Sima del Elefante
La Sima del Elefante, ou Trinchera del Elefante (TE), signifie en espagnol « gouffre » ou « tranchée de l'éléphant » et désigne un ancien aven creusé dans un grÚs du Crétacé par une riviÚre souterraine dans la sierra d'Atapuerca en Espagne. On y a découvert deux fossiles humains parmi les plus anciens d'Europe, datés de plus de 1,22 Ma. Pendant le PléistocÚne, l'effondrement d'un puits au sommet de l'aven a laissé s'accumuler les sédiments, lui donnant un rÎle de piÚge naturel. La stratigraphie a finalement été découpée au XIXe siÚcle par le creusement d'une voie ferrée qui l'a portée à affleurement[1].
Coordonnées |
42° 21âČ N, 3° 30âČ O |
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Pays | |
Communauté autonome | |
Province | |
Massif |
Sierra d'Atapuerca |
Localité voisine | |
Voie d'accĂšs |
Camino del Pajarillo |
Type | |
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Altitude de l'entrée |
1 080 m |
PĂ©riode de formation | |
Patrimonialité |
Elle appartient au systĂšme karstique de la Cueva Mayor d'Atapuerca. Comme l'ensemble de la sierra d'Atapuerca elle est classĂ©e au patrimoine mondial[2]. Les recherches y ont dĂ©butĂ© en 1992[3] et les fouilles de l'affleurement sont systĂ©matiques depuis 1996[4]. Outre les restes humains, on y a dĂ©couvert des os d'herbivores qui ont Ă©tĂ© travaillĂ©s et une centaine d'outils de pierre de mode 1 ou oldowayens, l'un d'entre eux se trouvant mĂȘme dans le niveau stratigraphique prĂ©cĂ©dent[5].
Les fossiles humains de la Sima del Elefante permettent de constater la présence de l'homme en Europe au cours du Calabrien, avec les gisements de la région d'Orce (Espagne), et les sites de Pirro Nord (Italie) et de Kozarnika (Bulgarie), un peu plus anciens. La phalange fossile concourt à montrer l'évolution de la main au cours de l'histoire du genre Homo[6], tandis que les restes de faune et d'industrie lithique fournissent des éléments quant aux modes de vie des premiers Européens[7].
Contexte
Description du site
Cette ancienne grotte mesurait 18 m de haut. Elle attirait les oiseaux et fonctionnait comme un piÚge pour les animaux terrestres, accumulant de nombreux restes osseux qui renseignent sur la faune, le climat et facilitent la datation[3] - [8] - [9]. Les sédiments se retrouvent de l'autre cÎté de la tranchée. En 1996 un sondage sous le niveau affleurant inférieur TE7 a permis d'établir la stratigraphie précise et a montré que le bas de la grotte se trouve sous encore au moins 3,5 m de sédiments[3]. Un puits de 8 m a depuis été creusé[4]. La stratigraphie est répartie en 21 niveaux, dont 7 sont en-dessous du sol. Les niveaux étudiés sont donc notés de TE8 à TE21.
En 2001 la découverte d'une molaire de rhinocéros qu'on a d'abord attribuée à un éléphant lui a donné son appellation. Un astragale d'éléphant a justement été retrouvé depuis, le nom est donc resté.
Datations
La datation est compliquée par l'inclinaison des sédiments les plus bas, ainsi que par le mélange des couches précédentes lors des différents remplissages qui ont eu lieu. Leur identification est d'ailleurs mise à jour réguliÚrement. Plusieurs études proposent néanmoins des datations cohérentes :
- Seule la derniÚre inversion du champ magnétique terrestre, l'inversion Brunhes-Matuyama, est décelée entre les couches TE16 et TE17, ce qui date les couches inférieures entre 1,78 Ma et 0,78 Ma[3] - [4] - [10].
- La microfaune du niveau TE9 a pu ĂȘtre datĂ©e assez prĂ©cisĂ©ment autour de 1,4 Ma par comparaison avec des espĂšces d'Ăąge connu du nord de l'Italie[3] - [4] - [11].
- La méthode de datation la plus efficace a été la datation par isotopes cosmogéniques des radionucléides 26Al et 10Be dans des prélÚvements de quartz. Un prélÚvement dans le niveau TE9b, 40 cm au-dessus de la mandibule du niveau TE9c, a un ùge de 1,22 Ma[11].
On considÚre donc que les sédiments des niveaux TE9c et inférieurs ont un ùge minimum de 1,22 Ma.
Matériel
Outillage
Dans les couches TE8 Ă TE14 on a trouvĂ© plus de 80 produits d'industrie lithique, concentrĂ©s surtout dans le niveau TE9. Ces artefacts sont tous de mode 1 ou oldowayen, en silex ou en grĂšs disponibles Ă moins de 2 km. Un des outils se trouve mĂȘme dans le niveau TE8. Ces outils sont parmi les plus anciens retrouvĂ©s en Europe, et l'outil de la couche TE8 serait donc plus ĂągĂ© encore[11]. Les niveaux supĂ©rieurs, notamment le TE19, ont livrĂ© d'autres produits lithiques de facture plus moderne, de mode 2 (acheulĂ©en) voire en transition avec le mode 3 (moustĂ©rien)[8] - [9]. Les matĂ©riaux utilisĂ©s sont cette fois de la quartzite et du grĂšs, dont on a retrouvĂ© la provenance Ă environ 3 km, ainsi que du silex[3] - [4] - [8] - [9]. L'absence d'artefacts dans les niveaux intermĂ©diaires TE15 Ă TE17 empĂȘche de relier les deux types d'industries observĂ©es voire d'Ă©tablir une continuitĂ© du peuplement de cette rĂ©gion[9].
Restes animaux
La plupart des ossements ont pu ĂȘtre identifiĂ©s avec certitude : on y trouve des restes d'ours dolinensis, espĂšce dĂ©couverte Ă la Gran Dolina, et d'ours de Deninger, ancĂȘtres de l'ours des cavernes, dont un crĂąne complet. On y trouve aussi des restes de macaque, de canidĂ©, de cerf, de cheval, de lynx d'Issoire, de mammouth, de renard, de belette, de bison, de mĂ©galocĂ©ros, de jaguar, hyĂšne, de plusieurs types de rhinocĂ©ros, de lagomorphes et de rongeurs. Au contraire, d'autres fossiles ne sont pas classĂ©s avec certitude : des restes de fĂ©lin, d'hippopotame et de proboscidien[3] - [9].
- Dans les couches TE14 et inférieures on a trouvé plus de 10 000 fragments d'os. Des restes d'oiseaux marins et un os de canard montrent qu'au PléistocÚne inférieur le site voisinait une vaste étendue d'eau[3]. Le niveau TE9 contient la plus grande diversité d'espÚces. On y trouve notamment des restes de carnivores (chien, lynx, jaguar, ours) et d'herbivores (mammouth, bison, rhinocéros, cheval, cerf) dont les os ont de nombreuses fractures fraßches. Associées à des marques de dents, de telles cassures indiquent une prédation naturelle. Mais les morsures ne sont pas toujours présentes alors que des stries et marques de percussion sont parfois visibles[3].
- Les niveaux TE15 Ă TE17, vierges de tout ossement, marquent une rupture[9]. Puis les niveaux rĂ©cents TE18 et TE19 contiennent Ă nouveau de nombreux restes d'animaux, typiques cette fois du milieu du PlĂ©istocĂšne moyen : Ă©lĂ©phant, rhinocĂ©ros, cheval, cerf, mĂ©galocĂ©ros, bison, renard, ours de Deninger, hyĂšne. La datation permet de relier ces strates au niveau TD10 de la Gran Dolina, l'ensemble permettant d'imaginer l'environnement comme celui d'une forĂȘt humide avec des grandes plaines plus sĂšches, identique au climat actuel. La prĂ©sence plus importante de restes d'Ă©quidĂ©s dans le niveau 19 souligne l'existence de vastes plaines[8].
- Les niveaux supĂ©rieurs TE20 et TE21 reprĂ©sentent les stades d'obturation de la cavitĂ© oĂč aucun fossile n'a encore Ă©tĂ© dĂ©couvert.
Les hommes ont laissé leur empreinte dans l'amoncellement des os d'animaux : les restes de faune du niveau TE9 comportent une plus grande proportion d'herbivores, notamment des bisons. De plus, des fractures d'os frais pour accéder à la moelle et des stries de décarnisation sur des os longs, sur une vertÚbre et sur une mandibule, sont caractéristiques d'une activité humaine. L'absence de squelettes complets montre que cette consommation ne s'est pas faite dans la grotte mais plutÎt à son entrée[9].
Fossiles humains
Mandibule ATE9-1
En 2007 les fouilles dans le niveau TE9c ont enfin livrĂ© une dent puis une mandibule humaine exceptionnelle, avec sept dents encore en place[11]. Une hypercĂ©mentose a mĂȘme Ă©tĂ© mise en Ă©vidence sur la mĂąchoire, montrant que son propriĂ©taire, un adulte, devait beaucoup en souffrir[12]. Avec un Ăąge d'au moins 1,22 Ma, cette mandibule est considĂ©rĂ©e comme un des plus anciens restes humains d'Europe[11].
Phalange ATE9-2
C'est dans la saison de fouille de l'été 2008 que la phalange a été découverte, dans le niveau TE9c comme la mandibule, à moins de 2 m d'elle. C'est la phalange proximale d'un auriculaire gauche, d'un individu d'environ 16 ans, sur la base du développement de cet os chez les hommes modernes[6].
Interprétations
Présence des premiers hommes en Europe
La mandibule, la phalange mais Ă©galement les outils lithiques de la couche TE9, et mĂȘme celui de la couche TE8, forment parmi les plus anciennes traces connues de l'Homme sur le continent europĂ©en[13] - [14].
Ăvolution de la main depuis Homo habilis
L'Ă©tude de la main au cours de l'Ă©volution du genre Homo peut fournir des informations sur les transformations culturelle et anatomique de l'Homme au cours du temps. Mais la faible quantitĂ© d'os de la main dans le registre fossile, en particulier au dĂ©but du PlĂ©istocĂšne, interroge sur le moment oĂč celle-ci a pris sa forme dĂ©finitive. De plus, on a dĂ©jĂ constatĂ© la plus grande largeur des phalanges chez les nĂ©andertaliens et dĂ©nisoviens par rapport aux Homo sapiens, mais on ignore si cette diffĂ©rence est liĂ©e Ă leur plus grande robustesse, ou s'il s'agit d'un caractĂšre ancestral. La phalange de la Sima del Elefante vient apporter un Ă©lĂ©ment de comparaison : elle est Ă©galement plus large que chez les Homo sapiens, laissant penser que ce sont les hommes modernes qui seraient devenus plus graciles, et non les membres de la lignĂ©e commune Ă NĂ©andertal et Denisova qui seraient devenus plus robustes. Enfin, des diffĂ©rences notables sont visibles avec les phalanges d'australopithĂšques, alors que la forme de la phalange de la Sima del Elefante reste identique Ă celle des autres fossiles humains postĂ©rieurs Ă 1,4 Ma[6].
Stratégies de subsistance
Il a Ă©tĂ© supposĂ© par certains auteurs que les hommes du PlĂ©istocĂšne infĂ©rieur ne chassaient pas directement mais Ă©taient davantage charognards, dĂ©pendant de carnivores plus puissants. Cependant, le niveau TE9c de la Sima del Elefante montre bien un accĂšs primaire au gibier, par la chasse. Cela n'empĂȘche pas une activitĂ© de charognage, mais certains auteurs pensent que cette derniĂšre est plus dangereuse qu'il n'y paraĂźt. Dans tous les cas un certain degrĂ© de coopĂ©ration et de sociabilitĂ© est requis[7].
Taxonomie
L'analyse morphologique comparée de cette mandibule ne permet pas de l'attribuer à Homo antecessor. Elle partage des traits avec les premiers Homo d'Afrique et avec les hommes de Dmanissi, tout en possédant d'autres caractÚres distincts qui montrent l'existence d'un groupe humain distinct. Par ailleurs, l'hypercémentose a un impact sur la morphologie générale et rend difficile les comparaisons avec ce fossile sur son seul aspect extérieur[12] - [13].
Références
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Voir aussi
Articles connexes
Sur le site d'Atapuerca :
Sur les karsts :
Sur Homo antecessor :
Liens externes
- « Page du site archéologique de la Sierra d'Atapuerca sur le site web de l'UNESCO »
- « Site web du Musée de l'Evolution Humaine de Burgos »
- « Le CENIEH, Centro Nacional de Investigación sobre la Evolución Humana à Burgos »
- (es) « Site de la fondation Atapuerca »
- (en) « Site web de l'IPHES »
- (es) « Atapuerca sur le site web du groupe spéléologique Edelweiss de Burgos »