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Tortue de Muhlenberg

Glyptemys muhlenbergii

Glyptemys muhlenbergii
Description de cette image, également commentée ci-après
Tortue de Muhlenberg adulte

Espèce

Glyptemys muhlenbergii
(Schoepff, 1801)

Synonymes

  • Testudo muhlenbergii Schoepff, 1801
    (protonyme)
  • Emys biguttata Say, 1825
  • Emys carolinae fusca Gray, 1830
  • Clemmys nuchalis Dunn, 1917
  • Clemmys muhlenbergii (Schoepff, 1801)

Statut de conservation UICN

( CR )
CR A2cd+4ce :
En danger critique

Statut CITES

Sur l'annexe  I  de la CITES Annexe I , RĂ©v. du 11/06/1992

La Tortue de Muhlenberg (Glyptemys muhlenbergii), parfois appelĂ©e et comme d'autres espèces « Tortue des marais », est une tortue semi-aquatique endĂ©mique de l'est des États-Unis. L'adulte pèse en moyenne 110 grammes. Sa peau et sa carapace sont gĂ©nĂ©ralement marron foncĂ©, avec une marque orange caractĂ©ristique de chaque cĂ´tĂ© du cou. C'est une tortue diurne discrète, qui passe le plus clair de son temps enterrĂ©e dans la vase, et qui hiberne durant l'hiver. La Tortue de Muhlenberg est omnivore et consomme principalement de petits invertĂ©brĂ©s. Le cycle de vie de cette espèce est plutĂ´t long, et les femelles pondent 3 Ĺ“ufs en moyenne, une fois par an. Le jeune grandit assez rapidement, atteignant sa maturitĂ© sexuelle entre 4 et 10 ans. Les Tortues de Muhlenberg vivent en moyenne entre 20 et 30 ans Ă  l'Ă©tat sauvage. Depuis 1973, le zoo du Bronx Ă©lève des Tortues de Muhlenberg en captivitĂ©.

On peut rencontrer cette tortue depuis l'État de Vermont au nord jusqu'en Géorgie au sud, et dans l'Ohio à l'ouest. Elle a été décrite scientifiquement pour la première fois en 1801 après une étude menée à la fin du XVIIIe siècle en Pennsylvanie. C'est la plus petite tortue d'Amérique du Nord, mesurant environ dix centimètres de long quand elle a atteint la taille adulte. Bien que la Tortue de Muhlenberg ait une apparence similaire à la Tortue peinte ou à la Tortue ponctuée, sa plus proche apparentée est la Tortue des bois.

Cette espèce est considérée comme menacée au niveau fédéral, et est protégée par l'Endangered Species Act de 1973. Les plantes invasives et le développement urbain ont en effet détruit une grande partie de son habitat, et par conséquent réduit sa population. Par ailleurs elle est très recherchée sur le marché noir, du fait de sa petite taille et de son coloris particulier qui en font un animal de compagnie apprécié des collectionneurs. Différents projets privés ont été lancés dans l'intention de limiter le déclin de la population de cette tortue.

Description

Dessin fait par Holbrook en 1836[1].

La Tortue de Muhlenberg est la plus petite espèce de tortue d'AmĂ©rique du Nord[2] - [3]. Les tortues adultes pèsent approximativement 110 g quand elles sont arrivĂ©es Ă  maturitĂ©[4]. Elle n'a pas de bouche proĂ©minente[5]. Sa tĂŞte est marron foncĂ© ou noir[5], avec une marque jaune vif, orange ou rouge de chaque cĂ´tĂ© du cou[6]. Cette marque est souvent fourchue, les pointes orientĂ©es vers l'arrière[5]. La Tortue de Muhlenberg a une peau de couleur sombre, qui prend une teinte rouge-orangĂ©e Ă  l'intĂ©rieur des pattes de certains spĂ©cimens. La carapace forme un dĂ´me Ă  base rectangulaire, qui se rĂ©trĂ©cit lĂ©gèrement du cĂ´tĂ© de la tĂŞte et s'Ă©largit du cĂ´tĂ© de la queue[5]. Les Ă©cailles de la carapace portent souvent des anneaux caractĂ©ristiques[7]. Ces Ă©cailles peuvent Ă©galement ĂŞtre arrangĂ©es en lignes[5]. Chez certains individus âgĂ©s, et chez ceux qui se terrent dans des substrats durs, la carapace peut ĂŞtre lisse[8]. Bien qu'elles soient gĂ©nĂ©ralement noires, on peut parfois voir des reflets bruns liĂ©s Ă  l'exposition au soleil sur les Ă©cailles de la carapace[6]. Le plastron est Ă©galement marron foncĂ© Ă  noir.

Les Tortues de Muhlenberg mâles matures sont lĂ©gèrement plus grands que les femelles, mesurant en moyenne 9,4 cm (longueur de la carapace), contre 8,9 cm en moyenne pour les femelles[8] - [9]. Ce dimorphisme sexuel s'explique par le fait qu'une grande taille prĂ©sente un avantage pour les combats entre mâles qui prĂ©cèdent l'accouplement[10]. Les mâles ont Ă©galement une tĂŞte plus grosse. Leur plastron semble lĂ©gèrement concave tandis que celui des femelles est plat. La queue des mâles est plus longue et plus large que celle des femelles[11]. Le cloaque dĂ©bouche plus loin vers la queue chez le mâle, celui de la femelle Ă©tant positionnĂ© dans le plastron[3]. Il est très difficile de sexer les jeunes tortues[12].

Clemmys guttata Glyptemys muhlenbergii Chrysemys picta
La tortue de gauche est la Tortue ponctuée, avec ses points jaunes sur la carapace. Au milieu se trouve la Tortue de Muhlenberg. L'espèce de droite est la Tortue peinte, on note l'absence d'une large marque colorée sur le cou.

La Tortue peinte et la Tortue ponctuée sont d'apparence similaire à la Tortue de Muhlenberg[13]. La Tortue de Muhlenberg s'en distingue toutefois facilement grâce à sa marque colorée caractéristique sur son cou. Elle se différencie de la Tortue ponctuée par l'absence de coloration de sa carapace, contrairement à cette dernière espèce[14].

Écologie et comportement

Activité

Une Tortue de Muhlenberg se tenant sur ses quatre pattes et marchant dans l'herbe Ă©paisse, vue du dessus.
Une Tortue de Muhlenberg marchant dans l'herbe.

La Tortue de Muhlenberg est principalement diurne, étant active durant la journée et dormant la nuit. Elle s'éveille tôt le matin, se réchauffant aux premières lumières du jour jusqu'à ce qu'elle atteigne la température voulue, puis part à la recherche de nourriture[15]. C'est une espèce discrète, difficile à observer dans son milieu naturel[3]. Durant les jours plus froids, la tortue passe son temps dans des couverts herbacés denses, sous l'eau, ou enterrée dans la vase[2]. Lorsque la température est suffisamment élevée, elle consacre son temps à la recherche de nourriture, à l'accouplement (au début du printemps) et surtout passe de longues heures au soleil pour se réchauffer[16]. Toutefois, la Tortue de Muhlenberg se protège tout de même du soleil aux heures les plus chaudes de la journée[15]. Au cours d'épisodes d'extrême chaleur, la tortue peut même entrer en estivation[17], ou se réfugier sous terre, dans des tunnels souterrains remplis d'eau[17]. La nuit, elle s'enterre elle-même dans la vase[18]

De fin septembre jusqu'en mars ou avril[17] la tortue hiberne, seule ou en petits groupes dans des sources[19]. Ces petits groupes comprennent jusqu'à douze individus, et peuvent inclure des tortues appartenant à d'autres espèces[20]. Les Tortues de Muhlenberg essaient de trouver un sol dense, une grosse racine par exemple, pour se protéger durant cette période[13]. Toutefois, elles peuvent également hiberner au pied d'un arbre, dans un terrier abandonné ou dans la vase[20]. La Tortue de Muhlenberg sort de son hibernation quand la température de l'air passe entre 16 et 31 °C[21].

Territorialité

Le mâle est très territorial et attaque ses congĂ©nères masculins si ceux-ci s'aventurent Ă  moins de quinze centimètres de lui. Un mâle agressif va se jeter sur un intrus le cou tendu en avant. Comme il s'approche de son congĂ©nère, il incline sa carapace en retirant sa tĂŞte et dressant ses pattes arrière. Si l'autre mâle ne se retire pas, ils commencent Ă  se battre en se mordant et se poussant. Le combat dure gĂ©nĂ©ralement quelques minutes[21], et le mâle le plus gros et le plus vieux sort gĂ©nĂ©ralement vainqueur[9]. La femelle peut Ă©galement se montrer agressive si elle est menacĂ©e. Elle dĂ©fend l'aire oĂą se trouve son nid des autres femelles, dans un rayon de 1,2 m autour de celui-ci. Si une jeune tortue l'approche elle l'ignore, et si c'est un mâle elle quitte la zone[21].

Deux moufettes montrant leurs queues et leur dos. La moufette de droite est plus grosse que celle de gauche, et toutes les deux regardent vers le centre de l'image.
Les moufettes se nourrissent occasionnellement de Tortues de Muhlenberg.

Alimentation

La Tortue de Muhlenberg est omnivore et mange des plantes aquatiques (comme les Lemnaceae), des graines, des baies, des vers de terre, des escargots, des limaces, des insectes et autres invertébrés, des grenouilles et des petits vertébrés[22] - [23]. Elle peut également manger occasionnellement des charognes[24]. Les invertébrés comme les insectes représentent généralement la majeure partie de son alimentation[23]. Elle se nourrit toute la journée, mais rarement quand il fait trop chaud, consommant sa nourriture sur terre ou dans l'eau[2] - [4].

La Tortue de Muhlenberg a plusieurs prédateurs, parmi lesquels on note la Tortue ponctuée, certains serpents comme la couleuvre d'eau (Nerodia sipedon) et la couleuvre rayée (Thamnophis sirtalis), le rat musqué, la mouffette rayée, le renard, le chien et le raton-laveur[4] - [23]. Par ailleurs, des annélides (Placobdella multilineata et P. parasitica) et certaines mouches (Cistudinomyia cistudinis) parasitent certains individus, leur causant une perte de sang et donc un affaiblissement ; ils sont parfois porteurs de pathogènes. Sa carapace ne la protège pas complètement des prédateurs du fait de sa petite taille, et sa principale défense consiste à s'enfouir dans la vase. Occasionnellement elle peut défendre son territoire et mordre les intrus[23].

Les tortues peuvent être atteintes d'infections bactériennes. Les bactéries des genres Aeromonas et Pseudomonas causent par exemple des pneumonies[25]. On a également trouvé des biofilms dans les poumons de deux spécimens décédés en 1982 et 1995 au sein de la population du sud[26].

DĂ©placements

Une Tortue de Muhlenberg avec la queue pointant sur la droite de l'Ă©cran. La tortue regarde sur sa gauche.
Une jeune tortue.

La Tortue de Muhlenberg bouge très peu, et passe la plupart de son temps Ă  se rĂ©chauffer au soleil et attendre le passage d'une proie. Elle est surtout active après une pluie[15]. Diverses Ă©tudes portant sur la distance effectuĂ©e quotidiennement par cette tortue l'ont Ă©valuĂ©e Ă  entre 2,1 et 23 m chez les mâles et entre 1,1 et 18 m chez les femelles[27]. Les tortues des deux sexes sont capables de retourner dans leur habitat d'origine lorsqu'elles sont relâchĂ©es Ă  moins de 0,8 km de leur site de capture[21]. Si son habitat d'origine n'est plus vivable, elle est capable de voyager sur de longues distances pour trouver un nouvel endroit oĂą s'installer. L'espèce est plus active au printemps, et les mâles peuvent migrer sur de plus longues distances et montrent une activitĂ© plus saisonnière que les femelles car ils dĂ©fendent leur territoire. Au sein de leur territoire, les mâles s'Ă©loignent jusqu'Ă  87 m de leur habitat et les femelles jusqu'Ă  260 m[28]. Dans le Maryland, le territoire occupĂ© par une tortue varie entre 0,003 0 ha et 3,1 ha avec de grandes variations suivent le lieu et l'annĂ©e[29].

La Tortue de Muhlenberg est semi-aquatique et peut se dĂ©placer sur terre comme dans l'eau. La distance et la frĂ©quence de ses dĂ©placements sur terre a aidĂ© les herpĂ©tologistes Ă  comprendre son comportement, son Ă©cologie, les flux gĂ©nĂ©tiques dans les populations et la pĂ©rennitĂ© de certaines populations. La plupart des dĂ©placements de la Tortue de Muhlenberg font moins de 21 m, et seulement 2 % dĂ©passent 100 m. De longs voyages, d'une tourbière Ă  l'autre par exemple, sont rares[30].

Les déplacements des tortues d'une population à l'autre permettent de conserver une certaine diversité génétique. Si ces déplacements n'avaient plus lieu, la diversité génétique se réduirait et l'espèce serait davantage menacée de disparaître. Divers aspects des déplacements des Tortues de Muhlenberg restent à éclaircir, comme la nature du phénomène incitant ces tortues à quitter leur habitat, la distance qu'un individu peut parcourir en un jour, une semaine, une année, et comment la séparation de petits groupes affecte la diversité génétique de l'espèce [31].

Reproduction

Une Tortue de Muhlenberg juvénile.

Les Tortues de Muhlenberg atteignent leur maturité sexuelle entre huit et onze ans, quel que soit leur sexe[32]. Elles se reproduisent au printemps, à leur sortie d'hibernation, et la copulation dure entre cinq et vingt minutes. Elle a généralement lieu dans l'après-midi, sur terre ou dans l'eau. Le mâle commence par identifier le sexe de la femelle, puis commence la parade nuptiale au cours de laquelle il mordille la tête de sa congénère et lui donne des petits coups de tête. Les jeunes mâles sont parfois plus agressifs au moment de la copulation, et les femelles essaient d'éviter ces mâles trop virulents. Elles acceptent toutefois de mieux en mieux cette agressivité au fur et à mesure qu'elles prennent de l'âge, et peuvent même l'initier pour les plus anciennes. Si la femelle cède, elle rentre ses membres et sa tête dans sa carapace. Après le rituel et la copulation qui s'ensuit — l'ensemble durant 35 minutes environ[33] — le mâle et la femelle s'en vont chacun de leur côté[6]. En une seule saison, une femelle s'accouple une ou deux fois, parfois même pas du tout, et les mâles s'accouplent autant de fois qu'il leur est possible[33]. On suppose que la Tortue de Muhlenberg peut s'hybrider avec Clemmys guttata[33], mais cela n'a jamais été formellement prouvé génétiquement dans les populations sauvages.

Spécimen de tortue peinte installée dans la paume de la main d'une personne, révélateur de sa petite taille.
La carapace peut être usée par la boue et devenir lisse, comme sur cette tortue.

La nidification a lieu en avril et juillet[6]. La femelle creuse un trou dans une zone sèche et ensoleillĂ©e[4], et pond ses Ĺ“ufs dans une touffe d'herbe ou de la mousse[34]. Le nid fait gĂ©nĂ©ralement 3,8 Ă  5,1 cm de profondeur et cm de circonfĂ©rence[33]. Comme la plupart des espèces de tortues, la Tortue de Muhlenberg construit son nid en utilisant ses pattes arrière et ses griffes. Les Ĺ“ufs sont pondus en juin. Les femelles pondent entre un et six Ĺ“ufs (en moyenne trois), et ce une fois par an. Une tortue femelle en bonne santĂ© pondra entre 30 et 45 Ĺ“ufs au cours de sa vie, mais tous les petits n'atteindront pas l'âge adulte[35]. GĂ©nĂ©ralement, les nichĂ©es des femelles âgĂ©es comprennent plus d'Ĺ“ufs que celles des jeunes[33]. Les Ĺ“ufs sont blancs, elliptiques et mesurent en moyenne 3,4 cm de long pour 1,5 cm de large[36]. Une fois les Ĺ“ufs pondus, ils sont abandonnĂ©s et incubent durant 42 Ă  80 jours[36]. Dans les rĂ©gions au climat froid, les Ĺ“ufs incubent durant l'hiver et Ă©closent au printemps[37]. Les Ĺ“ufs sont vulnĂ©rables durant l'incubation, et les nids sont parfois dĂ©truits par des mammifères ou des oiseaux qui en mangent les Ĺ“ufs[4]. Ces derniers peuvent Ă©galement ĂŞtre victimes d'inondations, du froid ou de divers autres problèmes durant leur dĂ©veloppement. On ne sait pas comment fonctionne la dĂ©termination des sexes chez cette espèce[36].

Les petites tortues mesurent environ 2,5 cm de long quand elles sortent de l'Ĺ“uf[8], fin aoĂ»t ou dĂ©but septembre[36]. Les femelles sont lĂ©gèrement plus petites Ă  la naissance, et croissent un tout petit peu moins vite que les mâles[36]. La croissance est assez rapide jusqu'Ă  la maturitĂ© sexuelle[38]. Les jeunes doublent presque leur taille au cours de leurs quatre premières annĂ©es, mais ils n'atteignent leur taille adulte que vers cinq ou six ans[6].

La Tortue de Muhlenberg passe la plus grande partie de sa vie dans le marais qui l'a vu naître. Dans son environnement naturel, elle peut vivre cinquante ans ou plus[35], avec une longévité moyenne de vingt à trente ans[14]. Le zoo du Bronx abrite plusieurs spécimens de 35 ans voire plus, qui constituent les plus vieux spécimens connus[39]. On peut déterminer l'âge d'une Tortue de Muhlenberg en comptant le nombre d'anneaux de ses écailles, et en soustrayant un (qui se forme avant la naissance)[12].

Distribution et habitat

Une aire de répartition coupée en deux

Distribution en vert, sur la carte de l'est des États-Unis.

Cette espèce est endĂ©mique des États-Unis. Elle se rencontre au Massachusetts, au Connecticut, dans l'État de New York, en Pennsylvanie, au New Jersey, au Delaware, au Maryland, dans le sud de la Virginie, dans l'ouest de la Caroline du Nord, dans l'ouest de la Caroline du Sud, dans le nord de la GĂ©orgie et dans l'est du Tennessee[16] - [22]. On distingue deux populations, l'une au sud et l'autre au nord. Ces populations sont sĂ©parĂ©es par un espace de 400 km incluant la majeure partie de la Virginie, un État en grande partie dĂ©pourvu de colonies de cette tortue[3] - [37]. D'une manière gĂ©nĂ©rale, l'aire de rĂ©partition de l'espèce est très morcelĂ©e et certaines populations semblent isolĂ©es[40].

La population du nord est la plus importante. Elle s'Ă©tend au nord jusqu'au Connecticut et le Massachusetts, et au sud au Maryland. Ces tortues n'ont plus que 200 sites viables pour s'Ă©tablir, un nombre en constante diminution[20].

La population du sud est plus petite en taille (seulement 96 colonies ont Ă©tĂ© observĂ©es)[15], dans les États de la Caroline du Nord, de la Caroline du Sud, de la GĂ©orgie, de la Virginie et du Tennessee[3]. Cette aire a notamment vu 90 % de ses zones humides de montagne s'assĂ©cher[41]. Les tortues de cette population ont un habitat encore plus morcelĂ© que celui des populations du nord, et vivent Ă  des altitudes plus Ă©levĂ©es, pouvant atteindre 1 373 m[15].

Habitat

Habitat d'une Tortue de Muhlenberg dans le sud des Appalaches dans l'ouest de la Caroline du Nord, durant des recherches menées par des organismes de sauvegarde de l'espèce.

La Tortue de Muhlenberg forme de petites colonies de moins de 20 individus[40]. Elle affectionne particulièrement les zones humides en terrain calcaire, comme les prés, les marais et les sources[11] - [19]. Leur habitat se trouve souvent en bordure de bois[32]. Les Tortues de Muhlenberg sont parfois aperçues dans des pâtures avec des vaches ou près de barrages de castors[2].

La Tortue de Muhlenberg apprécie beaucoup les tourbières de type minérotrophe, des milieux légèrement acides et toujours humides. La constante saturation du milieu conduit à une déplétion d'oxygène, conduisant à l'hypoxie[42]. La Tortue de Muhlenberg utilise les sols boueux mous et profonds pour se protéger des prédateurs et des mauvaises conditions météorologiques. Les sources lui offrent de parfaits lieux d'hibernation pour l'hiver. La taille du territoire alloué à un individu dépend du sexe, avec en moyenne 0,17 à 1,33 ha pour les mâles et 0,065 à 1,26 ha pour les femelles[19]. Toutefois, des études ont montré que les densités pouvaient varier entre 5 et 125 individus par 0,81 ha[24].

L'habitat de la Tortue de Muhlenberg est généralement couvert de joncs, Carex stricta, massettes, impatientes, sphaignes, et de divers poacées, des plantes caractéristiques des milieux humides, ainsi que de divers arbres ou arbustes comme les saules, les érables rouges, et les aulnes. Il est très important pour elle d'avoir un milieu ouvert, car elle passe une très grande partie de son temps à se réchauffer au soleil. Une canopée ouverte permet à la lumière d'atteindre le sol et donc aux tortues, des animaux poïkilothermes, de pouvoir rehausser leur température quand elles en ont besoin. L'incubation de leurs œufs nécessite également une luminosité suffisante et une humidité dont les zones trop couvertes ne disposent pas[16]. L'habitat idéal pour la Tortue de Muhlenberg se situe au début de la succession écologique. Les habitats caractéristiques de successions écologiques très avancées présentent des arbres trop gros qui font trop d'ombrage. L'érosion et le ruissellement des nutriments au sein d'un milieu humide accélèrent la succession. Les changements causés par l'homme ont commencé à faire disparaître les Tortues de Muhlenberg dans les zones où elles devraient normalement être présentes[16].

Taxinomie

La Tortue de Muhlenberg a été identifiée au XVIIIe siècle par Henry Ernest Muhlenberg, un botaniste autodidacte et homme d'église, qui a également identifié plus de 150 espèces de plantes d'Amérique du Nord, et qui a conduit une étude sur la flore du comté de Lancaster, en Pennsylvanie, au cours de laquelle il a découvert cette petite tortue. En 1801, Johann David Schoepff la décrit scientifiquement et donne à la découverte de Muhlenberg le nom de Testudo muhlenbergii[43] - [5].

En 1812 Schweigger déplace l'espèce dans le genre Emys[44]. Elle sera par la suite successivement nommée Chersine muhlenbergii[45] par Merrem en 1820, Emys mulenbergii[46] par Harlan en 1829, Terrapene muhlenbergii[47] par Bonaparte en 1830, Emys muhlenbergii[48] par Gray en 1830, Clemmys muhlenbergii[49] par Fitzinger en 1835, Emmys muhlenbergii[50] par Duméril et Bibron en 1835, Emys muhlenbergii[1] par Holbrook en 1836, Calemys muhlenbergii[51] par Agassiz en 1857, Clemmys muhlenbergii[52] par Fowler en 1906.

Des synonymes apparaissent à diverses reprises, comme Emys biguttata[53] en 1824 par Thomas Say qui s'appuyait sur une tortue des environs de Philadelphie, Emys carolinae fusca[54] en 1830 par Gray ou Clemmys nuchalis[55] décrit par Dunn en 1917.

Le genre Clemmys a fini par s'imposer pour cette tortue jusqu'en 2001, genre qui comprenait également Clemmys guttata et Clemmys marmorata. Le séquençage des nucléotides et de l'ADN ribosomique indique que la Tortue des bois et la Tortue de Muhlenberg sont très proches, mais ne sont pas directement liées à Clemmys guttata, d'où le changement de genre de 2001 vers Glyptemys[56] - [57].

Histoire Ă©volutive

Seulement deux fossiles de cette espèce ont Ă©tĂ© dĂ©couverts. J. Alan Holman, un palĂ©ontologue et herpĂ©tologiste, a identifiĂ© un plastron de Tortue de Muhlenberg Ă  Cumberland Cave, dans le Maryland (près de Corriganville), qui daterait de l'Irvingtonien (entre 1,8 million d'annĂ©es et 300 000 ans avant le prĂ©sent). Plus rĂ©cemment, en 1998, Bentely et Knight ont fait une seconde dĂ©couverte, exhumant des restes de carapace datant du RancholabrĂ©en (entre 300 000 et 11 000 ans avant notre ère) dans le Giant Cement Quarry en Caroline du Sud (près de Harleyville)[10].

Le caryotype de la Tortue de Muhlenberg est composé de 50 chromosomes[5]. Des études sur la variation de son ADN mitochondrial ont montré une faible divergence génétique au sein de la population. De telles conclusions sont très rares pour des espèces qui ont un habitat aussi morcelé que la Tortue de Muhlenberg, avec une multitude de petits groupes isolés (certaines colonies comptent moins de 50 individus). Cette situation favorise généralement la divergence entre les groupes isolés. Les données dont on dispose indiquent que la population de Tortue de Muhlenberg a connu une très forte réduction de ses effectifs lorsque les colonies furent forcées à se diriger vers le sud pour faire face à la dernière glaciation. Le retrait des glaciers a conduit à l'expansion de la fin du Pléistocène, les Tortues de Muhlenberg regagnent alors les terres qu'elles peuplaient auparavant au nord. Cette recolonisation, relativement récente à l'échelle de l'évolution du vivant, à partir d'un groupe assez réduit qui s'était concentré au sud, explique certainement la faible diversité génétique au sein de l'espèce[58]. Les populations du nord et du sud sont aujourd'hui isolées génétiquement, du fait du morcellement de leur habitat et tout particulièrement des dégradations que celui-ci a subi dans la vallée de Shenandoah, en Virginie, durant la guerre civile américaine[15].

Sauvegarde

Une Tortue de Muhlenberg dans la main d'un homme en train de la relâcher. Elle regarde sur la gauche.
Une Tortue de Muhlenberg élevée en captivité et relâchée dans la nature avec un transmetteur radio.

La Tortue de Muhlenberg est considĂ©rĂ©e menacĂ©e d'extinction prochaine[59]. Elle est protĂ©gĂ©e en vertu de l'Endangered Species Act[14], et est considĂ©rĂ©e comme menacĂ©e dans le Connecticut, le Delaware, le Maryland, le Massachusetts, le New Jersey, New York et la Pennsylvanie depuis le 4 novembre 1997. La population du sud est Ă©galement considĂ©rĂ©e comme menacĂ©e en GĂ©orgie, en Caroline du Nord, en Caroline du Sud, dans le Tennessee et en Virginie[16]. En plus de la liste fĂ©dĂ©rale, les États du sud de son aire de rĂ©partition la font figurer sur leurs listes locales comme espèce en danger ou menacĂ©e[26]. La modification de l'habitat de la Tortue de Muhlenberg a conduit Ă  la disparition de 80 % des populations qui existaient il y a 30 ans[6]. Du fait de la raretĂ© de cette tortue, elle est menacĂ©e par les collectionneurs qui prĂ©lèvent illĂ©galement des spĂ©cimens pour alimenter le commerce des animaux de compagnie[60]. En dĂ©pit de la lĂ©gislation qui interdit sa capture, elle est couramment la cible des braconniers[16]. Le trafic routier fait Ă©galement des victimes parmi les tortues, et constitue une autre explication de la chute des effectifs[25]. L'United States Fish and Wildlife Service a mis en place un plan de sauvegarde pour la population du nord[61]. La Tortue de Muhlenberg est classĂ©e en danger critique d'extinction dans la liste rouge de l'UICN de 2011[62].

L'arrivée de plantes invasives non indigènes dans son habitat menace également la Tortue de Muhlenberg. Ainsi, certaines plantes perturbent son écosystème comme notamment la salicaire commune, la baldingère faux-roseau, et les roseaux, qui forment une végétation haute et épaisse et gênent le déplacement des tortues. Ces plantes entrent en compétition avec celles qui occupent habituellement l'habitat de la tortue et lui fournissent abri et nourriture[63].

Le développement des constructions humaines et des routes empêche les tortues de circuler d'une zone humide à l'autre, et donc de coloniser de nouveaux milieux. Les pesticides, le ruissellement, et les décharges de déchets industriels sont également nuisibles pour l'habitat et les ressources en nourriture de la tortue[7]. La Tortue de Muhlenberg a été désignée espèce menacée pour préserver la population du nord qui a fortement déclinée dans le nord-est des États-Unis[64].

Aujourd'hui, le redressement des effectifs de tortues dépend des initiatives privées[65]. La surveillance des populations nécessitent des études méticuleuses sur le terrain[66]. En plus de surveiller l'environnement de la tortue visuellement, la télédétection est utilisée pour voir si un milieu convient pour être colonisée par la tortue. On compare pour cela les habitats où elle vit et ceux qu'elle peut éventuellement coloniser[67].

Un écobuage en progression, les flammes dévorant la végétation.
Un Ă©cobuage

Pour permettre aux populations actuelles de se redévelopper, plusieurs projets privés ont été initiés pour éviter l'enfrichement excessif ou la construction de nouvelles routes ou autres constructions humaines[6]. Pour recréer l'habitat d'origine de la tortue, on utilise l'écobuage[63] pour éviter l'enfrichement de certaines zones[38], le pâturage par les vaches ou les chèvres[63] - [68] et on facilite le travail des castors qui établissent des barrages dans et aux alentours des zones humides[63].

L'élevage de tortues en captivité permet également de stabiliser les effectifs. On parvient ainsi à faire reproduire sans trop de difficultés ces tortues en captivité. Fred Wustholz et Richard J. Holub furent les premiers à obtenir des jeunes en captivité dans les années 1960 et 1970. Ils s'intéressaient à cette tortue, et essayaient de la faire connaître et de faire augmenter ses effectifs. Ils relâchèrent ainsi de nombreuses tortues dans la nature[6]. Diverses organisations comme l'Association des zoos et des aquariums, sont autorisés à faire reproduire ces animaux en captivité[69].

L'étude des Tortues de Muhlenberg à l'état sauvage est une aide importante pour le développement d'une stratégie de sauvegarde. La télémesure a été utilisée pour traquer les mouvements des tortues dans leur habitat naturel[69]. Des échantillons de sang, de fèces et du contenu du cloaque sont aussi collectés régulièrement pour détecter d'éventuelles maladies dans les populations sauvages[70].

Annexes

Références taxinomiques

Liens externes

Bibliographie

  • (la) J. D. Schoepff, Historia testudinum iconibus illustrata, Erlangen, Sumtibus Ioannis Iacobi Palm, (lire en ligne)
  • (en) L. Agassiz, Contributions to the Natural History of the United States of America, vol. 1, , 1-452 p. (lire en ligne)
  • (en) Tom J. Bloomer, The Bog Turtle, Glyptemys muhlenbergii... A Natural History, Gainesville, Floride, LongWing Press, (OCLC 57994322, lire en ligne [archive du ])
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Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Bog turtle » (voir la liste des auteurs).
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