Ricardo BalbĂn
Ricardo BalbĂn (Buenos Aires, 1904 â La Plata, 1981) Ă©tait un homme politique et avocat argentin, lâune des figures sans doute les plus notables de lâUnion civique radicale (UCR), parti politique dont il prĂ©sida le comitĂ© national de 1959 jusquâĂ sa mort en , et sous lâĂ©tiquette duquel il fut par quatre fois candidat Ă la prĂ©sidence de la rĂ©publique argentine, en 1951, en 1958, et lors des deux Ă©lections de 1973.
Ricardo BalbĂn | |
Ricardo BalbĂn (1973) | |
Fonctions | |
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Député de la Nation argentine pour la province de Buenos Aires | |
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PrĂ©sident du comitĂ© national de lâUnion civique radicale | |
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Prédécesseur | Crisólogo Larralde (UCRP) ; Arturo Frondizi (UCRI) |
Successeur | Carlos RaĂșl ContĂn |
Candidat Ă la prĂ©sidence de la Nation argentine Ălection du 23 septembre 1973 En binĂŽme avec Fernando de la RĂșa | |
PrĂ©sident | RaĂșl Alberto Lastiri (PJ) |
Candidat Ă la prĂ©sidence de la Nation argentine Ălection du 11 mars 1973 En binĂŽme avec Eduardo Gamond | |
Président | Alejandro Lanusse (de facto) |
Candidat Ă la prĂ©sidence de la Nation argentine Ălection du 24 fĂ©vrier 1958 En binĂŽme avec Santiago del Castillo | |
Président | Pedro Eugenio Aramburu (de facto) |
Candidat Ă la prĂ©sidence de la Nation argentine Ălection du 11 novembre 1951 En binĂŽme avec Arturo Frondizi | |
Président | Juan Domingo Perón |
Biographie | |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Buenos Aires, Argentine |
Date de décÚs | |
Lieu de décÚs | La Plata |
Nature du décÚs | Naturelle |
Nationalité | Argentin |
Parti politique | UCR |
PĂšre | Cipriano BalbĂn |
MĂšre | EncarnaciĂłn Morales |
Conjoint | Indalia Ponzetti |
Enfants | LĂa Elena, Osvaldo et Enrique |
DiplÎmé de | Université de La Plata (faculté de droit) |
Profession | avocat |
Fils dâun employĂ© des chemins de fer, il sâengagea de bonne heure dans le radicalisme et eut une certaine part dans la victoire du radical Yrigoyen en 1928. AprĂšs le renversement de celui-ci par le coup dâĂtat de 1930, prĂ©lude au rĂ©gime corrompu de la DĂ©cennie infĂąme, il mena une opposition inlassable et intransigeante, renonçant mĂȘme Ă son siĂšge de dĂ©putĂ© provincial de Buenos Aires lorsque lâampleur de la fraude Ă©lectorale vint Ă ĂȘtre connue. AprĂšs le coup dâĂtat de 1943, il dĂ©clina lâoffre de collaboration faite par PerĂłn, lequel Ă©tait occupĂ© Ă construire une base de pouvoir fondĂ©e sur les syndicats et la classe ouvriĂšre, et Ă©labora, avec dâautres personnalitĂ©s radicales, la DĂ©claration dâAvellaneda, qui prĂ©voyait de faire jouer Ă lâĂtat un rĂŽle majeur dans le dĂ©veloppement de lâArgentine. Le scrutin de (dĂ©mocratique et exempt de fraude) vit la victoire de PerĂłn, aux dĂ©pens des radicaux, qui se regroupĂšrent avec dâautres fractions dans un bloc dâopposition prĂ©sidĂ© par BalbĂn, lequel fera sous le pĂ©ronisme plusieurs brefs sĂ©jours en prison. Ă la chute de PĂ©ron en 1955, le radicalisme appuya la junte militaire issue du putsch, mais Ă©clata en deux factions rivales, lâune emmenĂ©e par BalbĂn, lâautre par Frondizi. Ce dernier emporta les Ă©lections de 1958, BalbĂn lui faisant dĂ©sormais une Ăąpre opposition. Le radical Illia, soutenu par BalbĂn, succĂ©dera Ă Frondizi en 1963, mais, sans appuis dans la sociĂ©tĂ© argentine, sera renversĂ© par un coup dâĂtat militaire. Les Ă©lections faisant suite Ă la restauration dĂ©mocratique en 1973 verront derechef sâaffronter BalbĂn et son vieil adversaire PerĂłn, qui sortit grand vainqueur du scrutin. AprĂšs le coup dâĂtat militaire de mars 1976, qui mit fin Ă une situation chaotique, BalbĂn adopta une attitude dâadhĂ©sion tacite, fort critiquĂ©e par les opposants Ă la dictature.
Biographie
Jeunesse et premiers engagements politiques
Ricardo BalbĂn naquit Ă Buenos Aires et eut pour pĂšre Cipriano BalbĂn, qui Ă©tait prĂ©posĂ© au wagon-restaurant de la compagnie de chemins de fer Ferrocarril del Sud et dont le mĂ©tier interdira Ă la famille dâavoir un lieu de rĂ©sidence fixe. Quand Ricardo avait cinq ans, sa mĂšre, EncarnaciĂłn Morales, tomba gravement malade et dut se rendre en Espagne pour y subir un traitement prolongĂ©. En 1916, aprĂšs achĂšvement de sa formation primaire Ă Ayacucho, dans la province de Buenos Aires, il dĂ©mĂ©nagea vers la capitale fĂ©dĂ©rale, oĂč, assistant cette mĂȘme annĂ©e Ă la prise de fonction du prĂ©sident HipĂłlito Yrigoyen, il sera profondĂ©ment touchĂ© de voir la foule fĂȘter lâavĂšnement du gouvernement du premier prĂ©sident constitutionnel Ă©lu au suffrage universel (sans fraude Ă©lectorale) en vertu de la loi SĂĄenz Peña fraĂźchement promulguĂ©e. Dans les annĂ©es suivantes, il suivit des Ă©tudes secondaires au collĂšge Saint-Joseph (Colegio San JosĂ©) Ă Buenos Aires, Ă©tudes couronnĂ©es par un diplĂŽme dâhonneur[1].
En 1921, il sâinscrivit Ă la facultĂ© de mĂ©decine, oĂč il fit la connaissance dâArturo Illia, qui le mettra en contact avec les jeunes radicaux. Cependant, peu aprĂšs le dĂ©but du cursus, la mauvaise situation Ă©conomique de sa famille le contraignit Ă abandonner ses Ă©tudes[1]. En 1922, il se fixa Ă La Plata, oĂč il obtint son livret civique et oĂč il adhĂ©ra, dĂšs lâĂąge de 18 ans, Ă lâUnion civique radicale. Lâeffervescence Ă©tudiante qui rĂ©gnait alors dans son nouveau lieu de rĂ©sidence dĂ©termina chez lui une intensification de son engagement politique et le poussa Ă changer de vocation et Ă sâinscrire en 1924 Ă la facultĂ© de droit de lâuniversitĂ© nationale de La Plata, dont il deviendra bientĂŽt dĂ©lĂ©guĂ© auprĂšs de la FĂ©dĂ©ration universitaire de La Plata. AprĂšs un cursus bref et brillant, il obtint en 1927 son titre dâavocat, mais nâexercera la profession quâen de rares occasions, prĂ©fĂ©rant se vouer entiĂšrement Ă lâactivitĂ© politique. Il devint par ailleurs membre du Club de Gimnasia y Esgrima La Plata[2].
Lors dâun de ses continuels dĂ©placements de La Plata Ă Buenos Aires, il fit la rencontre dâIndalia Ponzetti, jeune institutrice de LanĂșs, quâil Ă©pousa en 1928, et avec laquelle il aura trois enfants : LĂa Elena, Osvaldo et Enrique. Cette mĂȘme annĂ©e, BalbĂn participa activement Ă la campagne qui allait porter le radical HipĂłlito Yrigoyen pour la deuxiĂšme fois Ă la prĂ©sidence, puis fut dĂ©signĂ© procureur dans le cadre de lâIntervention fĂ©dĂ©rale dĂ©crĂ©tĂ©e par le nouveau gouvernement contre la province de Mendoza (en effet, la deuxiĂšme prĂ©sidence dâYrigoyen sera marquĂ©e par de multiples conflits dans les provinces, dont plusieurs se trouvaient aux mains des conservateurs, et par les subsĂ©quentes interventions fĂ©dĂ©rales dĂ©cidĂ©es par le pouvoir central)[1].
La DĂ©cennie infĂąme
BalbĂn retourna Ă La Plata peu de temps aprĂšs, en 1930, annĂ©e oĂč JosĂ© FĂ©lix Uriburu renversa Yrigoyen par un coup dâĂtat, et fut Ă©lu prĂ©sident du ComitĂ© de la premiĂšre section radicale de La Plata. En 1931, lors des Ă©lections que le gouvernement de facto avait convoquĂ©es dans la province de Buenos Aires, BalbĂn fut Ă©lu dĂ©putĂ© provincial et le radical Honorio PueyrredĂłn gouverneur ; cependant, comme la victoire inopinĂ©e de lâUCR contrecarrait les projets de la dictature dâUriburu, les Ă©lections furent annulĂ©es.
En 1932, prenant acte de son Ă©chec Ă©lectoral, et privĂ© dâappuis suffisants en faveur de son plan visant Ă rĂ©former la constitution dans un sens corporatiste, Uriburu prĂ©fĂ©ra dĂ©missionner et convoquer des Ă©lections gĂ©nĂ©rales, dâoĂč sortit vainqueur le binĂŽme AgustĂn P. Justo â Julio A. Roca, dâidĂ©ologie libĂ©rale-conservatrice. Le nouveau gouvernement issu des urnes, qui reflĂ©tait fidĂšlement les intĂ©rĂȘts des fractions les plus Ă©troites de lâoligarchie agraire, fera de nouveau appel Ă la fraude Ă©lectorale (nommĂ©e fraude patriotique) afin dâĂ©viter, selon ses propres paroles, le retour de la « canaille » (chusma) Ă la direction du pays[1].
En mourut Yrigoyen, et ses obsĂšques, auxquelles assista une foule nombreuse, seront une occasion pour les radicaux de se rencontrer et de confĂ©rer, puis de sceller leur engagement « intransigeant » de ne plus prendre part Ă des Ă©lections frauduleuses, en accord avec les prĂ©ceptes du fondateur du parti, Leandro N. Alem. En 1934 nĂ©anmoins, lâUCR, sous la direction de Marcelo Torcuato de Alvear, renonça Ă lâabstention et rĂ©solut de participer dĂ©sormais aux Ă©lections organisĂ©es par le rĂ©gime. En 1938 fut ainsi Ă©lu le prĂ©sident Roberto Marcelino Ortiz, radical alvĂ©ariste qui tentera dâĂ©radiquer la fraude Ă©lectorale par laquelle il avait pourtant accĂ©dĂ© Ă la prĂ©sidence[1].
Dans les annĂ©es 1930, BalbĂn dĂ©ploya une intense activitĂ© politique, dĂ©nonçant inlassablement la fraude Ă©lectorale, et en 1940 fut derechef Ă©lu dĂ©putĂ© provincial de Buenos Aires, mais dĂ©cida, remplissant une promesse en ce sens, de renoncer Ă son siĂšge pour marquer son rejet de la fraude scandaleuse qui avait caractĂ©risĂ© une nouvelle fois ce scrutin. Du reste, lâampleur de la fraude portera le prĂ©sident Ortiz Ă dĂ©crĂ©ter, le , une intervention fĂ©dĂ©rale contre la province. Ă la mi-1942, Ortiz fut contraint de dĂ©missionner pour raisons de santĂ©, cĂ©dant le poste Ă son vice-prĂ©sident, le conservateur RamĂłn Castillo, qui sâempressa de rĂ©tablir la pratique de la fraude Ă©lectorale[1].
RĂ©volution de 1943
Face au pourrissement de la situation politique, et confrontĂ©es Ă une agitation syndicale croissante, les forces armĂ©es, sous la houlette du Groupe dâofficiers unis (GOU), loge militaire secrĂšte dont beaucoup de membres Ă©taient favorables aux puissances de l'Axe, exĂ©cutĂšrent un nouveau coup dâĂtat le contre le gouvernement de Castillo. Lâon vit bientĂŽt Ă©merger, au sein du nouveau rĂ©gime, la figure du colonel Juan Domingo PerĂłn, qui viendra Ă partir dâ occuper tour Ă tour les postes de secrĂ©taire au Travail et Ă la PrĂ©voyance, de ministre de la Guerre, et de vice-prĂ©sident de la RĂ©publique. Entre-temps, peu aprĂšs le coup dâĂtat, BalbĂn fonda au sein de lâUCR le courant nommĂ© Revisionismo Bonaerense (bonaerense = relatif Ă la province de Buenos Aires), quâiront rejoindre dâimportantes personnalitĂ©s radicales telles quâOscar Alende, CrisĂłlogo Larralde et MoisĂ©s Lebensohn[1]. Ce nouveau groupe politique attira lâattention de PerĂłn, qui convoqua BalbĂn Ă se rĂ©unir avec lui au ministĂšre de la Guerre, dans lâespoir de le gagner Ă sa cause. BalbĂn toutefois, sâil se rendit Ă lâinvitation, prĂ©fĂ©ra garder sa propre identitĂ© politique[1].
En 1945, inspirĂ© de lâexemple dâAmadeo Sabattini, dirigeant intransigeant originaire de CĂłrdoba, il cofonda le Mouvement dâintransigeance et de rĂ©novation (en espagnol Movimiento de Intransigencia y RenovaciĂłn, acronyme MIR), aux cĂŽtĂ©s dâArturo Frondizi, CrisĂłlogo Larralde, Oscar Alende, MoisĂ©s Lebensohn, et dâautres dirigeants radicaux. Les diverses factions intransigeantes du radicalisme sauront se rassembler dans ce mouvement et sâaccorder sur un document programmatique, dit DĂ©claration dâAvellaneda, Ă©laborĂ© en et cosignĂ© par BalbĂn, Larralde, Lebensohn et Alejandro GĂłmez, entre autres. Les propositions centrales de cette plate-forme Ă©taient sous-tendues par lâidĂ©e de faire jouer par lâĂtat un rĂŽle actif dans le dĂ©veloppement national de lâArgentine, et comprenaient une rĂ©forme agraire, la nationalisation des sources dâĂ©nergie, le dĂ©veloppement des services publics, la mise sur pied dâune assurance sociale obligatoire, lâadoption dâune lĂ©gislation protĂ©geant les travailleurs, et une rĂ©forme financiĂšre ; les signataires sâengageaient Ă reconnaĂźtre le droit de grĂšve et Ă amplifier lâenseignement public ; sur le plan de la politique internationale, ils dĂ©fendaient le principe yrigoyĂ©niste de lâautodĂ©termination des peuples[1] - [3].
Député fédéral
Vers la fin de 1945, aprĂšs la journĂ©e dĂ©cisive du 17 octobre, la Convention nationale de lâUCR, en dĂ©pit de lâopposition des intransigeants et de la dĂ©lĂ©gation de CĂłrdoba, dĂ©cida de constituer un front Ă©lectoral antipĂ©roniste, avec le Parti socialiste, le Parti communiste, les DĂ©mocrates progressistes et les fractions conservatrices. MalgrĂ© la dĂ©faite aux Ă©lections du , qui virent la victoire de Juan PerĂłn, les radicaux remportĂšrent 44 siĂšges Ă la Chambre des dĂ©putĂ©s, et BalbĂn fut Ă©lu prĂ©sident du groupe dâopposition dĂ©nommĂ© Bloque de los 44[1]. Ses actions parlementaires dâopposition au gouvernement pĂ©roniste lui vaudront des persĂ©cutions politiques et des poursuites judiciaires, jusquâĂ se faire expulser du congrĂšs en 1949, sous lâaccusation dâ« outrage » (desacato), et incarcĂ©rer dans la prison dâOlmos, non loin de La Plata.
SitĂŽt remis en libertĂ©, il se prĂ©senta en 1950 comme candidat au poste de gouverneur de la province de Buenos Aires, mais fut battu par le pĂ©roniste Domingo Mercante, et sera en outre, le jour mĂȘme du scrutin, Ă nouveau mis en dĂ©tention. Ă la fin de cette mĂȘme annĂ©e, le prĂ©sident PerĂłn lâamnistia, mesure dâindulgence que BalbĂn cependant rejeta au motif que la procĂ©dure pĂ©nale nâavait encore donnĂ© lieu Ă aucune sentence.
Ălections de 1951
BalbĂn, relĂąchĂ©, fut en 1951 dĂ©signĂ© par la Convention nationale de lâUCR candidat Ă la prĂ©sidence de la Nation, formant binĂŽme (fĂłrmula) avec Arturo Frondizi, candidat Ă la vice-prĂ©sidence ; cependant, aux Ă©lections de novembre, ce fut une nouvelle fois Juan PerĂłn qui sâimposa, et en 1954, BalbĂn fut Ă nouveau emprisonnĂ©.
Le bombardement de la place de Mai en porta PerĂłn Ă assouplir les implacables mĂ©canismes de censure et Ă ouvrir les ondes Ă lâopposition politique. Le , BalbĂn put ainsi sâexprimer Ă la radio et dĂ©clara notamment :
« Nous dĂ©plorons que le gouvernement ait aussi tardivement reconnu que le radicalisme ne sâest pas opposĂ© aux conquĂȘtes sociales ; ce retard a crĂ©Ă© un climat de mĂ©fiance prĂ©judiciable Ă lâĆuvre commune au service du peuple[1]. »
Révolution libératrice
En , le gouvernement pĂ©roniste fut dĂ©posĂ© par un putsch civico-militaire dĂ©bouchant sur la dictature militaire autodĂ©nommĂ©e RĂ©volution libĂ©ratrice. Le radicalisme appuya le nouveau gouvernement et accepta de faire partie du ComitĂ© consultatif (Junta Consultiva) convoquĂ© par la dictature. Le pĂ©ronisme une fois dĂ©chu, les lignes de fracture internes entre les trois grandes factions du radicalisme â le MIR, le Mouvement dâintransigeance national (Movimiento de Intransigencia Nacional, sigle MIN, sabbatiniste) et lâUnionisme â tendront Ă sâapprofondir. Frondizi, arrivĂ© Ă la prĂ©sidence du ComitĂ© national de lâUCR dĂšs 1954, se disposait Ă accĂ©der Ă la prĂ©sidence de la Nation. En 1957, aprĂšs la rupture entre Frondizi et lâunionisme et le sabbatinisme, les dissidences internes conduisirent finalement Ă la fracture du radicalisme, qui se scinda entre dâune part lâUnion civique radicale intransigeante (UniĂłn CĂvica Radical Intransigente, UCRI), avec Ă sa tĂȘte Arturo Frondizi, et qui proclama les candidatures dâArturo Frondizi et dâAlejandro Gomez, et dâautre part lâUnion civique radicale du peuple (UniĂłn CĂvica Radical del Pueblo, UCRP), dont le premier comitĂ© national fut prĂ©sidĂ© par CrisĂłlogo Larralde et qui se choisit pour ses candidats aux Ă©lections prĂ©sidencielles de 1958 BalbĂn, en binĂŽme avec lâancien gouverneur de la province de CĂłrdoba, Santiago del Castillo en tant que candidat Ă la vice-prĂ©sidence[4].
Ălections de 1958
Frondizi remporta le scrutin grùce aux voix normalement dévolues à Perón mais qui ne purent se porter sur son nom attendu que sa force politique se trouvait alors toujours proscrite[1].
En 1959, BalbĂn fut Ă©lu prĂ©sident du ComitĂ© national de lâUCRP, et mĂšnera une Ăąpre opposition au gouvernement de Frondizi, jugeant que celui-ci sâĂ©cartait par trop des idĂ©es du radicalisme. LâUCRP chercha Ă mettre en avant la figure de CrisĂłlogo Larralde, dont le prestige serait Ă mĂȘme de rĂ©unifier le radicalisme. Candidat au poste de gouverneur de la province de Buenos Aires aux Ă©lections convoquĂ©es pour , Larralde cependant mourut durant la campagne, et le radicalisme du peuple se classa troisiĂšme. AprĂšs le renversement de Frondizi, BalbĂn impulsa, en vue des Ă©lections de , la candidature dâArturo Illia â gouverneur de CĂłrdoba Ă©lu en 1962 â, qui sera Ă©lu prĂ©sident de la Nation, avec Carlos Perette Ă la vice-prĂ©sidence. BalbĂn ne put Ă©viter, de sa position au sein du parti, lâisolement progressif du gouvernement radical, assailli par le syndicalisme pĂ©roniste et par les milieux patronaux, ce qui amĂšnera finalement le coup dâĂtat de juin 1966 dirigĂ© par le gĂ©nĂ©ral Juan Carlos OnganĂa. BalbĂn dira, dans une autocritique, que « le peuple ne savait pas ce que nous, les radicaux, Ă©tions en train de faire ».
La Hora del Pueblo
En , BalbĂn fut, aux cĂŽtĂ©s dâautres partis et sensibilitĂ©s politiques, parmi lesquels le pĂ©ronisme, le socialisme et le conservatisme populaire, Ă lâinitiative dâune confĂ©rence multipartite rĂ©unissant diffĂ©rents reprĂ©sentants politiques et rĂ©clamant le retour Ă la lĂ©galitĂ©, et dont les positions furent consignĂ©es dans un document intitulĂ© La Hora del Pueblo (littĂ©r. lâHeure du peuple) et sous-titrĂ© Sans solution politique, une solution Ă©conomique est impensable.
En 1972, BalbĂn fonda le courant interne LĂnea Nacional, puis, aprĂšs avoir battu aux Ă©lections internes RaĂșl AlfonsĂn, sera Ă nouveau candidat Ă la prĂ©sidence, en binĂŽme avec Eduardo Gamond. Ă la fin de cette mĂȘme annĂ©e, PerĂłn revint briĂšvement en Argentine et rencontra BalbĂn, rĂ©union Ă lâoccasion de laquelle les deux dirigeants sâengagĂšrent Ă lever les diffĂ©rends historiques et Ă prĂ©server lâunitĂ© des forces populaires. Le chef radical clĂŽtura sa campagne Ă©lectorale par une phrase oĂč il reconnut ses faibles possibilitĂ©s de lâemporter face Ă lâavalanche pĂ©roniste : « Celui qui gagne, gouverne, et celui qui perd, apporte son aide ».
Le , avec le binĂŽme HĂ©ctor CĂĄmpora - Vicente Solano Lima, le pĂ©ronisme parvint une nouvelle fois Ă sâimposer dans les urnes.
Ălections de septembre 1973 et deuxiĂšme pĂ©ronisme
Ă la mi-1973, aprĂšs le retour dĂ©finitif de PerĂłn en Argentine, le gouvernement de CĂĄmpora fraĂźchement Ă©lu dĂ©missionna Ă la mi-juillet, Ă la suite de quoi de nouvelles Ă©lections furent convoquĂ©es ouvrant la voie Ă PerĂłn pour se prĂ©senter comme candidat Ă la prĂ©sidence pour la troisiĂšme fois. Certains secteurs dans les partis radical et pĂ©roniste avaient certes suggĂ©rĂ© le binĂŽme PerĂłn-BalbĂn comme formule dâunitĂ© nationale, mais la pression des appareils respectifs tant du pĂ©ronisme que du radicalisme fit que lâidĂ©e ne put se concrĂ©tiser. BalbĂn reprĂ©sentera une ultime fois son parti comme candidat Ă la prĂ©sidence, sâadjoignant cette fois, pour former un binĂŽme, le jeune dirigeant radical Fernando de la RĂșa. Les vieux adversaires allaient donc sâaffronter une fois encore. PerĂłn, avec son Ă©pouse MarĂa Estela MartĂnez comme vice-prĂ©sidente, remporta de façon Ă©crasante le scrutin du , sâimposant en effet avec 61 % des voix, contre 21 % pour lâUCR[1].
PerĂłn cependant dĂ©cĂ©dera le , et les partis dâopposition sâaccordĂšrent pour confier Ă BalbĂn le soin de prononcer le discours dâadieu au vieux lĂder pĂ©roniste. BalbĂn Ă cette occasion aura notamment les paroles suivantes :
« Il serait malhonnĂȘte que je ne dise pas que je viens au nom de mes vieilles luttes, lesquelles, pour avoir Ă©tĂ© sincĂšres et Ă©videntes, ont permis ces temps derniers dâarriver Ă une comprĂ©hension rĂ©ciproque finale ; et pour avoir Ă©tĂ© loyal Ă la cause de la vieille lutte, je fus reçu avec confiance sur la scĂšne officielle que prĂ©sidait le prĂ©sident mort[1]. »
BalbĂn conclut son discours en disant : « Ce vieil adversaire [que je suis] prend congĂ© dâun ami ».
Câest du reste vers cette date que, si lâon en croit Gustavo Caraballo, il fut le plus prĂšs dâaccĂ©der enfin Ă la prĂ©sidence, car tel aurait Ă©tĂ© le vĆu du mĂȘme PerĂłn. En 1975 et au dĂ©but de 1976, BalbĂn sâemploya Ă Ă©viter un coup dâĂtat militaire, le radicalisme proposant mĂȘme, par la voix de BalbĂn, de former un gouvernement dâunitĂ© nationale, proposition cependant repoussĂ©e par le justicialisme. La tendance putschiste ne cessa de sâintensifier, et le , la prĂ©sidente MarĂa Estela MartĂnez fut renversĂ©e par un coup dâĂtat, prĂ©lude Ă la dictature militaire autodĂ©nommĂ©e Processus de rĂ©organisation nationale.
« Videla affirma quâen fĂ©vrier 1976, celui qui Ă©tait alors le titulaire de lâUnion civique radicale, Ricardo BalbĂn, lui demanda que "dĂšs que possible" les forces armĂ©es commettent un coup dâĂtat et « Ă©vitent ainsi une longue agonie Ă la RĂ©publique ». Selon le rĂ©primeur, le dirigeant radical lui dĂ©clara aussi, pendant un dĂźner au domicile dâun ami commun "environ 45 jours avant le 24 mars 1976", quâ"il ne devait pas sâattendre Ă des applaudissements" sâ[il] interrompait lâordre constitutionnel, mais lui assura que, de la part du radicalisme, "[il] ne sĂšmerait pas non plus de cailloux sur son chemin"[5]. »
Processus de réorganisation nationale
Sous la dictature dite Processus de rĂ©organisation nationale fut instaurĂ© un rĂ©gime de terrorisme dâĂtat qui causa des dizaines de milliers de victimes â disparues, enlevĂ©es, torturĂ©es et exilĂ©es. LâactivitĂ© des partis politiques fut suspendue. Face Ă cette dictature, lâattitude de BalbĂn en sera une de tacite adhĂ©sion[1], et les organisations de dĂ©fense des droits de lâhomme fustigeront la position de BalbĂn relativement Ă la violation massive de ces droits de lâhomme par le nouveau rĂ©gime.
En particulier, il dĂ©clara lors dâune confĂ©rence de presse devant des correspondants Ă©trangers, lorsquâun journaliste lâinterrogea avec quelque insistance Ă propos des desaparecidos :
« Vous autres, occupez-vous des morts, lesquels me font de la peine, mais moi je mâoccupe des vivants, afin quâils ne meurent pas. »
â Ricardo BalbĂn[6].
De son cĂŽtĂ©, le dirigeant radical Luis Brasesco â avocat qui dĂ©fendit les prisonniers politiques dans les annĂ©es 1970 â a justifiĂ© les contacts quâeut BalbĂn avec les militaires de la dictature, soutenant que ces contacts avaient pour but de sauver la vie de militants de la Juventud Radical et de Franja Morada, ce que BalbĂn aurait formulĂ© en dĂ©clarant que « des vies humaines dĂ©pendaient de son silence »[7].
AprĂšs le coup dâĂtat militaire de , le radicalisme se mit en quĂȘte de soutien international. En mai de cette mĂȘme annĂ©e, BalbĂn assista Ă Caracas Ă la rĂ©union de lâInternationale socialiste et se prononça contre la violence de la guĂ©rilla et pour le retour de la dĂ©mocratie en Argentine[1].
Sur le sujet du conflit autour des Ăźles Lennox, Nueva et Picton, le discours de BalbĂn avait de paradoxales coĂŻncidences avec le discours des « durs » de lâarmĂ©e de terre et de la marine :
« Historiquement, lâArgentine a Ă©tĂ© excessivement gĂ©nĂ©reuse lors de la fixation de ses frontiĂšres et a fait cadeau de beaucoup de territoire ; ce quâil sâagit aujourdâhui de savoir est si les Chiliens peuvent avoir avancĂ© au point que le Pacifique se soit transformĂ© en Atlantique. Nous sommes ici quant Ă nous pour leur dire que non... LâArgentine, malheureusement, ne peut reculer, elle se trouve Ă la limite de ses vieilles tolĂ©rances et un jour ou lâautre, il lui faudra dire non, et nous lâavons dit cette fois-ci, car nous ne pouvons pas nous laisser tomber Ă la mer. »
â Ricardo BalbĂn[8].
En 1978, qui fut la pire des annĂ©es au regard du nombre dâassassinats politiques commis par la dictature de Videla, BalbĂn critiqua les Argentins exilĂ©s qui dĂ©nonçaient les violations des droits de lâhomme, dĂ©nonciations que BalbĂn qualifia dâ« attaques contre lâArgentine » :
« [...] les auteurs de lâattaque qui est menĂ©e depuis lâextĂ©rieur contre notre pays. Les critiques viennent du dehors, contiennent des distorsions, et servent les causes de ceux qui sâen sont allĂ©s du pays aprĂšs avoir allumĂ© les flammes de lâincendie[9]. »
En 1980, BalbĂn suscita un profond rejet chez les familles de desaparecidos en dĂ©clarant Ă un journal espagnol : « je crois quâil nây a pas de desaparecidos ; je crois quâils sont morts, quoique je nâaie vu le certificat de dĂ©cĂšs dâaucun dâeux ». Le rapport de la CONADEP (Commission nationale sur la disparition de personnes) devait dĂ©montrer quelques annĂ©es plus tard quâil y eut jusquâau milieu de 1982 des desaparecidos en vie dans les plus de quatre centaines de camps de concentration en Argentine[1].
Toujours en 1980, souffrant dĂ©jĂ dâune santĂ© assez dĂ©tĂ©riorĂ©e, BalbĂn, aux cĂŽtĂ©s de dirigeants du radicalisme, tant du desarrollismo que de lâintransigeance, Ćuvra Ă la crĂ©ation de la Multipartidaria (Multipartite), version remise Ă jour de la Hora del Pueblo et soubassement programmatique dâune coördination des principaux partis dĂ©mocratiques, qui ouvrit la voie Ă la dĂ©mocratisation du pays[10]. En 1981, le remplacement de Videla par Roberto Eduardo Viola ouvrit un mince espace politique, le nouveau prĂ©sident entamant en effet un cycle de pourparlers avec des reprĂ©sentants des partis politiques[1].
BalbĂn mourut le Ă La Plata. Ses obsĂšques donnĂšrent lieu Ă un rassemblement politique de masse, nonobstant lâinterdiction des manifestations politiques[10].
Hommages
Une avenue a Ă©tĂ© nommĂ©e en son honneur Ă Buenos Aires, lâAvenida Ricardo BalbĂn, anciennement Avenida del Tejar, ainsi que lâautoroute Doctor Ricardo BalbĂn, appelĂ©e auparavant, et jusquâĂ 2004, route nationale 1.
Bibliographie
- Discursos de Ricardo BalbĂn, compilation et sĂ©lection de discours de BalbĂn par Carlos Alberto Giacobone, Buenos Aires, Ă©d. Adelante, 1982.
- CĂ©sar Arrondo, BalbĂn entre rejas, la prisiĂłn de Ricardo BalbĂn en 1950, La Plata, EDULP (Ă©ditions de l'universitĂ© nationale de La Plata), 2002.
- BalbĂn, el presidente postergado, Buenos Aires, Ă©d. Centro Editor de AmĂ©rica Latina, 1992
Notes et références
- (es) Felipe Pigna, « Ricardo BalbĂn », El Historiador (consultĂ© le ).
- Los BalbĂn y Ricardo
- Le texte (en espagnol) de la DĂ©claration dâAvellaneda est consultable en ligne sur Wikisource
- Sabbatini dĂ©clina la proposition dâĂȘtre candidat pour les factions intransigeantes de lâUCRP, et BalbĂn et Del Castillo lâemportĂšrent aux Ă©lections internes sur le binĂŽme des prĂ©candidats unionistes Miguel Ăngel Zavala Ortiz et Ernesto Sanmartino.
- Videla admitió que hubo actos de horror, pero justificó el genocidio « Copie archivée » (version du 25 décembre 2010 sur Internet Archive), article du quotidien Tiempo Argentino (Buenos Aires) du 22 décembre 2010.
- AdrĂan Pignatelli, Ricardo BalbĂn, el presidente postergado (volume 2), Buenos Aires, Centro Editor de AmĂ©rica Latina (Biblioteca PolĂtica Argentina), 1992. Lâauteur cite comme source un entretien avec Rodolfo GarcĂa Leyenda.
- Selon le tĂ©moignage de Luis A. Brasesco en mars 2007. Il y a lieu de sinaler que Brasesco militait dans le Mouvement de la rĂ©novation et du changement (Movimiento de RenovaciĂłn y Cambio), câest-Ă -dire dans une fraction interne opposĂ©e Ă BalbĂn.
- « Las relaciones con América latina - Las relaciones con Chile » (consulté en )
- CitĂ© par Osvaldo Bayer dans un article intitulĂ© Pequeño recordatorio para un paĂs sin memoria et paru dans le quotidien PĂĄgina 12 du 3 janvier 2001.
- Felipe Pigna, Lo pasado pensado, 3eĂ©dition, Ăditeur Booket, 2005. (ISBN 978-987-580-287-2).