Mazen Dabbagh
Mazen Dabbagh (ou Mazzen Dabbagh) est un citoyen franco-syrien, arrĂȘtĂ© Ă Damas en 2013 puis dĂ©clarĂ© mort en 2018 par les autoritĂ©s syriennes, de mĂȘme que son fils, Patrick Dabbagh.
Arrestations
Lors de leurs arrestations, en , Mazen Dabbagh, 54 ans, est conseiller principal d'Ă©ducation au lycĂ©e français de Damas, et Patrick Abdelkader Dabbagh, 20 ans, est Ă©tudiant Ă l'universitĂ© de Damas. Mazen est connu dans les milieux diplomatiques de la capitale syrienne[1]. Le , cinq officiers des services de renseignement de lâarmĂ©e de lâair syrienne se prĂ©sentent au domicile de la famille, dans la quartier de Mezzeh, Ă Damas, pour emmener Patrick afin de l'interroger, sans motif d'interpellation[2] - [3]. Le lendemain, les mĂȘmes officiers, accompagnĂ©s dâune dizaine de soldats armĂ©s, reviennent arrĂȘter Mazen Ă minuit, en lui affirmant qu'il n'a pas correctement Ă©levĂ© son fils[4] - [5].
Le , un voisin, qui avait Ă©galement Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©, les aperçoit quelques minutes, au siĂšge des services de renseignement de lâarmĂ©e de lâair dans le quartier de Mezzeh[6]. Ce tĂ©moin rapporte ce qu'il a vu Ă Obeida Dabbagh, frĂšre de Mazen : Mazen est alignĂ© debout contre un mur parmi une dizaine de dĂ©tenus, qui restent sans avoir le droit de parler durant quatorze heures. Dans la matinĂ©e, des soldats amĂšnent Patrick devant son pĂšre. « TâinquiĂšte pas, jâai Ă©tĂ© torturĂ©, mais pas longtemps, ne tâinquiĂšte pas », rĂ©pĂšte Patrick Ă son pĂšre, avant d'ĂȘtre emmenĂ©. Quelques heures plus tard, Mazen est transfĂ©rĂ© dans une cellule bondĂ©e. Personne n'a tĂ©moignĂ© les avoir vus vivants depuis[7].
DĂ©cĂšs
Les autoritĂ©s syriennes Ă©mettent deux certificats de dĂ©cĂšs concernant Mazen et Patrick Dabbagh en 2018, qui ne prĂ©cisent pas les causes de la mort, survenue en dĂ©tention[1]. Officiellement, Patrick Dabbagh serait dĂ©cĂ©dĂ© dĂšs et son pĂšre, en , tous deux de crises cardiaques, â cause avancĂ©e pour des milliers de dĂ©cĂšs de dĂ©tenus en rĂ©alitĂ© morts sous la torture â sans que la famille n'en soit informĂ©e[8].
Justice
Pendant plusieurs années, les proches de Mazen et Patrick, n'osent pas porter plainte, notamment en raison de craintes pour la vie des deux disparus, mais également en raison de la terreur imposée par le régime sur les citoyens Syriens, y compris en Europe[9].
Le , Obeida Dabbagh, frÚre de Mazen et oncle de Patrick, résidant en France, dépose une plainte contre X au Tribunal de grande instance de Paris, auprÚs de l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité, les génocides et les crimes de guerre, avec le soutien de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et de la Ligue des droits de l'homme[5]. La décision de porter plainte est venue aprÚs trois années de recherches infructueuses et malgré les craintes pour la famille restée en Syrie. Une information judiciaire est alors ouverte pour « disparitions forcées et tortures, constitutives de crimes contre l'humanité, et complicité de crimes »[10] - [4] - [11].
La justice française initie une procĂ©dure au titre de la « compĂ©tence universelle » reconnue en cas de crime grave, car la Cour pĂ©nale internationale nâa pas compĂ©tence sur la Syrie qui nâa pas ratifiĂ© le traitĂ© qui la crĂ©e, et ne peut donc ĂȘtre saisie que par le conseil de sĂ©curitĂ© de l'ONU, mais toute procĂ©dure se heurte Ă un vĂ©to russe au Conseil de sĂ©curitĂ©[12] - [13] - [6] - [9].
Le , la justice française Ă©met trois mandats d'arrĂȘt contre des dignitaires du rĂ©gime syrien. Ali Mamlouk, directeur du bureau de la sĂ©curitĂ© nationale et proche conseiller de Bachar el-Assad, est recherchĂ©, ainsi que Jamil Hassan, et Abdel Salam Mahmoud, chef des services de renseignement de lâarmĂ©e de lâair, responsable qui a menĂ© l'arrestation de Mazen Dabbagh et s'est depuis appropriĂ© sa maison[10] - [14]. Ils sont poursuivis pour « complicitĂ© dâactes de torture », « complicitĂ© de disparitions forcĂ©es » et « complicitĂ© de crimes contre lâhumanitĂ© », ainsi que le chef du service des investigations Ă lâaĂ©roport militaire Mazzeh de Damas, Abdel Salam Mahmoud, Ă©galement accusĂ© de « crimes de guerre » [15] - [7]. C'est la publication des actes de dĂ©cĂšs des deux franco-syriens qui a amenĂ© les juges Ă Ă©largir les investigations, notamment Ă des "homicides volontaires" et Ă des « atteintes volontaires Ă la vie constitutives de crimes contre l'humanitĂ© », et Ă©galement le dossier « CĂ©sar », pseudonyme donnĂ© Ă un photographe de la police militaire syrienne ayant fui son pays en en emportant avec lui quelque 55 000 photographies dont 27 800 cadavres de prisonniers morts de faim, sous la torture ou de maladies non soignĂ©es[16] - [17] - [18].
Article connexe
Références
- jean-pierre perrin, « Mazen et Patrick, deux Franco-Syriens torturés à mort dans les geÎles syriennes », sur Mediapart (consulté le )
- « Mazen et Patrick, deux Franco-Syriens torturĂ©s Ă mort dans les geĂŽles syriennes », sur Souria Houria - Syrie LibertĂ© - ŰłÙ۱Ùۧ Ű۱ÙŰ©,â (consultĂ© le )
- « Questions/rĂ©ponses sur lâaffaire Dabbagh : la justice française Ă©met 3 mandats dâarrĂȘt internationaux Ă lâencontre de hauts fonctionnaires syriens », sur Mouvement mondial des droits humains (consultĂ© le )
- « Qui sait, Bachar sera peut-ĂȘtre jugĂ© un jourâ? », sur services.la-croix.com (consultĂ© le )
- « La justice française saisie du cas de deux Franco-Syriens, disparus dans les geÎles de Bachar al-Assad », sur Libération.fr, (consulté le )
- « Damas recrache ses listes de suppliciés », sur Libération.fr, (consulté le )
- « Franco-Syriens disparus en 2013 : une famille en quĂȘte de rĂ©ponses », sur LibĂ©ration.fr, (consultĂ© le )
- « « Pour quâun jour ces bourreaux payent » : des dignitaires du rĂ©gime Assad poursuivis », Ouest France,â (lire en ligne)
- RTS.ch, « Geopolitis - Syrie martyre », sur rts.ch, (consulté le )
- « La justice française Ă©met des mandats d'arrĂȘt contre trois responsables du rĂ©gime syrien », sur Franceinfo, (consultĂ© le )
- « Syrie: un parent de disparus dépose plainte à Paris contre Damas », sur RFI, (consulté le )
- « La justice française refuse lâimpunitĂ© aux bourreaux syriens », sur www.franceinter.fr (consultĂ© le )
- (en) « Syria: French judges open enquiry into disappearance of franco-Syrian father and son in Bachar El-Assad's jails », sur Worldwide Movement for Human Rights (consulté le )
- (ar) « PÚre et fils: histoire de deux français torturés jusqu'à la mort par le régime de Assad », sur en.zamanalwsl.net (consulté le )
- « Syrie : qu'est-il arrivé à Mazen Dabbagh et son fils, tous deux franco-syriens ? », sur Franceinfo, (consulté le )
- « Syrie : la justice française lance des mandats d'arrĂȘt contre trois responsables du rĂ©gime », Le Nouvel Obs,â
- « Trois dignitaires syriens visĂ©s par des mandats dâarrĂȘt Ă©mis par la justice française », Le Monde,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- Garance Le Caisne, OpĂ©ration CĂ©sar : au cĆur de la machine de mort syrienne, Paris, Le livre de Poche, , 249 p. (ISBN 978-2-253-18601-4)