Pangasianodon hypophthalmus
Pangasianodon hypophthalmus (anciennement Pangasius hypophthalmus ou Pangasius sutchi[1]) est une espÚce de poissons de la famille des Pangasiidae. Il est généralement commercialisé sous le nom de panga en Europe, mais ce terme peut aussi désigner d'autres espÚces.
- Pangasius hypophthalmus (Sauvage, 1878)
- Pangasius sutchi (Fowler, 1937)
Bien qu'il soit parfois appelé « requin siamois » (et en anglais «iridescent shark», requin iridescent), il n'est pas apparenté aux requins mais aux siluriformes (poissons-chats).
Il vit naturellement en Asie du Sud-Est, dans le bassin du Mékong ainsi que dans le bassin de la riviÚre Chao Phraya. Il est maintenant largement élevé en piscicultures, y compris dans d'autres bassins fluviaux.
Câest un grand poisson (jusqu'Ă 1,30 m et 44 kg Ă l'Ă©tat libre dans son milieu naturel), migrateur, omnivore[2] capable de trouver sa nourriture dans les eaux turbides des grands fleuves mais aussi dans les zones inondĂ©es[3]. Il sây nourrit de poissons, de crustacĂ©s et de dĂ©bris vĂ©gĂ©taux[3]. En pisciculture, il est commercialisĂ© lorsque son poids atteint 900 g Ă 1,5 kg correspondant Ă une taille de 35 Ă 55 cm environ. Une grande partie de son poids est comprise dans sa carapace cĂ©phalique propre aux poissons de l'ordre des Siluriformes.
Parfois vendu comme poisson dâaquarium, il fait maintenant lâobjet dâune importante aquaculture commerciale en Asie du Sud-Est.
Il est notamment devenu l'une des plus importantes espĂšces aquicoles en ThaĂŻlande[4].
DĂ©nominations
Il est pĂȘchĂ© et vendu sous de nombreux noms :
- « Iridescent shark-catfish » pour les anglo-saxons
- Striped catfish » remplace l'ancien nom « Sutchi catfish » pour la FAO
- Il est maintenant lĂ©galement obligatoirement nommĂ© « Swai » aux Ătats-Unis pour ne plus ĂȘtre confondu avec des poissons-chats locaux.
- « Haimonni » en Finlande
- « Haiwels » en Allemagne
- « Hajmal » en SuÚde
- « Sutchi-hajmalle » pour les danois
- « CĂĄ Tra » ou « CĂĄ Tra yĂȘu » au Vietnam
- « Pa sooai », « Pa sooai khaeo » ou « Pa souay kheo » au Laos
- « Pla sawai » en Thaïlande, ,
- « Trey pra » (áááážáááá¶) au Cambodge
- Patin siam ou lele bangkok en Indonésie,
- « Thailand catfish » à Taïwan
On l'appelle aussi souvent « panga », ce qui ne permet pas de le distinguer d'autres espÚces également nommées Panga[5] - [6].
Habitats
Câest un poisson migrateur, mais rĂ©putĂ© benthopĂ©lagique et potamodrome, câest-Ă -dire vivant dans de grandes Ă©tendues dâeaux profondes[7] des eaux douces et chaudes des zones tropicales (tempĂ©rature de 22 Ă 26 °C, voire jusqu'Ă 35 °C). Il vit dans une eau dont le pH varie de 6.5 (en saison des pluies) Ă 7.5 pour une duretĂ© variant de 2 Ă 29 dH. Ses habitats varient tout au long de l'annĂ©e. En pleine saison des pluies, il peut ĂȘtre trouvĂ© loin des fleuves dans les zones inondĂ©es qu'il quittera pour redescendre vers l'estuaire Ă la fin de cette saison. Il peut vivre sans impact nĂ©gatif sur sa croissance jusqu'Ă une salinitĂ© de 13 ppt.
Il possÚde des branchies bien développées et une vessie natatoire modifiée qui lui permet de capter l'oxygÚne en surface. En cas d'hypoxie, le poisson complÚte donc sa respiration aquatique par une respiration aérienne adaptée, lui permettant de survivre en eau faiblement oxygénée[8].
Aire de répartition
Il semble endĂ©mique du bassin du MĂ©kong et de la riviĂšre Chao Phraya, mais il pourrait peut-ĂȘtre vivre dans dâautres bassins de la rĂ©gion (Vietnam, Cambodge, ThaĂŻlande et LaosâŠ). Il a Ă©tĂ© introduit en divers endroits pour lâaquaculture dont au moins au Bangladesh, peut-ĂȘtre en Chine, aux Philippines, Ă Singapour, Ă TaĂŻwan, avec des impacts Ă©cologiques nĂ©gatifs possibles ou probables Ă TaĂŻwan et Singapour[9].
Description
- Corps d'aspect brillant et irisé chez les subadultes, gris, plus foncé sur le dessus chez l'adulte.
- Il peut atteindre 130 cm dans la nature[10]; pour un poids maximum publié de 44,0 kg en liberté ;
- Nageoires gris foncé ou noires ; nageoire dorsale à 6 rayons ;
- Ligne noire au milieu de la nageoire anale ;
- Bande sombre sur chaque lobe de la nageoire caudale (nageoire rosée chez l'adulte) ;
- Branchies normalement développées, avec branchies de petite taille intercalées entre des branchies plus grandes ;
- Les jeunes sont caractérisés par une bande noire le long de la ligne latérale et une seconde bande noire sous la ligne latérale, les adultes étant uniformément gris[3].
Ăcologie
Ce poisson a un cycle de vie encore mal connu dans la nature. C'est une espĂšce commune dans le Bas-MĂ©kong, oĂč les juvĂ©niles sont piĂ©gĂ©s pour ĂȘtre Ă©levĂ©s dans des cages flottantes. Au milieu du MĂ©kong, il est prĂ©sent sous la forme de grands individus dont la robe a perdu la couleur sombre qui caractĂ©rise les juvĂ©niles et subadultes pour devenir grise[3].
Comme pour d'autres espĂšces de lâimmense bassin du MĂ©kong, les dates de migration et moindrement de reproduction semblent varier selon les groupes vivant dans diverses zones gĂ©ographiques (mĂ©tapopulation avec groupes gĂ©nĂ©tiquement diffĂ©rentiĂ©s ?).
Il se reproduit en mai, juin, juillet en ThaĂŻlande et au Laos, et en juin et juillet au Cambodge[11].
La majeure partie de la population remonte le MĂ©kong en venant d'une zone de croissance encore inconnue vers des zones de frai Ă©galement inconnues (de mai Ă juillet) avant de revenir dans les principaux cours dâeau en automne (septembre â dĂ©cembre)[12]. Au Cambodge, au sud de Don Khone et des chutes de Khone (Khone Falls) il remonte vers les sources d'octobre Ă fĂ©vrier, avec un pic de migration en novembreâdĂ©cembre. Cette migration est dĂ©clenchĂ©e par la montĂ©e des eaux et semble ĂȘtre une migration de dispersion latĂ©rale dans les zones inondĂ©es par le MĂ©kong Ă la fin de la saison des inondations.
La migration vers lâaval a lieu de mai Ă aoĂ»t de Stoeng Treng Ă Kandal au Cambodge et plus tard dans le delta du MĂ©kong au ViĂȘt Nam. La prĂ©sence d'Ćufs de mars Ă aoĂ»t vers lâaval montre que cette migration est Ă la fois nĂ©cessaire Ă la reproduction (frai) et Ă lâalimentation des adultes.
Alimentation
Pangasius hypophthalmus est un poisson omnivore qui broute des algues et des plantes mais aussi mange du zooplancton, des insectes, et mĂȘme des crustacĂ©s et des poissons[13].
Reproduction
Elle semble mal connue dans la nature et non maĂźtrisĂ©e par lâhomme avant 1950. Son taux de reproduction serait assez moyen dans la nature et faible Ă nul en captivitĂ©, avec une population doublant en 4.5 Ă 14 ans.
Pangasianodon hypophthalmus a Ă©tĂ© artificiellement reproduit en ThaĂŻlande, dĂšs 1959 selon Lionel Dabbadie, mais le ViĂȘt Nam, longtemps isolĂ©, Ă©levait de jeunes individus capturĂ©s. La pisciculture industrielle a vite Ă©tĂ© limitĂ©e par la difficultĂ© de se fournir en alevins et juvĂ©niles (« fingerlings ») uniquement disponibles au Cambodge et au ViĂȘt Nam dans la nature. De plus, le prix des alevins ou juvĂ©niles ne cessait de monter de sorte quâen 1995, il constituait jusqu'Ă 52 % du coĂ»t total de production de Pangasius bocourti (en cages flottantes).
Une reproduction de Pangasianodon hypophthalmus a Ă©tĂ© possible au ViĂȘt Nam en 1981, mais non fiablement renouvelable, alors que la Malaisie y arrivait en utilisant les mĂ©thodes thaĂŻlandaises. Avant d'en rĂ©ussir la reproduction, les pisciculteurs vietnamiens songeaient Ă introduire le Channel catfish amĂ©ricain (Ictalurus punctatus), avec le risque qu'il devienne invasif, Ă©limine d'autres espĂšces, ou apporte des pathogĂšnes pour les espĂšces locales. La rĂ©gion insulaire de HĂŽng Ngu, Ăźle situĂ©e au ViĂȘt Nam prĂšs de la frontiĂšre cambodgienne dans le delta du MĂ©kong, Ă©tait spĂ©cialisĂ©e dans l'Ă©levage en nurserie du panga « Ca tra » Ă partir d'alevins piĂ©gĂ©s dans le MĂ©kong et Ă©levĂ©s en Ă©tangs. Elle continue l'Ă©levage de juvĂ©niles, mais issus de fĂ©condation artificielle.
Ce poisson aurait en fait Ă©tĂ© artificiellement reproduit pour la premiĂšre fois par Boonbrahm en 1959 en utilisant une technique testĂ©e sur un autre panga (Pangasius bocourti) chez lequel une exposition Ă de lâurine de femme enceinte dĂ©clenchait la reproduction, grĂące Ă une hormone[14] - [15] - [16] : lâhCG, qui est commune Ă de nombreuses espĂšces. Cette hormone est en Europe frĂ©quemment utilisĂ©e par les Ă©leveurs dâovins, bovins, chevaux pour synchroniser la reproduction au rythme souhaitĂ© par l'Ă©leveur, hors saison sexuelle, et ainsi contrĂŽler la fertilitĂ© des animaux Ă©levĂ©s. Cette hormone traite aussi certains problĂšmes dâovulation chez la femme, ainsi que certaines stĂ©rilitĂ©s masculines. Pour provoquer l'ovulation de la femelle de cette espĂšce, le traitement doit ĂȘtre fractionnĂ© avec une phase prĂ©liminaire relativement longue. Les ovules qui vieillissent vite doivent ĂȘtre rĂ©coltĂ©s et fĂ©condĂ©s rapidement. Les manipulations se font sur des poissons anesthĂ©siĂ©s (phĂ©noxy-2-Ă©thanol).
Ensuite, mais toujours en laboratoire, d'autres Ă©quipes l'ont reproduit : Potaros et Sitasit en 1976, puis les Ă©quipes d'Hardjamulia en 1981, de Thalathiah en 1988, d'Huy en 1990, de Kiem en 1992, Xuan en 1994, etc. C'est Philippe Cacot et son Ă©quipe qui ont appliquĂ© ces techniques Ă une aquaculture Ă vocation productive, Ă partir de lâhormone hCG purifiĂ©e Ă partir dâurine. Au ViĂȘt Nam, les deux espĂšces ont Ă©tĂ© reproduites en captivitĂ© en 1995 Ă Can Tho et Chau Doc, dans le cadre d'une coopĂ©ration scientifique impliquant le CIRAD, lâIRD et trois partenaires vietnamiens : deux universitĂ©s et une entreprise semi-publique vietnamienne d'aquaculture (Agifish[17])[18]. PrĂšs de 300 Ă©closeries ont Ă©tĂ© rapidement crĂ©Ă©es au ViĂȘt Nam pour approvisionner les Ă©levages en cages et/ou en Ă©tangs, tant pour fournir le marchĂ© local que pour l'export[19] - [20] - [21] Au total, 1 500 millions de larves auraient Ă©tĂ© produites, rien qu'en 2005[22]. Le cout des larves a chutĂ© de 80 Ă 2-5 dongs piĂšce, et le coĂ»t des fingerlings ne compte plus que pour 15 % environ du coĂ»t total de production[23]. Des essais de reproduction ont aussi Ă©tĂ© faits Ă la fin des annĂ©es 1990 sur des hybrides entre ces deux espĂšces[24] - [25].
Production commerciale (« pangasiculture »)
Le filet de Pangasianodon hypophthalmus contient en moyenne 82 % dâeau, 15,5 % de protĂ©ines et 2 % de lipides[26]. Câest un poisson moins gras que Pangasius bocourti.
Pangasianodon hypophthalmus est devenu l'un des poissons les plus élevés du sud-est asiatique et notamment en Thaïlande, faisant une concurrence sérieuse aux piscicultures nord américaines de poissons-chat[27].
Dans les annĂ©es 2000, ce poisson a souvent Ă©tĂ© vendu sous dâautres noms, souvent confondu avec dâautres espĂšces dites « poisson-chat ». Il est maintenant interdit aux Ătats-Unis de lâĂ©tiqueter « poisson-chat » oĂč il doit ĂȘtre nommĂ© « swai » (nom thaĂŻ)[28].
La production a explosĂ©, passant de 50 000 tonnes en 1996 Ă 400 000 tonnes en 2006, ce qui a Ă©tĂ© facilitĂ© par le rĂ©gime dĂ©tritivore/omnivore de ce poisson, qui permet de le nourrir de dĂ©chets, Ă faibles coĂ»ts de production et avec des aliments Ă faible teneur en protĂ©ines[29]. Les filets congelĂ©s sont donc peu chers (7 Ă 10 âŹ/kg au dĂ©tail sur le marchĂ© français) ce qui en fait un poisson souvent distribuĂ© dans les Ă©coles, cantines, maisons de retraiteâŠ
Il a dâabord Ă©tĂ© massivement orientĂ© vers les Ătats-Unis Ă la fin du XXe siĂšcle, puis rĂ©orientĂ© vers lâEurope et lâAsie en raison des freins et barriĂšres douaniĂšres amĂ©ricaines visant Ă ce que les poissons-chats du MĂ©kong ne concurrencent pas trop le poisson-chat amĂ©ricain. En 2005 environ 110 000 tonnes de filets congelĂ©s Ă©taient importĂ©es vers l'AmĂ©rique, l'Europe et l'Asie.
Le marché et la pangasiculture sont en pleine évolution.
Deux espÚces distinctes étaient et sont encore élevées dans le Mékong et à ses environs :
- Pangasius bocourti (autrefois nommĂ© Pangasius pangasius) dit Panga ou « Ca basa » au ViĂȘt Nam, Ă©tait celui qui Ă©tait Ă©levĂ© dans des cages flottantes pour lâexportation. Il est exportĂ© essentiellement en filets prĂ©parĂ©s sur place et congelĂ©s (deux usines existaient dans le delta du MĂ©kong en 1995).
- La chair blanche de cette espĂšce est apprĂ©ciĂ©e pour son caractĂšre tendre et fondant induit par son taux Ă©levĂ© de graisse pĂ©riviscĂ©rale (jusquâĂ 30 % du poids vif). Certains craignent que ce poisson puisse pour cette raison bioaccumuler certains polluants liposolubles. De plus, cette espĂšce se reproduit trĂšs mal en captivitĂ©, et avec une faible fĂ©conditĂ© naturelle (5 000 Ă 7 000 Ćufs par kg de femelle), uniquement avec un traitement hormonal en captivitĂ©. Enfin, ses alevins ont besoin dâune nourriture vivante aux premiers stades[30]. Ceci explique que lâespĂšce Pangasianodon hypophthalmus, plus facile Ă Ă©lever et plus productive, remplace peu Ă peu cette derniĂšre.
- Pangasianodon hypophthalmus (autrefois nommĂ© Pangasius sutchi) Ă©tait autrefois presque exclusivement Ă©levĂ© en Ă©tangs extensifs oĂč il se nourrissait d'eaux usĂ©es et de divers effluents. Il Ă©tait essentiellement vendu localement et plutĂŽt Ă lâĂ©tat frais, sur les marchĂ©s du delta. Ce poisson au ventre moins arrondi que Pangasius bocrouti est caractĂ©risĂ© par une chair jaunĂątre et moins tendre, rĂ©putĂ©e avoir un goĂ»t de vase s'il est Ă©levĂ© sur le fond ou dans des Ă©tangs fermĂ©s, mais sa chair est moins grasse que celle de Pangasius bocourti. Il tend maintenant Ă remplacer Pangasius bocourti dans les cages, car il a une fĂ©conditĂ© dix fois plus Ă©levĂ©e (70 000 Ćufs par kg de femelle) et l'Ă©levage des larves en est facile en Ă©tang fertilisĂ©.
- Il semble pour ces raisons avoir Ă©tĂ© presque totalement substituĂ© Ă Pangasius bocourti. Il constituerait en 2007 plus de 95 % des pangas exportĂ©s. Une nourriture contrĂŽlĂ©e (sans pigments) et lâĂ©levage des adultes en cage plutĂŽt quâen Ă©tang lui donnent une chair blanche et suppriment le goĂ»t de vase qui le caractĂ©rise lorsquâĂ©levĂ© en Ă©tang.
Le ViĂȘt Nam en produit en cages flottantes depuis les annĂ©es 1970. En 1994, ce sont 15 000 tonnes de chaque espĂšce qui sont Ă©levĂ©es, les juvĂ©niles Ă©tant nourris avec des fingerlings provenant de la pĂȘche. Vers 1995, on produisait environ 50 000 tonnes de pangas dans le delta du MĂ©kong ; 15 000 Ă 30 000 tonnes en cages flottantes et 30 000 tonnes en Ă©tangs extensifs, essentiellement constituĂ©s par les Ă©tangs « Ă latrines », le systĂšme dâĂ©levage traditionnel utilisĂ© depuis des siĂšcles dans tout le Sud-Est asiatique (de la Chine jusquâen IndonĂ©sie)[31].
Le ViĂȘt Nam Ă lui seul aurait produit environ un million de tonnes de poissons de pisciculture en 2005 (toutes espĂšces et milieux confondus), dont 30 % Ă©taient des Pangasiidae (350 000 tonnes), et de maniĂšre de plus en plus contrĂŽlĂ©e et industrielle, toujours dans le delta du MĂ©kong (35 000 kmÂČ) dans le sud du pays. En 2016, 85 % de l'offre en pangasius hypophthalmus venait du Vietnam, 1er exportateur mondial.
JĂ©rĂŽme Lazard[32] estime que la production exportĂ©e de Pangasius Ă©tait dâenviron 300 000 tonnes en 2005, exclusivement sous forme de filets congelĂ©s produits dans douze usines du sud-est asiatique. Ces poissons sont aujourdâhui Ă©levĂ©s avec des dĂ©chets animaux industriellement prĂ©parĂ©s et 20 % environ dâaliments industriel dâorigine vĂ©gĂ©tale, pour un coĂ»t estimĂ© entre 0,6 et 0,7 $/kg en moyenne[33].
220 000 tonnes de sous-produits (carcasses) sont utilisĂ©es pour la production de plats cuisinĂ©s, l'extraction dâhuile de poisson et la production de farine de poisson.
Dans les annĂ©es 2010 Ă 2020, le panga vietnamien (pangasius hypophthalmus) a fait l'objet d'une campagne de dĂ©nigrement aux Ătats-Unis, Ă l'initiative des pisciculteurs amĂ©ricains[34] - [35]. Ces informations mensongĂšres ont aussi Ă©tĂ© rĂ©pandues sur internet en langue française[36].
Exploitation commerciale
Depuis le milieu des annĂ©es 2000, le filet de Pangasianodonus hypophthalmus (80 cm en moyenne [37] ) rencontre un vif succĂšs sur les Ă©tals des poissonniers et dans les hypermarchĂ©s, notamment du fait de son prix compĂ©titif[37], mais aussi grĂące Ă ses filets blancs sans arĂȘtes et au goĂ»t peu prononcĂ© de sa chair, ce qui en fait un poisson bien adaptĂ© aux goĂ»ts de la clientĂšle occidentale. Avec la perche du Nil, ce poisson est parmi ceux dont le prix d'achat est le plus abordable pour le consommateur.
Les Vietnamiens ont littéralement « lancé » cette nouvelle variété de poisson sur le marché mondial dans les années 1996-1997. Supportant une densité d'élevage record grùce au développement d'une respiration aérienne[37], et grandissant trÚs vite, toute une industrie est née dans les dix derniÚres années grùce à ce poisson.
S'il nâest pas Ă©levĂ© pour ĂȘtre commercialisĂ©, le panga peut vivre jusqu'Ă vingt ans. Dans la nature, le poisson se reproduit une Ă deux fois par an et produit 2 000 Ćufs par ponte, alors quâavec une ovulation artificielle, il peut atteindre 500 000 Alevins par ponte[38]. L'ovulation artificielle se fait entre autres par l'utilisation d'hormones hCG[37]. Le lieu dâĂ©levage est composĂ© de plusieurs bassins dâune taille de 500 m2, et de 2,5 Ă 3 m de profondeur. Pour lâapprovisionnement de lâĂ©tang, un barrage est installĂ© pour gĂ©rer le dĂ©bit dâeau. Comme l'homme ou le cochon, le panga est omnivore. Il est nourri avec des aliments Ă base de farines de poissons[37] (issus de coproduit ou de poissons minotier[39]), de petites crevettes, de farines de soja, de blĂ©, ou de haricots. Le panga est Ă©levĂ© Ă 90 % en Ă©tang, pendant une durĂ©e de 5 Ă 8 mois, dans une eau Ă une tempĂ©rature de 28â32 °C.
Ă la fin de cette Ă©tape, le panga atteint un poids compris entre 900 grammes et 1,5 kg. Le poisson est ensuite transportĂ© chez un industriel non loin de la zone de pĂȘche pour y ĂȘtre dĂ©coupĂ© et congelĂ© (transformation). Cette congĂ©lation est nĂ©cessaire, au vu de la durĂ©e du transport vers les pays occidentaux, et permet que le produit ne subisse pas d'altĂ©ration. Il est ensuite emballĂ© puis stockĂ©, et enfin acheminĂ© par bateau ou par avion jusquâaux lieux de commercialisation.
Certains documents officiels sont nécessaires pour le transport du panga :
- la liste de colisage,
- le certificat de santĂ© (publiĂ© par le ministĂšre de la pĂȘche au Vietnam NAFIQUAVED),
- le certificat dâorigine (publiĂ© par la Chambre de commerce et d'industrie du Vietnam VCCI).
ArrivĂ© Ă destination, le produit est dĂ©congelĂ© pour ensuite ĂȘtre vendu aux grossistes, aux centrales dâachats, etc.
Du premier jour de pĂȘche du poisson jusqu'Ă son arrivĂ©e chez le client, il y a un dĂ©lai de 15 jours, qui correspond Ă :
- Le premier jour, le poisson est pĂȘchĂ© ;
- Le deuxiĂšme jour le poisson est transformĂ© dans lâusine ;
- Il faut ensuite 3 jours pour produire les spĂ©cifications relatives au produit, puis 7 jours pour le certificat de santĂ© et encore 3 jours pour lâexportation des documents.
Limites et sécurité sanitaires
Les aspects sanitaires sont discutĂ©s : en particulier Ă cause du risque de prĂ©sence de contaminants dans la chair des poissons, et de lâutilisation peu transparente dâantibiotiques (lĂ©gaux ou non du point de vue de la FAO ou de la rĂ©glementation des Ătats-Unis ou de lâUnion europĂ©enne) dans les Ă©levages. Une antibiorĂ©sistance a Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©e[40] chez la flore bactĂ©rienne des poissons [41]. Lâachat de mĂ©dicaments vĂ©tĂ©rinaires serait dâailleurs devenu le troisiĂšme poste des coĂ»ts de production (> 5 %). La production intensive et concentrĂ©e d'animaux gĂ©nĂ©tiquement peu diversifiĂ©s accroit le risque de pathologies transmissibles et antibiorĂ©sistantes, ainsi que les impacts en matiĂšre de pollution par les rejets aquacoles, ainsi que les impacts indirects en amont, notamment pour la production des farines alimentaires.
Le panga est notamment sensible à la bactérie Edwardsiella tarda.
En aquarium
Les juvĂ©niles sont vendus par les marchands de poissons pour lâaquariophilie.
En raison de sa taille et de sa vitesse de croissance, il nâest pas recommandĂ©, sauf dans de trĂšs grands aquariums, en groupe de 5 individus ou plus pour les jeunes. Câest par ailleurs un poisson qui prend facilement peur et peut se blesser sur les parois ou Ă©lĂ©ments de dĂ©cor quand il cherche Ă fuir (il est rĂ©putĂ© avoir une mauvaise vue et vit effectivement dans une eau gĂ©nĂ©ralement turbide, mais un bon odorat). Il est peu facile Ă Ă©lever en aquarium (dans la nature, câest un migrateur qui exploite de vastes volumes dâeau et sort des fleuves pour se nourrir dans les zones inondĂ©es)[42]. Une variĂ©tĂ© albinos existe[43]
La ressemblance avec un squale à l'état juvénile le rend attrayant pour les aquariophiles débutants qui ne connaissent pas ses dimensions une fois adulte. Comme tous les poissons d'eau douce qui s'adaptent aux dimensions de l'aquarium, il sera atteint de nanisme.
Références
- Pangasianodon hypophthalmus, Sutchi catfish: fisheries, aquaculture, aquarium
- (Fishbase Ref. 6459)
- (Fishbase Ref. 12693)
- (Fishbase Ref. 9497)
- Source
- http://www.fishbase.org/Country/CountryList.cfm?ID=14154&GenusName=Pangasianodon&SpeciesName=hypophthalmus Fishbase
- (Fishbase Ref. 51243)
- Lefevre S, Huong DTT, Wang T, Phuong N & Bayley M. (2011) Hypoxia tolerance and partitioning of bimodal respiration in the striped catfish (Pangasianodon hypophthalmus). Comparative Biochemistry and Physiology, Part A 158 (2011) 207â214. doi:10.1016/j.cbpa.2010.10.029
- (http://www.fishbase.org/Introductions/IntroductionsList.cfm?ID=14154&GenusName=Pangasianodon&SpeciesName=hypophthalmus&fc=134&StockCode=14046)
- (Ref. 7432)
- source
- (Ref. 37772)
- « L'océan dans votre assiette : Le pangasius, votre poisson de tous les jours (page 18) » (Guide de 48 pages du WWF sur les produits de la mer), sur wwf.fr,
- P. Cacot, M. Legendre, T. Q. Dan, L. T. Tung, P. T. Liem, C. Mariojouls et J. Lazard, 2002, Induced ovulation of Pangasius bocourti (Sauvage, 1880) with a progressive hCG treatment, Aquaculture 213 (2002) : 199 â 206
- P. Cacot, P. Eeckhoutte, D. T. Muon, N. V. Trieu, M. Legendre, C. Mariojouls et J. Lazard, 2003, Spermiation hCG induced and management of milt in Pangasius bocourti (S), Aquaculture 215 (2003) : 67 -77.
- P. Cacot, 1999, Ătude du cycle sexuel et maĂźtrise de la reproduction artificielle de Pangasius bocourti (Sauvage, 1880) et Pangasius hypophthalmus (Sauvage, 1878) dans le Delta du MĂ©kong au ViĂȘt Nam, thĂšse de doctorat Ă lâINAPG, DĂ©partement des Productions Animales : 350 pp.
- An Giang Fisheries import-export (Portail internet
- Cacot et al., 2002 ; Cacot et al., 2003
- Anon., 2001, Le poisson-chat du MĂ©kong : quand le transfert talonne la recherche, in : le CIRAD en 2000 : 20 â23
- A. L. Huillery, 2001, Analyse de la filiĂšre des poissons-chats (genre Pangasius) Ă©levĂ©s dans le delta du MĂ©kong (ViĂȘt Nam), mĂ©moire de fin d'Ă©tudes pour lâobtention du grade dâingĂ©nieur INA-PG : 106 p.
- C. Freud et J. Richard, 2002, Ăvaluation de lâimpact de la maĂźtrise de la reproduction des poissons-chats dans le delta du MĂ©kong sur le dĂ©veloppement Ă©conomique au ViĂȘt Nam, Cirad-Direction Scientifique, Paris : 42 p.
- Notes de JérÎme Lazard pour l'AFSSA sur le Pangasianodon, février 2007
- Note CREP 2004, Domestication des poissons-chats du Mékong (1994-2001), Philippe Cacot et Olivier Mikolasek, UPR Aquaculture, département EMVT du CIRAD, page 6
- Martial Derivaz, 1999. QualitĂ© des larves de deux poissons-chats et de leur hybride Ă©levĂ©s en cages flottantes sur le Mekong en fonction du temps de latence (Pangasius bocourti, hybride, P. hypophthalmus), rapport de stage de DUT â UniversitĂ© de Montpellier II/CIRAD-EMVT : 49 p.
- M. Derivaz, L.H. Chau, N.H. Vu, M. Campet, P. Cacot, J. Lazard, 2000, Survival of the ova in vivo : compared study of P. bocourti, P. hypophthalmus and their hybrid (female P. hypophthalmus x male P. bocourti). Catfish Asia project, mai 2000, Abstracts of the CIRAD-EMVT report
- Huillery, 2006
- Voir Fishbase déjà cité
- Source : Seafood Business, Buyer's Guide - Basa Catfish | Date = 2001-11 | 2007-03-31
- L.T. Hung, H. P. V. Huy, L. T. T. Truc et J. Lazard, 2006, Feeding practices and economic evaluation of Pangasiid catfish culture in Mekong delta, ViĂȘt Nam, communication acceptĂ©e pour prĂ©sentation orale au douziĂšme Symposium International de Nutrition et Alimentation des Poissons, Biarritz (28 mai-1er juin 2006) : 22 p.
- Hung et al., 2001 ; Hung et al., 2002
- A. Peignen, A. Bazir, P. Cacot, J. Lazard, M. Legendre, 1994, Pisciculture de Pangasius hypophthalmus (Pangasiidae) en Ă©tangs Ă latrines au Sud ViĂȘt Nam, Atelier international sur les bases biologiques de l'aquaculture des siluriformes (BASIL), Montpellier, 24-27 mai 1994
- Note de synthÚse de février 2007 de JérÎme Lazard / CIRAD
- Hung et al., 2006
- Aux USA, les pisciculteurs nâaiment pas le panga vietnamien !. Blog Regard sur la pĂȘche et l'aquaculture, 21 oct. 2010
- Le Monde du 21 aout 2013 : Hoax écolos (1/4) : un poisson nommé Panga, par Audrey Garric
- Emma Donada, « Checknews : Non, le panga n'est pas un poisson élevé dans les égouts (lien signalé sur Facebook) », sur liberation.fr, Libération,
- Audrey Garric, « Hoax Ă©colos (1/4) : un poisson nommĂ© Panga », Le Monde (Blogs),â (lire en ligne).
- « Le Panga, nouvelle aberration de la mondialisation ? », sur blogspot.fr (consulté le ).
- poissons minotier en provenance Ă 45 % du Sud-Est Pacifique(Chili & PĂ©rou)
- SARTER S., NGUYEN H.N.K., HUNG L.T., LAZARD J. and MONTET D. 2006. Antibiotic resistance in Gramnegative bacteria isolated from farmed catfish : soumis Ă la revue Food Control
- (Sarter et al., 2006)
- Axelrod, Exotic Tropical Fishes | Herbert, R. , Ed T.F.H. Publications, 1996 | (ISBN 0-87666-543-1) ID
- (source : Aqualand)
Voir aussi
- ThÚse vétérinaire sur la pisciculture, partie II et III concernant plus spécifiquement la pangasiculture, disponible sur ce lien « http://alex.vet-lyon.fr/Record.htm?idlist=1&record=19382818124911000909 »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?)
Article connexe
Bibliographie
- Bibliographie de Fishbase
- J. Lazard et P. Cacot, 1997, SystĂšmes de production aquacoles au ViĂȘt Nam : situation, perspectives et enjeux de recherche, Cahiers Agricultures 1997 ; 6 : 445 â 54 et Agriculture et dĂ©veloppement 1997 ; 15 : 127 - 36
Liens externes
- Dailymotion : vidéo sur le panga
- DĂ©menti point par point du CIRAD sur le reportage traitant du panga
- Article Pangasius, mythe et réalité
- Le Monde du 21 aout 2013 : Hoax écolos (1/4) : un poisson nommé Panga, par Audrey Garric
- Photos
- (en) Référence Catalogue of Life : Pangasianodon hypophthalmus (Sauvage, 1878) (consulté le )
- (fr+en) Référence FishBase :
- (fr+en) Référence ITIS : Pangasius hypophthalmus (Sauvage, 1878)
- (en) Référence Animal Diversity Web : Pangasianodon hypophthalmus
- (en) Référence NCBI : Pangasianodon hypophthalmus (taxons inclus)