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RaĂșl Apold

RaĂșl Alejandro Apold (Buenos Aires, 1898 ― idem, 1980) est un journaliste, producteur de cinĂ©ma, haut fonctionnaire et homme politique argentin.

RaĂșl Apold
Illustration.
Eva et Juan PerĂłn lors d'une alocution sur la place de Mai. Apold se tient un peu en retrait, Ă  droite sur la photo.
Fonctions
Sous-secrétaire à la Presse
–
Gouvernement Premier et deuxiĂšme gouvernement PerĂłn
Prédécesseur Carlos Pereyra Rosas
Biographie
Nom de naissance RaĂșl Alejandro Apold
Date de naissance
Lieu de naissance Buenos Aires
Date de décÚs
Lieu de décÚs Buenos Aires
Nature du décÚs naturelle
Nationalité argentine Drapeau de l'Argentine
Parti politique Parti péroniste
Profession journaliste, producteur de cinéma
RĂ©sidence Buenos Aires

Personnage rĂ©servĂ© mais connu pour son efficacitĂ©, fidĂšle lieutenant de Juan Domingo PerĂłn, Apold entra en 1947, aprĂšs une carriĂšre dans le journalisme et dans le monde du cinĂ©ma, au sous-secrĂ©tariat Ă  la Presse et Ă  la Diffusion et en prendra la tĂȘte deux ans plus tard, pour ensuite garder son poste quasiment tout au long des premiĂšre et deuxiĂšme prĂ©sidences de PerĂłn[1]. À ce titre, il Ɠuvra comme le stratĂšge et le concepteur des politiques de communication et de soutien au cinĂ©ma du rĂ©gime pĂ©roniste ; en particulier, il fut chargĂ© de planifier et de mettre en scĂšne les Ă©vĂ©nements et mythes fondateurs du pĂ©ronisme, principalement la journĂ©e du (Jour de la loyautĂ©), la figure mythique d’Evita, et le renoncement de celle-ci. Il eut Ă  cet effet pleine disposition — outre de son entregent et de ses talents multiformes de lobbyiste, de communicant et de publiciste — de tout l’appareil d’État, dont plus d’un millier de fonctionnaires travaillant Ă  son service. Apold avait d’autre part un grand pouvoir de dĂ©cision en matiĂšre de lĂ©gislation sur le cinĂ©ma, moyen de diffusion dont il sut habilement se servir comme outil de propagande, et ce fut lui aussi qui imagina tous les slogans politiques pĂ©ronistes. Les travaux de la journaliste Silvia Mercado ont mis en lumiĂšre son implication directe dans la mort du frĂšre d’Evita, Juan Duarte, dont il craignait que le style de vie et la notoire corruption pussent finir par Ă©clabousser le lĂ­der.

DĂ©buts dans le journalisme

RaĂșl Apold Ă©tait d’ascendance allemande par son grand-pĂšre paternel, l’immigrant allemand Karl Apold. Il devint en 1919, Ă  l’ñge de 21 ans, secrĂ©taire du gĂ©nĂ©ral de division Pablo Riccheri, puis s’initia au journalisme, avec l’aide de JosĂ© Luis Cantilo, en collaborant au journal yrigoyĂ©niste La Época, oĂč il prit d’abord du service comme simple employĂ©, mais oĂč il parvint bientĂŽt Ă  se faire confier une chronique sportive. Il travailla ensuite au journal El Mundo, prenant en charge les sujets en rapport avec l’aĂ©ronautique, ce qui l’amena Ă  arpenter les officines gouvernementales et lui permit de faire la connaissance de Juan PerĂłn, qui travaillait au ministĂšre de la Guerre. Il collabora par ailleurs aux pĂ©riodiques El Hogar et Mundo Argentino, et fit office de conseiller en matiĂšre aĂ©ronautique lors du tournage du film Alas de mi patria, mis en scĂšne par Carlos Borcosque pour le compte de Argentina Sono Film, studio de production cinĂ©matographique des frĂšres Mentasti, oĂč Apold resta ensuite comme chargĂ© de presse ; il ne semble pas du reste n’y avoir laissĂ© que de bons souvenirs[2].

Apold devint le chef des chroniqueurs accrĂ©ditĂ©s Ă  la Casa Rosada et vers la mĂȘme Ă©poque lia connaissance avec Eva Duarte, future Eva PerĂłn, qui travaillait alors Ă  Radio Belgrano.

Arrivée au secrétariat à la Presse

Le , le dictateur Pedro Pablo RamĂ­rez, qui avait pris le pouvoir dans le sillage du coup d’État de , crĂ©a le sous-secrĂ©tariat Ă  l’Information et Ă  la Presse, qu’il mit sous la tutelle du ministĂšre de l’Interieur et Ă  la tĂȘte duquel il plaça Oscar Lomuto. Sous son gouvernement sera approuvĂ© le Statut du journaliste professionnel et seront instituĂ©es l’Agence de presse de l’État (en espagnol Agencia de Noticias del Estado, connu aussi sous son acronyme ANDES), les Archives de la parole (Archivo de la Palabra), du ressort des Archives graphiques de la Nation, et l’agence Telenoticiosa Americana (en abrĂ©gĂ© TĂ©lam). En , le colonel Rafael Lascalea fut nommĂ© Ă  la direction du sous-secrĂ©tariat Ă  l’Information, mais sera progressivement remplacĂ© par le journaliste Emilio Cipolleti, auquel succĂ©dera, Ă  la suite de sa mort survenue en , Carlos Pereyra Rosas, qui mourut Ă  son tour deux mois plus tard. C’est alors, en , qu’Apold fut dĂ©signĂ© Directeur gĂ©nĂ©ral de la diffusion du sous-secrĂ©tariat, fonction qu’il continuera d’exercer mĂȘme aprĂšs que, peu de temps plus tard, on l’eut nommĂ© directeur du journal Democracia, le premier quotidien Ă  prendre place dans la palette des mĂ©dias gouvernementaux.

Au secrĂ©tariat Ă  la Presse, Apold, personnage Ă  multiples facettes, fonctionnaire polyvalent, qui agissait comme agent d’influence, publiciste, spĂ©cialiste en relations publiques, journaliste et brillant communicant, disposait d’un grand pouvoir d’intervention dans toutes les dĂ©cisions sur le plan communicationnel, en particulier dans la lĂ©gislation concernant le cinĂ©ma. AprĂšs que les États-Unis eurent dĂ©cidĂ© un embargo contre l’Argentine et que le pays se trouvait Ă  court de matĂ©riel filmique, c’est lui qui mit sur pied la contrebande de pellicule vierge. Apold sut nouer des relations durables avec des rĂ©alisateurs de cinĂ©ma et des artistes, et, fidĂšle lieutenant de PerĂłn, dirigea certaines opĂ©rations de premiĂšre importance telles que la procĂ©dure d’expropriation et de saisie du journal La Prensa, qui Ă©tait Ă  cette Ă©poque le quotidien au plus haut tirage et au plus fort taux de pĂ©nĂ©tration dans l’opinion publique[3]. Cependant, si son pouvoir de nuisance Ă©tait quasi illimitĂ©, Apold agissait avec subtilitĂ© et discrĂ©tion[3].

En , Apold fut nommĂ© Ă  la tĂȘte du sous-secrĂ©tariat Ă  la Presse et occupa cette charge jusqu’à ce qu’il remit sa dĂ©mission, le , et qu’il fut remplacĂ© par LeĂłn BouchĂ©. Sa dĂ©mission s’inscrivait dans le processus de rĂ©novation conduit par PerĂłn afin de rafraĂźchir son cabinet dans le sillage de la tentative de coup d’État qui avait eu lieu le de cette mĂȘme annĂ©e.

Action au sein du secrétariat à la Presse

Construction de la narration péroniste

Apold avait une rĂ©putation d’homme efficace Ă  telle enseigne que, lorsqu’il Ă©tait secrĂ©taire Ă  la Presse et stratĂšge des politiques de communication et de soutien au cinĂ©ma sous les deux premiers gouvernements pĂ©ronistes, Juan PerĂłn venait le consulter sans cesse. Les Ă©vĂ©nements fondateurs du pĂ©ronisme, comme le ou le renoncement d’Evita, furent en rĂ©alitĂ© planifiĂ©s et mis en scĂšne par Apold, usant pour les besoins de ces mythifications la totalitĂ© de l’appareil d’État. La fabrication d’une narration pĂ©roniste se rĂ©vĂ©lera fondamental pour la croissance future du pĂ©ronisme en tant que mouvement national et populaire[3].

Ainsi Apold apparaĂźt-il comme le maĂźtre d’Ɠuvre des deux grands mythes fondateurs du pĂ©ronisme que sont la journĂ©e du et la figure d’Evita. La journĂ©e du fut le premier mythe construit par l’appareil de communication du gouvernement, et ce sur demande de PerĂłn lui-mĂȘme, qui Ă©tait un lecteur passionnĂ© des tragĂ©dies d’Euripide et s’était engouĂ© pour les rites de foule auxquels il avait pu assister lors de son voyage dans l’Italie fasciste. En l’espĂšce, il s’agissait de marquer, de façon prĂ©mĂ©ditĂ©e, le point de dĂ©part d’une nouvelle Ă©tape de l’histoire. Pour donner corps Ă  l’autre grand mythe fondateur du pĂ©ronisme, la figure d’Eva Duarte, les journaux fidĂšles au pouvoir et autres agents proches du gouvernement se mirent Ă  montrer des photographies d’Eva PerĂłn parcourant pendant les journĂ©es prĂ©cĂ©dant le les quartiers dĂ©shĂ©ritĂ©s de Buenos Aires pour inciter les masses Ă  appuyer leur chef PerĂłn maintenu prisonnier par le pouvoir militaire[3]. Jusqu’alors pourtant, Eva Duarte n’avait eu aucun lien avec les pauvres, ni n’avait jouĂ© le moindre rĂŽle dans l’ascension de Juan PerĂłn Ă  la prĂ©sidence ; cependant tout changea en , quand fut crĂ©Ă©e la Fondation d’aide sociale MarĂ­a Eva Duarte de PerĂłn, et que les annonceurs de la chaĂźne de radio d’État radio eurent reçu la directive de rĂ©pĂ©ter dorĂ©navant le slogan « PerĂłn cumple, Evita dignifica » (PerĂłn accomplit, Evita dignifie) six fois Ă  chaque Ă©vĂ©nement sportif transmis par la radio[3].

Tout cet Ă©chafaudage symbolique n’était pas le produit spontanĂ© de la ferveur populaire, mais une construction planifiĂ©e et dĂ©libĂ©rĂ©e, conçue au sein de l’appareil d’État. Il en est ainsi Ă©galement de l’écusson pĂ©roniste, lequel fut imaginĂ© et exĂ©cutĂ© Ă  la Direction de la publicitĂ© de l’État[3].

Selon Silvia Mercado, PerĂłn, qui ne voulait pas de successeur et se mĂ©fiait de tous les successeurs potentiels, ne vit pas d’autre moyen de les Ă©carter que d’introduire sa femme Eva PerĂłn sur la scĂšne politique. Pour que tout se passĂąt selon ses vƓux, il fallait qu’ait lieu ensuite le fameux renoncement (renunciamiento) d’Evita, qui ne fut pas tel qu’il sera dĂ©crit, et qui n’était qu’une mise en scĂšne devant affranchir PerĂłn de l’obligation de mettre en avant un autre candidat Ă  la vice-prĂ©sidence, comme cela Ă©tait requis. PerĂłn voulait Hortensio Quijano pour son vice-prĂ©sident, mais celui-ci se trouvait dĂ©jĂ  trĂšs malade et mourra trĂšs peu de temps aprĂšs[3].

L’ensemble des ministĂšres et des gouvernements provinciaux, le CongrĂšs, ainsi que les forces de sĂ©curitĂ©, seront mis au service de la narration pĂ©roniste officielle : l’appareil d’État servit ainsi en quelque sorte de grande Ă©quipe de production d’un rĂ©cit mythologique qui certes rĂ©ussit Ă  amener une bonne part de l’opinion publique Ă  rejoindre avec ferveur le camp pĂ©roniste, mais qui crĂ©a en mĂȘme temps une ligne de dĂ©marcation tranchĂ©e avec l’autre partie de la sociĂ©tĂ©, rĂ©fractaire aux effets de cette propagande[3].

DĂšs sa prise de fonction au sous-secrĂ©tariat Ă  la Presse, Apold s’appliqua Ă  lui donner un nouvel Ă©lan : en 1955, le budget du sous-secrĂ©tariat atteignit les 40 millions de pesos, dont 25 millions Ă©taient constituĂ©s des salaires de ses plus de mille agents. Il fit Ă©diter une profusion de publications favorables au pouvoir en place (et dont le nombre s’élĂšvera, dans les deux derniĂšres annĂ©es, Ă  quelque cinq millions de brochures), qui furent distribuĂ©es en Argentine et Ă  l’étranger, et dont la plupart reproduisaient les discours de PerĂłn et d’Evita. Lors des cĂ©rĂ©monies et manifestations officielles, les photographies Ă©taient prises par le personnel du sous-secrĂ©tariat, puis sĂ©lectionnĂ©es et envoyĂ©es Ă  la presse pour publication, assorties du fascicule correspondant.

Parmi ceux qui n’étaient pas dans les bonnes grĂąces d’Apold figurait le chanteur Hugo del Carril, qui avait pourtant en 1949 prĂȘtĂ© sa voix Ă  la Marche pĂ©roniste. Dans un entretien qu’il accorda Ă  l’époque, il indiqua :

« Pendant deux ans, Apold m’a rendu la vie impossible. Deux annĂ©es pendant lesquelles, alors que j’étais ami du GĂ©nĂ©ral, je ne pouvais pas venir jusqu’à lui, parce qu’on me bloquait. C’est alors que le frĂšre de PerĂłn a appris mes dĂ©boires et qu’il m’a fait appeler. »

Il en rĂ©sulta que Del Carril put enfin avoir une entrevue avec PerĂłn et qu’il eut Ă  nouveau du travail. L’on sut plus tard les raisons de cet ostracisme imposĂ© par Apold : Del Carril Ă©tait surveillĂ© par la Direction des affaires spĂ©ciales en raison de ses sympathies communistes[3].

En 1950, Apold se vit dĂ©cerner la MĂ©daille pĂ©roniste. Il a pu ĂȘtre qualifiĂ© de « Joseph Goebbels du prĂ©sident PerĂłn » ; ses dĂ©tracteurs avaient coutume de l’appeler El nazi[4].

Mise au pas de la presse Ă©crite

Apold dressait des listes noires, qui concernaient le monde du journalisme, du divertissement et du spectacle, de la politique et de la science, et qu’il veillait Ă  faire appliquer. Il se targuait du reste de ne rien fixer par Ă©crit car, grĂące Ă  sa mĂ©moire, il pouvait se borner Ă  Ă©tablir seulement des « listes mentales »[3]. En 1948, il donna ordre Ă  la presse de ne pas couvrir le retour en Argentine de Bernardo Houssay, notoire opposant au gouvernement, qui revenait de Stockholm, oĂč il Ă©tait allĂ© recevoir le prix Nobel de mĂ©decine[5]. Le fils de Domingo Mercante raconte qu’un jour ils avaient Ă©coutĂ© Evita dĂ©blatĂ©rer contre Juan Atilio Bramuglia, ministre des Affaires Ă©trangĂšres, et qu’aprĂšs une entrevue qu’elle eut avec Apold, dĂšs le lendemain aucun mĂ©dia ne mentionna plus ce ministre, et que le mĂȘme sort fut rĂ©servĂ© Ă©galement au ministre de l’Éducation Oscar Ivanissevich et au ministre de la SantĂ© publique RamĂłn Carrillo[6]. À propos de la disgrĂące dans laquelle tomba son pĂšre, le mĂȘme fils de Mercante raconte encore que le dĂ©putĂ© Ángel JosĂ© Miel AsquĂ­a reçut, en mĂȘme temps qu’Apold, l’ordre de la part d’Eva PerĂłn de ne plus laisser publier de photo de son pĂšre, ni aucun commentaire Ă©crit ou radiophonique Ă  son propos[6]. Dans une critique parue dans la revue Rico Tipo, le chroniqueur de cinĂ©ma Calki (pseudonyme de Raimundo Calcagno) Ă©crivit, au sujet d’un film Italien que « l’intrigue en Ă©tait aussi fausse qu’une dĂ©claration de patrimoine », juste au moment oĂč PerĂłn venait de faire la sienne ; c’en fut assez pour que sur ordre d’Apold on suspendĂźt toutes ses collaborations dans le monde de la presse et de l’édition, Ă  commencer par l’éditeur Haynes, qui le congĂ©dia pour « calomnies et injures au PrĂ©sident de la Nation »[7]. Lorsque le , en plein conflit avec l’Église, se tint un grand rassemblement pour la JournĂ©e de la Vierge, Apold donna ordre Ă  la presse de passer l’évĂ©nement sous silence ; aprĂšs que le journal catholique El Pueblo eut nĂ©anmoins publiĂ© le lendemain une photo de la nombreuse foule prĂ©sente, le journal fut fermĂ© trois jours plus tard et ses patrons mis en dĂ©tention[8]. Le quotidien en langue allemande Argentinisches Tageblatt, qui avait en 1955 publiĂ© une dĂ©pĂȘche faisant allusion Ă  l’excommunication de PerĂłn, se vit confisquer sa provision de papier journal et fut convoquĂ© quatre semaines plus tard au sous-secrĂ©tariat Ă  l’Information oĂč, aprĂšs s’ĂȘtre fait reprĂ©senter que la libertĂ© de la presse devait s’exercer de façon responsable, la rĂ©daction put rentrer en possession de la marchandise saisie[9].

L’épouse de celui qui Ă©tait alors prĂ©sident de la Chambre des dĂ©putĂ©s de la NaciĂłn, Ricardo CĂ©sar Guardo, raconte comment elle apprit Ă  travers les journaux du qu’il Ă©tait politiquement tombĂ© en disgrĂące : le journal indĂ©pendant La NaciĂłn avait publiĂ© la photographie d’une rĂ©union tenue la veille Ă  l’ambassade du Mexique, sur laquelle son mari figurait aux cĂŽtĂ©s d’autres ministres, et dont la lĂ©gende le mentionnait comme l’un des prĂ©sents, tandis que le journal Democracia, dirigĂ© par Apold et liĂ© au pouvoir en place, fit paraĂźtre la mĂȘme photo, mais aprĂšs en avoir gommĂ© Guardo, et sans faire mention de lui dans la liste des prĂ©sents[10].

Apold fut celui qui inventa le slogan propagandiste « PerĂłn cumple, Evita dignifica », soit : PerĂłn accomplit, Evita dignifie[11], et Ă©galement celui qui eut l’idĂ©e de l’émission de radio Pienso y digo lo que pienso (« Je pense et je dis ce que je pense »), qui Ă©tait diffusĂ©e sur la chaĂźne nationale tous les jours Ă  20 h. 30 et dans laquelle des artistes connus — dont le plus important Ă©tait Enrique Santos DiscĂ©polo — lisaient, sur des scĂ©narios conçus par Abel Santa Cruz et Julio Porter, des textes de propagande officielle.

Le cinéma comme outil de propagande

Apold fera grand usage de films documentaires comme moyen de propagande politique, et aura mĂȘme soin de les faire traduire en d’autres langues pour qu’ils pussent ĂȘtre projetĂ©s dans les ambassades d’Argentine Ă  l’étranger. Ainsi, en 1950, Ă  l’occasion de la visite officielle qu’effectua en Argentine le prĂ©sident chilien Carlos Ibåñez del Campo, Apold ordonna de tourner sur cet Ă©vĂ©nement le film Argentina de fiesta, court-mĂ©trage en noir et blanc rĂ©alisĂ© par Enrique Cahen Salaberry. En 1952, le sous-secrĂ©tariat produisit Eva PerĂłn inmortal, court-mĂ©trage sur la vie et l’Ɠuvre d’Eva PerĂłn, dont la rĂ©alisation fut confiĂ©e Ă  Luis CĂ©sar Amadori, sur la base d’un scĂ©nario d’Apold lui-mĂȘme.

Lorsqu’il s’agit de faire part du dĂ©cĂšs d’Eva PerĂłn, Apold changea l’heure exacte du trĂ©pas, qui Ă©tait 20 h. 23, en 20 h. 25, au motif que cette derniĂšre indication horaire pouvait plus facilement se retenir ; par la suite, et jusqu’à la chute de PerĂłn, chaque fois que venait l’heure indiquĂ©e, on annonçait dans toutes les radios argentines « 20 h. 25, heure Ă  laquelle Eva PerĂłn passa Ă  l’immortalitĂ© », pour enchaĂźner ensuite avec le bulletin d’informations de la radio d’État (d’autres bulletins Ă©taient Ă©galement diffusĂ©s Ă  10 et Ă  13 heures). D’autre part, il s’assura les services d’Edward Cronjager, cinĂ©aste de la 20th Century Fox, qui avait dĂ©jĂ  auparavant filmĂ© les funĂ©railles du marĂ©chal Foch Ă  Paris, pour qu’il fĂźt de mĂȘme lors des obsĂšques d’Evita ; des prises de vues ainsi rĂ©alisĂ©es sera tirĂ© le documentaire Y la Argentina detuvo su corazĂłn (trad. approxim. Et le cƓur de l’Argentine cessa de battre).

En 1947, Apold dĂ©crĂ©ta la proscription des films d’origine soviĂ©tique, censure qui cependant prit fin en 1951, quand Argentino Vainikoff, de la sociĂ©tĂ© de distribution Artkino, et le secrĂ©taire politique de la PrĂ©sidence, MartĂ­n Carlos MartĂ­nez, surent convaincre le prĂ©sident PerĂłn de lever cette interdiction, en dĂ©pit des rĂ©ticences d’Apold[4].

En 1954, Apold organisa le premier Festival international de cinéma de Mar del Plata.

La mort de Juan Duarte

Selon une thĂšse dĂ©fendue par l’universitaire Silvia Mercado, thĂšse Ă  laquelle l’ont menĂ©e ses recherches et qu’elle publia dans son ouvrage El inventor del peronismo, Apold en personne aurait Ă©tĂ© l’exĂ©cuteur du frĂšre d’Evita, Juan Duarte, Ă  la suite du cĂ©lĂšbre discours de PerĂłn oĂč celui-ci avertit qu’il ne tolĂ©rerait pas de corruption dans son gouvernement. En effet, nonobstant les conseils affectueux donnĂ©s par Eva PerĂłn Ă  Juancito, celui-ci n’avait cessĂ© d’accroĂźtre dĂ©mesurĂ©ment son patrimoine : maison, rĂ©sidence secondaire avec embarcadĂšre privĂ©, haras de chevaux de course, voitures importĂ©es, avions privĂ©s etc. ; la possession discrĂ©tionnaire de comptes en banque Ă  l’étranger et une vie complĂštement dissoluĂ©e finirent par courroucer PerĂłn. Silvia Mercado vient ainsi avaliser ce que disaient dĂ©jĂ  certaines versions de la mort de Juan Duarte : il y a lieu de penser qu’Apold, afin d’éviter que les turpitudes de Juan Duarte ne rejaillissent sur son chef, ait de ses propres mains ĂŽtĂ© la vie au frĂšre d’Evita[3].

DerniÚres années

AprĂšs le coup d’État de 1955, la consigne fut, selon Silvia Mercado, d’« Ă©liminer Apold de la vie de tous et d’éviter de le rappeler Ă  la mĂ©moire ». Il fut inquiĂ©tĂ© par les tenants de la dĂ©nommĂ©e RĂ©volution libĂ©ratrice et les autoritĂ©s judiciaires engagĂšrent une procĂ©dure Ă  son encontre, sur la base de prĂ©sumĂ©es malversations dans l’utilisation de fonds publics.

Le pouvoir et l’influence d’Apold se dissipa avec l’exil de PerĂłn, y compris mĂȘme auprĂšs de celui-ci. Sa rencontre Ă  Puerta de Hierro, Ă  Madrid, avec le vieux lĂ­der, qu’il avait pourtant servi sous deux gouvernements, ne sera pas chaleureux, pour des raisons sur lesquelles l’on peut seulement Ă©mettre des conjectures : peut-ĂȘtre PerĂłn ne s’intĂ©ressait-il plus Ă  lui, ou Apold s’était-il fait trop d’ennemis dans le monde du journalisme et dans les milieux artistiques, aprĂšs toutes ses manigances, ou encore les temps avaient-ils simplement changĂ©, PerĂłn ayant en effet entre-temps Ă©pousĂ© Isabelita. Il demeure qu’aucun rĂŽle ne lui fut proposĂ© au sein de la rĂ©sistance pĂ©roniste, dans l’attente du retour de PerĂłn en Argentine[3].

Bibliographie

  • Hugo Gambini, Historia del pĂ©ronisme, vol. I, Buenos Aires, Editorial Planeta Argentina S.A.,
  • Hugo Gambini, Historia del pĂ©ronisme, vol. II, Buenos Aires, Editorial Planeta Argentina S.A.,
  • Marcela LĂłpez, « Cine y polĂ­tica », Todo es Historia, Buenos Aires, no n° 379, fĂ©vrier 1999,‎
  • Silvia D. Mercado, El inventor del peronismo. RaĂșl Apold, el cerebro oculto que cambiĂł la polĂ­tica argentina, Buenos Aires, Editorial Planeta Argentina S.A.,

Liens externes

Références

  1. « El Goebbels de Perón » [archive du ], El País (consulté le )
  2. Atilio Mentasti p.ex. se souvient : « c’était un type assez gĂȘnant[
]. Nous le traitions avec beaucoup de considĂ©ration, non parce qu’il aurait Ă©tĂ© ceci ou cela, mais parce que c’était un homme malade [
]. Mais aprĂšs qu’il Ă©tait arrivĂ© lĂ -haut... chaque fois que j’allais le voir, il m’obligeait Ă  me faire apprivoiseur [
].Il tramait des tas d’intrigues. Il avait coutume de me demander si j’étais pĂ©roniste ou si j’étais non pĂ©roniste. Moi, je suis un citoyen » . En España, Miguel Ángel Claudio y Rosado, Medio siglo de cine, 1re Ă©d., p. 27., Editorial Abril S.A. et Editorial del Heraldo S.A., Buenos Aires 1984 (ISBN 950-10-0133-4)
  3. (es) Susana Reinoso, « RaĂșl Apold, el secreto mejor guardado del peronismo », La Voz del Interior (consultĂ© le ).
  4. (es) Argentino Vainikoff, « Reabre sus puertas el cine Cosmos », La NaciĂłn,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  5. Hugo Gambini, Historia del peronismo, vol. I, p. 159, note19, Editorial Planeta Argentina S.A., Buenos Aires 1999.
  6. Gambini op. cit. t. II p. 33
  7. Calki: El Mundo era una fiesta. Editorial Corregidor, Buenos Aires 1971, cité dans Gambini op. cit.t. II p. 165.
  8. Revista Primera Plana no 210 du 3 janvier 1967, cité par Gambini, op. cit. t.II, p. 250.
  9. Gambini, op. cit., t. II, p. 271.
  10. Lilian Lagomarsino de Guardo, Y ahora
hablo yo, p. 169/170, Editorial Sudamericana, Buenos Aires 1996. (ISBN 950-07-1135-4)
  11. Gambini, op. cit., t. I, p. 366.
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