AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Sous-différentiel

En mathĂ©matiques, et plus prĂ©cisĂ©ment en analyse convexe, le sous-diffĂ©rentiel est un concept permettant de dĂ©crire la variation locale d'une fonction convexe (Ă  valeurs rĂ©elles donc) non nĂ©cessairement diffĂ©rentiable dans un sens classique, celui auquel on attache aujourd'hui le nom de FrĂ©chet. Au lieu d'ĂȘtre la pente de l'application linĂ©aire tangente (c'est-Ă -dire, la dĂ©rivĂ©e) au point considĂ©rĂ©, qui n'existe pas nĂ©cessairement, le sous-diffĂ©rentiel d'une fonction convexe est l'ensemble des pentes de toutes les minorantes affines de la fonction, qui sont exactes en ce point, c'est-Ă -dire qui ont en ce point la mĂȘme valeur que la fonction convexe qu'elles minorent. Dans cette description, le mot pente peut ĂȘtre entendu comme un Ă©lĂ©ment de l'espace dual. La convexitĂ© de la fonction assure qu'on peut lui trouver des minorantes affines exactes en presque tout point de son domaine ; on met donc Ă  profit cette propriĂ©tĂ© pour dĂ©finir le sous-diffĂ©rentiel. Si l'on peut trouver une minorante affine exacte en un point donnĂ©, on dit que la fonction convexe est sous-diffĂ©rentiable en ce point.

On sait que la notion de dérivée est fondamentale en analyse car elle permet d'approcher localement des fonctions par des modÚles linéaires, plus simples à étudier. Ces modÚles fournissent des renseignements sur les fonctions qu'ils approchent, si bien que de nombreuses questions d'analyse passent par l'étude des fonctions linéarisées (stabilité, inversibilité locale, etc). On rencontre beaucoup de fonctions convexes qui ne sont pas différentiables au sens classique, en particulier lorsque celles-ci résultent de constructions qui n'ont rien pour assurer la différentiabilité des fonctions qu'elles produisent. Il en est ainsi de la fonction duale associée à un problÚme d'optimisation sous contraintes, pour en citer un exemple emblématique. Pour ces fonctions convexes non lisses, le sous-différentiel joue donc un rÎle similaire à celui de la dérivée des fonctions plus réguliÚres.

La notion de sous-différentiel connaßt diverses extensions aux fonctions non nécessairement convexes, par exemple aux fonctions localement lipschitziennes[1].

Connaissances supposées : l'algÚbre linéaire, le calcul différentiel (notamment les propriétés de la dérivée directionnelle au sens de Dini pour les fonctions convexes prenant des valeurs infinies), les bases de l'analyse convexe (notamment les principales notions attachées aux ensembles et aux fonctions convexes, mais surtout la notion de fonction conjuguée).

Fonction d'une seule variable

DĂ©finition

Une fonction convexe non différentiable (en bleu) et deux de ses minorantes affines exactes en (rouge). Le sous-différentiel de cette fonction en est l'ensemble des pentes de ces minorantes affines exactes en .

De maniÚre rigoureuse, une sous-dérivée d'une fonction convexe en un point de l'intervalle ouvert est un nombre réel tel que

pour tout dans . On peut montrer que si est dans l'intérieur de , l'ensemble des sous-dérivées en est un intervalle fermé non vide, donc de la forme , avec des bornes et données par

qui sont finies et qui vérifient .

L'ensemble de toutes les sous-dérivées est appelé le sous-différentiel de la fonction en .

Exemples

ConsidĂ©rons la fonction f(x)=|x| qui est convexe. Alors, le sous-diffĂ©rentiel Ă  l'origine est l'intervalle [−1, 1]. Le sous-diffĂ©rentiel en n'importe quel point x0<0 est le singleton {−1} et le sous-diffĂ©rentiel en n'importe quel point x0>0 est le singleton {1}.

Propriétés

  • Une fonction convexe f:I→R est diffĂ©rentiable en x0 si et seulement si le sous-diffĂ©rentiel ne contient qu'un seul point, qui est alors la dĂ©rivĂ©e de f en x0.
  • Un point x0 est un minimum local de f si et seulement si zĂ©ro est contenu dans le sous-diffĂ©rentiel, c'est-Ă -dire, dans la figure ci-dessus, on peut tracer une droite horizontale "sous-tangente" au graphe de f en (x0, f(x0)). La derniĂšre propriĂ©tĂ© est une gĂ©nĂ©ralisation du fait que la dĂ©rivĂ©e d'une fonction dĂ©rivable en un minimum local est nulle.

Fonction définie sur un espace euclidien

On suppose dans cette section que est un espace euclidien (de dimension finie donc) dont le produit scalaire est noté et la norme associée . On note par ailleurs

  • la droite rĂ©elle achevĂ©e,
  • le domaine d'une fonction , qui peut donc prendre la valeur sur son domaine,
  • l'ensemble des fonctions qui sont convexes (c'est-Ă -dire, leur Ă©pigraphe est convexe) et propres (c'est-Ă -dire, elles ne prennent pas la valeur et ne sont pas identiquement Ă©gales Ă  ),
  • la partie de formĂ©e des fonctions qui sont aussi fermĂ©es (c'est-Ă -dire, leur Ă©pigraphe est fermĂ©),
  • l'intĂ©rieur et l'intĂ©rieur relatif d'un convexe .

DĂ©finition

La notion de sous-diffĂ©rentiel peut ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©e Ă  une fonction convexe de plusieurs variables rĂ©elles, pouvant Ă©galement prendre la valeur . Cette derniĂšre extension trouve son utilitĂ©, par exemple en optimisation, lorsque la fonction rĂ©sulte d'une construction qui n'assure pas a priori la finitude des valeurs qu'elle prend. Comme pour la notion de gradient, on a besoin que l'espace sur lequel est dĂ©finie la fonction soit muni d'un produit scalaire si l'on veut construire des objets dans cet espace et non dans son dual. Les concepts seront mieux rĂ©vĂ©lĂ©s en travaillant sur un espace euclidien abstrait, qui pourra, si on le souhaite, ĂȘtre vu comme muni du produit scalaire euclidien.

Sous-gradient — Soit , une fonction convexe et propre. On dit que est un sous-gradient de en si l'une des propriĂ©tĂ©s Ă©quivalentes suivantes est vĂ©rifiĂ©e :

  1. ,
  2. ,
  3. minimise ,
  4. ,
  5. .

La lettre renvoie Ă  slope (pente) ou sous-gradient (si l'on prĂ©fĂšre). La propriĂ©tĂ© 1 exprime le fait que la fonction est une minorante linĂ©aire de la fonction dĂ©rivĂ©e directionnelle (que l'on sait toujours exister lorsque est convexe), exacte en . La propriĂ©tĂ© 2 exprime le fait que la fonction est une minorante affine de exacte en . Les propriĂ©tĂ©s 4 et 5 expriment la mĂȘme chose que la propriĂ©tĂ© 2 en utilisant la fonction conjuguĂ©e de .

Sous-diffĂ©rentiel — L'ensemble des sous-gradients de en est appelĂ© le sous-diffĂ©rentiel de en . Il est notĂ©

On dit que est sous-différentiable en si . Par convention, si .


Propriétés

Optimalité

La propriété 2 de la définition du sous-différentiel permet d'obtenir immédiatement une expression simple de l'optimalité d'un point.

Condition d'optimalitĂ© — Soit . Un point minimise sur si, et seulement si, .

Cette condition nécessaire et suffisante d'optimalité du premier ordre (ainsi qualifiée parce qu'elle ne fait intervenir que les « dérivées » premiÚres de la fonction) est typique des problÚmes d'optimisation convexes (voir la section Conditions du premier ordre sans contrainte de l'article Conditions d'optimalité).

Trouver les minimiseurs d'une fonction convexe propre revient donc à trouver les « zéros » de son sous-différentiel. Ce résultat est à rapprocher de celui selon lequel les minimiseurs d'une fonction convexe différentiable sont les points qui annulent son gradient. Ce résultat est plus riche qu'il ne paraßt à premiÚre vue. En effet, du fait que la fonction peut prendre la valeur , il traite également de la minimisation d'une fonction convexe sous contraintes convexes (l'ensemble admissible étant le domaine de la fonction).

Lorsque est polyédrique, on a les caractérisations supplémentaires suivantes[2], liées au concept de minimum saillant.

CaractĂ©risations de l'intĂ©rioritĂ© relative et de l'unicitĂ© d'un minimiseur de fonction polyĂ©drique — Soit une fonction polyĂ©drique. Alors

La polyĂ©dricitĂ© de la fonction joue un rĂŽle majeur dans les caractĂ©risations prĂ©cĂ©dentes. Ainsi chacune des implications de la premiĂšre Ă©quivalence peut ĂȘtre fausse pour une fonction non polyĂ©drique : l'implication "" est fausse pour la fonction en et l'implication "" est fausse pour la fonction en . Pour la seconde Ă©quivalence, l'implication "" est fausse pour la fonction en , mais l'implication "" reste vraie mĂȘme si n'est pas polyĂ©drique.

RĂšgle de bascule

Les sous-différentiels de et de sa conjuguée jouissent d'une belle rÚgle de réciprocité, parfois appelée rÚgle de bascule[3].

Rùgle de bascule —

  1. Si , alors .
  2. Si , alors .

La réciproque n'a pas lieu au point 1, pour la fonction ci-dessous

puisque l'on a , alors que .

Sous-différentiabilité

Rappelons que l'on dit que est sous-différentiable en si . Affirmer qu'un ensemble est non vide est une propriété forte qui, dans certains cas, revient à montrer qu'un certain problÚme a une solution.

La propriété 1 définissant un sous-gradient , à savoir

montre clairement que ne peut ĂȘtre sous-diffĂ©rentiable en si la dĂ©rivĂ©e directionnelle prend en une direction la valeur puisque le membre de droite de l'inĂ©galitĂ© ci-dessus est toujours fini. La rĂ©ciproque de cette observation est le sujet de la proposition qui suit. Une telle situation se prĂ©sente pour la fonction convexe dĂ©finie par

Cette fonction n'est pas sous-diffĂ©rentiable en zĂ©ro, parce que . Évidemment, si , alors , mais ce n'est pas la valeur de la dĂ©rivĂ©e directionnelle qui empĂȘche d'ĂȘtre sous-diffĂ©rentiable en . C'est ce que montre la fonction indicatrice de l'intervalle , dont le sous-diffĂ©rentiel en zĂ©ro est l'intevalle .

Sous-diffĂ©rentiabilitĂ© — Si et , les propriĂ©tĂ©s suivantes sont Ă©quivalentes :

  1. est sous-différentiable en ,
  2. il existe tel que ,
  3. ne prend pas la valeur .

Ces propriétés sont vérifiées si .

Propriétés géométriques et topologiques

On note ci-dessous l'enveloppe affine d'une partie .

PropriĂ©tĂ©s gĂ©omĂ©triques et topologiques du sous-diffĂ©rentiel — Soient , le sous-espace vectoriel parallĂšle Ă  , le projecteur orthogonal sur et . On note la restriction de Ă  . Alors

  1. , en particulier ,
  2. est convexe et fermé (éventuellement vide),
  3. est non vide et borné,
  4. est non vide et borné.

Si ne prend que des valeurs réelles, alors et son sous-différentiel est un ensemble non vide, convexe et compact (par les points 2 et 4).

Formule du max

Le sous-diffĂ©rentiel peut ĂȘtre dĂ©fini en utilisant la dĂ©rivĂ©e directionnelle (propriĂ©tĂ© 1 de la dĂ©finition). La proposition suivante montre que l'on peut retrouver les dĂ©rivĂ©es directionnelles Ă  partir du sous-diffĂ©rentiel : est la fonction d'appui de .

Formule du max — Si et , alors

Le supremum est atteint si .

Le résultat précédent ne tient plus si est sur la frontiÚre relative du domaine de . Voici un contre-exemple : est l'indicatrice de la boule-unité fermée de , pour la norme euclidienne, et . Alors et si :

DĂšs lors, la fonction n'est pas fermĂ©e et ne peut donc ĂȘtre la fonction d'appui d'un ensemble, en particulier elle n'est pas la fonction d'appui du sous-diffĂ©rentiel. D'ailleurs, ce dernier s'Ă©crit et

est l'enveloppe convexe fermée de . Cette propriété est tout à fait générale pour les fonctions de .

La multifonction sous-différentiel

On peut voir comme une multifonction ou fonction multivoque, qui à un élément de fait correspondre une partie de , c'est-à-dire un élément de l'ensemble des parties de . On note

cette correspondance.

Rappelons quelques notions d'analyse multifonctionnelle. Soit une multifonction. On définit le domaine, l'image et le graphe de respectivement par

On notera bien que l'on a choisi de définir le graphe comme une partie de et pas de . La multifonction réciproque de la multifonction est définie en par

Lorsque est un espace euclidien dont le produit scalaire est noté et que , on dit que est monotone si

On dit que est monotone maximale si est monotone et si son graphe n'est pas strictement contenu dans le graphe d'un opérateur monotone. On vérifie facilement que cette derniÚre propriété s'écrit aussi

Dans le résultat ci-dessous, on note la conjuguée de .

La multifonction sous-diffĂ©rentiel — Si , alors

  1. ;
  2. ;
  3. est fermé ;
  4. la multifonction est monotone.

Si , alors

  1. ;
  2. ;
  3. la multifonction est monotone maximale.

On rappelle que est fortement convexe, de module , si pour tout et et pour tout , on a

Rappelons aussi qu'une multifonction est dit fortement monotone, de module , si

La forte convexité de peut s'exprimer par la forte monotonie de [4].

Sous-diffĂ©rentiel fortement monotone — Pour une fonction et un rĂ©el , les propriĂ©tĂ©s suivantes sont Ă©quivalentes :

  1. est fortement convexe de module ,
  2. est fortement monotone de module ,
  3. et , on a


Lien avec la différentiabilité

Rappelons les trois notions de diffĂ©rentiabilitĂ© d'une fonction dont il est question dans cette section. On suppose que est finie au point oĂč sont prises ces dĂ©rivĂ©es.

  • On dit que a une dĂ©rivĂ©e partielle en suivant un vecteur si la fonction est diffĂ©rentiable en .
  • On dit que est GĂąteaux-diffĂ©rentiable en si la dĂ©rivĂ©e directionnelle existe pour tout et si est linĂ©aire.
  • On dit que est FrĂ©chet-diffĂ©rentiable en s'il existe un vecteur tel que

    Dans ce cas, le vecteur est appelé le gradient de en . On le note

    D'aprÚs la définition, si est Fréchet-différentiable en , prend des valeurs finies dans un voisinage de .

Ces trois propriĂ©tĂ©s sont de plus en plus fortes (la FrĂ©chet-diffĂ©rentiabilitĂ© implique la GĂąteaux-diffĂ©rentiabilitĂ©, qui implique elle-mĂȘme la diffĂ©rentiabilitĂ© partielle). Pour une fonction convexe, les trois notions sont Ă©quivalentes[5], si bien qu'il n'y a alors pas lieu de faire de distinction entre celles-ci.

GĂąteaux et FrĂ©chet diffĂ©rentiabilitĂ© — Soient et . On note la dimension de . Alors les propriĂ©tĂ©s suivantes sont Ă©quivalentes :

  1. a des dérivées partielles en suivant directions linéairement indépendantes,
  2. est Gùteaux-différentiable en ,
  3. est Fréchet-différentiable en .

Le résultat suivant[6] établit un lien entre la différentiabilité et la sous-différentiabilité : en bref, une fonction est différentiable en un point si, et seulement si, elle est sous-différentiable en ce point et son sous-différentiel est un singleton.

DiffĂ©rentiabilitĂ© et sous-diffĂ©rentiabilitĂ© — Soient et .

  1. Si est différentiable en , alors .
  2. Si est le singleton , alors est différentiable en et .

Combinaison conique

Voici une conséquence immédiate de la définition du sous-différentiel.

Multiplication par un scalaire positif — Soit , et . Alors

On remarquera bien que le scalaire multiplie une fonction dans le membre de gauche de l'identité ci-dessus et un ensemble dans son membre de droite.

À l'inverse, comme le montrera un exemple ci-dessous, l'Ă©galitĂ© entre le sous-diffĂ©rentiel de la somme de fonctions convexes et la somme des sous-diffĂ©rentiels n'est pas nĂ©cessairement assurĂ©e. On aura certainement l'Ă©galitĂ© si toutes les fonctions ne prennent que des valeurs finies. On notera Ă©galement que la somme se fait sur des fonctions dans le membre de gauche de l'identitĂ© et sur des ensembles dans celui de droite.

Sous-diffĂ©rentiel d'une somme — Soient et . Alors

avec égalité si

Dans cette derniÚre condition, on peut remplacer par si est polyédrique.

Voici un exemple oĂč l'Ă©galitĂ© n'est pas assurĂ©e dans la formule de la somme ( est la fonction indicatrice de ):

Comme la somme est l'indicatrice de , on a , alors que , parce que .

Pré-composition par une fonction affine

Le cadre est le suivant. On dispose d'une fonction affine entre deux espaces euclidiens et . Celle-ci est supposĂ©e ĂȘtre dĂ©finie en par

oĂč est linĂ©aire et . On note l'Image directe de par et l'application linĂ©aire adjointe de pour les produits scalaires que l'on s'est donnĂ©s sur et , dĂ©fini donc par la relation

L'application affine est composée avec une application .

Sous-diffĂ©rentiel d'une prĂ©-composition par une fonction affine — Dans le cadre dĂ©fini ci-dessus, si , alors pour tout :

avec égalité si l'une des conditions suivantes est vérifiée :

  • ,
  • et est polyĂ©drique.

Fonction marginale

Soient et deux espaces euclidiens et une fonction. On associe à cette derniÚre la fonction marginale définie par :

Le sous-différentiel de dépend de celui de qui est supposé calculé pour le produit scalaire de suivant : .

Sous-diffĂ©rentiel d'une fonction marginale — Dans le cadre dĂ©fini ci-dessus, supposons que et que . Si et (l'infimum est atteint en ), alors

Ce résultat appelle quelques remarques.

  1. Il faut bien noter que, si la borne inférieure est atteinte en plusieurs , ne dépend pas du minimiseur choisi.

    On a un autre éclairage sur cette indépendance par rapport à en observant que est constante sur l'ensemble minimise , si bien que est aussi constant sur l'intérieur relatif de . Cependant peut varier lorsque passe de l'intérieur relatif de à son bord. C'est le cas de la fonction définie par , dont la fonction marginale est nulle :


  2. D'autre part, si est diffĂ©rentiable en , oĂč est un minimiseur quelconque de , alors est Ă©galement diffĂ©rentiable en (car son sous-diffĂ©rentiel est un singleton) et on a


    C'est comme s'il y avait un minimiseur unique , fonction différentiable de , que l'on écrivait et que l'on calculait par une dérivation en chaßne :


    On retrouverait le résultat ci-dessus en observant que car minimise .
  3. Le fait que ait un minimum unique n'implique nullement la diffĂ©rentiabilitĂ© de la fonction marginale en . Par exemple, est la fonction marginale de dĂ©finie par . Cette derniĂšre a un minimum unique en quel que soit , alors que peut ne pas ĂȘtre diffĂ©rentiable.

Fonctions concave et convexe-concave

Certaines constructions conduisent naturellement Ă  des fonctions concaves plutĂŽt que convexes. Il en est ainsi, par exemple, lorsque l'on prend l'enveloppe infĂ©rieure d'une famille de fonctions linĂ©aires (la fonction duale d'un problĂšme d'optimisation est construite de cette maniĂšre). On peut alors prendre le sous-diffĂ©rentiel de la fonction opposĂ©e, qui est convexe, mais il est parfois plus naturel de se passer de la multiplication par moins un. Si est concave, on dĂ©finit donc le sous-diffĂ©rentiel concave de cette fonction en un point oĂč elle est finie, comme l'ensemble notĂ© et dĂ©fini par

Certains auteurs ne mettent pas le signe au-dessus de ; il faut alors se rappeler que est concave. Si est concave différentiable, son sous-différentiel concave se réduit bien au gradient de . Les propriétés suivantes sont équivalentes :

  • ,
  • ,
  • ,
  • maximise .

Il est aussi intéressant de définir le sous-différentiel d'une fonction convexe-concave. Si et sont deux espaces vectoriels, on dit que est convexe-concave si

  • pour tout , est convexe et
  • pour tout , est concave.

Le lagrangien d'un problÚme d'optimisation convexe avec contraintes a cette propriété. La situation est plus complexe que dans le cas d'une fonction concave, car il ne suffit pas de multiplier (une partie de) la fonction par pour retrouver une fonction convexe et lui appliquer la notion de sous-différentiel convexe que l'on connait.

Sous-gradient d'une fonction convexe-concave — Soient et deux espaces vectoriels et une fonction convexe-concave. On dit que est un sous-gradient (convexe-concave) de en un point oĂč prend une valeur finie si vĂ©rifie l'une des propriĂ©tĂ©s Ă©quivalentes suivantes :

  1. et ,
  2. ,
    ,
  3. est un point-selle de .

On note l'ensemble des sous-gradients et on le nomme le sous-différentiel (convexe-concave) de . Par convention, ce sous-différentiel est vide si n'est pas fini.

De maniÚre synthétique :

Dans cette définition, on a noté le sous-différentiel ordinaire en de la fonction convexe et le sous-différentiel concave en de la fonction concave . Certains auteurs ne mettent pas le signe au-dessus de ; il faut alors se rappeler que est convexe-concave.

Exemples

Voici quelques exemples de sous-différentiels de fonctions convexes classiques.

Fonction indicatrice

On suppose ici que est un espace euclidien et que est un convexe de .

Le sous-différentiel de la fonction indicatrice est le cÎne normal de :

Norme

Soit une norme sur un espace euclidien , non nécessairement dérivée du produit scalaire de . On introduit la norme duale

et la boule-unité duale fermée

Une norme est évidemment une fonction convexe (par l'inégalité triangulaire), partout sous-différentiable (elle ne prend que des valeurs finies). Son sous-différentiel est donné par les formules

En particulier :

  • si , les sous-gradients sont sur la frontiĂšre de : ;
  • .


La puissance d'une norme

est aussi une fonction convexe (composition de fonctions convexes dont la seconde est croissante) propre (elle ne prend que des valeurs finies) fermée (elle est continue) et partout sous-différentiable (elle ne prend que des valeurs finies). Son sous-différentiel est donné par les formules

oĂč est le nombre conjuguĂ© de :

La derniÚre expression du sous-différentiel rappelle la dérivation en chaßne de la composition de et de .

Distance Ă  un convexe

Soit une norme sur un espace euclidien , non nécessairement dérivée du produit scalaire de . On introduit la norme duale

et la boule-unité duale fermée

Soit un ensemble convexe fermé non vide de . On considÚre la fonction , la distance à , définie par

C'est une fonction convexe propre et fermée (elle ne prend que des valeurs finies). On note une projection d'un point sur : c'est une solution du problÚme . Cette derniÚre n'est pas nécessairement unique car la norme n'est pas nécessairement associée à un produit scalaire.

Le sous-différentiel en de la distance à est donné par la formule

oĂč pour tout est le cĂŽne normal Ă  en .

Lorsque la norme est celle associée au produit scalaire , les boules-unités primale et duale coïncident (c'est-à-dire, ) et on a les propriétés suivantes :

  • si , alors est diffĂ©rentiable en et ;
  • si , l'intĂ©rieur de , alors est diffĂ©rentiable en et ;
  • si , la frontiĂšre de , alors .

En l'absence de convexité d'un ensemble , la distance n'est pas nécessairement différentiable sur le complémentaire de .

Valeur propre maximale

On note l'ensemble des matrices réelles d'ordre symétriques, que l'on munit du produit scalaire canonique ( désigne la trace de la matrice ). On note aussi le cÎne de formé des matrices semi-définies positives. On note enfin

l'application valeur propre maximale, qui à une matrice symétrique associe sa plus grande valeur propre (on rappelle qu'une matrice symétrique d'ordre a valeurs propres réelles). C'est une fonction propre, convexe et continue (donc fermée). Son sous-différentiel en est donné par la formule

oĂč dĂ©signe l'enveloppe convexe d'un ensemble . L'enveloppe convexe ci-dessus est compacte (par exemple, parce que le sous-diffĂ©rentiel d'une fonction convexe ne prenant que des valeurs finies, comme , l'est).

On en déduit que :

  • si est simple, est diffĂ©rentiable en et son gradient s'Ă©crit alors
    oĂč sont les uniques vecteurs propres unitaires associĂ©s Ă  la valeur propre maximale ;
  • ;
  • la dĂ©rivĂ©e directionnelle de en dans la direction s'Ă©crit
    oĂč est une matrice dont les colonnes forment une base orthonormale de l'espace propre associĂ© Ă  .

Fonction spectrale

La présentation ci-dessous synthétise celles de Lewis (1996), Hiriart-Urruty (1998), Borwein et Lewis (2000).

On note l'ensemble des matrices réelles d'ordre symétriques, que l'on munit du produit scalaire canonique , la trace de la matrice . Par ailleurs, pour , on note le vecteur formé des composantes de en ordre décroissant.

On se donne une fonction symétrique, c'est-à-dire qui vérifie

ce qui revient Ă  dire que l'on ne modifie pas la valeur de en permutant les composantes de . On note

la fonction donnant les valeurs propres de en ordre décroissant :

On appelle fonction spectrale une fonction de la forme , avec et comme ci-dessus. Ce sont donc des fonctions définies sur , mais dont les valeurs ne dépendent que du spectre des matrices.

On peut alors caractériser la convexité-fermeture de à partir de celle de [7].

ConvexitĂ©-fermeture d'une fonction spectrale — Dans le cadre dĂ©fini ci-dessus, si est symĂ©trique, alors

On peut aussi calculer le sous-différentiel de à partir de celui de .

Sous-diffĂ©rentiel d'une fonction spectrale — Dans le cadre dĂ©fini ci-dessus, si est symĂ©trique, alors les trois propriĂ©tĂ©s suivantes, reliant et , sont Ă©quivalentes :

  1. ,
  2. et ,
  3. il existe une matrice orthogonale et des vecteurs , tels que

On peut enfin caractériser la différentiabilité de à partir de celle de .

DiffĂ©rentiabilitĂ© d'une fonction spectrale — Dans le cadre dĂ©fini ci-dessus, si est symĂ©trique, est diffĂ©rentiable en si, et seulement si, est diffĂ©rentiable en . Dans ce cas, si est une matrice orthogonale telle que , on a

Les fonctions spectrales sont frĂ©quemment rencontrĂ©es. En voici quelques-unes, construites Ă  partir de fonctions , donnant donc lieu Ă  des fonctions . Dans le tableau ci-dessous, les entiers et peuvent ĂȘtre choisis arbitrairement dans , un vecteur de dont toutes les composantes sont strictement positives est signalĂ© par , une matrice dĂ©finie positive est signalĂ©e par .


Fonction définie sur un espace localement convexe

La présentation ci-dessous synthétise celle de Bonnans et Shapiro (2000).

Cadre

On suppose donnĂ©s deux espaces espaces vectoriels topologiques localement convexes et sur couplĂ©s, dans le sens oĂč il existe une application bilinĂ©aire continue

telle que

  • le dual topologique de coĂŻncide avec ,
  • le dual topologique de coĂŻncide avec .

Comme exemples de tels couples d'espaces vectoriels topologiques localement convexes, citons

DĂ©finitions

Les dĂ©finitions de sous-gradient, de sous-diffĂ©rentiel et de sous-diffĂ©rentiabilitĂ© sont essentiellement les mĂȘmes que celles introduites en dimension finie.

Sous-gradient, sous-diffĂ©rentiel, sous-diffĂ©rentiabilitĂ© — Soit , une fonction convexe et propre. On dit que est un sous-gradient de en si l'une des propriĂ©tĂ©s Ă©quivalentes suivantes est vĂ©rifiĂ©e :

  1. ,
  2. minimise ,
  3. ,
  4. .

L'ensemble des sous-gradients de en est appelé le sous-différentiel de en ; il est noté

On dit que est sous-différentiable en si . Par convention, si .

Annexes

Notes

  1. Voir Clarke (1983).
  2. La caractĂ©risation de l'intĂ©rioritĂ© relative est peut-ĂȘtre due Ă  Gilbert (2015). La caractĂ©risation de l'unicitĂ© peut s'obtenir Ă  partir de rĂ©sultats plus gĂ©nĂ©raux de Burke et Ferris (1993).
  3. J.-B. Hiriart-Urruty (2013). Bases, outils et principes pour l’analyse variationnelle. MathĂ©matiques et Applications 70. Springer Verlag.
  4. Proposition 6 chez Rockafellar (1976).
  5. Proposition IV.4.2.1 chez Hiriart-Urruty et Lemaréchal (2001).
  6. ThéorÚme 25.1 chez Rockafellar (1970).
  7. Voir Davis (1957) et la section 5.2 chez Borwein et Lewis (2000).

Bibliographie

  • (en) A. Auslender, M. Teboulle (2003). Asymptotic Cones and Functions in Optimization and Variational Inequalitites. Springer Monographs in Mathematics. Springer, New York.
  • (en) J. F. Bonnans, A. Shapiro (2000). Perturbation Analysis of Optimization Problems. Springer Verlag, New York.
  • (en) J.M. Borwein, A.S. Lewis (2000). Convex Analysis and Nonlinear Optimization. Springer, New York.
  • (fr) H. BrĂ©zis (1973). OpĂ©rateurs Maximaux Monotones et Semi-groupes de Contractions Dans les Espaces de Hilbert. Mathematics Studies 5. North-Holland, Amsterdam. (ISBN 978-0-7204-2705-9).
  • (en) J.V. Burke, M.C. Ferris (1993). Weak sharp minima in mathematical programming. SIAM Journal on Control and Optimization, 31, 1340–1359. DOI
  • (en) C. Davis (1957). All convex invariant functions of Hermitian matrices. Archiv der Mathematik, 8, 26-278.
  • (en) F.H. Clarke (1983). Optimization and Nonsmooth Analysis. John Wiley & Sons, New York.
  • (en) J.Ch. Gilbert (2015). On the solution uniqueness characterization in the norm and polyhedral gauge recovery. Rapport INRIA.
  • (fr) J.-B. Hiriart-Urruty (1998). Optimisation et Analyse Convexe. Presses Universitaires de France, Paris.
  • (en) J.-B. Hiriart-Urruty, Cl. LemarĂ©chal (2001). Fundamentals of Convex Analysis. Springer. (ISBN 978-3-540-42205-1).
  • (en) A.S. Lewis (1996). Convex analysis on the Hermitian matrices. SIAM Journal on Optimization, 6, 164-177.
  • (en) R.T. Rockafellar (1970). Convex Analysis. Princeton Mathematics Ser. 28. Princeton University Press, Princeton, New Jersey.
  • (en) R.T. Rockafellar (1976). Monotone operators and the proximal point algorithm. SIAM Journal on Control and Optimization, 14, 877–898.
  • (en) R.E. Showalter (1997). Monotone Operators in Banach Space and Nonlinear Partial Differential Equations. American Mathematical Society. (ISBN 978-0-8218-0500-8).
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.