Pour les articles homonymes, voir Manta.
-Manta est un genre de grandes raies qui comporte deux espĂšces. La plus grande, M. birostris, atteint 7 m de large tandis que la plus petite, M. alfredi, atteint 5,5 m. Les raies de ce genre se caractĂ©risent par des nageoires pectorales triangulaires, des nageoires cĂ©phaliques qui font penser Ă des cornes et une grande gueule orientĂ©e vers lâavant du corps. Elles sont classĂ©es parmi les Elasmobranchii (qui regroupent les requins et les raies), au sein de la famille des Myliobatidae.
Les raies mantas vivent dans les eaux tempĂ©rĂ©es, subtropicales et tropicales. Elles sont pĂ©lagiques ; M. birostris migre Ă travers les eaux libres des ocĂ©ans, seule ou en groupe, tandis que M. alfredi vit plus prĂšs des cĂŽtes et peut rester toute l'annĂ©e sur un mĂȘme site. Ce sont des suspensivores et elles ingĂšrent de grandes quantitĂ©s de zooplancton, quâelles avalent avec leur large gueule ouverte lorsquâelles nagent. La gestation dure plus dâun an, et la raie donne naissance Ă des nourrissons vivants. Les raies mantas peuvent se rendre dans des stations de nettoyage pour se dĂ©barrasser de leurs parasites. Comme les baleines, elles sautent parfois hors de l'eau, pour des raisons inconnues.
Lâensemble des espĂšces de raies mantas sont classĂ©es comme vulnĂ©rables par lâUnion internationale pour la conservation de la nature. Parmi les menaces liĂ©es Ă lâHomme on recense la pollution, lâĂ©touffement dâanimaux dans les filets de pĂȘche, et leur pĂȘche, notamment pour leurs branchiospines utilisĂ©es par la mĂ©decine chinoise. Leur taux de reproduction lent exacerbe l'impact de ces menaces. Elles sont protĂ©gĂ©es dans les eaux internationales par la Convention sur la conservation des espĂšces migratrices appartenant Ă la faune sauvage, mais sont plus vulnĂ©rables aux abords des cĂŽtes. Les zones oĂč les raies mantas se regroupent en nombre attirent les touristes. Seuls quelques aquariums sont suffisamment grands pour abriter ces animaux. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, ils sont difficiles Ă Ă©tudier dans leur milieu car relativement rarement observĂ©s.
Sommaire
Description
Morphologie générale
Les raies mantas ont une large tĂȘte, un corps en forme de disque aux nageoires pectorales triangulaires, avec des nageoires cĂ©phaliques en forme de cornes de chaque cĂŽtĂ© de leur gueule, qui sont en fait des extensions des nageoires pectorales[1],[2]. Les yeux sont sur les cĂŽtĂ©s de la tĂȘte, derriĂšre les nageoires cĂ©phaliques. Les raies mantas disposent de cinq paires dâouĂŻes situĂ©es sur la face ventrale[1],[3],[4]. Leur queue est dĂ©pourvue de squelette interne, et plus courte que leur corps[3]. Les nageoires dorsales sont petites et placĂ©es Ă la base de la queue. Les plus grands spĂ©cimens atteignent 1 350 kg[1]. Pour les deux espĂšces l'envergure reprĂ©sente approximativement 2,2 fois la longueur du corps. M. birostris atteint gĂ©nĂ©ralement 7 m de large contre 5,5 m pour M. alfredi[5]. Le record est dĂ©tenu par une Manta birostris de 9,1 m d'envergure[6]. Le dos des raies mantas est gĂ©nĂ©ralement noir ou bleu trĂšs foncĂ©, avec des marques plus pĂąles au niveau des « épaules ». La face ventrale est blanche ou pĂąle, avec quelques marques sombres permettant de distinguer les individus[7],[4]. Des spĂ©cimens intĂ©gralement noirs ont Ă©galement Ă©tĂ© observĂ©s[3]. La peau est couverte d'un mucus qui protĂšge lâanimal des infections[8]:2.
Les deux espÚces de raies mantas diffÚrent par leur coloration, leurs denticules dermiques et leur dentition. M. birostris a des marques plus angulaires sur les épaules, des marques ventrales plus grandes sur la partie abdominale, de grandes lignes couleur charbon sous les nageoires pectorales et une gueule plus sombre. Les marques aux épaules de M. alfredi sont plus arrondies, ses marques ventrales sont situées prÚs de son extrémité postérieure et entre les branchies, et la gueule est de couleur blanche ou pùle. Les denticules ont de multiples cuspides et se superposent chez M. birostris, tandis que celles de M. alfredi sont plus espacées et sans cuspide. Les deux espÚces ont de petites dents carrées sur la mùchoire inférieure dont la fonction exacte demeure méconnue[4], et M. birostris a également des dents élargies sur la mùchoire supérieure. à la différence de M. alfredi, M. birostris a une petite épine caudale dans une masse ossifiée située à la base de sa nageoire caudale[9],[7].
Les raies mantas se dĂ©placent grĂące aux mouvements simultanĂ©s de leurs nageoires pectorales, semblables Ă des ailes qui propulsent lâeau vers lâarriĂšre. Leur grande gueule est rectangulaire, dirigĂ©e vers lâavant du corps, contrairement Ă la plupart des espĂšces de raies qui ont la gueule orientĂ©e vers le dessous du corps. Les spiracles typiques des raies sont vestigiaux ; elles doivent nager continuellement pour permettre Ă lâeau oxygĂ©nĂ©e de passer Ă travers leurs branchies[8]:2â3. Les nageoires cĂ©phaliques sont deux fois plus longues que larges[2]. Elles sont enroulĂ©es en spirale lorsque l'animal nage, pour une meilleure pĂ©nĂ©tration dans l'eau[2], mais sont dĂ©roulĂ©es lorsque lâanimal se nourrit. Les arcs branchiaux ont des bandes de tissu spongieux brun-rosĂątre qui collectent les particules de nourriture[1]. Les raies mantas repĂšrent leurs proies en utilisant leur vue et leur odorat[10]. Elles ont un des plus grands rapports cerveau/corps (brain-to-body mass ratios) de tous les poissons[11]. Leur cerveau a un rete mirabile qui pourrait servir Ă rĂ©guler la tempĂ©rature interne[12]. M. alfredi a Ă©tĂ© observĂ© plongeant Ă plus de 400 m de profondeur[13], tandis que son apparentĂ© Mobula tarapacana, qui a une structure de cerveau similaire, atteint presque 2 000 m[14]. Le rete mirabile sert probablement Ă Ă©viter Ă leur cerveau de trop se refroidir en plongĂ©e profonde[15].
EspĂšces ressemblantes
Les raies du genre Manta peuvent ĂȘtre confondues, notamment les jeunes spĂ©cimens, avec les raies du genre Mobula. Elles s'en diffĂ©rencient principalement par la position de la bouche, ventrale chez les raies Mobula, l'absence de dents sur la mĂąchoire supĂ©rieure, une queue beaucoup plus courte et l'absence d'une Ă©pine caudale dĂ©veloppĂ©e (celle de M. birostris est trĂšs courte)[9]. Les raies Mobula sont nettement plus petites que les raies mantas, et il est donc plus facile de diffĂ©rencier les individus adultes.
Ăcologie
Comportement
Les raies mantas nagent diffĂ©remment suivant l'habitat dans lequel elles Ă©voluent : quand elles voyagent en eaux profondes, elles nagent Ă une vitesse constante en ligne droite, tandis qu'aux abords des cĂŽtes Ă faible profondeur elles nagent lentement, profitant du soleil pour les rĂ©chauffer. Les raies mantas peuvent nager seules ou en groupes pouvant atteindre une cinquantaine d'individus. Ces rassemblements de raies peuvent aussi comporter d'autres espĂšces de poissons, mais aussi ĂȘtre associĂ©s Ă des oiseaux de mer ou des mammifĂšres marins[3]. Les raies mantas peuvent parfois sauter entiĂšrement ou partiellement hors de l'eau. Ainsi, au sein d'un groupe, on peut parfois observer les individus sauter hors de lâeau les uns aprĂšs les autres[1]. Ces sauts peuvent prendre trois formes : des sauts vers lâavant, avec la tĂȘte qui retombe la premiĂšre dans lâeau, des sauts similaires mais avec la queue qui retombe en premier dans lâeau, ou des sauts pĂ©rilleux[1]. On ne connaĂźt pas la raison de ce comportement, et ces sauts hors de lâeau ont donc plusieurs explications possibles, dont les rites dâaccouplement, la communication ou pour se dĂ©barrasser des parasites et des animaux commensaux comme les remoras[8]:15.
En 2015, des scientifiques ont publiĂ© une Ă©tude oĂč des raies manta ont dĂ©montrĂ© des comportements associĂ©s avec la conscience de soi. PlacĂ©s dans un test du miroir, les individus ont dĂ©montrĂ© un comportement inhabituel, apparemment destinĂ© Ă vĂ©rifier si le comportement de leur reflet correspond toujours Ă leurs propres mouvements[16].
Cycle de vie
La reproduction peut avode lâannĂ©e suivant la zone dans lâaire de rĂ©partition. La parade est difficile Ă observer chez ce poisson qui nage vite, mĂȘme si on voit parfois des individus nageant trĂšs prĂšs lâun de lâautre en eau peu profonde. Lâaccouplement pourrait ĂȘtre dĂ©clenchĂ© par la pleine lune et semble ĂȘtre initiĂ© par le mĂąle, qui suit de prĂšs la femelle tandis quâelle nage Ă environ 10 km/h. Il fait des efforts rĂ©pĂ©tĂ©s pour saisir la nageoire pectorale de celle-ci avec sa gueule, ce qui peut prendre 20 Ă 30 minutes. Une fois quâil y est parvenu, il se retourne sur lui-mĂȘme et presse sa face ventrale contre la femelle. Il insĂšre ensuite un de ses ptĂ©rygopodes dans le cloaque de sa partenaire et le laisse durant 60 Ă 90 secondes[17]. Le ptĂ©rygopode forme un tube qui transporte le sperme Ă partir de la papille gĂ©nitale ; un siphon propulse le liquide sĂ©minal dans lâoviducte[18]. Le mĂąle continue de maintenir la nageoire pectorale de la femelle avec ses dents quelques minutes aprĂšs, tandis que les deux nagent toujours, souvent suivis par jusquâĂ 20 autres mĂąles, puis le couple se sĂ©pare[17]. Pour diverses raisons, le mĂąle saisit presque toujours la nageoire pectorale gauche, et les femelles portent des cicatrices qui illustrent ceci[8]:8â9.
Les Ćufs ainsi fertilisĂ©s se dĂ©veloppent dans lâoviducte de la femelle. Ils sont dâabord englobĂ©s dans un sac tandis que lâembryon en dĂ©veloppement absorbe le vitellus. AprĂšs lâĂ©closion, le jeune reste dans lâoviducte et reçoit une nutrition complĂ©mentaire par des sĂ©crĂ©tions lactĂ©es[19]. Sans cordon ombilical ou placenta, le jeune qui nâest pas encore nĂ© utilise la pompe buccale pour sâapprovisionner en oxygĂšne[20]. La taille de la portĂ©e est gĂ©nĂ©ralement de un ou deux. La gestation dure 12 Ă 13 mois. Quand il est bien dĂ©veloppĂ©, le jeune ressemble parfaitement Ă lâadulte, est expulsĂ© de lâoviducte et ne reçoit plus de soins parentaux. Dans les populations sauvages, les naissances sont normalement espacĂ©es de deux ans, mais quelques individus peuvent entrer en gestation plusieurs annĂ©es consĂ©cutives, dĂ©veloppant un cycle annuel[19]. L'aquarium Churaumi d'Okinawa a obtenu des rĂ©sultats intĂ©ressants dans la reproduction de M. alfredi, une femelle donnant naissance Ă des petits trois annĂ©es consĂ©cutives. Pour lâune de ses naissances, la gestation a durĂ© 372 jours pour donner naissance Ă un jeune mesurant 192 cm pour un poids de 70 kg[21]. En Afrique du Sud les mĂąles M. birostris atteignent leur maturitĂ© sexuelle Ă 4 m, et les femelles Ă une taille lĂ©gĂšrement supĂ©rieure[22]:57. En IndonĂ©sie, les mĂąles M. birostris sont mĂ»rs Ă une taille de 3,75 m et les femelles vers 4 m[23]. En Afrique du Sud, M. alfredi atteint sa maturitĂ© Ă une taille de 3 m, pour les mĂąles et 3,9 m pour les femelles[22]:42. Dans les Maldives, le mĂąle M. alfredi est mĂ»r Ă une taille de 2,5 m tandis que la femelle lâest vers 3 m[24]. Ă HawaĂŻ, le mĂąle M. alfredi est mĂ»r quand il atteint 2,8 m et la femelle quand elle atteint 3,4 m[25]. Chez les femelles raies mantas, cette maturitĂ© correspond Ă un Ăąge compris entre 8 et 10 ans[24],[26]. Les raies mantas peuvent vivre jusquâĂ 50 ans[5].
Alimentation
Les raies mantas se nourrissent en filtrant lâeau de mer, et ingĂšrent de grandes quantitĂ©s de zooplancton sous la forme de crevettes, krill et crabes planctoniques. Une manta mange environ lâĂ©quivalent de 13 % de sa propre masse corporelle tous les mois. Quand elle sâalimente, elle nage lentement nageant autour de ses proies pour les rassembler en une sorte de « balle » dense et fonce sur les organismes ainsi rassemblĂ©s avec la gueule grande ouverte[3]. Quand elles sâalimentent, les raies mantas aplatissent leurs nageoires cĂ©phaliques, de façon que celles-ci participent Ă conduire lâalimentation dans la gueule de lâanimal, et les petites particules sont collectĂ©es par les tissus situĂ©s entre les arcs branchiaux[1]. On peut trouver jusquâĂ 50 animaux rassemblĂ©s sur un seul site dâalimentation riche en plancton[1]. Les raies mantas peuvent elles-mĂȘmes ĂȘtre la proie de grands requins ou dâorques. Elles sont parfois mordues par les Squalelets fĂ©roces[8]:17, et portent des copĂ©podes parasites[8]:14.
Les mantas se rendent dans des stations de nettoyage dans les rĂ©cifs de coraux pour se dĂ©barrasser de leurs parasites externes. La raie adopte une position presque stationnaire prĂšs de la surface du corail pendant plusieurs minutes tandis que les poissons nettoyeurs consomment les organismes qui sont attachĂ©s Ă elle. Elles sây rendent plus frĂ©quemment Ă marĂ©e haute[27]. Ă HawaĂŻ, les labres assurent la tĂąche de dĂ©barrasser les raies des parasites ; certaines espĂšces se nourrissent autour de la gueule et des branchies de la raie tandis que dâautres inspectent le reste de la surface du corps[8]. Au large du Mexique, le Poisson-ange dorĂ© (Holacanthus clarionensis) participe Ă la tĂąche de nettoyage des raies[28]. Au Mozambique, Abudefduf saxatilis nettoie la gueule de la raie tandis que les poissons-papillons se concentrent au niveau des blessures[22]:160. M. alfredi visite plus souvent les stations de nettoyage que M. birostris[22]:233. Certains individus revisitent la mĂȘme station de nettoyage ou aire dâalimentation rĂ©guliĂšrement[29] et semblent avoir des cartes cognitives de leur environnement[10].
Distribution et habitat
Les raies mantas vivent dans les eaux tropicales et subtropicales dans les principaux ocĂ©ans du monde, et sâaventurent parfois dans des eaux tempĂ©rĂ©es. Au plus loin de lâĂ©quateur, on a vu des raies mantas en Caroline du Nord, aux Ătats-Unis, au nord (31ÂșN), et au large de l'Ăźle du Nord en Nouvelle-ZĂ©lande (36ÂșS) au sud. Elles prĂ©fĂšrent des tempĂ©ratures de lâeau de plus de 20 °C[3] et M. alfredi vit principalement dans des eaux tropicales[7]. Les deux espĂšces sont pĂ©lagiques. M. birostris vit principalement en eau libre dans les ocĂ©ans, voyageant avec les courants et migrant vers les zones oĂč les remontĂ©es dâeaux riches en nutriments accroissent la concentration des proies[30].
Des individus qui ont Ă©tĂ© Ă©quipĂ©s de radio transmetteurs ont parcouru jusquâĂ 1 000 km Ă partir de leur lieu de capture et sont descendus Ă des profondeurs atteignant 1 000 m[31]. M. alfredi est une espĂšce qui voyage moins et vit plus prĂšs des cĂŽtes. Des migrations saisonniĂšres sont observĂ©es, mais sont plus courtes que celles de M. birostris[24]. Les raies mantas sont communes prĂšs des cĂŽtes du printemps Ă lâautomne mais sâen Ă©loignent durant lâhiver. Elles restent prĂšs de la surface dans des eaux peu profondes la journĂ©e, et nage Ă de plus grandes profondeurs pendant la nuit[3].
Taxonomie et Ă©tymologie
Ătymologie
Le nom « manta » est dâorigine portugaise et espagnole et signifie « couverture ». Ce terme dĂ©signe Ă©galement un piĂšge en forme de grande cape utilisĂ©e traditionnellement pour attraper les raies[32]. Les raies mantas sont connues sous le nom de « diable de mer » du fait de leurs nageoires cĂ©phaliques en forme de corne, qui rappelle le dĂ©mon[33].
Lâattribution du nom scientifique des raies mantas a une histoire mouvementĂ©e, au cours de laquelle plusieurs noms ont Ă©tĂ© utilisĂ©s Ă la fois pour dĂ©signer le genre (Ceratoptera, Brachioptilon Daemomanta et Diabolicthys) et les espĂšces (comme vampyrus, americana, johnii et hamiltoni). Toutes ont finalement Ă©tĂ© placĂ©es comme des synonymes dâune seule espĂšce, Manta birostris[34],[1],[35]. Le nom gĂ©nĂ©rique manta a Ă©tĂ© publiĂ© pour la premiĂšre fois en 1829 par le docteur Edward Nathaniel Bancroft en JamaĂŻque[34]. Le nom spĂ©cifique birostris est attribuĂ© Ă Johann Julius Walbaum (1792) par certains auteurs et Ă Johann August Donndorff (1798) par dâautres[35]. Le nom alfredi a Ă©tĂ© utilisĂ© pour la premiĂšre fois par le zoologiste australien Gerard Krefft, qui a nommĂ© cette raie en lâhonneur du Prince Alfred[1],[36].
Taxonomie
Ces raies appartiennent au clade des Chondrichthyes, des poissons qui prĂ©sentent un Ă©pais cartilage plutĂŽt que des os dans leurs squelettes[37]. Les raies mantas font partie des Elasmobranchii (requins et raies), du superordre des Batoidea et de lâordre des Myliobatiformes[38]. Le genre Manta appartient Ă la famille des Myliobatidae, elle-mĂȘme appartenant Ă la sous-famille des Mobulinae[39]. PhylogĂ©nie des Myliobatiformes[38] :
Les raies mantas ont Ă©voluĂ© Ă partir des Myliobatoidei, vivant sur le fond de lâeau, et ont dĂ©veloppĂ© des nageoires pectorales ressemblant plus Ă des ailes[40]. M. birostris prĂ©sente encore des vestiges de l'ardillon des Myliobatoidei sous la forme dâune Ă©pine caudale[7]. La gueule de la plupart des raies est placĂ©e sur la partie infĂ©rieure de la tĂȘte, tandis que celle des raies mantas est placĂ©e sur le devant[41]. Les raies mantas et les raies du genre Mobula sont les seules espĂšces de raies qui ont dĂ©veloppĂ© une alimentation en filtrant lâeau[38].
EspĂšces
Selon FishBase (7 mai 2012)[42] & Catalogue of Life (7 mai 2012)[43]Â :
- Manta alfredi (Krefft, 1868) - Manta d'Alfred, Diable de mer
- Manta birostris (Walbaum, 1792) - Raie Manta
Selon World Register of Marine Species (7 mai 2012)[44]Â :
- Manta birostris (Walbaum, 1792)
- Manta ehrenbergii (MĂŒller & Henle, 1841) - certainement synonyme de Manta birostris
- Manta raya Baer, 1899 - certainement synonyme de Manta birostris
Selon ITIS (7 mai 2012)[45]Â :
- Manta birostris (Walbaum, 1792)
- Manta ehrenbergii (MĂŒller & Henle, 1841) - certainement synonyme de Manta birostris
- Manta hamiltoni (Hamilton & Newman in Newman, 1849) - certainement synonyme de Manta birostris
Dans le passé, il était admis qu'il y avait plusieurs espÚces de Manta, mais plus récemment, grùce aux analyses ADN, un consensus s'est créé autour de la reconnaissance d'une seule espÚce.
Il aura fallu attendre 2008 pour qu'une spécialiste, Andrea Marshall[46], propose de scinder l'espÚce en deux. La premiÚre, la raie manta résidentielle (Manta alfredi), plus petite, qui ne s'éloigne pas du rivage ; et la deuxiÚme, la raie manta géante (Manta birostris), pélagiques et avec une distribution chevauchant la premiÚre[46], beaucoup plus rarement observées, leur anatomie comportant la trace résiduelle d'un aiguillon primitif[46] mettant en lumiÚre leur parenté avec les raies pastenagues, des taches plus grandes[46], leur couleur[46], une texture de peau différente[46], plus contrastées et surtout une envergure plus grande de deux à trois mÚtres que leurs cousines des récifs, ce qui porte leur taille maximale observée à huit mÚtres d'envergure. Cette derniÚre éviterait beaucoup plus le contact avec les humains[46]. Toujours sur la base des recherches d'Andrea Marshall, il pourrait y avoir une troisiÚme espÚce[47].
Les scientifiques ne sont pas tous dâaccord pour dĂ©terminer si le phĂ©notype de coloration noire Ă©tait une espĂšce diffĂ©rente de la forme blanche dominante. Mais cette proposition a Ă©tĂ© discrĂ©ditĂ©e par une Ă©tude sur lâADN mitochondrial de ces deux types en 2001[48]. Une Ă©tude de 2009 a analysĂ© les diffĂ©rences morphologiques, dont la couleur, les variations mĂ©ristiques, les Ă©pines, les denticules dermiques (Ă©cailles en forme de dents) et les dents de diffĂ©rentes populations. Deux espĂšces diffĂ©rentes ont Ă©tĂ© identifiĂ©es : la plus petite, M. alfredi, que lâon trouve dans lâIndo-Pacifique et la partie tropicale de lâEst de lâAtlantique, et la plus grande, M. birostris, que lâon trouve dans la partie tropicale, subtropicale et tempĂ©rĂ©e suffisamment chaude des ocĂ©ans[7]. La premiĂšre vit plus prĂšs des cĂŽtes[24] tandis que la premiĂšre vit dans les eaux libres des ocĂ©ans, et migre parfois[26].
Une troisiĂšme espĂšce potentielle, appelĂ©e pour le moment Manta sp. cf. birostris, atteint au moins 6 m de large, et vit dans la partie tropicale de lâOuest de lâAtlantique, dont les CaraĂŻbes. Elle vit en sympatrie avec M. birostris[7]. Cette population prĂ©sente quelques diffĂ©rences de coloration et de dentition par rapport Ă M. birostris. Son dos est noir mais peut prendre chez certains individus des teintes rougeĂątres ou marron, et les taches sur les Ă©paules ne sont pas toujours prĂ©sentes[9]. La face ventrale est crĂšme et prĂ©sente une marge postĂ©rieure grise au niveau des pectorales, mais celle-ci n'est pas en forme de V, comme chez M. birostris[9]. Elle se caractĂ©rise une tache de taille rĂ©duite sous la derniĂšre rangĂ©e de fentes branchiales[9]. Une Ă©tude de 2010 sur les raies mantas au Japon a confirmĂ© les diffĂ©rences morphologiques et gĂ©nĂ©tiques entre cette population et M. birostris et M. alfredi[49]. En cas de reconnaissance officielle, cette espĂšce pourrait ĂȘtre nommĂ©e Manta giorna[9].
Fossiles
Tandis que quelques petites dents ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es, peu de squelettes fossilisĂ©s de raies mantas ont Ă©tĂ© dĂ©couverts. Leur squelette cartilagineux se conserve mal, car il ne prĂ©sente pas la calcification des poissons osseux. Seuls trois lits sĂ©dimentaires comprenant des fossiles de raies mantas sont connus, un datant de lâOligocĂšne en Caroline du Sud et deux autres datant du MiocĂšne et du PliocĂšne en Caroline du Nord[50]. Des restes dâune espĂšce Ă©teinte ont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans la Chandler Bridge Formation en Caroline du Sud. Ils ont Ă©tĂ© dĂ©crits dans un premier temps sous l'appellation Manta fragilis, mais ensuite reclassĂ©s comme Paramobula fragilis[51].
Sauvegarde
Menaces
La plus grande menace qui pĂšse sur les raies mantas est la surpĂȘche. M. birostris nâest pas uniformĂ©ment rĂ©partie dans les ocĂ©ans, mais se concentre dans les zones qui lui pourvoient les plus grandes quantitĂ©s de nourriture, tandis que M. alfredi est encore plus localisĂ© Ă des zones prĂ©cises. Leurs distributions sont ainsi fragmentĂ©es, avec peu de preuve dâentremĂȘlement de sous-populations distinctes. Du fait de leur longue espĂ©rance de vie et de leur faible taux de reproduction, la surpĂȘche peut trĂšs fortement diminuer localement certaines populations, dâautant plus quâil y a trĂšs peu de chances que des individus venant dâailleurs remplacent ceux qui ont disparu[26].
La pĂȘche commerciale comme la pĂȘche artisanale capture des raies mantas pour la viande et leurs produits. Elles sont typiquement attrapĂ©es avec des filets, des chaluts ou des harpons[26]. Les raies mantas Ă©taient autrefois capturĂ©es par des pĂȘcheurs en Californie et en Australie pour leur huile de foie et leur peau ; cette derniĂšre Ă©tait utilisĂ©e comme abrasives[1]. Leur viande est comestible et consommĂ©e dans divers pays, mais moins apprĂ©ciĂ©e que celle dâautres poissons[52]. La demande pour leurs brachiospines, la structure cartilagineuse qui protĂšge les branchies, a rĂ©cemment augmentĂ© pour approvisionner la mĂ©decine chinoise[53]. Pour pourvoir la demande croissante pour en brachiospines, des pĂȘcheurs se sont spĂ©cialisĂ©s pour attraper les raies mantas dans les Philippines, en IndonĂ©sie, au Mozambique, Ă Madagascar, en Inde, au Pakistan, au Sri Lanka, au BrĂ©sil et en Tanzanie[52]. Chaque annĂ©e des milliers de raies mantas, principalement M. birostris, sont capturĂ©es et tuĂ©es uniquement pour leurs brachiospines. Une Ă©tude au Sri Lanka et en Inde a estimĂ© que plus de 1 000 spĂ©cimens Ă©taient vendus dans les marchĂ©s de ces pays chaque annĂ©e[54]. Pour comparaison, les populations de M. birostris dans la plupart de leurs sites de regroupement sont estimĂ©es Ă moins de 1 000 individus chacune[55]. Des pĂȘcheurs spĂ©cialisĂ©s dans la pĂȘche aux raies mantas dans le golfe de Californie, la cĂŽte ouest du Mexique, lâInde, le Sri Lanka, lâIndonĂ©sie et les Philippines ont conduit Ă une trĂšs importante baisse des effectifs dans ces rĂ©gions[26].
Les raies mantas sont sujettes Ă dâautres menaces liĂ©es aux humains. Du fait que les mantas sont obligĂ©es de nager constamment pour amener de lâeau riche en oxygĂšne vers leurs branchies, elles sont vulnĂ©rables Ă lâenchevĂȘtrement dans les filets et la suffocation qui en dĂ©coule. Les raies mantas ne peuvent pas nager vers lâarriĂšre et, Ă cause de leurs nageoires cĂ©phaliques proĂ©minentes, sont sujettes Ă ĂȘtre prises par les lignes de pĂȘche, les filets et mĂȘme les lignes dâamarre isolĂ©es. Quand elles sont prises, les raies mantas tentent souvent de se libĂ©rer en faisant des sauts pĂ©rilleux, se prenant encore plus au piĂšge. AbandonnĂ©e, une ligne de pĂȘche peut sâenrouler et entailler la chaire de lâanimal, lui causant une blessure irrĂ©versible. De mĂȘme, les raies mantas sont parfois des prises accidentelles de filets prĂ©vus pour des poissons plus petits[56]. Certaines raies mantas sont blessĂ©es par des collisions avec des bateaux, spĂ©cialement dans des zones oĂč elles se regroupent et ont facilement observables. Dâautres menaces peuvent peser sur les raies mantas, comme le changement climatique, le tourisme, la pollution par marĂ©es noires, et lâingestion de microplastiques[26].
Statut de sauvegarde
En 2011, les raies mantas sont devenues strictement protĂ©gĂ©es dans les eaux internationales du fait de leur inclusion dans la Convention de Bonn. La CMS est une organisation rĂ©gie par un traitĂ© international qui est chargĂ© de la sauvegarde des espĂšces migratrices et des habitats Ă une large Ă©chelle. Bien que des nations protĂ©geassent dĂ©jĂ les raies mantas, les poissons migrent souvent vers des zones non rĂ©glementĂ©es, ce qui pose un problĂšme supplĂ©mentaire en cas de surpĂȘche[57]. LâUICN classe M. birostris comme vulnĂ©rable avec un risque Ă©levĂ© dâextinction en [58].
La mĂȘme annĂ©e, M. alfredi a Ă©galement Ă©tĂ© classĂ©e VulnĂ©rable avec des populations reprĂ©sentant localement moins de 1 000 individus et aucun ou trĂšs peu dâĂ©changes entre sous-populations[24]. Le Manta Trust est une organisation caritative britannique consacrĂ©e Ă la recherche et la sauvegarde des raies mantas. Le site internet de lâorganisation est Ă©galement une importante ressource pour se documenter sur la biologie et la sauvegarde de ces animaux[59].
Au-delĂ de ces initiatives internationales, certains pays entreprennent des actions propres. La Nouvelle-ZĂ©lande a ainsi interdit la pĂȘche de la raie manta dĂšs le Wildlife Act de 1953. En , les Maldives interdisent la vente Ă lâexport des raies mantas et de leurs sous-produits, stoppant ainsi la pĂȘche des raies car il nây avait pas de pĂȘche pour la consommation locale. Le gouvernement renforce cette rĂ©glementation en 2009 avec lâintroduction de deux aires marines protĂ©gĂ©es. Aux Philippines, la capture des raies mantas est interdite en 1998, mais cette loi est ajournĂ©e en 1999 sous la pression des pĂȘcheurs locaux. Les stocks de poissons sont surveillĂ©s en 2002 et lâinterdiction est remise en place depuis cette date. Il est interdit de capturer ou de tuer des raies mantas dans les eaux mexicaines depuis 2007. Cette interdiction nâa pas forcĂ©ment Ă©tĂ© durcie, mais mieux appliquĂ©e Ă Holbox, une Ăźle de la pĂ©ninsule du YucatĂĄn, oĂč les raies mantas sont Ă©galement une attraction pour les touristes.
En 2009, HawaĂŻ devient le premier Ătat des Ătats-Unis Ă interdire de tuer ou de capturer des raies mantas. Il nây avait pas de pĂȘche spĂ©cialisĂ©e dans cet Ătat, mais les poissons qui passent dans les eaux locales sont dĂ©sormais protĂ©gĂ©s. En 2010, lâĂquateur interdit la pĂȘche de lâensemble des raies, leur rĂ©tention comme prise accessoire, ainsi que leur vente[26].
Relations avec lâĂȘtre humain
Les anciens PĂ©ruviens Moche reprĂ©sentaient souvent les animaux marins. Leur art dĂ©peint rĂ©guliĂšrement les raies mantas[60]. Historiquement, les raies mantas Ă©taient craintes pour leur taille et leur supposĂ© pouvoir. Les marins croyaient quâelles mangeaient les poissons et pouvaient couler des bateaux en tirant sur les ancres. Mais ces croyances ont disparu vers 1978 quand des plongeurs dans le golfe de Californie se sont rendu compte quâil sâagissait dâanimaux placides avec lesquelles ils pouvaient interagir. Plusieurs plongeurs se sont photographiĂ©s eux-mĂȘmes avec des raies mantas, dont lâauteur du livre Les dents de la mer, Peter Benchley[61].
Ăvocation cinĂ©matographique
Le cinéaste thaïlandais Phuttiphong Aroonpheng a donné à un de ses films le nom énigmatique et surprenant de Manta Ray (Raie manta) : il explique que c'est une créature nageant dans toutes les eaux et partout, qu'il a eu souvent l'occasion d'admirer en faisant de la plongée, et que cet animal n'a pas la notion de frontiÚres[62].
Aquariums
Du fait de leur taille, il est rare que les raies mantas soient gardĂ©es en captivitĂ© et peu dâaquariums en prĂ©sentent des spĂ©cimens. Un individu notable parmi ceux dĂ©tenus en captivitĂ© est « Nandi », une raie manta qui a Ă©tĂ© accidentellement prise dans des filets contre les requins au large de Durban, en Afrique du Sud, en 2007. Elle a Ă©tĂ© conduite et Ă©levĂ©e au uShaka Marine World, puis elle a Ă©tĂ© dĂ©placĂ©e vers l'aquarium de GĂ©orgie, plus grand, en , oĂč elle rĂ©side dans son exhibition, « Ocean Voyager », de 23 848 m3[63]. Une seconde raie manta a rejoint cet aquarium en [64], puis une troisiĂšme en 2010[65].
L'Atlantis resort sur Paradise Island, aux Bahamas, a abritĂ© une raie manta nommĂ©e « Zeus » qui a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© durant trois ans avant dâĂȘtre relĂąchĂ©e en 2008[66]. L'Aquarium Churaumi d'Okinawa prĂ©sente Ă©galement des raies mantas dans le rĂ©servoir « Kuroshio Sea », un des plus grands aquariums du monde. La premiĂšre naissance dâune raie manta en captivitĂ© a eu lieu dans cet aquarium en 2007. Bien que le petit nâait pas survĂ©cu, lâaquarium a depuis vu la naissance de trois petites raies, en 2008, 2009, et 2010[67].
Tourisme
Les lieux dans lesquels les raies mantas se regroupent attirent les touristes, et lâobservation des raies mantas peut apporter des revenus intĂ©ressants aux populations locales[8]:19. De tels sites touristiques existent aux Bahamas, aux Ăźles CaĂŻmans, en Espagne, aux Fidji, en ThaĂŻlande, en IndonĂ©sie, Ă HawaĂŻ, en Australie occidentale[68] et aux Maldives[69]. Les raies mantas sont populaires du fait de leur Ă©norme taille et du fait quâelles sâhabituent facilement Ă la prĂ©sence des humains. Les plongeurs peuvent avoir la chance de voir les raies mantas se rendre dans des stations de nettoyage et les plongĂ©es de nuit offrent lâopportunitĂ© Ă leurs pratiquants de voir les raies mantas en train de se nourrir du plancton attirĂ© par les lumiĂšres[70].
Ce tourisme permet de sensibiliser les gens sur les raies et les problĂšmes de conservation qui les entourent[68]. Il permet aussi de pourvoir des fonds pour la recherche et la sauvegarde de lâespĂšce[69]. Des interactions trop frĂ©quentes et non maĂźtrisĂ©es avec des touristes peuvent affecter nĂ©gativement lâespĂšce en altĂ©rant les relations Ă©cologiques et augmentant la transmission des maladies[68]. Ă Bora Bora, un nombre trop important de plongeurs, bateaux de plaisance et de motomarines ont conduit Ă faire fuir les raies mantas de la zone[8]:19.
En 2014, lâIndonĂ©sie a interdit la pĂȘche et lâexport des raies mantas, et rĂ©alisĂ© quâil Ă©tait plus intĂ©ressant Ă©conomiquement de favoriser le tourisme par la prĂ©sence de ces animaux que dâautoriser leur pĂȘche. Une raie manta, une fois morte, vaut 35 Ă 450 âŹ, tandis que le tourisme liĂ© aux raies peut apporter 910 000 ⏠durant la vie dâune seule raie manta. LâIndonĂ©sie dispose de 5,7 millions de km2 dâocĂ©ans qui constituent aujourdâhui le plus grand sanctuaire au monde pour ces animaux[71].
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