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RĂ©alisation (audiovisuel)

La réalisation d'un film est le processus de fabrication qui commence par une idée originale, parcourt les étapes de l'écriture du script, prépare le tournage au cours de la préproduction, mène à sa bonne fin le tournage proprement dit, puis assure le montage et la finition, appelés postproduction, et se termine par la distribution qui englobe toute la commercialisation de l'ouvrage. Elle implique un nombre de techniciens, d'artistes et de personnels administratifs qui va de quelques dizaines de personnes à quelques milliers. Elle peut s'étendre sur plusieurs semaines, le plus souvent plusieurs mois, voire quelques années.

Déroulement de la réalisation

Histoire

La première étape de la réalisation d’un film a toujours été le sujet. Dans le cinéma primitif, dès 1891, ce sujet tenait en quelques mots qui devenaient bien souvent le titre du film (les premiers films avaient une durée inférieure à une minute). Ce n’était pas ce qui s’appelle aujourd’hui un court-métrage, puisque le long-métrage était à l’époque un concept inconnu. C’était seulement un film, mot anglais détourné — signifiant fine couche, voile, pellicule — par l’inventeur et industriel américain Thomas Edison, ou une vue photographique animée, ainsi que Louis Lumière baptisait ses prises de vues, ou un tableau, comme Georges Méliès nommait ses fantaisies, en référence au music-hall. Le premier film du cinéma fut ainsi affublé d’un titre simple : Dickson Greeting, le salut cérémonieux qu’adresse William Kennedy Laurie Dickson, le bras droit d’Edison et premier réalisateur du cinéma (ces mots n’existaient pas encore), à la caméra Kinétographe, donc, au public (regard caméra).

En 1892, Émile Reynaud invente le dessin animĂ© et ses projections durent plus d’une minute, allant mĂŞme jusqu’à 5 minutes en 1894. Il appelle ses films des pantomimes lumineuses. Le premier est intitulĂ© Pauvre Pierrot, et le thème est la concurrence amoureuse entre Arlequin et Pierrot, et Colombine va choisir Arlequin. Louis Lumière, en industriel avisĂ©, filme la sortie de l’usine familiale Ă  Lyon en 1895. Ă€ ses dĂ©buts, en 1896, Georges MĂ©liès reprend le sujet des films Lumière qui ont rencontrĂ© un succès public : Une partie de cartes (Partie d'Ă©cartĂ©), ArrivĂ©e d'un train gare de Joinville (L'ArrivĂ©e d'un train en gare de La Ciotat), L'Arroseur (Le Jardinier), Baignade en mer (La Mer (Baignade en mer)), Barque sortant du port de Trouville (Barque sortant du port), etc. La dramaturgie ne fait pas encore partie des soucis crĂ©atifs des primitifs du cinĂ©ma. Ils reprennent le sujet de leurs collègues sans Ă©tat d’âme, car en fait, le scĂ©nario Ă©tant inexistant, il n’y a pas de plagiat mais une version diffĂ©rente du mĂŞme motif. Alice Guy, la première femme rĂ©alisant des vues animĂ©es, la première rĂ©alisatrice, fera de mĂŞme[1].

Très vite cependant, ces images vont être insuffisantes pour continuer à intéresser le public. Le succès des vues Lumière est d’abord immense, puis s’amenuise progressivement. Les deux industriels lyonnais, malgré le talent de photographe de Louis, ignorent les règles de base de la dramaturgie et comprennent qu’ils ne sont pas taillés pour ce qui devient, non plus une curiosité, mais un spectacle recherché. Huit ans à peine après leurs premières projections, ils se retirent de la production de films. Thomas Edison ne s’arrête pas, lui. Ses productions se poursuivent, toujours basées sur une seule idée par film. Georges Méliès, dans un style théâtral qui est vite dépassé, influence le monde nouveau des faiseurs de films en racontant des histoires aux multiples rebondissements. Ses amis britanniques, George Albert Smith et James Williamson inventent le film d’aventure, les Chase Films (films de poursuite) et donnent au cinéma les bases de son langage spécifique au début des années 1900. Quelques années plus tard (1908), D. W. Griffith enrichit ce langage en lui adaptant des moyens empruntés à la littérature.

De nos jours

La réalisation d’un film se décompose en 6 périodes.

  • D’abord, l’émergence d’une idĂ©e d’histoire, prĂ©sentĂ©e par un scĂ©nariste ou un rĂ©alisateur, ou provenant du dĂ©sir d’un producteur ou de celui d’un comĂ©dien cĂ©lèbre. L’idĂ©e peut venir aussi d’une dĂ©marche commerciale Ă  la suite du succès de librairie d’un roman qu’on envisage alors de « porter Ă  l’écran ». Un pitch bien pensĂ© suffit Ă  faire dĂ©marrer le projet et de mobiliser un producteur de cinĂ©ma, un diffuseur (une chaĂ®ne de tĂ©lĂ©vision ou plusieurs), un distributeur, et un ou plusieurs scĂ©naristes. D’autres soutiens sont requis, fondamentaux : une banque (en France, l’Institut pour le financement du cinĂ©ma et des industries culturelles (IFCIC) favorise la production de films de cinĂ©ma et de tĂ©lĂ©films, sĂ©ries tĂ©lĂ©visĂ©es et documentaires), nĂ©cessaire pour lancer l’affaire. Le Centre national du cinĂ©ma et de l'image animĂ©e (CNC) est aussi sollicitĂ©, apportant des aides Ă  l’écriture et une Ă©ventuelle avance sur recettes, octroyĂ©e par un jury Ă  un rĂ©alisateur, ce qui lui permet de contrĂ´ler la production en Ă©tant coproducteur du film.
Arnab Jan Deka, réalisateur indien, explique son script à un chanteur-comédien, Bhupen Hazarika (1986)
  • L’écriture du script. DiffĂ©rents stades d’écriture sont nĂ©cessaires pour arriver au script, qui est le document littĂ©raire dĂ©finitif du film avant tournage[2]. Jean Gabin aurait affirmĂ© : « Pour faire un bon film, il faut trois choses : un bon scĂ©nario, un bon scĂ©nario et un bon scĂ©nario ». VĂ©ritĂ© incontestable, mais un script peut ĂŞtre le rĂ©sultat d’un travail magistral de quelques jours ou le travail finalement inabouti d’écritures et de rĂ©Ă©critures successives durant plusieurs mois. Il n’y a pas de recettes valables, chaque film est un ouvrage unique, et le mĂŞme sujet peut donner deux films extrĂŞmement diffĂ©rents et peut-ĂŞtre un chef d’œuvre d’une part et un flop d’autre part.
Georges Méliès préparant les décors d’un film dans son studio de Montreuil (1897).
  • La prĂ©production. Les fonds nĂ©cessaires Ă©tant rĂ©unis (totalement ou en partie), la prĂ©paration du tournage peut commencer. Les principaux contrats sont signĂ©s, un rĂ©alisateur engagĂ©, une ou deux vedettes sont Ă©ventuellement mises sous contrat. Les Ă©tapes de cette pĂ©riode vont du casting (choix des comĂ©diens et contrats affĂ©rents), Ă  la location d’un plateau pour tout tournage en studio avec l’étude des dĂ©cors et leur construction, en passant par le repĂ©rage des dĂ©cors extĂ©rieurs dits naturels, et leurs contrats de location. Un directeur de production est nommĂ©, qui supervise financièrement et administrativement ces dĂ©marches, soutenu par un pool de production. Une façon de travailler qui date des annĂ©es 1920, et sont notamment l’apport du rĂ©alisateur et producteur amĂ©ricain Thomas H. Ince. « Il introduit dans le cinĂ©ma des règles d’organisation qui vont se rĂ©vĂ©ler extrĂŞmement fĂ©condes, tant au niveau de la production qu’à celui de la direction artistique oĂą il reconsidère toutes les habitudes acquises du cinĂ©ma. Ince est fils de comĂ©diens et comĂ©dien lui-mĂŞme. Quand il commence Ă  travailler pour le cinĂ©ma, il constate que ce mĂ©tier s’exerce dans une joyeuse confusion. On entreprend les tournages alors que les scĂ©narios sont Ă  peine Ă©bauchĂ©s, on tourne selon les humeurs de chacun, la prĂ©paration des dĂ©cors laisse Ă  dĂ©sirer, il manque toujours quelque chose, un accessoire, une pièce de vĂŞtement, un bout de dĂ©cor, un clou ou un marteau »[3].
Cléopâtre est incarnée par Elizabeth Taylor qui signe le plus gros contrat jamais obtenu : 1 million de dollars.
  • Le tournage. Cette pĂ©riode, dont la durĂ©e varie de quelques semaines Ă  plusieurs annĂ©es, est la partie cruciale de la production d’un film. Tout peut s’enchaĂ®ner merveilleusement, certains diront que leur travail s’apparentait Ă  des vacances, ou tout a tendance Ă  s’enliser, laminant la crĂ©ativitĂ© de chacun. Quand Elizabeth Taylor tourne en 1963 dans le film ClĂ©opâtre, elle tombe plusieurs fois malade, et elle doit subir une grave opĂ©ration d’urgence, suspendant le tournage — qui avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© arrĂŞtĂ© pour des raisons climatologiques — sur plusieurs mois. Le premier rĂ©alisateur abandonne, le second, qui signe finalement le film, Joseph L. Mankiewicz, rectifie le scĂ©nario mais n’a pas le temps de terminer ce travail. Il reprend le script durant la nuit, tandis qu’il tourne dans la journĂ©e. La production le drogue pour tenir le coup. Taylor tombe amoureuse de Richard Burton, et le tournage est ralenti par cette idylle inattendue. Ă€ Rome, un orage dĂ©truit une partie des dĂ©cors et en dĂ©tĂ©riore une autre, ce qui nĂ©cessite de suspendre encore le tournage (tout le monde est sous contrat et la production doit payer la rallonge). On peut imaginer dans quel Ă©tat d’esprit d’inquiĂ©tude travaillent les comĂ©diens et l’équipe technique. Ce film, dont le devis Ă©tait de 2 millions de dollars, voit son coĂ»t gonfler jusqu’à plus de 35 millions de dollars. Ses qualitĂ©s — certes rĂ©elles, mais les diverses pĂ©ripĂ©ties dĂ©sagrĂ©ables ont laissĂ© leur trace — ne sont pas Ă  la hauteur de ce chiffre, et le film signe une des plus grosses pertes financières du cinĂ©ma amĂ©ricain.
Monteuse au travail (1950).
  • La postproduction. Dans les premières dĂ©cennies du cinĂ©ma, la postproduction, qui succède au tournage, Ă©tait en gĂ©nĂ©ral la pĂ©riode la plus courte de la production d’un film. Au dĂ©part, la pellicule nĂ©gative impressionnĂ©e, telle qu’elle sortait de la camĂ©ra, Ă©tait l’objet du spectacle, sans autre artifice que le tirage d’une copie positive. La bande, aux formats de 19 mm, puis de 35 mm ou 58 mm, Ă©tait de petite longueur, la durĂ©e de la prise de vues dĂ©passait rarement la minute et ne concernait qu’un seul plan, compris entre le dĂ©but du tournage (de la manivelle) et son arrĂŞt. Ce mot, « plan », ne vint que beaucoup plus tard, on parlait alors de « vue », ou de « tableau ». La soudure de deux tronçons de pellicule Ă  l’aide d’un dissolvant, n’était utilisĂ©e que lorsque la pellicule cassait au cours d’une manipulation ou d’une projection, ou quand l’opĂ©rateur de prise de vues avait arrĂŞtĂ© sa camĂ©ra avant d’avoir passĂ© l’intĂ©gralitĂ© du bobineau de pellicule, pour reprendre un peu plus tard lorsque le sujet filmĂ© avait Ă©voluĂ© ou s’était dĂ©placĂ©. MĂŞme nĂ©cessitĂ© quand le rĂ©alisateur utilisait un trucage comme l’arrĂŞt de camĂ©ra (voir MĂ©liès). En effet, l’arrĂŞt de la camĂ©ra et son redĂ©marrage provoquent quelques images surexposĂ©es qu’il est nĂ©cessaire de supprimer pour masquer l’opĂ©ration. Mais le cinĂ©aste qui exĂ©cute cette soudure ne la conçoit pas comme l’embryon de ce qui s’appellera plus tard le montage. En 1899, un film Edison tente d’alerter l’opinion publique des risques sanitaires de la ruĂ©e vers l’or au Klondike (Canada) : Scènes de la ruĂ©e vers l'or au Klondike. Ce film de soixante-cinq secondes est une mise bout Ă  bout de plusieurs plans (scenes) montrant une exploitation de chercheurs d’or, une ville champignon, un radeau sur des rapides, une coupure de journal Ă©voquant une possible famine de cette population massivement dĂ©placĂ©e, menacĂ©e par l’hiver approchant. Ce film est un embryon de montage, les diverses scenes illustrent l’article du journaliste de la mĂŞme façon que le font aujourd’hui les « images prĂ©textes » des brèves du journal tĂ©lĂ©visĂ© (images archivĂ©es Ă  dĂ©faut d’images du jour). Un an plus tard, c’est le rĂ©alisateur britannique George Albert Smith qui a l’idĂ©e, pour son film La Loupe de grand-maman, de mettre l’un derrière l’autre plusieurs plans liĂ©s par une logique purement visuelle. « Cette alternance du gros plan et des plans gĂ©nĂ©raux dans une mĂŞme scène est le principe du dĂ©coupage. Par lĂ , Smith crĂ©e le premier vĂ©ritable montage »[4].

L’émergence du montage va compliquer la période de la postproduction. La durée des films augmente grâce à l’adoption universelle de la boucle de Latham, les films durent dorénavant quelques minutes, voire un quart d’heure, et même un peu plus. La succession des plans commence bien entendu au tournage, une seule prise de vues autour d’une seule action dans un unique décor n’a plus rien d’attractif pour le public qui désire des histoires avec diverses péripéties. Les premiers montages sont plutôt frustes et leur logique est la seule chronologie des faits. Ce sont des « petites mains » (des femmes) qui sont chargées de ce travail d’assemblage que l’on fait en regardant la pellicule à contre-jour. En 1924, une machine est inventée aux États-Unis, la Moviola (de movie (film animé)), qui va permettre de rationaliser cette opération du montage.

Montage, montage son, mixage audio, conformation de l’original image, étalonnages lumière et couleur de l’original image sont les étapes successives de la postproduction, qui mènent au produit fini, prêt à la distribution.

La Mort aux trousses, réalisé par Alfred Hitchcock en 1959.
Pas d'amour sans amour, réalisé par Évelyne Dress en 1993.
  • La distribution. La distribution est le travail d’une ou plusieurs sociĂ©tĂ©s spĂ©cialisĂ©es qui, le plus souvent, ont elles-mĂŞmes participĂ© au tour de table financier. La distribution comprend en amont le « marchandisage » (merchandising), dès le lancement du projet ou au moins pendant le tournage. Ce sont les avis de tournage qui sont envoyĂ©s aux agences d’information ou aux journaux ou groupes de presse. En argentique, les photogrammes issus du tournage prĂ©sentent des flous cinĂ©tiques et ne sont pas utilisables pour confectionner des photos promotionnelles. Celles-ci ont Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©es sur place par un photographe de plateau qui, non seulement produit en dehors des prises de vues du film mĂŞme, des portraits des principaux comĂ©diens et une reconstitution de diffĂ©rents plans en photos fixes, mais aussi des photos de tournage oĂą il peut mettre en valeur le couple rĂ©alisateur-comĂ©dien, et aussi les interventions des diffĂ©rents principaux techniciens. Un affichiste est engagĂ© qui va adosser son travail Ă  un Ă©ventail des photos produites par le prĂ©cĂ©dent, ou crĂ©er un graphisme particulier au film. Les principaux comĂ©diens, ainsi que le rĂ©alisateur et Ă©ventuellement le scĂ©nariste, participent Ă  la promotion du film juste avant sa sortie officielle par le bouche Ă  oreille (buzz) que leur offrent, gĂ©nĂ©reusement ou par contrat, les moyens d’information classiques (radio, tĂ©lĂ©vision, presse Ă©crite).

La sortie en salles est de nos jours plus un test vis-à-vis du public visé, que la forme de perception principale des recettes du film. En France, les recettes en salles d’un film sont ventilées sous la houlette du CNC selon les différents contrats : producteur(s), distributeur(s), contrats en participation de certains comédiens ou techniciens, royalties du réalisateur et du scénariste, royalties du compositeur de la bande originale.

Lors du passage sur le petit écran, les chaînes de télévision, qui ont amené un apport financier dès le projet — à leurs risques et périls — doivent s’acquitter d’un droit d’exploitation complémentaire, calculé sur le nombre de passages à l’antenne prévu et les horaires de diffusion. Cette contribution va directement au compte de la production (avec redistribution aux ayants droit) ou est discuté et récolté par le distributeur qui paiera sa redevance personnelle au producteur et aux différents ayants droit. Elle est discutée d’avance ou à la sortie du film avec les chaînes de télévision et distributeurs en salles étrangers.

Le distributeur peut être chargé de la récolte des sommes générées par les supports enregistrés (DVD, Blu-ray), aujourd’hui en nette régression, ou par la VàD (vidéo à la demande) qui est avec la diffusion télévision la source principale des revenus d’un film.

Références

  1. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 36
  2. Vincent Pinel, Dictionnaire technique du cinéma, Paris, Armand Colin, , 369 p. (ISBN 978-2-200-35130-4), p. 265
  3. Briselance et Morin 2010, p. 477-478
  4. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, Paris, Flammarion, 1968, 719 p., citation de la p. 43

Voir aussi

Articles connexes

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