Oxaziridine
Les oxaziridines sont une classe de composés organiques hétérocycliques à trois atomes, contenant un atome de carbone, un atome d'azote et un atome d'oxygÚne. L'oxaziridine CH2NHO est aussi le composé parent du groupe fonctionnel.
Oxaziridine | |
Identification | |
---|---|
Nom UICPA | Oxaziridine |
No CAS | |
PubChem | 15817734 |
SMILES | |
InChI | |
Propriétés chimiques | |
Formule | CH3NO [IsomĂšres] |
Masse molaire[1] | 45,040 6 ± 0,001 5 g/mol C 26,67 %, H 6,71 %, N 31,1 %, O 35,52 %, |
Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | |
- Structure générale des oxaziridines
Propriétés générales
Les premiers dĂ©rivĂ©s d'oxaziridines sont synthĂ©tisĂ©s dans les annĂ©es 1950 par Emmons[2], Krimm[3] et Horner et JĂŒrgens[4]. Alors que les atomes d'oxygĂšne et d'azote agissent usuellement comme nuclĂ©ophiles du fait de leur Ă©lectronĂ©gativitĂ© Ă©levĂ©e, les oxaziridines permettent le transfert Ă©lectrophile des deux hĂ©tĂ©roatomes. Cette rĂ©activitĂ© particuliĂšre est due Ă la prĂ©sence du cycle Ă trois atomes trĂšs contraint, et de la relative faiblesse de la liaison N-O. Les nuclĂ©ophiles ont tendance Ă attaquer sur l'azote de l'oxaziridine quand le substituant sur l'atome d'azote est petit (typiquement R1= H), et sur l'atome d'oxygĂšne quand le substituant sur l'atome d'azote est trĂšs encombrĂ© stĂ©riquement. Ces effets Ă©lectroniques peuvent ĂȘtre exploitĂ©s pour rĂ©aliser diffĂ©rentes rĂ©actions de transfert d'atome d'oxygĂšne ou d'azote, comme l'α-hydroxylation d'Ă©nolates, l'Ă©poxydation d'alcĂšnes ou encore l'oxydation sĂ©lective de sulfures et de sĂ©lĂ©niures.
- Schéma de quelques réactions utilisant les oxaziridines.
Chiralité
Des rĂ©actifs chiraux de dĂ©rivĂ©s d'oxaziridines ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s, et permettent des rĂ©actions de transfert d'hĂ©tĂ©roatomes stĂ©rĂ©ospĂ©cifiques. La chiralitĂ© des oxaziridines peut venir de la structure des substituants du cycle ou de la conformation de l'atome d'azote (invertomĂšre). Les oxazirines sont en effet uniques du fait de la trĂšs haute barriĂšre d'inversion de l'azote qui permet de conserver leur configuration stĂ©rĂ©ochimique. Cette barriĂšre d'inversion Ă tempĂ©rature ambiante est de l'ordre de 24 Ă 31 kcal·mol-1, et des oxaziridines Ă©nantiopures ont pu ĂȘtre prĂ©parĂ©es dans les annĂ©es 1980[5].
Des dérivés d'oxaziridines à base de dérivés du camphre ont été synthétisés dans les années 1970[6], et sont devenus une pierre angulaire de la synthÚse asymétrique. Parmi les nombreuses synthÚses totales employant des oxaziridines, la synthÚse totale du taxol par les équipes de Holton[7] - [8] et de Wender[9] - [10] proposent l'α-hydroxylation asymétrique avec le camphorsulfonyloxaxiridine comme une étape clé de la synthÚse de cet agent anticancéreux.
SynthĂšses
N-H, N-Alkyl, N-Aryloxaziridines
Les deux principales stratégies de synthÚse des N-H, N-Alkyl et N-Aryloxaziridines sont (A) l'oxydation d'imines par les peracides et (B) l'amination de carbonyles.
De plus, l'oxydation d'imines chirales et l'oxydation d'imines avec des peracides chiraux peut conduire à la préparation d'oxaziridines énantiomériquement pures.
N-Sulfonyloxaziridines
Au début des années 1980, la premiÚre N-sulfonyloxaziridine est préparée[11]. Ces dérivés sulfonyles sont utilisés exclusivement pour les réactions de transfert d'atome d'oxygÚne, et sont actuellement la classe d'oxaziridines la plus communément employée. Originellement préparées à partir de m-CPBA et de chlorure de benzyltrimethylammonium comme catalyseur de transfert de phase, une amélioration de la synthÚse permet désormais l'utilisation d'hydrogénopersulfate de potassium, ou Oxone comme oxydant[12].
De nombreux dérivés de N-sulfonyloxaziridines sont utilisés, chacun possédant différentes propriétés physico-chimiques et réactivités. Un résumé de ces différents réactifs est présenté dans le tableau suivant[13] - [14] - [15] - [16] - [17] - [18] - [19] - [20] - [21].
Oxaziridines perfluorées
Les oxaziridines perfluorĂ©es prĂ©sentent une forte rĂ©activitĂ© comparĂ©es Ă leurs Ă©quivalents hydrocarbonĂ©s. Les substituants perfluorĂ©s sont Ă©lectron-accepteurs, rendant la rĂ©activitĂ© des oxaziridines perfluorĂ©es similaire Ă celle des dioxiranes[22]. Les perfluoroalkyloxaziridines peuvent notamment hydroxyler certaines liaisons C-H avec une trĂšs forte sĂ©lectivitĂ©. Les oxaziridines perfluorĂ©es peuvent ĂȘtre synthĂ©tisĂ©es en faisant rĂ©agir une imine perfluorĂ©e avec du peroxyde de perfluoromĂ©thylfluorocarbonyle et un mĂ©tal fluorĂ© pour piĂ©ger le HF libĂ©rĂ©[22].
RĂ©actions
α-Hydroxylation des énolates
Le groupement α-hydroxycétone, ou acyloïne, est un motif présent dans de nombreux produits naturels. De nombreuses voies de synthÚse ont été employées pour reproduire ce motif, comme la réduction d'α-déicétones, la substitution d'hydroxyles pour un groupe partant, ou l'oxydation directe d'un énolate. Lors de cette derniÚre méthode, l'oxodiperoxymolybdenum(pyridine)-(triamide hexaméthylphosphorique) (MoOPH) et les N-sulfonyloxaziridines sont les sources d'oxygÚne électrophiles les plus communément employées. Les N-sulfonyloxaziridines présentent l'avantage d'induire une plus grande chiralité comparativement à l'utilisation de MoOPH et d'autres oxydants[23]. L'induction chirale a été démontrée avec de nombreuses autres cétones chirales et des cétones avec des auxiliaires de chiralité, comme le SAMP et le RAMP[13].
Des travaux ont été menés sur l'hydroxylation asymétrique d'énolates prochiraux avec des dérivés de camphorsulfonyloxaziridine, permettant d'atteindre de bons excÚs énantiomériques[16]. Il est communément admis que l'état de transition qui permet d'obtenir cette bonne stéréochimie implique un état de transition ouvert dans lequel le groupement stériquement encombré détermine le cÎté par lequel la molécule est approchée[13].
La sĂ©lectivitĂ© de certaines hydroxylations peut ĂȘtre amĂ©liorĂ©e par l'ajout de groupements coordinants en position alpha du cycle oxaziridine, comme dans les oxaziridines 3b et 3c dans le tableau ci-dessus[19]. Il est proposĂ© que la rĂ©action passe par un Ă©tat de transition fermĂ© dans lequel l'oxyanion mĂ©tallique est stabilisĂ© par chĂ©lation grĂące au sulfate et aux groupements coordinants du camphre[13].
L'α-hydroxylation avec des oxaziridines a Ă©tĂ© trĂšs largement utilisĂ©e en synthĂšse totale. C'est une Ă©tape clĂ© dans la synthĂšse totale du Taxol par Holton (en) [24] et dans la synthĂšse totale du Taxol par Wender (en)[25]. De mĂȘme, Forsyth utilise cette rĂ©action dans la synthĂšse du systĂšme C3-C14 (1,7-dioxaspiro[5.5]undĂ©c-3-Ăšne substituĂ©) de l'acide okadaĂŻque[26]
Ăpoxydation des alcĂšnes
L'Ă©poxydation des alcĂšnes est trĂšs employĂ©e en synthĂšse organique, les Ă©poxydes pouvant ĂȘtre transformĂ©s en de nombreux groupes fonctionnels. Habituellement, l'Ă©poxydation utilise du m-CPBA (ou d'autres peracides), mais les oxaziridnes ont montrĂ© qu'ils peuvent ĂȘtre employĂ©s pour mener des synthĂšses similaires et sont trĂšs utiles pour prĂ©parer des Ă©poxydes sensibles aux conditions acidiques[5]. Ci-dessous est dĂ©crit la synthĂšse de la (-)-chaetominine qui utilise l'Ă©poxydation d'un alcĂšne par une oxaziridine lors de l'une des derniĂšres Ă©tapes de sa synthĂšse[27].
Une autre classe de transformation trĂšs employĂ©e en synthĂšse organique est l'Ă©poxydation asymĂ©trique, comme l'Ă©poxydation de Sharpless, l'Ă©poxydation de Jacobsen ou l'Ă©poxydation de JuliĂĄ-Colonna (en). L'inconvĂ©nient majeur de ces rĂ©actions est qu'elles nĂ©cessitent des fonctionnalitĂ©s trĂšs spĂ©cifiques pour permettre d'ĂȘtre sĂ©lectives. L'Ă©poxydation de Sharpless fonctionne avec des alcools allyliques, l'Ă©poxydation de Jacobsen avec des alcĂšnes disubstituĂ©s en cis par des aromatiques, et l'Ă©poxydation de JuliĂĄ-Colonna des cĂ©tones α-ÎČ insaturĂ©es. L'utilisation d'oxaziridines asymĂ©triques permet de rĂ©aliser des transformations stĂ©rĂ©ospĂ©cifiques sur des alcĂšnes non-fonctionnalisĂ©s[5]. Le schĂ©ma ci-dessous prĂ©sente l'Ă©poxydation asymĂ©trique du trans-stilbĂšne avec un sel d'oxaziridinium chiral utilisant de l'oxone comme oxydant[28].
Hydroxylation d'hydrocarbure désactivés
Les oxaziridines perfluorĂ©es sont connues pour hydroxyler les hydrocarbures dĂ©sactivĂ©s avec une grande rĂ©gio- et diastĂ©rĂ©ospĂ©cificitĂ©[22]. Cette rĂ©action est trĂšs importante, et peu d'autres composĂ©s prĂ©sentent ce type de rĂ©activitĂ©. Les oxaziridines perfluorĂ©es prĂ©sentent une trĂšs bonne sĂ©lectivitĂ© vis-Ă -vis des carbones tertiaires. L'hydroxylation de carbones primaires ou la dihydroxylation de composĂ©s prĂ©sentant deux sites oxydables n'a jamais Ă©tĂ© observĂ©e. La rĂ©tention de la stĂ©rĂ©ochimie est trĂšs importante, de l'ordre de 95 Ă 95 %, et peut ĂȘtre encore augmentĂ©e en ajoutant un sel de fluorure[29].
Transferts d'atome d'azote
Moins d'attention a Ă©tĂ© donnĂ©e aux oxaziridines comme rĂ©actifs de transfert d'atome d'azote. Les oxaziridines non-substituĂ©es ou possĂ©dant un groupement acyle sur l'azote peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour de telles rĂ©actions, le premier exemple datant des annĂ©es 1960[30].
Amination de N-nucléophiles
L'amination de nuclĂ©ophiles avec des oxaziridines non-substituĂ©es sur l'azote est assez polyvalent quant aux nuclĂ©ophiles utilisables. Les hydrazines peuvent ainsi ĂȘtre prĂ©parĂ©es Ă partir d'amines secondaires ou tertiaires, les hydroxylamines et les thiohydroxylamines Ă partir d'alcools et de thiols, les sulfilimines Ă partir de thioĂ©thers et les α-aminocĂ©tones Ă partir d'Ă©nolates[31].
N-acylamidation
Le transfert d'amines acylées est plus difficiles que pour les amines non-substituées. Ces réactions de transfert ont tout d'abord été effectuées en utilisant des nucléophiles comme des amines et des hydrazines. Quelques rares exemples de transferts d'amines acylées vers des carbones nucléophiles ont aussi été décrits[31].
RĂ©arrangements
Les oxaziridines peuvent subir des réactions de réarrangement sous irradiation dans l'ultraviolet, via un mécanisme radicalaire, ou en présence d'un réducteur, comme le CuI. Les oxaziridines spirocycliques peuvent aussi étendre leur cycle pour donner la lactame correspondante[32]. La migration du substituant est contrÎlée par des effets stéréoélectroniques, et le groupe en trans du doublet non liant de l'azote donne majoritairement le produit de migration[33]. Cet effet permet d'utiliser la chiralité de l'azote, du fait de la haute barriÚre d'inversion de l'azote, pour diriger le réarrangement, comme démontré sur le schéma ci-dessous. Sur la partie gauche du schéma le produit défavorable thermodynamiquement est observé de façon exclusive, alors que sur la partie droite du schéma le produit dérivé de l'intermédiaire radicalaire le moins stable est favorisé[32].
Ce type de rĂ©arrangement est utilisĂ© dans une Ă©tape clĂ© de la synthĂšse totale de la (+)-yohimbine[32], un mĂ©dicament naturel pouvant ĂȘtre efficace contre l'impuissance sexuelle et les problĂšmes sexuels causĂ© par les inhibiteurs sĂ©lectifs de la recapture de la sĂ©rotonine selon le National Institutes of Health[34].
Les oxaziridines peuvent aussi subir des réactions de réarrangement thermiques pour donner des nitrones. La sélectivité cis-trans est faible, mais les rendements sont bons. Il aussi est envisagé que certaines oxaziridines racémisent au cours du temps en passant par un intermédiaire nitrone[5].
Cycloaddions avec des hétérocumulÚnes
Les oxaziridines peuvent réagir avec des hétérocumulÚnes pour donner différents hétérocycles à cinq atomes, comme décrit sur la figure ci-dessous. Cette réactivité est due à la contrainte du cycle à trois atomes et à la faiblesse de la liaison N-O[5].
Notes et références
- Masse molaire calculĂ©e dâaprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
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- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Oxaziridine » (voir la liste des auteurs).