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Oméprazole

L'oméprazole (dénomination commune internationale) est une substance active médicamenteuse de la famille des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) qui réduit la sécrétion acide de l'estomac.

Oméprazole
Image illustrative de l’article Oméprazole
Image illustrative de l’article Oméprazole
Énantiomère S de l'oméprazole (en haut) et R-oméprazole (au milieu)
Identification
Nom UICPA (RS)-5-methoxy-2-[(4-methoxy-3,5-dimethyl-pyridin-2-yl)methylsulfinyl]-3H-benzimidazole
No CAS 73590-58-6 (racémique)
119141-89-8 R(+)
119141-88-7 S(–)
No ECHA 100.122.967
Code ATC A02BC01
PubChem 4594
InChI
Apparence Poudre blanche
Propriétés chimiques
Formule C17H19N3O3S [Isomères]
Masse molaire[1] 345,416 ± 0,021 g/mol
C 59,11 %, H 5,54 %, N 12,17 %, O 13,9 %, S 9,28 %,
pKa 2,8
Propriétés physiques
T° fusion 156 °C
Solubilité 0,5 mg·mL-1 eau.
19 mg·mL-1 DMSO.
4,5 mg·mL-1 éthanol
Précautions
Directive 67/548/EEC
Irritant
Xi


Données pharmacocinétiques
Biodisponibilité 35 à 60 % (orale)
MĂ©tabolisme HĂ©patique
(CYP2C19, CYP3A4)
Demi-vie d’élim. 60 à 70 minutes
Excrétion

Urinaire (80 %)
FĂ©cale (20 %)

Considérations thérapeutiques
Classe thérapeutique Inhibiteur de la pompe à protons (IPP)
Voie d’administration Orale
Intraveineuse

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Histoire du médicament

Découvert par AstraZeneca, utilisé aux Etats-Unis depuis 1989[2]., l'oméprazole est commercialisé en France par ce laboratoire sous le nom de Mopral[3] et Zoltum[4] (princeps), mais aussi par d'autres laboratoires en tant que génériques[5]. Il est disponible aussi sous le nom de Zoltum ou Antramups (Suisse).

Il figure sur la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé (liste mise à jour en )[6], mais est aussi considéré comme largement surprescrit[7].

Pharmacologie

L'oméprazole inhibe drastiquement la sécrétion d'acide chlorhydrique des cellules pariétales de la muqueuse gastrique.

Cet effet est notamment recherché pour traiter l'ulcère gastro-duodénal, du reflux gastro-œsophagien et de certaines œsophagites[8] - [9].

Son mécanisme est l'inactivation de l'échangeur H+/K+ ATPase (ou pompe à protons) qui a pour résultat une augmentation du pH gastrique. L'oméprazole est le chef de file des inhibiteurs de la pompe à protons, et l'un des médicaments les plus prescrits dans les pays industrialisés, notamment dans les hôpitaux, et le plus souvent par excès[10]. En 2004, le Mopral coûtait en France plus de 210 millions d'euros en remboursements à la Sécurité sociale[11].

Physicochimie

Pur, c'est un composé organosulfuré (poudre blanche), soluble dans l'éthanol et le méthanol, qui cristallise dans l'acétonitrile.

La molécule contient une fonction sulfoxyde stéréogène et est donc chirale. Ceci est dû à l'organisation tétraédrique des orbitales autour du soufre, inclus son doublet libre. L'oméprazole a donc deux énantiomères :

Effets indésirables

Effets avérés

  • hyperplasie des cellules de la paroi de l'estomac [2] ;
  • hypergastrinĂ©mie (taux excessif de gastrine retrouvĂ©e dans le sang ; de 200 Ă  400 pg/mL) [2]. Cette Ă©lĂ©vation ne semble pas Ă  court ou moyen termes induire de pathologies graves[12] - [13] - [14] - [15], mais prĂ©occupe car ses effets Ă  long termes sont inconnus, alors qu'un nombre croissant de patients (millions de personnes dans le monde) prennent des IPP Ă  long termes (sur plus de 10 ans parfois, ce qui est nouveau) ;
  • risque accru de kyste des glandes stomacales (glandes fundiques, glandes du cardia glandes du pylore) [2];
  • polype des glandes fundiques (aussi dites « glandes peptiques Â» de l'estomac ; situĂ©es dans la muqueuse de la partie haute de l'estomac), etc. [2],
  • inhibition (dose-dĂ©pendante) des activitĂ©s enzymatiques lysosomales par les IPP dans les cellules cultivĂ©es et la rate de souris (selon une Ă©tude rĂ©cente (2013)[16] et via un mĂ©canisme sous-jacent commençant Ă  ĂŞtre expliquĂ©[7] - [17]).

Effets suspectés

  • une inhibition de l'immunothĂ©rapie tumorale et constatĂ©e dans le modèle murin, ce qui laisse penser qu'une partie des effets indĂ©sirables associĂ©s aux IPP (listĂ©s ci-dessus) pourraient ĂŞtre causĂ©s par une dĂ©gradation de l'immunitĂ©[2], et qui laisse craindre un risque accru de certains cancers de l'estomac. Comme d'autres IPP, l'omĂ©prazoleau (IPP le plus courant) est en effet soupçonnĂ©e de favoriser la cancĂ©rogenèse de l'EGJ et de l'estomac, notamment en co-stimulation avec des nitrosamines (90% des nitrosamines sont des cancĂ©rigènes probables ou avĂ©rĂ©s[2].
  • Une Ă©tude[2] (modèle murin), publiĂ©e en 2017, a portĂ© sur la rĂ©action des muqueuses stomacales Ă  une exposition longue Ă  l'omĂ©prazole, Ă  diffĂ©rentes doses, et associĂ©e ou non Ă  une nitrosamine (N-mĂ©thyl-N'-nitro-N-nitrosoguanidine ou MNNG en l'occurrenc[2]. L'omĂ©prazole n'a que peu modifiĂ© l'apparence de l'estomac antĂ©rieur, mais les plis muqueux de l'estomac glandulaire Ă©taient moins profonds chez les souris traitĂ©e. De nombreuses saillies papillaires blanches de tailles variables, avec parfois des lĂ©sions ulcĂ©reuses sont apparues sur les muqueuses stomacales des souris traitĂ©es au MNNG seul et les plis muqueux de l'estomac glandulaire Ă©taient moins profonds voire disparaissaient presque (surtout chez les souris Ă  la fois exposĂ©es au MNNG et Ă  l'omĂ©prazole Ă  forte dose. Chez les souris exposĂ©es au MNNG, l'omĂ©prazole a favorisĂ© la cancĂ©rogenèse de l'estomac (mais pas de son système glandulaire). L'omĂ©prazole a inhibĂ© l'activitĂ© hydrolase lysosomale et dĂ©rĂ©gulĂ© certaines protĂ©ines associĂ©es au cancer. A l'autopsie, l'histologie Ă©tait normale dans le groupe tĂ©moin mais montrait que les muqueuses de l'estomac des souris traitĂ©es Ă  l'omĂ©prazole Ă©taient dĂ©sorganisĂ©es, avec hyperkĂ©ratose des cellules Ă©pithĂ©liales squameuses, et des cellules sous-muqueuses disposĂ©es de manière dĂ©sordonnĂ©e, envahissant la couche plus profonde, avec un aspect papillaire. De mĂŞme, dans l'estomac glandulaire, une partie des glandes montrait une hyperplasie atypique, avec des cellules inflammatoires envahissant les couches muqueuses et sous-muqueuses. Le MNNG seul a induit une prolifĂ©ration papillaire avec hyperkĂ©ratose et parakĂ©ratose, et parfois des cellules malignes mais l'estomac glandulaire Ă©tait plus normal. Les souris Ă  la fois traitĂ©es au MNNG et Ă  l'omĂ©prazole prĂ©sentaient souvent un infiltrat de cellules inflammatoires dans les couches muqueuses et sous-muqueuses de l'estomac glandulaire, avec une mĂ©taplasie intestinale glandulaire plus frĂ©quente, une dysplasie et une hyperplasie anormale, certaines accompagnĂ©es d'adĂ©nocarcinomes. Mais sans mĂ©tastase pour aucun des cancers observĂ©[2].
    Remarque : Ce travail a aussi mis en évidence une diminution du poids de la rate (plus marquée chez les souris aussi exposées à la nitrosamine[2].

Effets de la sur-prescription

Dans les deux premières décennies du XXIe siècle, les IPP et l'oméprazole notamment sont largement sur-prescrits, et consommés bien au-delà de leurs indications d'application.

Par exemple : en Australie, 63% des IPP ont été rétrospectivement jugées prescrits pour des indications médicales inappropriées[18], de même pour 33% des cas en Irlande[18], 67% au Royaume-Uni[7] et environ 69% aux États-Unis[18] - [19]. Une étude chinoise récente[20] a conclu à un risque augmenté d'adénocarcinomes du GEJ mais sans expliquer selon quel mécanisme.

Suspicion de cancer

On s'est d'abord inquiété du fait que l'oméprazole puisse accélérer l'atrophie gastrique (par migration proximale d' Helicobacter pylori dans le corpus)[21], car on sait depuis les années 1990 que s'il est utilisé à long terme, l'oméprazole peut induire une gastrite atrophique chronique et une hyperplasie des cellules phagocytaires probablement en lien avec l'infection à Helicobacter pylori (fréquente). Ceci laisse craindre que l'IPP à long terme puisse aussi favoriser certains cancers de l'estomac[21]. Une méta-analyse a montré en 2016 qu'un usage long est associée à des risques accrus de polypes des glandes fundiques et de cancer de l'estomac[22], peut être en lien avec l'hypergastrinémie qui peut favoriser les tumeurs gastriques (adénocarcinomes de l'estomac proximal) ainsi que les tumeurs colorectales[23] - [24]. L'hypergastrinémie pourrait toutefois être bloquée par les antagonistes des récepteurs de la gastrine[2].

Depuis les années 2010, des preuves montrent qu'un traitement par IPP à long terme relie la gastrite atrophique chronique induite par Hp, à la métaplasie intestinale et à un risque accru de carcinome[25] - [26]. Mais on ignore encore si l'infection par HP en condition de faible sécrétion acide présente un risque accru de cancer. Jusqu'en 2017, cette cancérogénicité suspectée est encore discutée[23].

Des chercheurs de l'Université de Hong Kong et de l'Université College of London ont réalisé une étude publiée en 2017 dans le journal médical Gut et ont conclu que le groupe, qui avait pris des IPP sur un long temps, "avait 244% plus de risques de cancer de l'estomac" que les autres "dans les 7 ou 8 années suivantes"[27].

Références

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. Huang, L., Qi, D. J., He, W., & Xu, A. M. (2017) Omeprazole promotes carcinogenesis of fore-stomach in mice with co-stimulation of nitrosamine. Oncotarget, 8(41), 70332.
  3. « Fiche info - MOPRAL 20 mg, gélule gastro-résistante - Base de données publique des médicaments », sur Base de données publique des médicaments (consulté le )
  4. « Fiche info - ZOLTUM 20 mg, gélule gastro-résistante - Base de données publique des médicaments », sur base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr (consulté le )
  5. « Groupe générique - OMEPRAZOLE 20 mg - MOPRAL 20 mg, gélule gastro-résistante - ZOLTUM 20 mg, gélule gastro-résistante - Base de données publique des médicaments », sur base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr (consulté le )
  6. WHO Model List of Essential Medicines, 18th list, avril 2013
  7. Forgacs I, Loganayagam A. (2008) Overprescribing proton pump inhibitors. BMJ. ;336:2–3.
  8. Gisbert JP, Khorrami S, Calvet X, Gabriel R, Carballo F, Pajares JM. (2003) Meta-analysis: proton pump inhibitors vs. H2-receptor antagonists—their efficacy with antibiotics in Helicobacter pylori eradication. Aliment Pharmacol Ther. ;18:757–766.
  9. Lewis JD, Bilker WB, Brensinger C, Farrar JT, Strom BL. (2002) Hospitalization and mortality rates from peptic ulcer disease and GI bleeding in the 1990s: relationship to sales of nonsteroidal anti-inflammatory drugs and acid suppression medications. Am J Gastroenterol. ;97:2540–2549.
  10. (en) Mat Saad AZ, « Proton pump inhibitors: a survey of prescribing in an Irish general hospital Â» Int J Clin Pract. 2005 Jan;59(1):31-4
  11. Caducee.net
  12. Laine L, Ahnen D, McClain C, Solcia E, Walsh JH (2000) Review article: Potential gastrointestinal effects of long-term acid suppression with proton pump inhibitors. Aliment Pharmacol Ther 14:651–668
  13. McCloy RF & al. (1995) Pathophysiological effects of long-term acid suppression in man. Dig Dis Sci 40:96S-120S
  14. Pohle T, Domschke W (2000) Results of short-and long-term medical treatment of gastroesophageal reflux disease (GERD). Langenbecks Arch Surg 385:317–323
  15. Reilly JP (1999) Safety profile of the proton-pump inhibitors. Am J Health Syst Pharm 56:S11–17
  16. Liu W, Baker SS, Trinidad J, Burlingame AL, Baker RD, Forte JG, Virtuoso LP, Egilmez NK & Zhu L (2013) Inhibition of lysosomal enzyme activities by proton pump inhibitors. J Gastroenterol. ;48:1343–1352
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  18. Forgacs I & Loganayagam A (2008) Overprescribing proton pump inhibitors. BMJ. ;336:2–3.
  19. Thomas L, Culley EJ, Gladowski P, Goff V, Fong J, Marche SM. (2010) Longitudinal analysis of the costs associated with inpatient initiation and subsequent outpatient continuation of proton pump inhibitor therapy for stress ulcer prophylaxis in a large managed care organization. J Manag Care Pharm. ;16:122–129
  20. Liu K, Yang K, Zhang W, Chen X, Chen X, Zhang B, Chen Z, Chen J, Zhao Y, Zhou Z, Chen L, Hu J. (2016) Changes of esophagogastric junctional adenocarcinoma and gastroesophageal reflux disease among surgical patients during 1988-2012: a single-institution, high-volume experience in China. Ann Surg. ;263:88–95.
  21. Kuipers EJ, Lundell L, Klinkenberg-Knol EC, Havu N, Festen HP, Liedman B, Lamers CB, Jansen JB, Dalenback J, Snel P, Nelis GF, Meuwissen SG. (1996) Atrophic gastritis and Helicobacter pylori infection in patients with reflux esophagitis treated with omeprazole or fundoplication. N Engl J Med. ;334:1018–1022
  22. Tran-Duy A, Spaetgens B, Hoes AW, de Wit NJ, Stehouwer CD (2016) Use of proton pump inhibitors and risks of fundic gland polyps and gastric cancer: systematic review and meta-analysis. Clin Gastroenterol Hepatol. ;14:1706–1719.e5.
  23. Lundell L, Havu N, Miettinen P, Myrvold HE, Wallin L, Julkunen R, Levander K, Hatlebakk JG, Liedman B, Lamm M, Malm A & Walan A (2006) Nordic Gerd Study Group. Changes of gastric mucosal architecture during long-term omeprazole therapy: results of a randomized clinical trial. Aliment Pharmacol Ther. ;23:639–647.
  24. Freston JW, Hisada M, Peura DA, Haber MM, Kovacs TO, Atkinson S & Hunt B (2009) The clinical safety of long-term lansoprazole for the maintenance of healed erosive oesophagitis. Aliment Pharmacol Ther. ;29:1249–1260
  25. Schneider BG, Piazuelo MB, Sicinschi LA, Mera R, Peng DF, Roa JC, Romero-Gallo J, Delgado AG, de Sablet T, Bravo LE, Wilson KT, El-Rifai W, Peek RM, Jr, Correa P (2013) Virulence of infecting Helicobacter pylori strains and intensity of mononuclear cell infiltration are associated with levels of DNA hypermethylation in gastric mucosae. Epigenetics. ;8:1153–1161.
  26. Hagiwara T, Mukaisho K, Nakayama T, Sugihara H, Hattori T. (2011) Long-term proton pump inhibitor administration worsens atrophic corpus gastritis and promotes adenocarcinoma development in Mongolian gerbils infected with Helicobacter pylori. Gut. ;60:624–630
  27. https://gut.bmj.com/content/67/1/28

Voir aussi

Article connexe

Liens externes

  • Compendium suisse des mĂ©dicaments : spĂ©cialitĂ©s contenant OmĂ©prazole

Bibliographie


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