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George Albert Smith (réalisateur)

George Albert Smith est un réalisateur, producteur et inventeur britannique, né le à Londres et mort le à Brighton (Sussex de l'Est).

George Albert Smith
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
George Albert Smith en 1900.

Inventeur en 1906, avec le soutien financier de Charles Urban, du procĂ©dĂ© de film en couleurs KinĂ©macolor qui a eu son heure de gloire et a sans doute inspirĂ© les inventeurs du Technicolor, il fait partie de l'École de Brighton, courant cinĂ©matographique britannique. Son influence esthĂ©tique sur les cinĂ©astes amĂ©ricains et europĂ©ens est primordiale, bien que lui-mĂȘme n'ait jamais Ă©tĂ© conscient de son importance sur ce plan, privilĂ©giant plutĂŽt son invention du KinĂ©macolor[1].

Biographie

DĂ©buts prometteurs

George Albert Smith est nĂ© Ă  Londres en 1864, Ă  Cripplegate, un quartier aujourd’hui reconstruit aprĂšs sa destruction totale pendant les bombardements allemands de 1940-1941 (le Blitz). AprĂšs la mort de son pĂšre, Charles Smith, sa mĂšre s’installe avec son fils Ă  Brighton, cĂ©lĂšbre station balnĂ©aire du sud de l’Angleterre (Sussex de l'Est), oĂč elle s’occupe d’une pension de famille. Au dĂ©but des annĂ©es 1880, George Albert Smith se fait remarquer trĂšs jeune comme hypnotiseur. Puis il monte avec un partenaire un spectacle de tĂ©lĂ©pathie au grand Aquarium de Brighton, ce qui lui permet d’adhĂ©rer Ă  la SociĂ©tĂ© de recherches psychiques (Society for Psychical Research), qui s’intĂ©resse aux manifestations paranormales. Il en devient mĂȘme le secrĂ©taire pendant cinq ans[2].

En 1892, Ă  28 ans, il obtient la gestion des St. Ann’s Well Gardens, le Parc floral de Hove (ville jumelle de Brighton). Sa contribution dans le renouvellement des attractions proposĂ©es au public du parc est Ă©clectique et pleine d’imagination : envol de montgolfiĂšres, exhibition de singes en cages, sauts en « parachute », diseuse de bonne aventure, une grotte oĂč l’on peut admirer un ermite, et surtout des projections de photographies sur verre avec un duo de lanternes magiques qui autorise les dissolving views, les fondus enchaĂźnĂ©s entre chaque photographie. En France, c’est Georges MĂ©liĂšs qui aura l’idĂ©e de transposer au cinĂ©ma l’effet du duo de lanternes, Georges MĂ©liĂšs qui va nouer des liens Ă©troits avec ses amis anglais. Mais en 1896, Georges MĂ©liĂšs, aussi bien que George Albert Smith, qui connaissent dĂ©jĂ  les films de cinĂ©ma venus des États-Unis, rĂ©alisĂ© par William Kennedy Laurie Dickson pour Thomas Edison et que l'on visionne individuellement sur les kinĂ©toscopes, viennent aussi de dĂ©couvrir la projection sur Ă©cran en assistant Ă  une sĂ©ance de projection de « vues photographiques animĂ©es » des frĂšres LumiĂšre. Pour l’un comme pour l’autre, c’est une rĂ©vĂ©lation. George Albert Smith s’aperçoit alors que cette activitĂ© existe dĂ©jĂ  en Angleterre, sous la houlette de Robert W. Paul qui organise, un mois seulement aprĂšs celles des industriels lyonnais, des projections de films au format Edison (35 mm Ă  2 jeux de 4 perforations rectangulaires par photogramme). Les frĂšres LumiĂšre, qui ne veulent pas ĂȘtre poursuivis pour contrefaçon par l’inventeur et industriel amĂ©ricain, utilisent un film diffĂ©rent au format LumiĂšre (35 mm Ă  2 jeux de 2 perforations rondes par photogramme, un format qui sera abandonnĂ© par la suite). Edison avait concĂ©dĂ© par contrat l’autorisation Ă  diverses sociĂ©tĂ©s britanniques d’exploiter la machine Ă  visionner ses films et le premier Kinetoscope Parlor en Europe fut ouvert Ă  Londres le , qui rencontra immĂ©diatement le mĂȘme succĂšs public qu’à New York ou dans d’autres grandes villes amĂ©ricaines. Edison ayant commis l’imprudence de ne pas protĂ©ger Ă  l’étranger sa machine (qui pour lui n’était qu’un premier pas - provisoire - vers son but : coupler l’image et le son), deux commerçants anglais demandĂšrent Ă  Robert William Paul de fabriquer pour eux des contrefaçons de l'appareil. R. W. Paul accepta, remplit son contrat puis s’attela pour son compte Ă  la commercialisation de kinĂ©toscopes piratĂ©s. Et c’était pour alimenter en films originaux ces machines de contrebande que R. W. Paul Ă©tait devenu le premier rĂ©alisateur de films britannique.

De son cĂŽtĂ©, George Albert Smith fait la connaissance d’un droguiste de Brighton, James Williamson, qui tient une boutique de fournitures pour photographes (plaques photosensibles, rĂ©vĂ©lateur, fixateur, etc). Ils s’associent pour financer la construction d’un modĂšle de camĂ©ra qui va leur permettre de faire eux-mĂȘmes des films, encouragĂ©s en cela par R. W. Paul. Tandis que James Williamson Ă©tudie et met au point des installations pour dĂ©velopper des pellicules 35 mm, George Albert Smith transforme un pavillon thermal en laboratoire de cinĂ©ma, dĂ©veloppement et tirage de copies. Suit bientĂŽt un appareil de projection maison qui fait des deux hommes les premiers cinĂ©astes britanniques aprĂšs R. W. Paul. Mais ils produisent et rĂ©alisent sĂ©parĂ©ment leurs films.

Innovations

Le , George Albert Smith ajoute des films Ă  son programme de projections de vues photographiques fixes. C’est ainsi que paraissent ses premiers films, trĂšs influencĂ©s par ce qu’apporte Georges MĂ©liĂšs avec ses « tableaux », ainsi qu’il nomme ses prises de vues, oĂč l’on retrouve l’ambiance des numĂ©ros de variĂ©tĂ©s au music-hall. Un certain Charles Urban, rĂ©alisateur amĂ©ricain venu s’installer Ă  Brighton en cette annĂ©e 1897, achĂšte ses films par le biais de sa sociĂ©tĂ©, la Warwick Trading Company. L’AmĂ©ricain organise mĂȘme des sĂ©ances oĂč sont prĂ©sentĂ©s conjointement des films de G. A. Smith et de G. MĂ©liĂšs. C’est ainsi qu’en 1899, grĂące Ă  l’appui financier de Charles Urban, G. A. Smith fait construire, Ă  l’imitation de MĂ©liĂšs, un studio de prises de vues animĂ©es entiĂšrement vitrĂ©, dans le parc floral de Hove, qu’il continue Ă  diriger en plus de sa nouvelle activitĂ© de cinĂ©aste [3].

Les Rayons X (1897)

C'est un des premiers films Ă  effets spĂ©ciaux. Il emploie l'effet arrĂȘt de camĂ©ra dĂ©jĂ  utilisĂ© dĂšs 1895 par un rĂ©alisateur de l'Ă©quipe de Thomas Edison, William Heise, et repris en 1896 par Georges MĂ©liĂšs dans une bonne partie de ses rĂ©alisations, dont son cĂ©lĂšbre Escamotage d'une dame au thĂ©Ăątre Robert-Houdin.

Le Baiser dans un tunnel (1899)

Il se permet de jouer dans l’un de ses films, The Kiss in the Tunnel, en compagnie de Mme G. A. Smith, la comĂ©dienne Laura Bayley. Avec ce film, il s’écarte totalement des univers de Louis LumiĂšre et de Georges MĂ©liĂšs. D’abord, il aborde le sujet dĂ©licat des rapports amoureux, mĂȘme s’il ne s’agit que d'un baiser sur la bouche. Rappelons qu’en ces annĂ©es « victoriennes », tout ce qui touche au sexe est considĂ©rĂ© comme obscĂšne. Un baiser public projetĂ© sur grand Ă©cran reprĂ©sente un spectacle osĂ© pour l'Ă©poque. Mais surtout, avec son film, G. A. Smith essaye ce qu’aucun de ses confrĂšres n’a encore jamais fait : il effectue un montage de deux plans, qui n'est pas un simple bout Ă  bout par commoditĂ© de projection.

  • L’un des plans est empruntĂ© Ă  un collĂšgue britannique, Cecil Hepworth, qui a eu l’idĂ©e de crĂ©er un effet tout nouveau Ă  l’époque et stupĂ©fiant pour les spectateurs, qu’il a baptisĂ© Phantom train ride (course du train fantĂŽme). Il a disposĂ© sa camĂ©ra sur un wagon-plateforme, poussĂ© par une locomotive et a filmĂ© la course, agrĂ©mentĂ©e par le croisement d’un autre train, puis l’entrĂ©e et la sortie d’un tunnel (plongeant l’image dans le noir, puis lui redonnant la lumiĂšre du jour). La course de la locomotive se transforme en une sorte de survol de la voie de chemin de fer par une entitĂ© non identifiable, puisque le cadre de l‘image ne comporte aucun accessoire qui pourrait rĂ©vĂ©ler que la camĂ©ra est embarquĂ©e sur une locomotive (montants de fer de l’abri de conduite par exemple). La camĂ©ra semble voler dans les airs, comme on peut imaginer qu’un ĂȘtre immatĂ©riel se dĂ©place en lĂ©vitation. Cette image est frappante et aux États-Unis, elle frappe l’imagination d’un certain George Hale qui crĂ©era, aprĂšs en avoir dĂ©posĂ© l’idĂ©e, les Hale’s Tours and Scenes of the World (les Circuits Hale & des images du monde), mais on peut remarquer que le nom de l’inventeur forme une paronomase avec le mot Enfers (Hale, Hell), qui sous-entend l’appellation : « Circuits des Enfers »[4].
  • George Albert Smith coupe ce plan en deux, et intercale entre les deux tronçons un plan tournĂ© dans son studio, qui est la scĂšne du baiser interprĂ©tĂ© par son Ă©pouse et lui-mĂȘme (le dĂ©tail de leur relation conjugale est important, la comĂ©dienne est donnĂ©e pour ĂȘtre Mme Smith, ce qui rend ce baiser plus convenable). La fenĂȘtre du compartiment s’ouvre sur du noir, ce qui est normal puisque le train est dans le tunnel, et ne donne ainsi aucun souci technique au rĂ©alisateur qui n’a pas besoin de rĂ©soudre le problĂšme Ă©pineux de faire apparaĂźtre par cette fenĂȘtre un paysage en mouvement.

Ce film dure une minute. À l’époque, la notion de court-mĂ©trage n’existe pas, tous les films font environ une minute. Il s’agit donc d’un film complet. On assiste Ă  la sĂ©duction de la voyageuse, un baiser d’abord, puis le sĂ©ducteur se rassied, Ă©crasant par mĂ©garde son chapeau, se relĂšve pour un second baiser, puis revient Ă  sa place et se replonge dans la lecture de son journal. Juste Ă  temps avant que le train ne sorte du tunnel. Le succĂšs est immĂ©diat, le sujet lĂ©ger et son habile mĂ©lange avec le Phantom train ride font que ce film plaĂźt. Il est immĂ©diatement copiĂ© par James Bamforth, qui vend des photos sur verre et des cartes postales Ă  Brighton, mais avec beaucoup moins de talent, la phase de sĂ©duction est absente et le couple semble se connaĂźtre depuis longtemps. Dans ce dernier film, le train ne sort pas du tunnel, il arrive plus banalement dans une gare. Mais en revanche, de mĂȘme qu’il n’y a aucune scĂšne de sĂ©duction, l’entrĂ©e du train dans le tunnel est aussi directe, vue de l’extĂ©rieur, un ancĂȘtre du plan final de La Mort aux trousses, d’Alfred Hitchcock. En 1901, c’est au tour du rĂ©alisateur français Ferdinand Zecca, trĂšs attentif Ă  chaque sortie d’un film de G. A. Smith, de faire Une Idylle sous un tunnel, comme il a dĂ©jĂ  fait un Arroseur arrosĂ©, d’aprĂšs Louis LumiĂšre[5].

La Loupe de grand-maman (1900)

Les principaux apports au langage du cinĂ©ma naissant, que l’on doit Ă  George Albert Smith, apparaissent en 1900 avec La Loupe de grand-maman (Grandma’s Reading Glass), et avant, dans une moindre mesure, avec Ce qu'on voit dans un tĂ©lescope (As Seen Through a Telescope), parfois nommĂ© en français L’Astronome indiscret.

G. A. Smith systĂ©matise ce qu’il a Ă©prouvĂ© avec Le Baiser dans un tunnel, c’est-Ă -dire le dĂ©coupage d’une mĂȘme scĂšne en plusieurs plans. Dans Ce qu’on voit dans un tĂ©lescope, il intercale Ă  l’intĂ©rieur d’un plan large un gros plan destinĂ© Ă  expliquer l’action. Les cinĂ©astes de l’École de Brighton nommaient un gros plan a magnificent view, « une vue agrandie », c’est-Ă -dire magnifiĂ©e. L’argument de Ce qu’on voit dans un tĂ©lescope est trĂšs simple : Un vieil homme indiscret plante son tabouret en pleine rue pour braquer sa longue-vue sur les passants, et plus exactement sur une jeune femme qu’un bel homme aide Ă  poser ses pieds sur les pĂ©dales d’une bicyclette. Le galant en profite pour lui palper le mollet. Ce moment prĂ©cis est filmĂ© en gros plan, cerclĂ© en noir comme s’il Ă©tait vu Ă  travers le tĂ©lescope. LĂ  encore, ce geste caressant, projetĂ© sur grand Ă©cran, est connotĂ© libertinage Ă  cette Ă©poque. Et si le spectateur du film est choquĂ© et rĂ©clame une sanction, il l’obtient aussitĂŽt, mais en punition du vĂ©ritable fautif : le voyeur, que le galant, d’un habile croc-en-jambe, fait tomber de son siĂšge. En attendant, grĂące Ă  cet indiscret, le spectateur a pu partager en toute innocence le voyeurisme du vieillard.

« George Albert Smith a compris que le plan est l’unitĂ© crĂ©atrice du film. Il n’est pas seulement “une image”, il est l’outil qui permet de crĂ©er le temps et l’espace imaginaires du rĂ©cit filmique, au moyen de coupures dans l’espace et dans le temps chaque fois que l’on crĂ©e un nouveau plan que l’on ajoute au prĂ©cĂ©dent[6]. »

Dans La Loupe de grand-maman, G. A. Smith pousse sa dĂ©couverte plus loin en construisant son rĂ©cit avec 10 plans montĂ©s. 5 plans assurent la continuitĂ© de la scĂšne au montage, car ils sont issus du mĂȘme plan tournĂ©, cadrĂ© en plan amĂ©ricain (coupĂ© Ă  mi-cuisses), oĂč l’on voit une grand-mĂšre, penchĂ©e sur un travail de broderie, avec Ă  ses cĂŽtĂ©s son petit-fils qui se sert de la loupe de son aĂŻeule pour observer les objets qui l’entourent. IntercalĂ©s entre chaque tronçon de ce plan, cinq autres montrent ce que voit l’enfant : une coupure de journal (en dĂ©but de film), le mĂ©canisme d’une montre ouverte, un oiseau dans une cage, en trĂšs-gros plan l’Ɠil riboulant de la grand-mĂšre, et enfin un chaton dans son panier. « Pour ce faire, il dĂ©place Ă  chaque fois la camĂ©ra, filmant chacun des dĂ©tails selon un axe et un cadrage spĂ©cifiques[6]. »

L’historien Georges Sadoul en conclut trùs justement[7] :

« Cette alternance du gros plan et des plans gĂ©nĂ©raux dans une mĂȘme scĂšne est le principe du dĂ©coupage. Par lĂ , Smith crĂ©e le premier vĂ©ritable montage. »

Mais l’apport de George Albert Smith est encore plus impressionnant, quand on prend conscience que son film est basĂ© sur le plan subjectif, « un plan oĂč la camĂ©ra remplace le regard d’un personnage et montre ce qu’il voit, ce qui fait d’elle une camĂ©ra subjective. Le spectateur, par la grĂące de cette camĂ©ra subjective, emprunte ainsi le regard du personnage et s’identifie provisoirement Ă  lui. Dans le film fondateur de George Albert Smith, les plans oĂč le jeune garçon observe Ă  travers la loupe sont tous des plans subjectifs »[8].

La MĂ©saventure de Mary Jane (1903)

La MĂ©saventure de Mary Jane est un film lui aussi novateur. Inaugurant le nouveau studio de G. A. Smith, il est entiĂšrement tournĂ© devant des dĂ©cors. Pourtant, « les rĂ©alisateurs britanniques, formĂ©s par le plein air, lui restent le plus souvent fidĂšles, mĂȘme pour les films Ă  trucs[7] ». Allumer une cuisiniĂšre en y versant un bidon entier de paraffine, c’est ce qu’imagine une servante, Mary Jane, qui, dans l’explosion qui suit, va perdre la vie et se dĂ©sagrĂ©ger dans les airs. Une famille, venue mĂ©diter sur sa tombe, voit son fantĂŽme se lever du tertre pour aller rĂ©cupĂ©rer un objet que le fossoyeur n’a pas trouvĂ© bon de mettre en terre : son cher bidon de paraffine. Pour ce film, « George Albert Smith crĂ©e ce qu’on appelle en français une sĂ©quence, du latin sequentia, suite, c’est-Ă -dire une suite de plans dĂ©crivant une action qui se dĂ©roule en un lieu unique et dans un mĂȘme temps. Les sĂ©quences qui se rapportent Ă  la mĂȘme action mais qui sont tournĂ©es en plusieurs lieux et en plusieurs temps forment, elles, une scĂšne, qui n’a bien sĂ»r rien Ă  voir avec son homonyme au thĂ©Ăątre. » Ainsi, dans La MĂ©saventure de Mary Jane, George Albert Smith fabrique deux scĂšnes :

  1. la derniĂšre matinĂ©e de Mary Jane dans sa cuisine, qui se termine par l’explosion mortelle et l’expulsion du corps de la malheureuse servante par la cheminĂ©e et la retombĂ©e de ses restes sur les toits,
  2. la visite de sa tombe par une famille et l’apparition de son fantîme.

Ces deux scÚnes sont composées de trois séquences car elles se déroulent en trois lieux :

  1. la cuisine, oĂč Mary Jane provoque l’explosion fatale,
  2. la cheminĂ©e sur le toit, d’oĂč jaillissent les restes dĂ©membrĂ©s de Mary Jane,
  3. le cimetiùre, avec l’apparition fantomatique de Mary Jane[9] qui fait s’enfuir les visiteurs.

Les trois sĂ©quences racontent une seule histoire, et leur continuitĂ© est parfaite, un « volet » (procĂ©dĂ© de liaison entre deux plans, quand le premier est chassĂ© ou effacĂ© par l’apparition du second) permet de comprendre l’ellipse, Ă  la fois temporelle et spatiale, qui existe tout de suite aprĂšs la mort de Mary Jane, et avant le passage des visiteurs devant sa tombe.

Le Kinémacolor

En 1904, George Albert Smith perd la gestion du Parc floral de Hove, et pour marquer son dĂ©saccord, s’éloigne de la ville pour s’établir Ă  km, Ă  Southwick. Charles Urban lui propose de reprendre le projet de cinĂ©ma en couleurs qu’avait commencĂ© le chercheur Edward Raymond Turner, soutenu financiĂšrement par un certain Frederick Marshall Lee, puis par Charles Urban lui-mĂȘme, et qui Ă©tait mort un an auparavant. Ce procĂ©dĂ© complexe Ă  trois objectifs munis de trois filtres, prenant Ă  la suite trois photogrammes diffĂ©rents, apparaĂźt trĂšs vite Ă  G. A. Smith comme Ă©tant sans avenir, Ă  juste titre. Le rĂ©alisateur se prend au jeu de l’invention et dĂ©veloppe en une demi-douzaine d’annĂ©es un autre procĂ©dĂ©, inspirĂ© de l’original, mais plus simple, dont le premier film commercial, Un rĂȘve en couleur date de 1911. Ce procĂ©dĂ©, le KinĂ©macolor (Kinemacolor), pour lequel G. A. Smith reçoit une MĂ©daille d’argent de la SociĂ©tĂ© royale des arts (Royal Society of Arts) nĂ©cessite une camĂ©ra et un appareil de projection spĂ©cifiques. Les films paraissent bien en couleur, mais les inconvĂ©nients du KinĂ©macolor sont multiples : le bleu et le blanc sont peu ou mal rendus, les couleurs sont un peu pĂąteuses. Et surtout, le procĂ©dĂ© nĂ©cessite l’investissement d’un Ă©quipement qui fonctionne exclusivement pour le KinĂ©macolor. De plus, afin que le passage alternĂ©, d’une image filtrĂ©e en bleu-vert Ă  l’image suivante filtrĂ©e en rouge-orangĂ©, ne provoque pas un clignotement dĂ©sagrĂ©able Ă  l’Ɠil, la vitesse de prise de vues et de projection est portĂ©e Ă  32 images par seconde et se rĂ©vĂšle gourmande en pellicule.

Mais c’est un coup venu d’un habitant de Brighton mĂȘme qui va interrompre la carriĂšre de George Albert Smith. Un inventeur du nom de William Friese-Greene[10] qui, dĂ©jĂ  en 1891, clamait qu’il avait rĂ©alisĂ© des films avant William Kennedy Laurie Dickson, l’assistant de Thomas Edison et le premier rĂ©alisateur de films de l’histoire, travaille Ă  l’époque sur un procĂ©dĂ© semblable au KinĂ©macolor, le Biocolour. Bien que William Friese-Greene ne soit pas un concurrent dangereux sur le plan financier, Charles Urban lui fait savoir qu’il attaquera en justice son procĂ©dĂ© pour contrefaçon du KinĂ©macolor s’il prĂ©tend le commercialiser.

Friese-Greene fait appel, arguant que le brevet dĂ©posĂ© par Charles Urban est vague et incomplet et qu’il ne peut ĂȘtre opposĂ© Ă  tout autre procĂ©dĂ©. Il demande son invalidation et l’obtient en appel auprĂšs de la Chambre des lords en 1914. Sa victoire est vaine, son procĂ©dĂ© Biocolour ne convaincra jamais personne, alors que le procĂ©dĂ© de G. A. Smith permettra le tournage en couleur de quelque deux-cent cinquante films courts. Sans doute ulcĂ©rĂ© par la dĂ©marche de William Friese-Greene, George Albert Smith dĂ©cide alors de se retirer de la production et de la rĂ©alisation. De toute façon, son procĂ©dĂ© aurait Ă©tĂ© obsolĂšte dĂšs l’apparition du Technicolor amĂ©ricain pendant la guerre, dont la premiĂšre version, bi-chrome, ressemblait pourtant Ă©trangement au KinĂ©macolor.

DerniÚres années

AprĂšs la guerre, George Albert Smith se consacre Ă  l’observation des Ă©toiles et devient mĂȘme sociĂ©taire de l’AcadĂ©mie royale d’astronomie (Royal Astronomical Society). Un peu comme son ami Georges MĂ©liĂšs, il est redĂ©couvert tardivement par le milieu du cinĂ©ma britannique Ă  la fin des annĂ©es 1940 et il est fait sociĂ©taire de l’AcadĂ©mie du film britannique (British Film Academy) en 1955, quatre ans avant sa mort, Ă  l’ñge de 95 ans.

Filmographie

Comme réalisateur

Comme producteur

Comme directeur de la photographie

Comme scénariste

  • 1909 : Natural Colour Portraiture

Comme acteur

Notes et références

  1. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, Paris, Flammarion, , 719 p., p. 43
  2. http://www.victorian-cinema.net/gasmith (Frank Gray)
  3. « Who's Who of Victorian Cinema », sur victorian-cinema.net (consulté le ).
  4. (en) Charles Musser, History of the American Cinema, Volume 1, The Emergence of Cinema, The American Screen to 1907, New York, Charles Scribner’s Sons, , 613 p. (ISBN 0-684-18413-3), p. 429
  5. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 76
  6. Briselance et Morin 2010, p. 67
  7. Sadoul 1968, p. 43
  8. Briselance et Morin 2010, p. 75
  9. Briselance et Morin 2010, p. 115
  10. Musser 1990, p. 68

Liens externes

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