treize ans avant d'attaquer le village. « Ces enfants ont Ă©tĂ© ensuite utilisĂ©s par des soldats et des miliciens comme boucliers humains, placĂ©s devant les vitres des autocars transportant les militaires pour pĂ©nĂ©trer dans le village lors de l'assaut. Parmi les 11 morts du premier jour de combats ont figurĂ© trois garçons de 15 Ă 17 ans. Trente-quatre autres personnes, dont deux garçons de 14 et 16 ans et une fillette de neuf ans, ont Ă©tĂ© capturĂ©s. Le village fut finalement incendiĂ© et quatre des 34 prisonniers ont Ă©tĂ© abattus par balles et brĂ»lĂ©s, notamment les deux garçons ». Radhika Coomaraswamy, reprĂ©sentante spĂ©ciale de l'ONU pour les enfants dans les conflits armĂ©s, avait dĂ©jĂ fustigĂ© les forces gouvernementales syriennes avant la publication de ce rapport dĂ©clarant « J'ai rarement vu autant de brutalitĂ©s contre les enfants qu'en Syrie, oĂč les filles et les garçons sont emprisonnĂ©s, torturĂ©s, exĂ©cutĂ©s et utilisĂ©s comme boucliers humains[39]. »
Le , Leila Zerrougui, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies pour les enfants et les conflits armés, déclare que le nombre d'enfants affectés par le conflit a doublé en un an et que la Syrie est ainsi devenue « l'un des endroits au monde les plus dangereux pour les enfants ». Elle estime que 3 millions d'enfants syriens sont privés d'éducation « depuis trois ans pour nombre entre eux »[40].
Des enfants soldats sont aussi prĂ©sents sur le front, d'aprĂšs Human Rights Watch[41]. Le rĂ©gime syrien emprisonne de jeunes enfants « avec des adultes, en les exposant Ă la violence sexuelle et en les soumettant aux mĂȘme mauvais traitements et la torture comme dĂ©tenus adultes »[42].
DĂ©but 2016, il est Ă©valuĂ© que plus de 90 % des morts dâenfants et des blessures subies par les enfants durant le conflit syrien ont Ă©tĂ© infligĂ©es par les bombardements aĂ©riens[43].
SiĂšges de populations civiles
Dans un rapport publiĂ© en novembre 2017, Amnesty International dĂ©nonce la stratĂ©gie des siĂšges mise en place par le rĂ©gime et dans une moindre mesure par les rebelles : « Le gouvernement syrien a mis en Ćuvre une stratĂ©gie dâassiĂšgement, d'homicides illĂ©gaux et de dĂ©placements forcĂ©s, qui a conduit des milliers de civils Ă quitter leur foyer et les contraint Ă vivre dans des conditions trĂšs dures. Cette stratĂ©gie sâapparente Ă des crimes contre l'humanitĂ© »[44]. DiffĂ©rents siĂšges imposĂ©s aux zones civiles aux mains de l'opposition, Ă Homs, Alep est, Daraya, Madaya, la Ghouta Orientale ont entraĂźnĂ© la mort d'habitants par manque d'eau potable, de nourriture, de mĂ©dicaments et d'accĂšs aux soins notamment, le rĂ©gime refusant rĂ©guliĂšrement l'entrĂ©e d'aide humanitaire, et l'Ă©vacuation de personnes malades[45] - [46] - [47] - [48] - [49].
Le camp de rĂ©fugiĂ© de Rokbane est Ă©galement assiĂ©gĂ© par l'armĂ©e syrienne, avec le soutien de la Syrie, Ă partir d'octobre 2018, pour couper lâapprovisionnement « des biens essentiels, comme de la nourriture et des mĂ©dicaments, d'entrer dans le camp », afin de contraire les personnes qui y vivent Ă retourner dans les zones sous le contrĂŽle du rĂ©gime syrien[50] - [51]. MalgrĂ© les garanties soutenues par les Nations unies, des centaines de personnes ayant quittĂ© Rubkan sont arrĂȘtĂ©es en 2019[52] - [53].
Exactions attribuées au régime syrien
Le rĂ©gime syrien est le principal responsable des exactions commises envers les civils : coupures d'eau, d'Ă©lectricitĂ© et de moyens de communication dans les zones sous contrĂŽle rebelle, siĂšges empĂȘchant la libre circulation, l'accĂšs aux soins, Ă la nourriture et aux biens de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, bombardements indiscriminĂ©s et visant volontairement les infrastructures civiles (Ă©coles, hĂŽpitaux, marchĂ©s, secours), emploi d'armes non conventionnelles, dĂ©placement forcĂ©, arrestations arbitraires, disparitions forcĂ©es, torture, enrĂŽlement forcĂ© Ă une Ă©chelle bien supĂ©rieure aux autres belligĂ©rants.
Le régime considÚre comme « terroriste » tout civil soupçonné de liens avec l'opposition, de sympathie avec la révolution ou de participation à des manifestations.
En décembre 2017, l'OSDH estime à 103 490 le nombre de civils tués depuis le début du conflit, dont 19 116 enfants de moins de 18 ans et 12 041 femmes de plus de 18 ans, le régime de Bachar el-Assad serait responsable de la mort de 63 251 civils[54].
De mars 2011 à septembre 2019, le Réseau Syrien des Droits de l'Homme calcule que le régime syrien est responsable de la mort de 199 411 civils, soit 88,65 % des civils tués pendant le conflit[55], dont 22 733 enfants[56] et 21 839 femmes[57].
Des patients sont arrĂȘtĂ©s, torturĂ©s ou tuĂ©s Ă l'hĂŽpital, notamment s'ils sont soupçonnĂ©s d'avoir Ă©tĂ© blessĂ©s au cours d'une manifestation[58] - [59] - [60].
Déplacements forcés de population
RĂ©guliĂšrement, Ă la suite de siĂšges ou de batailles prenant pour cible les infrastructures civiles, ou encore par crainte d'arrestations et reprĂ©sailles, les populations sont forcĂ©es Ă fuir. Des civils ont Ă©galement fui les combats entre diffĂ©rentes factions et fui lâĂtat islamique, mais une immense majoritĂ© des Syriens dĂ©placĂ©s internes ou rĂ©fugiĂ©s Ă l'Ă©tranger ont fui en prioritĂ© le rĂ©gime syrien et ses alliĂ©s. Selon Amnesty international, les dĂ©placements forcĂ©s de population sont une stratĂ©gie du rĂ©gime syrien, ce qui s'apparente Ă un crime contre l'humanitĂ©[61] - [44].
Selon un rapport du Réseau Syrien pour les droits de l'Homme publié le 15 mars 2020 à l'occasion du 9e anniversaire de la révolution syrienne, environ 15,2 millions de personnes ont été déplacées de force depuis mars 2011, dont neuf millions ont été déplacées à l'intérieur de la Syrie, et prÚs de 6,2 millions vers l'extérieur du pays[61]. DÚs 2015, le HCR parle de 13,1 millions de personnes obligées de partir, soit plus de la moitié de la population[62] - [63]. Les déplacements forcés sont également le moyen pour le régime de remplacer les populations, en majorité sunnites, par des en majorité shiites, venues de l'étranger, et plus favorables au régime[64].
Spoliations, expropriations, confiscations, destruction
Le régime syrien, qui considÚre comme terroriste tout civil soupçonné de liens avec l'opposition, de sympathie avec la révolution ou de participation à des manifestations, confisque les biens de ces derniers, soit des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes. Les maisons et terres sont soit réquisitionnées et occupées[65], soit confisquées et vendues, soit rasées, les héritages et pensions des détenus ou personnes en détention confisquées également. Selon l'Association des détenus et des disparus de la prison de Saidnaya, le régime a confisqué des biens de détenus d'une valeur de plus de 1,5 milliard d'euros[31]. Le régime passe également un décret lui permettant de spolier également les biens et terres de personnes "absentes du territoire", ce qui concerne les 15,2 millions de réfugiés et déplacés internes (plus de la moitiés de la population)[66]. Des quartiers ayant été aux mains de l'opposition pendant plusieurs années sont ensuite détruits par le régime, une vengeance, selon les habitants[67].
Bombardements de populations et d'infrastructures civiles
Selon les analystes, les civils, victimes des bombardements aĂ©riens ne sont pas seulement les victimes collatĂ©rales des combats, mais sont eux-mĂȘmes les cibles d'une stratĂ©gie systĂ©matique, car la majoritĂ© des bombardements touche les zones civiles et non pas les lignes de fronts[68]. Le rĂ©gime syrien, avec son alliĂ© russe, bombarde systĂ©matiquement toutes les infrastructures sanitaires et publiques civiles encore opĂ©rantes, notamment les boulangeries, les hĂŽpitaux, les marchĂ©s et les Ă©coles[69], les centres de secours, la dĂ©fense civile et les habitations[70], mais Ă©galement les convois et camps de rĂ©fugiĂ©s et civils dĂ©placĂ©s[71] - [72], cependant, le rĂ©gime nie ces exactions et affirme n'effectuer que de la lutte anti-terrorisme[73].
La Syrie est également accusée par différentes ONG de bombarder des zones civiles avec des armes interdites comme des armes à sous-munition et des armes incendiaires[74] - [75] - [76]. Toutes ces attaques contre des civils constituent des crimes de guerre, et lorsqu'ils sont commis de maniÚre systématique, de crime contre l'humanité, comme cela a été le cas dans la Ghouta, selon l'ONU[72].
Durant le conflit, prÚs de 80 % des décÚs de civils sont dus au régime et à ses alliés[77], dont une vaste majorité aux bombardements aériens des armées russe et syrienne[72].
Un rapport du Réseau Syrien pour les droits de l'Homme de mars 2020 indique que 91,36 % des civils ont été tués par le régime syrien et ses alliés (Russie et milices pro-régime et ajoute que le pourcentage disproportionnellement élevé du nombre de morts parmi les enfants et les femmes, qui représentent 18 % de toutes les victimes, sont un autre indicateur que ces derniers visent délibérément des civils[61].
Utilisation d'armes chimiques
Le , soit un jour aprÚs des bombardements présumés au chlore à Saraqeb et à Douma[78] :
- François Delattre, ambassadeur français Ă l'ONU affirme que les armes chimiques, seraient « employĂ©es par le rĂ©gime syrien, de maniĂšre mĂ©thodique et de maniĂšre systĂ©matique contre sa propre population » tout en reconnaissant que « les soupçons pesant sur lâĂ©tat des stocks syriens dâarmes chimiques ne sont toujours pas clarifiĂ©s »[78],
- Nikki Haley, ambassadrice des Ătats-Unis Ă l'ONU dĂ©clare disposer "de preuves provenant de dizaines de victimes" confirmant l'usage de chlore dans des attaques menĂ©es par le rĂ©gime syrien, dĂ©claration similaire Ă celle de Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires Ă©trangĂšres, le sur BFM TV "je parle avec prĂ©caution parce ce que tant que ce n'est pas complĂštement documentĂ©, il faut ĂȘtre prudent - mais toutes les indications nous montrent aujourd'hui qu'il y a l'usage du chlore par le rĂ©gime en ce moment en Syrie"[79],
- Vassili Nebenzia, ambassadeur russe à l'ONU, a dénoncé une "campagne de propagande" visant à "accuser le gouvernement syrien" d'attaques dont "les auteurs ne sont pas identifiés"[79].
Le une enquĂȘte internationale menĂ©e par l'OIAC sur la nature des bombardements est ouverte[80].
Arrestations arbitraires et disparitions forcées
Selon Amnesty International, au moins 65 000 personnes, dont 58 148 civils, ont subi des disparitions forcĂ©es entre 2011 et 2018. L'ONG affirme que les disparitions forcĂ©es, perpĂ©trĂ©es par le gouvernement syrien, ses alliĂ©s et plusieurs branches de lâappareil de sĂ©curitĂ©, ont Ă©tĂ© « commises dans le cadre dâune attaque organisĂ©e contre la population civile qui a Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e et systĂ©matique, et sâapparentent donc Ă des crimes contre lâhumanitĂ© »[81].
En janvier 2015, l'avocat et dĂ©fenseur des droits humains Anouar al-Bunni donne les chiffres suivants : « plus de 150 000 dĂ©tenus, dont moins de 30 000 ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s au tribunal antiterroriste et environ 20 000 Ă des tribunaux civils et militaires, le sort de 100 000 autres personnes est inconnu, pour certaines depuis plus de trois ans. Environ 20 000 victimes ont succombĂ© Ă la torture et aux traitements inhumains qui leur sont infligĂ©s par les autoritĂ©s. Pourtant, nous sommes convaincus quâen rĂ©alitĂ© ce chiffre dĂ©passe les 50 000 victimes, convaincus que lâon ne distingue que la partie Ă©mergĂ©e de lâiceberg, que ce soit pour les chiffres, lâĂ©tendue de la torture ou le calvaire des dĂ©tenus »[82].
En 2015, la documentariste Sophie Nivelle-Cardinale estime le nombre de personnes disparues entre 100 000 et 200 000 depuis 2011, et affirme que les associations syriennes parlent de 600 000 détentions depuis 2011[83] - [84]. L'OSDH affirme qu'un demi-million de personnes ont été détenues, uniquement pas le régime syrien, entre 2011 et 2021[31].
Le Réseau Syrien des Droits de l'Homme recense quant à lui 83 574 disparitions forcées (dont 1 722 enfants) entre mars 2011 et septembre 2019, 128 417 arrestations arbitraires, dont 3 507 enfants, et 14 131 morts sous la torture (dont 173 mineurs)[85] - [86] - [87].
Ă la suite du siĂšge du camp de Rokbane, de nombreux rĂ©fugiĂ©s doivent de quitter le camp. Ceux-si expriment des craintes d'arrestation s'ils quittent le camp, des garanties sont donnĂ©es, avec le soutien des Nations unies. Cependant, en dĂ©cembre 2019, des centaines de personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es dans les camps d'accueil gouvernementaux pour ĂȘtre transfĂ©rĂ©es vers des centres de dĂ©tentions et services de sĂ©curitĂ©[52] - [53].
Torture de patients dans les hĂŽpitaux
Les personnes blessĂ©es lors de manifestations sont systĂ©matiquement arrĂȘtĂ©es lorsqu'elles se rendent dans des hĂŽpitaux publics. Des mĂ©decins, infirmiers et citoyens s'organisent donc pour crĂ©er des lieux de prise en charge clandestins, oĂč les services de sĂ©curitĂ© du rĂ©gime n'ont pas accĂšs. Soigner, apporter du matĂ©riel mĂ©dical ou de la nourriture Ă ces patients est passible d'arrestation, torture ou exĂ©cution[88] - [89].
Les hÎpitaux sont également des lieux de torture. Les patients sont traités de terroristes et les employés, sommés de les insulter, frapper, torturer voire tuer. De nombreuses exactions sont documentées en particulier à l'hÎpital militaire de Homs, et à l'hÎpital militaire de Mezzeh, à Damas, à l'hÎpital 604 à Damas et à l'hÎpital de Ticherine à Harasta (Ghouta orientale, banlieue de Damas)[90] - [91] - [92].
En juin 2020, un ancien mĂ©decin de Homs, Alaa Mousa est arrĂȘtĂ© en Allemagne. Il est inculpĂ© de crime contre l'humanitĂ© au nom de la compĂ©tence universelle, son procĂšs commence dĂ©but 2022[93] - [94].
Tortures et meurtres de détenus
Depuis 2011 une importante montĂ©e d'arrestations et d'emprisonnements[95], a entraĂźnĂ©, en juin 2011, la rĂ©ouverture de la prison de Palmyre (fermĂ©e en 2001 pour vĂ©tustĂ©)[96] et dĂ©but 2012 l'utilisation de diffĂ©rents types de bĂątiments (Ă©coles, stades, maisons...) Ă des fins de dĂ©tention[95]. DĂ©bordĂ© par cet afflux de prisonniers[97], le personnel pĂ©nitentiaire et des centres de dĂ©tention s'appuie sur les shawish (sergent en arabe), des prisonniers de droit commun incarcĂ©rĂ©s depuis plusieurs annĂ©es choisis par l'administration, qui eux-mĂȘmes ont sous leurs ordres d'autres dĂ©tenus - les soukhra (travailleur forcĂ© en arabe), le plus souvent des civils arrĂȘtĂ©s pendant la RĂ©volution - pour les aider dans la gestion des dortoirs et la surveillance des autres prisonniers, ou transporter les corps des dĂ©tenus morts[96].
Bien que le régime de Bachar el-Assad soit signataire de traités internationaux, interdisant la torture et en dépit de l'article 53 de la constitution syrienne, promulguée en 2012[98] :
- en juillet 2013, un ex-photographe de police militaire du régime syrien diffuse des photos de milliers de cadavres marqués par des actes de tortures[99] - [100] - [101],
- le , la commission internationale dâenquĂȘte sur les droits de lâHomme en Syrie, Ă©tablie par le conseil des droits de lâHomme des Nations unies, publie un Ă©tat des lieux des informations rĂ©coltĂ©es sur « l'utilisation systĂ©matique et gĂ©nĂ©ralisĂ©e de la torture, documentĂ©e dans plusieurs installations de Damas, y compris les branches 215, 235 de la sĂ©curitĂ© militaire (Ă©galement connue sous le nom de branche Palestine) et 227, la Branche de la sĂ©curitĂ© politique de Damas, les branches des renseignements de l'armĂ©e de l'air Ă Harasta, Ă l'aĂ©roport militaire de Mezzeh, l'hĂŽpital militaire de Harasta et la prison de Saidnaya. La torture comprend Ă©galement le viol et la violence sexuelle. Les informations recueillies indiquent l'existence d'une politique d'Ătat mise en Ćuvre dans tous les gouvernorats »[42].
- en décembre 2015, Nadim Houry, vice-président de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, déclare qu'il s'agit de « preuves authentiques et accablantes de crimes contre l'humanité en Syrie »[102] et l'organisation publie un rapport[103] - [104] - [105], par géolocalisation, l'association affirme que certaines photographies auraient été prises dans la cour de l'hÎpital militaire 601, situé à Mezzé[106] ; ces photos seront aussi remises en 2017 à la justice allemande dans le cadre de la compétence universelle[107],
- en 2015, entre 100 000 et 200 000 Syriens auraient disparu dans les prisons du régime[108] - [109],
- en fĂ©vrier 2016, les conclusions d'un rapport[110] d'un conseil des Nations Unies basĂ©es sur 621 interrogatoires[111] de proches, gardiens de prisons et anciens dĂ©tenus (environ 200 anciens dĂ©tenus) confirment l'organisation des mauvais traitements assimilĂ©s Ă une politique "d'extermination" des dĂ©tenus[112] et Paulo Pinheiro, chef de la commission, dĂ©clare : « Le caractĂšre massif des morts de dĂ©tenus suggĂšre que le gouvernement syrien est responsable dâactes qui relĂšvent de lâextermination et sont assimilables Ă un crime contre lâhumanitĂ© »[113],
- le l'OSDH estime à au moins 60 000 personnes mortes sous la torture ou en raison des mauvais traitements selon des renseignements obtenus auprÚs de sources du régime,
- en août 2016, Amnesty international publie un rapport estimant que 17 723 personnes sont mortes en détention dans les prisons du régime syrien[114],
- le l'OSDH estime le nombre de disparus Ă au moins 14 464 personnes, dont plus de 13 475 civils, 110 enfants, 53 femmes, plus de 912 rebelles et environ 20 000 autres prisonniers[115],
- le le Réseau syrien des droits de l'homme (SNHR) affirme de son cÎté avoir recensé 12 987 morts[116],
- en août 2017 est confirmée - par sa veuve et la Jimmy Wales Foundation - l'exécution en 2015 de Bassel Khartabil[117], notable pour son engagement dans le monde du logiciel libre, mis en détention pour le motif d'espionnage,
- en octobre 2019, le SNHR, qui compile les disparitions depuis le dĂ©but du soulĂšvement, recense que 14 298 personnes, dont 63 femmes et 178 enfants, sont morts sous la torture entre mars 2011 et septembre 2019. Parmi elles, 14 131 lâont Ă©tĂ© par le rĂ©gime de Bachar el-Assad[118].
L'ONG Amnesty International estime quant à elle que 300 détenus meurent par mois en moyenne dans les prisons du régime depuis le début de la guerre civile, et la quasi-totalité des prisonniers est torturée[119]. La prison de Saidnaya, prÚs de Damas, est considérée comme celle répertoriant le plus grand nombre de décÚs[120] - [121]. L'ONG estime qu'entre 5 000 et 13 000 personnes y ont été victimes d'exécution extrajudiciaire entre septembre 2011 et décembre 2015, et probablement des milliers d'autres depuis[122].
En janvier 2014, trois anciens procureurs internationaux publient un rapport dans lequel ils affirment que 11 000 prisonniers ont été exécutés ou torturés à mort dans les prisons sous le contrÎle de l'administration syrienne. Le rapport, qui a été commandé par le Qatar, allié de la rébellion, se base sur 55 000 photos numériques, dont 27 000 sont authentifiées par l'ONU et des ONG. Quelques-unes rendues publiques[123] - [124] - [125]. En août 2016, un bilan de la Human Rights Data Analysis Group (HRDAG), repris par Amnesty International, estime qu'au moins 17 723 personnes sont mortes dans les centres de détention du régime syrien entre mars 2011 et décembre 2015[126]. Des témoignages recueillis par plusieurs associations affirment l'existence de violences sexuelles et de viols des officiers de prisons sur les détenus mais aussi entre les détenus (notamment sur ordre des officiers, sous menace de mort[127] - [128]), ce qui serait favorisé par la présence de mineurs mélangés avec les prisonniers majeurs[129] - [130].
Selon des témoignages d'anciennes détenues, des femmes sont emprisonnées avec leurs enfants et nourrissons, des césariennes et accouchements ont lieu en prison, des avortements forcés également, des enfants sont retirés à leur mÚre et placés en orphelinat. Des bébés et enfants sont privés de soin et de nourriture et meurent en prison, des enfants dÚs l'ùge de 5 ans et adolescents sont victimes de torture[131] - [42] - [31].
Exactions attribuées aux autres belligérants
Exactions de l'armée russe
Le gouvernement russe affirme ne pas employer d'armes incendiaires et affirme que les images tournĂ©es par l'AFP ainsi que les rapports de l'OSDH indiquant le contraire constituent un « mensonge Ă©hontĂ© ». Cependant, un reportage de la chaĂźne dâĂtat RT montre un avion chargĂ© de bombes incendiaires Ă sous-munitions, sur la base militaire de Khmeimim, en Syrie[132] - [133].
Attaques contre des civils
Le gouvernement russe affirme n'avoir jamais tuĂ© un seul civil, ce qui contredit les conclusions des observateurs du conflit et des syriens de l'opposition qui affirment que les avions russes visent la population et non pas lâĂtat islamique. Vladimir Poutine semble profiter de frappes de la coalition occidentale contre l'âĂtat islamique pour affirmer officiellement en viser les djihadistes, alors que dans les faits, la plupart de ses bombardements ciblent en prioritĂ© les rebelles opposĂ©s Ă Bachar el-Assad, son alliĂ©, et visent Ă©galement dĂ©libĂ©rĂ©ment des zones d'habitation, des marchĂ©s et des hĂŽpitaux, participant ainsi Ă la stratĂ©gie de terreur du rĂ©gime syrien. Au moins 8 000 civils ont Ă©tĂ© tuĂ©s par l'armĂ©e russe en 3 ans (entre le dĂ©but de son intervention militaire et septembre 2018) selon l'OSDH, et 6 239 ont Ă©tĂ© comptabilisĂ©s par le SNHR[134] - [135] - [136] - [137].
Pour Nicolas Tenzer, il s'agit d'une stratégie qui vise à « terroriser la population, affaiblir le moral et, in fine, de faire le plus de morts possible »[138].
RéguliÚrement ses ONG syriennes et internationales comme Human Rights Watch et Amnesty international dénoncent l'utilisation par les aviations russe et syrienne d'armes à sous-munitions dans des zones civiles (armes interdites par les conventions internationales car elles frappent sans discernement possible des cibles), et que la Syrie s'est engagée par écrit à ne pas utiliser[76] - [75] - [139] - [140].
Bombardements d'hĂŽpitaux
Lâaviation russe est rĂ©guliĂšrement Ă lâorigine de frappes de prĂ©cision visant des hĂŽpitaux et infrastructures mĂ©dicales, ce que nie le gouvernement russe, qui de mĂȘme que le rĂ©gime syrien, a toujours dĂ©menti viser des installations civiles.
En 2019, les journalistes du New York Times enquĂȘtent sur les bombardements ciblĂ©s de 4 hĂŽpitaux de la rĂ©gion d'Idlib survenus le 5 mai 2019 et prouvent l'implication de l'aviation russe dans chacune[141] - [142] - [137]. Le MinistĂšre de la dĂ©fense russe rĂ©fute les rĂ©sultats de cette enquĂȘte. Deux jours plus tard, le 16 octobre 2019, Vladimir Poutine signe un dĂ©cret retirant la Russie du protocole 1 de la convention de GenĂšve de 1949, qui permettait d'enquĂȘter sur les crimes de guerre[143].
L'ONU crĂ©e une commission d'enquĂȘte interne pour sur des bombardements de dizaines d'hĂŽpitaux qui avaient communiquĂ© leurs coordonnĂ©es gĂ©ographiques Ă l'ONU pour ne pas ĂȘtre ciblĂ©s, l'ONU ayant communiquĂ© ces coordonnĂ©es aux belligĂ©rants[144]. La Russie utilise son veto pour restreindre l'envergure de cette enquĂȘte, qui ne porte que sur sept attaques d'hĂŽpitaux sur au moins 60 attaquĂ©s ; l'aviation russe est soupçonnĂ©e dans un seul de ces sept cas[145].
Exactions de l'Ătat islamique
Selon l'OSDH, les massacres et les exĂ©cutions sommaires commis par l'Ătat islamique (ĂI) font au moins 4 850 morts en Syrie entre le et le . Parmi eux figurent 2 685 civils mis Ă mort certains pour sorcellerie, homosexualitĂ©, adultĂšre ou collaboration avec la coalition antidjihadiste, 104 enfants et 148 femmes, 1 270 soldats et miliciens du rĂ©gime syrien, 351 rebelles syriens, y compris des djihadistes du Front al-Nosra et des Kurdes des YPG, 2 soldats turcs, et 533 de ses propres hommes pour tentative de dĂ©sertion, « extrĂ©misme », ou espionnage. L'OSDH estime cependant que le bilan rĂ©el est probablement plus Ă©levĂ© et Ă©voque notamment plusieurs centaines de disparus dans les prisons de l'ĂI[146] - [147].
Le RĂ©seau Syrien des Droits de l'Homme recense que, jusqu'en septembre 2019, lâĂtat Islamique est responsable de la mort de 5 004 civils (soit 2,43 % des civils tuĂ©s), dont 584 femmes, 559 garçons mineurs et 393 filles mineures, de 8 715 arrestations arbitraires (soit 7,25 % des arrestations arbitraires du conflit), 32 morts sous la torture (dont 1 mineur) et de 8 648 disparitions forcĂ©es (soit 8,8 % des disparus durant le conflit syrien)[148] - [85] - [86] - [87].
Entre la reprise du territoire Ă l'Ătat Islamique en 2017 et novembre 2018, 202 fosses communes sont dĂ©couvertes[149] et d'autres fosses communes sont rĂ©guliĂšrement exhumĂ©es en 2018 et 2019, parfois contenant des centaines, voire des milliers de corps[150]. Dans les fosses, on trouve aussi bien des djihadistes de l'ĂI que des civils[151]. La minoritĂ© YĂ©zidie, contre qui l'ampleur des crimes est telle que des collectifs appellent Ă sa reconnaissance en tant que gĂ©nocide[152], ainsi que les opposants pacifistes et les journalistes, dont certains se regroupent au sein de collectifs clandestins comme Raqqa Is Being Slaughtered Silently, sont particuliĂšrement visĂ©s par le groupe terroriste[149] - [153] - . Le groupe djihadiste prend Ă©galement en otage des proches de journalistes syriens pour faire pression sur eux[154], ainsi que des Ă©trangers prĂ©sents en Syrie, notamment des humanitaires, religieux (Paolo Dall'Oglio), et journalistes, afin de monnayer des rançons contre leur libĂ©ration[155], et dont certains sont exĂ©cutĂ©s, y compris dans des vidĂ©os de propagande, comme le journaliste amĂ©ricain James Foley.
Exactions de groupes armés rebelles syriens
Le , Amnesty International publie un nouveau rapport accusant cinq groupes rebelles â le Harakat Nour al-Din al-Zenki, le Front du Levant, la 16e division, Ahrar al-Cham et le Front al-Nosra â de crimes de guerre. L'ONG Ă©numĂšre des cas prĂ©cis d'enlĂšvements de « militants pacifiques et mĂȘme des mineurs, ainsi que des membres de minoritĂ©s » suivis de torture ou d'exĂ©cutions. Amnesty exhorte le Groupe international de soutien Ă la Syrie (composĂ©[156] de lâAllemagne, de lâArabie saoudite, de la Chine, de lâĂgypte, des Ămirats arabes unis, des Ătats-Unis, de la France, de lâIran, de lâIrak, de lâItalie, de la Jordanie, de la Ligue arabe, du Liban, des Nations unies, dâOman, du Qatar, du Royaume-Uni, de la Russie, de la Turquie et de lâUE), qui apporte son soutien Ă certains de ces groupes, à « faire pression sur les groupes armĂ©s pour qu'ils mettent fin Ă ces violations et respectent les lois de la guerre. Ils doivent cesser tout transfert d'armes ou de soutien aux groupes qui se livrent Ă des crimes de guerre et Ă des violations flagrantes des droits fondamentaux »[157] - [158] - [159].
Le Réseau Syrien des Droits de l'Homme recense que, de 2011 à septembre 2019, les groupes rebelles armés sont responsables de la mort de 4 131 civils (soit 1,83 % des civils tués), dont 873 femmes et 981 enfants (432 filles et 549 garçons), 42 morts sous la torture (dont 1 mineur) 2 844 arrestations arbitraires et de 2 234 disparitions forcées[148] - [85] - [86] - [87].
Le groupe armĂ© Jaych al-Islam est accusĂ© de disparition forcĂ©e, sĂ©questration et torture, dans la Ghouta orientale, entre 2013 et 2018. Il est notamment suspectĂ© d'ĂȘtre responsable de l'enlĂšvement des « Quatre de Douma », Razan Zaitouneh, Waen Hamadeh, Samira al-Khalil et Nazem Hammadi, militants des droits humains travaillant pour le Centre de documentation des violations en Syrie, Ă Douma en dĂ©cembre 2013[160].
Exactions des Forces démocratiques syriennes
Dans un rapport publiĂ© le , Amnesty international accuse les UnitĂ©s de protection du peuple (YPG) de s'ĂȘtre rendu coupable de dĂ©placements forcĂ©s de population et de destructions de maisons dans plus d'une dizaine de villages repris Ă l'Ătat islamique. Des images satellite examinĂ©es par lâONG sise Ă Londres ont montrĂ© que le village dâHussainiya a Ă©tĂ© dĂ©truit Ă 94 % entre juin 2014 et juin 2015[161] - [162].
Le Réseau Syrien des Droits de l'Homme recense que, de 2011 à septembre 2019, les Forces démocratiques syriennes (principalement YPG) sont responsables de la mort de 1 157 civils (soit 0,51 % des civils tués), dont 152 femmes et 203 enfants (85 filles et 118 garçons), 47 morts sous la torture (dont 1 mineur), 2 907 arrestations arbitraires et de 1 877 disparitions forcées[148] - [85] - [86] - [87].
Exactions de la coalition
Selon Amnesty international, les frappes de la coalition internationale contre lâĂtat islamique a entraĂźnĂ© la mort d'au moins 1 600 civils lors de la bataille de Rakka en 2017. L'ONG a pu vĂ©rifier sur place le dĂ©cĂšs de 641 civils, et pour les autres, les informations Ă©manent de diverses sources[163].
Le Réseau Syrien des Droits de l'Homme recense que, jusqu'en septembre 2019, la Force de la coalition internationale sont responsables de la mort de 3 037 civils (soit 1,35 % des civils tués), dont 656 femmes et 924 enfants (303 filles et 621 garçons)[148].
Exactions envers des exilés et réfugiés de retour en Syrie
Les rapports d'ONG, dont Amnesty international et Human Rights Watch, accusent le Liban et la Turquie de renvoyer de force des réfugiés vers la Syrie, et dénoncent des violations au droit international[164] - [165].
En 2017, Mohammad Taha al Ismail Abdallah, originaire de Deir ez-Zor, qui avait fui au Liban pendant la guerre civile avant de revenir en Syrie. Ă son retour, il est enrĂŽlĂ© de force dans lâarmĂ©e de Bachar el-Assad. il tente alors de dĂ©serter ; capturĂ©, il est torturĂ©, tuĂ©, dĂ©capitĂ©, dĂ©membrĂ© puis brĂ»lĂ© par des mercenaires russes du groupe Wagner[166] - [167].
En 2019, l'Association syrienne pour la dignitĂ© des citoyens parvient Ă joindre prĂšs de 300 personnes rentrĂ©es en Syrie pour les interroger sur les conditions de leur rĂ©installation. Les deux tiers ont un membre de leur famille menacĂ© d'arrestation par les services de sĂ©curitĂ©. Les deux tiers affirment avoir Ă©tĂ© extorquĂ©s par les autoritĂ©s. Les rĂ©fugiĂ©s qui retournent s'installer dans les anciennes zones aux mains des rebelles sont dans les situations les plus dangereuses, notamment dans les zones oĂč un accord de rĂ©conciliation a Ă©tĂ© signĂ©. L'association conclut que beaucoup veulent repartir[168].
Les accords de réconciliations ne sont pas respectés. PrÚs de 30 000 personnes seraient concernées par la conscription par le régime syrien[169].
Mazen al-Hamada, rĂ©fugiĂ© qui avait tĂ©moignĂ© publiquement des tortures psychologique et physique, y compris de graves atteintes sexuelles lui ayant laissĂ© des sĂ©quelles, subies dans les prisons du rĂ©gime syrien, dĂ©cide, sans doute poussĂ© par des personnes en lien avec le rĂ©gime, de renter en Syrie en fĂ©vrier 2020. Depuis son arrivĂ©e Ă l'aĂ©roport de Damas, il est portĂ© disparu, arrĂȘtĂ© par les services de renseignements[170] - [171].
En septembre 2021, Amnesty international publie un rapport sur le sort réservé aux exilés qui choisissent de revenir en Syrie. Le rapport dénonce une persécution particuliÚre des personnes ayant fui (accusées par les services de renseignement de manque de loyauté envers le régime Assad ou de terrorisme), et des violations graves aux droits humains : arrestations arbitraires, disparitions forcées, torture, violences sexuelles et viols, y compris sur des enfants, et mort en détention[172] - [173].
En octobre 2021, c'est l'ONG Human Rights Watch qui publie un rapport de 72 pages comportant les résultats d'une étude sur les violations commises envers les Syriens qui tentent un retour en Syrie, menée entre 2017 et 2021, et dont les conclusions sont similaires : les réfugiés « font face à de graves violations des droits humains et à des persécutions de la part du gouvernement syrien et des milices affiliées »[174].
En 2022, le SJAC et The Syria Campaign, deux ONG de défense des droits humains, expliquent que, malgré des vidéos complaisantes et aseptisées de vlogueurs autorisés en Syrie, la situation n'est pas du tout stabilisée ni sûre pour le retour de Syriens, dont bon nombre ont été victimes de disparition forcée malgré des garanties préalables à leur retour par le régime[175].
Justice
La Syrie ne reconnaissant par la compĂ©tence de la Cour pĂ©nale internationale (CPI), le seul moyen pour la communautĂ© internationale de saisir la CPI est de le faire via le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations Unies. Cependant, les vĂ©tos russes et chinois empĂȘchent cette saisie[176] - [177].
Ce sont donc des Ătats qui utilisent leur compĂ©tence universelle pour juger des Syriens accusĂ©s de crimes commis en Syrie. En Allemagne, en France, en Espagne, en NorvĂšge et au Danemark, des rĂ©fugiĂ©s syriens et associations de dĂ©fense des droits humains dĂ©posent des plaintes, voire les Ătats eux-mĂȘmes, Ă l'image des Pays-Bas[178] - [179].
Actions judiciaires extra-territoriales
Des plaintes judiciaires, relatives aux disparitions et tortures de détenus, sont déposées hors du territoire syrien :
- En septembre 2015, ouverture en France par le Parquet de Paris de l'enquĂȘte pour crimes contre l'humanitĂ© dite "CĂ©sar" du pseudonyme du photographe syrien ayant diffusĂ© les clichĂ©s en 2013[180],
- En juillet 2016, une plainte est déposée en France contre le régime syrien pour torture et assassinat d'un médecin, Hicham Abdul-Rahman, la plainte est déposée par son frÚre, médecin également, qui vit en France depuis 30 ans et possÚde la double nationalité franco-syrienne, dans la prison de Saidnaya[181] - [182],
- En octobre 2016[183], une plainte faisant suite aux disparitions Ă Damas de Mazen et Patrick Dabbagh, citoyens franco-syriens, dĂ©posĂ©e par leur frĂšre et oncle, Ă Paris, oĂč sont nommĂ©ment accusĂ©s neuf hauts responsables du rĂ©gime syrien, dont Ali Mamlouk, haut responsable du renseignement syrien[180] - [184] - [185],
- En mars 2017, à Madrid la plainte d'une Espagnole, d'origine syrienne, qui a reconnu le corps de son frÚre sur les clichés de César, est jugée recevabale[184].
- En 2017, un ancien soldat du rĂ©gime syrien rĂ©fugiĂ© en SuĂšde, reconnu sur une photo oĂč il pose, souriant, au milieu dâune dizaine de cadavres et Ă©crase de sa chaussure la tĂȘte dâun mort, est jugĂ© coupable d'atteinte Ă la dignitĂ© humaine et emprisonnĂ© 8 mois[186].
- Plusieurs instructions judiciaires au pénal sont ouvertes en Allemagne et en France à la demande de nombreux survivants et familles de victimes[187]. Une initiative entreprise par la Commission pour la justice internationale et la responsabilité (CIJA), fondée par Bill Wiley, vise à reconstruire les organigrammes des chaßnes de commandement à partir d'investigations sur le terrain et de recherche documentaires, afin d'aider l'instruction de dossiers judiciaires[187].
- En fĂ©vrier 2019, trois Syriens suspectĂ©s d'ĂȘtre d'anciens tortionnaires dans les prisons du rĂ©gime sont arrĂȘtĂ©s en France et en Allemagne[188] - [189]. En octobre, les deux anciens officiers des services secrets syriens interpelĂ©s en Allemagne, Anwar Raslan et Eyad al-Gharib, sont mis en examen pour crimes contre lâhumanitĂ©. Les procureurs affirment qu'au moins 4 000 personnes ont Ă©tĂ© torturĂ©es par les subordonnĂ©s d'Anwar Raslan, responsable des investigations de la « branche 251 », entre avril 2011 et dĂ©cembre 2012, dont des dizaines sont mortes des suites de leurs interrogatoires. Raslan est accusĂ© de 59 meurtres, de viol et d'agression sexuelle aggravĂ©e. Al-Gharib, un subalterne, a arrĂȘtĂ© des manifestants et les a conduits Ă la Branche 251. Il est accusĂ© d'avoir participĂ© Ă l'enlĂšvement et Ă la torture d'au moins 30 personnesĂ l'automne 2011[190] - [191]. Leur procĂšs dĂ©bute en Allemagne le 23 avril 2020[192].
- En janvier 2020, Majdi Naameh, ancien cadre du groupe armĂ© Jaych al-Islam est arrĂȘtĂ© en France. Il est accusĂ© de disparition forcĂ©e, sĂ©questration et torture. Il est en particulier suspectĂ© d'ĂȘtre impliquĂ© dans l'enlĂšvement de quatre militants des droits humains dont Razan Zaitouneh et Samira al-Khalil[193]
- En septembre 2020, les Pays-Bas déposent plainte contre la Syrie pour violations flagrantes des droits de l'homme et en particulier pour torture.
- En avril 2021, quatre ONG portent plaintes contre le rĂ©gime syrien et en particulier contre plusieurs de ses cadres, accusĂ©s d'ĂȘtre impliquĂ©s dans les attaques chimiques de la Ghouta en 2013 et de Khan Cheikhoun en 2017 ayant tuĂ© plusieurs centaines de civils dont de nombreux enfants[194].
Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de la collecte des preuves des crimes de guerre en Syrie
- Le , le secrétaire de l'ONU António Guterres nomme Catherine Marchi-Uhel, Chef du Mécanisme international, impartial et indépendant (en anglais : Independent International Commission of Inquiry ou IICI) chargé de la collecte des preuves des crimes de guerre en Syrie[195] - [196].
- Le 20 septembre 2018[197], elle annonce avoir rĂ©uni prĂšs de 900 000 documents, et ouvrir deux dossiers d'enquĂȘte sur les crimes de guerre en Syrie[198].
- Le 3 mars 2020, la commission accuse la Russie de crime de guerre[199].
Notes et références
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Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Rapport sur les droits humains en Syrie en 2019, US Department of State