George Albert Smith (réalisateur)
George Albert Smith est un réalisateur, producteur et inventeur britannique, né le à Londres et mort le à Brighton (Sussex de l'Est).
Naissance |
Londres, Royaume-Uni |
---|---|
Nationalité | Anglaise |
DĂ©cĂšs |
Brighton, Royaume-Uni |
Profession | RĂ©alisateur, inventeur |
Films notables |
Le Baiser dans un tunnel Ce qu'on voit dans un télescope La Loupe de grand-maman La Mésaventure de Mary Jane |
Inventeur en 1906, avec le soutien financier de Charles Urban, du procĂ©dĂ© de film en couleurs KinĂ©macolor qui a eu son heure de gloire et a sans doute inspirĂ© les inventeurs du Technicolor, il fait partie de l'Ăcole de Brighton, courant cinĂ©matographique britannique. Son influence esthĂ©tique sur les cinĂ©astes amĂ©ricains et europĂ©ens est primordiale, bien que lui-mĂȘme n'ait jamais Ă©tĂ© conscient de son importance sur ce plan, privilĂ©giant plutĂŽt son invention du KinĂ©macolor[1].
Biographie
DĂ©buts prometteurs
George Albert Smith est nĂ© Ă Londres en 1864, Ă Cripplegate, un quartier aujourdâhui reconstruit aprĂšs sa destruction totale pendant les bombardements allemands de 1940-1941 (le Blitz). AprĂšs la mort de son pĂšre, Charles Smith, sa mĂšre sâinstalle avec son fils Ă Brighton, cĂ©lĂšbre station balnĂ©aire du sud de lâAngleterre (Sussex de l'Est), oĂč elle sâoccupe dâune pension de famille. Au dĂ©but des annĂ©es 1880, George Albert Smith se fait remarquer trĂšs jeune comme hypnotiseur. Puis il monte avec un partenaire un spectacle de tĂ©lĂ©pathie au grand Aquarium de Brighton, ce qui lui permet dâadhĂ©rer Ă la SociĂ©tĂ© de recherches psychiques (Society for Psychical Research), qui sâintĂ©resse aux manifestations paranormales. Il en devient mĂȘme le secrĂ©taire pendant cinq ans[2].
En 1892, Ă 28 ans, il obtient la gestion des St. Annâs Well Gardens, le Parc floral de Hove (ville jumelle de Brighton). Sa contribution dans le renouvellement des attractions proposĂ©es au public du parc est Ă©clectique et pleine dâimagination : envol de montgolfiĂšres, exhibition de singes en cages, sauts en « parachute », diseuse de bonne aventure, une grotte oĂč lâon peut admirer un ermite, et surtout des projections de photographies sur verre avec un duo de lanternes magiques qui autorise les dissolving views, les fondus enchaĂźnĂ©s entre chaque photographie. En France, câest Georges MĂ©liĂšs qui aura lâidĂ©e de transposer au cinĂ©ma lâeffet du duo de lanternes, Georges MĂ©liĂšs qui va nouer des liens Ă©troits avec ses amis anglais. Mais en 1896, Georges MĂ©liĂšs, aussi bien que George Albert Smith, qui connaissent dĂ©jĂ les films de cinĂ©ma venus des Ătats-Unis, rĂ©alisĂ© par William Kennedy Laurie Dickson pour Thomas Edison et que l'on visionne individuellement sur les kinĂ©toscopes, viennent aussi de dĂ©couvrir la projection sur Ă©cran en assistant Ă une sĂ©ance de projection de « vues photographiques animĂ©es » des frĂšres LumiĂšre. Pour lâun comme pour lâautre, câest une rĂ©vĂ©lation. George Albert Smith sâaperçoit alors que cette activitĂ© existe dĂ©jĂ en Angleterre, sous la houlette de Robert W. Paul qui organise, un mois seulement aprĂšs celles des industriels lyonnais, des projections de films au format Edison (35 mm Ă 2 jeux de 4 perforations rectangulaires par photogramme). Les frĂšres LumiĂšre, qui ne veulent pas ĂȘtre poursuivis pour contrefaçon par lâinventeur et industriel amĂ©ricain, utilisent un film diffĂ©rent au format LumiĂšre (35 mm Ă 2 jeux de 2 perforations rondes par photogramme, un format qui sera abandonnĂ© par la suite). Edison avait concĂ©dĂ© par contrat lâautorisation Ă diverses sociĂ©tĂ©s britanniques dâexploiter la machine Ă visionner ses films et le premier Kinetoscope Parlor en Europe fut ouvert Ă Londres le , qui rencontra immĂ©diatement le mĂȘme succĂšs public quâĂ New York ou dans dâautres grandes villes amĂ©ricaines. Edison ayant commis lâimprudence de ne pas protĂ©ger Ă lâĂ©tranger sa machine (qui pour lui nâĂ©tait quâun premier pas - provisoire - vers son but : coupler lâimage et le son), deux commerçants anglais demandĂšrent Ă Robert William Paul de fabriquer pour eux des contrefaçons de l'appareil. R. W. Paul accepta, remplit son contrat puis sâattela pour son compte Ă la commercialisation de kinĂ©toscopes piratĂ©s. Et câĂ©tait pour alimenter en films originaux ces machines de contrebande que R. W. Paul Ă©tait devenu le premier rĂ©alisateur de films britannique.
De son cĂŽtĂ©, George Albert Smith fait la connaissance dâun droguiste de Brighton, James Williamson, qui tient une boutique de fournitures pour photographes (plaques photosensibles, rĂ©vĂ©lateur, fixateur, etc). Ils sâassocient pour financer la construction dâun modĂšle de camĂ©ra qui va leur permettre de faire eux-mĂȘmes des films, encouragĂ©s en cela par R. W. Paul. Tandis que James Williamson Ă©tudie et met au point des installations pour dĂ©velopper des pellicules 35 mm, George Albert Smith transforme un pavillon thermal en laboratoire de cinĂ©ma, dĂ©veloppement et tirage de copies. Suit bientĂŽt un appareil de projection maison qui fait des deux hommes les premiers cinĂ©astes britanniques aprĂšs R. W. Paul. Mais ils produisent et rĂ©alisent sĂ©parĂ©ment leurs films.
Innovations
Le , George Albert Smith ajoute des films Ă son programme de projections de vues photographiques fixes. Câest ainsi que paraissent ses premiers films, trĂšs influencĂ©s par ce quâapporte Georges MĂ©liĂšs avec ses « tableaux », ainsi quâil nomme ses prises de vues, oĂč lâon retrouve lâambiance des numĂ©ros de variĂ©tĂ©s au music-hall. Un certain Charles Urban, rĂ©alisateur amĂ©ricain venu sâinstaller Ă Brighton en cette annĂ©e 1897, achĂšte ses films par le biais de sa sociĂ©tĂ©, la Warwick Trading Company. LâAmĂ©ricain organise mĂȘme des sĂ©ances oĂč sont prĂ©sentĂ©s conjointement des films de G. A. Smith et de G. MĂ©liĂšs. Câest ainsi quâen 1899, grĂące Ă lâappui financier de Charles Urban, G. A. Smith fait construire, Ă lâimitation de MĂ©liĂšs, un studio de prises de vues animĂ©es entiĂšrement vitrĂ©, dans le parc floral de Hove, quâil continue Ă diriger en plus de sa nouvelle activitĂ© de cinĂ©aste [3].
Les Rayons X (1897)
C'est un des premiers films Ă effets spĂ©ciaux. Il emploie l'effet arrĂȘt de camĂ©ra dĂ©jĂ utilisĂ© dĂšs 1895 par un rĂ©alisateur de l'Ă©quipe de Thomas Edison, William Heise, et repris en 1896 par Georges MĂ©liĂšs dans une bonne partie de ses rĂ©alisations, dont son cĂ©lĂšbre Escamotage d'une dame au thĂ©Ăątre Robert-Houdin.
Le Baiser dans un tunnel (1899)
Il se permet de jouer dans lâun de ses films, The Kiss in the Tunnel, en compagnie de Mme G. A. Smith, la comĂ©dienne Laura Bayley. Avec ce film, il sâĂ©carte totalement des univers de Louis LumiĂšre et de Georges MĂ©liĂšs. Dâabord, il aborde le sujet dĂ©licat des rapports amoureux, mĂȘme sâil ne sâagit que d'un baiser sur la bouche. Rappelons quâen ces annĂ©es « victoriennes », tout ce qui touche au sexe est considĂ©rĂ© comme obscĂšne. Un baiser public projetĂ© sur grand Ă©cran reprĂ©sente un spectacle osĂ© pour l'Ă©poque. Mais surtout, avec son film, G. A. Smith essaye ce quâaucun de ses confrĂšres nâa encore jamais fait : il effectue un montage de deux plans, qui n'est pas un simple bout Ă bout par commoditĂ© de projection.
- Lâun des plans est empruntĂ© Ă un collĂšgue britannique, Cecil Hepworth, qui a eu lâidĂ©e de crĂ©er un effet tout nouveau Ă lâĂ©poque et stupĂ©fiant pour les spectateurs, quâil a baptisĂ© Phantom train ride (course du train fantĂŽme). Il a disposĂ© sa camĂ©ra sur un wagon-plateforme, poussĂ© par une locomotive et a filmĂ© la course, agrĂ©mentĂ©e par le croisement dâun autre train, puis lâentrĂ©e et la sortie dâun tunnel (plongeant lâimage dans le noir, puis lui redonnant la lumiĂšre du jour). La course de la locomotive se transforme en une sorte de survol de la voie de chemin de fer par une entitĂ© non identifiable, puisque le cadre de lâimage ne comporte aucun accessoire qui pourrait rĂ©vĂ©ler que la camĂ©ra est embarquĂ©e sur une locomotive (montants de fer de lâabri de conduite par exemple). La camĂ©ra semble voler dans les airs, comme on peut imaginer quâun ĂȘtre immatĂ©riel se dĂ©place en lĂ©vitation. Cette image est frappante et aux Ătats-Unis, elle frappe lâimagination dâun certain George Hale qui crĂ©era, aprĂšs en avoir dĂ©posĂ© lâidĂ©e, les Haleâs Tours and Scenes of the World (les Circuits Hale & des images du monde), mais on peut remarquer que le nom de lâinventeur forme une paronomase avec le mot Enfers (Hale, Hell), qui sous-entend lâappellation : « Circuits des Enfers »[4].
- George Albert Smith coupe ce plan en deux, et intercale entre les deux tronçons un plan tournĂ© dans son studio, qui est la scĂšne du baiser interprĂ©tĂ© par son Ă©pouse et lui-mĂȘme (le dĂ©tail de leur relation conjugale est important, la comĂ©dienne est donnĂ©e pour ĂȘtre Mme Smith, ce qui rend ce baiser plus convenable). La fenĂȘtre du compartiment sâouvre sur du noir, ce qui est normal puisque le train est dans le tunnel, et ne donne ainsi aucun souci technique au rĂ©alisateur qui nâa pas besoin de rĂ©soudre le problĂšme Ă©pineux de faire apparaĂźtre par cette fenĂȘtre un paysage en mouvement.
Ce film dure une minute. Ă lâĂ©poque, la notion de court-mĂ©trage nâexiste pas, tous les films font environ une minute. Il sâagit donc dâun film complet. On assiste Ă la sĂ©duction de la voyageuse, un baiser dâabord, puis le sĂ©ducteur se rassied, Ă©crasant par mĂ©garde son chapeau, se relĂšve pour un second baiser, puis revient Ă sa place et se replonge dans la lecture de son journal. Juste Ă temps avant que le train ne sorte du tunnel. Le succĂšs est immĂ©diat, le sujet lĂ©ger et son habile mĂ©lange avec le Phantom train ride font que ce film plaĂźt. Il est immĂ©diatement copiĂ© par James Bamforth, qui vend des photos sur verre et des cartes postales Ă Brighton, mais avec beaucoup moins de talent, la phase de sĂ©duction est absente et le couple semble se connaĂźtre depuis longtemps. Dans ce dernier film, le train ne sort pas du tunnel, il arrive plus banalement dans une gare. Mais en revanche, de mĂȘme quâil nây a aucune scĂšne de sĂ©duction, lâentrĂ©e du train dans le tunnel est aussi directe, vue de lâextĂ©rieur, un ancĂȘtre du plan final de La Mort aux trousses, dâAlfred Hitchcock. En 1901, câest au tour du rĂ©alisateur français Ferdinand Zecca, trĂšs attentif Ă chaque sortie dâun film de G. A. Smith, de faire Une Idylle sous un tunnel, comme il a dĂ©jĂ fait un Arroseur arrosĂ©, dâaprĂšs Louis LumiĂšre[5].
La Loupe de grand-maman (1900)
Les principaux apports au langage du cinĂ©ma naissant, que lâon doit Ă George Albert Smith, apparaissent en 1900 avec La Loupe de grand-maman (Grandmaâs Reading Glass), et avant, dans une moindre mesure, avec Ce qu'on voit dans un tĂ©lescope (As Seen Through a Telescope), parfois nommĂ© en français LâAstronome indiscret.
G. A. Smith systĂ©matise ce quâil a Ă©prouvĂ© avec Le Baiser dans un tunnel, câest-Ă -dire le dĂ©coupage dâune mĂȘme scĂšne en plusieurs plans. Dans Ce quâon voit dans un tĂ©lescope, il intercale Ă lâintĂ©rieur dâun plan large un gros plan destinĂ© Ă expliquer lâaction. Les cinĂ©astes de lâĂcole de Brighton nommaient un gros plan a magnificent view, « une vue agrandie », câest-Ă -dire magnifiĂ©e. Lâargument de Ce quâon voit dans un tĂ©lescope est trĂšs simple : Un vieil homme indiscret plante son tabouret en pleine rue pour braquer sa longue-vue sur les passants, et plus exactement sur une jeune femme quâun bel homme aide Ă poser ses pieds sur les pĂ©dales dâune bicyclette. Le galant en profite pour lui palper le mollet. Ce moment prĂ©cis est filmĂ© en gros plan, cerclĂ© en noir comme sâil Ă©tait vu Ă travers le tĂ©lescope. LĂ encore, ce geste caressant, projetĂ© sur grand Ă©cran, est connotĂ© libertinage Ă cette Ă©poque. Et si le spectateur du film est choquĂ© et rĂ©clame une sanction, il lâobtient aussitĂŽt, mais en punition du vĂ©ritable fautif : le voyeur, que le galant, dâun habile croc-en-jambe, fait tomber de son siĂšge. En attendant, grĂące Ă cet indiscret, le spectateur a pu partager en toute innocence le voyeurisme du vieillard.
« George Albert Smith a compris que le plan est lâunitĂ© crĂ©atrice du film. Il nâest pas seulement âune imageâ, il est lâoutil qui permet de crĂ©er le temps et lâespace imaginaires du rĂ©cit filmique, au moyen de coupures dans lâespace et dans le temps chaque fois que lâon crĂ©e un nouveau plan que lâon ajoute au prĂ©cĂ©dent[6]. »
Dans La Loupe de grand-maman, G. A. Smith pousse sa dĂ©couverte plus loin en construisant son rĂ©cit avec 10 plans montĂ©s. 5 plans assurent la continuitĂ© de la scĂšne au montage, car ils sont issus du mĂȘme plan tournĂ©, cadrĂ© en plan amĂ©ricain (coupĂ© Ă mi-cuisses), oĂč lâon voit une grand-mĂšre, penchĂ©e sur un travail de broderie, avec Ă ses cĂŽtĂ©s son petit-fils qui se sert de la loupe de son aĂŻeule pour observer les objets qui lâentourent. IntercalĂ©s entre chaque tronçon de ce plan, cinq autres montrent ce que voit lâenfant : une coupure de journal (en dĂ©but de film), le mĂ©canisme dâune montre ouverte, un oiseau dans une cage, en trĂšs-gros plan lâĆil riboulant de la grand-mĂšre, et enfin un chaton dans son panier. « Pour ce faire, il dĂ©place Ă chaque fois la camĂ©ra, filmant chacun des dĂ©tails selon un axe et un cadrage spĂ©cifiques[6]. »
Lâhistorien Georges Sadoul en conclut trĂšs justement[7] :
« Cette alternance du gros plan et des plans gĂ©nĂ©raux dans une mĂȘme scĂšne est le principe du dĂ©coupage. Par lĂ , Smith crĂ©e le premier vĂ©ritable montage. »
Mais lâapport de George Albert Smith est encore plus impressionnant, quand on prend conscience que son film est basĂ© sur le plan subjectif, « un plan oĂč la camĂ©ra remplace le regard dâun personnage et montre ce quâil voit, ce qui fait dâelle une camĂ©ra subjective. Le spectateur, par la grĂące de cette camĂ©ra subjective, emprunte ainsi le regard du personnage et sâidentifie provisoirement Ă lui. Dans le film fondateur de George Albert Smith, les plans oĂč le jeune garçon observe Ă travers la loupe sont tous des plans subjectifs »[8].
La MĂ©saventure de Mary Jane (1903)
La MĂ©saventure de Mary Jane est un film lui aussi novateur. Inaugurant le nouveau studio de G. A. Smith, il est entiĂšrement tournĂ© devant des dĂ©cors. Pourtant, « les rĂ©alisateurs britanniques, formĂ©s par le plein air, lui restent le plus souvent fidĂšles, mĂȘme pour les films Ă trucs[7] ». Allumer une cuisiniĂšre en y versant un bidon entier de paraffine, câest ce quâimagine une servante, Mary Jane, qui, dans lâexplosion qui suit, va perdre la vie et se dĂ©sagrĂ©ger dans les airs. Une famille, venue mĂ©diter sur sa tombe, voit son fantĂŽme se lever du tertre pour aller rĂ©cupĂ©rer un objet que le fossoyeur nâa pas trouvĂ© bon de mettre en terre : son cher bidon de paraffine. Pour ce film, « George Albert Smith crĂ©e ce quâon appelle en français une sĂ©quence, du latin sequentia, suite, câest-Ă -dire une suite de plans dĂ©crivant une action qui se dĂ©roule en un lieu unique et dans un mĂȘme temps. Les sĂ©quences qui se rapportent Ă la mĂȘme action mais qui sont tournĂ©es en plusieurs lieux et en plusieurs temps forment, elles, une scĂšne, qui nâa bien sĂ»r rien Ă voir avec son homonyme au thĂ©Ăątre. » Ainsi, dans La MĂ©saventure de Mary Jane, George Albert Smith fabrique deux scĂšnes :
- la derniĂšre matinĂ©e de Mary Jane dans sa cuisine, qui se termine par lâexplosion mortelle et lâexpulsion du corps de la malheureuse servante par la cheminĂ©e et la retombĂ©e de ses restes sur les toits,
- la visite de sa tombe par une famille et lâapparition de son fantĂŽme.
Ces deux scÚnes sont composées de trois séquences car elles se déroulent en trois lieux :
- la cuisine, oĂč Mary Jane provoque lâexplosion fatale,
- la cheminĂ©e sur le toit, dâoĂč jaillissent les restes dĂ©membrĂ©s de Mary Jane,
- le cimetiĂšre, avec lâapparition fantomatique de Mary Jane[9] qui fait sâenfuir les visiteurs.
Les trois sĂ©quences racontent une seule histoire, et leur continuitĂ© est parfaite, un « volet » (procĂ©dĂ© de liaison entre deux plans, quand le premier est chassĂ© ou effacĂ© par lâapparition du second) permet de comprendre lâellipse, Ă la fois temporelle et spatiale, qui existe tout de suite aprĂšs la mort de Mary Jane, et avant le passage des visiteurs devant sa tombe.
Le Kinémacolor
En 1904, George Albert Smith perd la gestion du Parc floral de Hove, et pour marquer son dĂ©saccord, sâĂ©loigne de la ville pour sâĂ©tablir Ă 5 km, Ă Southwick. Charles Urban lui propose de reprendre le projet de cinĂ©ma en couleurs quâavait commencĂ© le chercheur Edward Raymond Turner, soutenu financiĂšrement par un certain Frederick Marshall Lee, puis par Charles Urban lui-mĂȘme, et qui Ă©tait mort un an auparavant. Ce procĂ©dĂ© complexe Ă trois objectifs munis de trois filtres, prenant Ă la suite trois photogrammes diffĂ©rents, apparaĂźt trĂšs vite Ă G. A. Smith comme Ă©tant sans avenir, Ă juste titre. Le rĂ©alisateur se prend au jeu de lâinvention et dĂ©veloppe en une demi-douzaine dâannĂ©es un autre procĂ©dĂ©, inspirĂ© de lâoriginal, mais plus simple, dont le premier film commercial, Un rĂȘve en couleur date de 1911. Ce procĂ©dĂ©, le KinĂ©macolor (Kinemacolor), pour lequel G. A. Smith reçoit une MĂ©daille dâargent de la SociĂ©tĂ© royale des arts (Royal Society of Arts) nĂ©cessite une camĂ©ra et un appareil de projection spĂ©cifiques. Les films paraissent bien en couleur, mais les inconvĂ©nients du KinĂ©macolor sont multiples : le bleu et le blanc sont peu ou mal rendus, les couleurs sont un peu pĂąteuses. Et surtout, le procĂ©dĂ© nĂ©cessite lâinvestissement dâun Ă©quipement qui fonctionne exclusivement pour le KinĂ©macolor. De plus, afin que le passage alternĂ©, dâune image filtrĂ©e en bleu-vert Ă lâimage suivante filtrĂ©e en rouge-orangĂ©, ne provoque pas un clignotement dĂ©sagrĂ©able Ă lâĆil, la vitesse de prise de vues et de projection est portĂ©e Ă 32 images par seconde et se rĂ©vĂšle gourmande en pellicule.
Mais câest un coup venu dâun habitant de Brighton mĂȘme qui va interrompre la carriĂšre de George Albert Smith. Un inventeur du nom de William Friese-Greene[10] qui, dĂ©jĂ en 1891, clamait quâil avait rĂ©alisĂ© des films avant William Kennedy Laurie Dickson, lâassistant de Thomas Edison et le premier rĂ©alisateur de films de lâhistoire, travaille Ă lâĂ©poque sur un procĂ©dĂ© semblable au KinĂ©macolor, le Biocolour. Bien que William Friese-Greene ne soit pas un concurrent dangereux sur le plan financier, Charles Urban lui fait savoir quâil attaquera en justice son procĂ©dĂ© pour contrefaçon du KinĂ©macolor sâil prĂ©tend le commercialiser.
Friese-Greene fait appel, arguant que le brevet dĂ©posĂ© par Charles Urban est vague et incomplet et quâil ne peut ĂȘtre opposĂ© Ă tout autre procĂ©dĂ©. Il demande son invalidation et lâobtient en appel auprĂšs de la Chambre des lords en 1914. Sa victoire est vaine, son procĂ©dĂ© Biocolour ne convaincra jamais personne, alors que le procĂ©dĂ© de G. A. Smith permettra le tournage en couleur de quelque deux-cent cinquante films courts. Sans doute ulcĂ©rĂ© par la dĂ©marche de William Friese-Greene, George Albert Smith dĂ©cide alors de se retirer de la production et de la rĂ©alisation. De toute façon, son procĂ©dĂ© aurait Ă©tĂ© obsolĂšte dĂšs lâapparition du Technicolor amĂ©ricain pendant la guerre, dont la premiĂšre version, bi-chrome, ressemblait pourtant Ă©trangement au KinĂ©macolor.
DerniÚres années
AprĂšs la guerre, George Albert Smith se consacre Ă lâobservation des Ă©toiles et devient mĂȘme sociĂ©taire de lâAcadĂ©mie royale dâastronomie (Royal Astronomical Society). Un peu comme son ami Georges MĂ©liĂšs, il est redĂ©couvert tardivement par le milieu du cinĂ©ma britannique Ă la fin des annĂ©es 1940 et il est fait sociĂ©taire de lâAcadĂ©mie du film britannique (British Film Academy) en 1955, quatre ans avant sa mort, Ă lâĂąge de 95 ans.
Filmographie
Comme réalisateur
- 1897 : Weary Willie
- 1897 : Tipsy-Topsy-Turvy
- 1897 : The Sign Writer
- 1897 : Nursing the Baby
- 1897 : Making Sausages
- 1897 : The Maid in the Garden
- 1897 : The Haunted Castle
- 1897 : Hanging Out the Clothes
- 1897 : Gymnastics - Indian Club Performer
- 1897 : Comic Shaving
- 1897 : Comic Face
- 1897 : Children Paddling at the Seaside
- 1897 : The X-Ray Fiend
- 1898 : Vagues et Embruns (Waves and Spray)
- 1898 : The Runaway Knock
- 1898 : A Practical Joke
- 1898 : The Policeman, the Cook and the Copper
- 1898 : Photographing a Ghost
- 1898 : Le Meunier et le Ramoneur (The Miller and the Sweep)
- 1898 : Le Mesmerien (The Mesmerist)
- 1898 : La Femme BarbiĂšre (The Lady Barber)
- 1898 : Faust and Mephistopheles
- 1898 : Les FrĂšres corses (The Corsican Brothers)
- 1898 : Cendrillon (Cinderella)
- 1898 : Animated Clown Portrait
- 1898 : Ally Sloper
- 1898 : Saint-Nicolas (Santa Claus)
- 1899 : The Legacy
- 1899 : Le Baiser dans un tunnel (The Kiss in the Tunnel)
- 1899 : A Good Joke
- 1899 : Aladdin and the Wonderful Lamp
- 1900 : The Two Old Sports
- 1900 : Two Grinning Yokels
- 1900 : Letty Limelight in Her Lair
- 1900 : Laissez-moi rĂȘver encore (Let Me Dream Again)
- 1900 : A Jolly Old Couple
- 1900 : An Incident on Brighton Pier
- 1900 : The Old maid's valentine
- 1900 : The House that Jack Built
- 1900 : The Conjurer
- 1900 : Scandale au-dessus d'une Tasse de Thé (Scandal Over the Teacups)
- 1900 : Grand-maman Enfilant une Aiguille (Grandma Threading Her Needle)
- 1900 : Ce qu'on voit dans un télescope (As Seen Through a Telescope)
- 1900 : La Loupe de grand-maman (Grandma's Reading Glass)
- 1900 : Spiders on a Web
- 1901 : Whiskey Versus Bullets
- 1901 : The Death of Poor Joe
- 1901 : Photograph from an Area Window
- 1901 : The Monocle: Me and Joe Chamberlain
- 1901 : The Little Doctors
- 1901 : The Little Doctor and the Sick Kitten
- 1901 : The Last Glass of the Two Old Sports
- 1901 : The Kitten Nursery
- 1901 : Une Bonne Histoire (A Good Story)
- 1901 : The Bill Poster's Revenge
- 1901 : The Inexhaustible Cab
- 1902 : Deux Vieux Beaux au Music-Hall (The Two Old Sports at the Music Hall)
- 1902 : Too Much of a Good Thing
- 1902 : Oh That Collar Button!
- 1902 : Les Contes de ma mĂšre l'Oye (Mother Goose Nursery Rhymes)
- 1902 : The Cakewalk
- 1902 : The Comedian and the Flypaper
- 1902 : Grandma Threading Her Needle
- 1903 : Le Chaton malade (Sick Kitten)
- 1903 : Dorothy's Dream
- 1903 : La MĂ©saventure de Mary Jane (Mary Jane's Mishap)
- 1903 : Pa's Comment on the Morning News
- 1903 : The Monk in the Monastery Wine Cellar
- 1903 : After Dark; or, the Policeman and His Lantern
- 1904 : The Baby and the Ape
- 1908 : A Visit to the Seaside
- 1909 : Natural Colour Portraiture
- 1909 : Kinemacolor Puzzle
Comme producteur
- 1897 : The Haunted Castle
- 1897 : The X-Ray Fiend
- 1898 : Vagues et embruns (Waves and Spray)
- 1898 : Photographing a Ghost
- 1898 : Le Meunier et le Ramoneur (The Miller and the Sweep)
- 1898 : Faust and Mephistopheles
- 1898 : Les FrĂšres corses (The Corsican Brothers)
- 1899 : Saint-Nicolas (Santa Claus)'
- 1899 : The Legacy
- 1899 : The Kiss in the Tunnel
- 1899 : Aladdin and the Wonderful Lamp
- 1900 : Laissez-moi rĂȘver encore (Let Me Dream Again)
- 1900 : The House that Jack Built
- 1900 : Ce qu'on voit dans un télescope (As Seen Through a Telescope)
- 1900 : La Loupe de grand-maman (Grandma's Reading Glass)
- 1902 : Deux Vieux Beaux au Music-Hall (The Two Old Sports at the Music Hall)
- 1902 : Les Contes de ma mĂšre l'Oye (Mother Goose Nursery Rhymes)
- 1903 : Sick Kitten
- 1903 : Dorothy's Dream
- 1903 : La MĂ©saventure de Mary Jane (Mary Jane's Mishap)
- 1908 : A Visit to the Seaside
- 1909 : Kinemacolor Puzzle
- 1935 : The Right Age to Marry
- 1935 : Old Faithful
- 1936 : Twice Branded
- 1936 : A Touch of the Moon
- 1936 : To Catch a Thief
- 1936 : The Shadow of Mike Emerald
- 1936 : Prison Breaker
- 1936 : Nothing Like Publicity
- 1936 : Not So Dusty
- 1937 : Strange Adventures of Mr. Smith
- 1937 : The Heirloom Mystery
- 1937 : Fifty-Shilling Boxer
- 1937 : Father Steps Out
- 1937 : Busman's Holiday
- 1937 : All That Glitters
- 1938 : Why Pick on Me?
- 1938 : Romance Ă la carte
- 1938 : Racing Romance
- 1938 : Merely Mr. Hawkins
- 1938 : His Lordship Regrets
- 1938 : Easy Riches
- 1938 : Weddings Are Wonderful
Comme directeur de la photographie
- 1899 : Le Baiser dans un tunnel (The Kiss in the tunnel)
- 1900 : Ce qu'on voit dans un télescope (As Seen Through a Telescope)
Comme scénariste
- 1909 : Natural Colour Portraiture
Comme acteur
- 1899 : Le Baiser dans un tunnel (The Kiss in the tunnel)
Notes et références
- Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, des origines à nos jours, Paris, Flammarion, , 719 p., p. 43
- http://www.victorian-cinema.net/gasmith (Frank Gray)
- « Who's Who of Victorian Cinema », sur victorian-cinema.net (consulté le ).
- (en) Charles Musser, History of the American Cinema, Volume 1, The Emergence of Cinema, The American Screen to 1907, New York, Charles Scribnerâs Sons, , 613 p. (ISBN 0-684-18413-3), p. 429
- Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 76
- Briselance et Morin 2010, p. 67
- Sadoul 1968, p. 43
- Briselance et Morin 2010, p. 75
- Briselance et Morin 2010, p. 115
- Musser 1990, p. 68
Liens externes
- (en) George Albert Smith sur Screenonline.org
- (en) George Albert Smith sur Victorian-cinema.net
- Ressources relatives Ă l'audiovisuel :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :