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Mwotlap

Le mwotlap (M̄otlap, prononcĂ© [Ƌ͡mʷɔtlap], anciennement connu comme motlav) est une langue de tradition orale parlĂ©e au Vanuatu par environ 2 100 personnes en 2010. Plus prĂ©cisĂ©ment, ses locuteurs habitent essentiellement dans une petite Ăźle officiellement connue sous le nom de Mota Lava, dans l’archipel des Ăźles Banks, dans le nord du pays.

Mwotlap
M̄otlap
Pays Vanuatu
RĂ©gion Mota Lava, dans les Ăźles Banks
Nombre de locuteurs Environ 2 100 (en 2010)[1]
Typologie SVO[a 1]
Classification par famille
Codes de langue
IETF mlv
ISO 639-2 map[2]
ISO 639-3 mlv
Glottolog motl1237

Comme toutes les autres langues indigĂšnes de cet archipel, le mwotlap appartient au groupe des langues ocĂ©aniennes, lui-mĂȘme une branche de la grande famille des langues austronĂ©siennes. Il est proche des langues des Ăźles voisines telles que le mwesen.

Le mwotlap prĂ©sente de nombreuses caractĂ©ristiques typiques des langues ocĂ©aniennes : ses pronoms personnels distinguent quatre nombres (singulier, duel, triel et pluriel) ; l’expression de la possession est complexe (les noms peuvent ĂȘtre inaliĂ©nables ou aliĂ©nables, et dans le deuxiĂšme cas on indique le type de possession dont il s’agit) ; les concepts de « droite » et « gauche » ne sont pas utilisĂ©s pour se repĂ©rer et les locuteurs s’orientent en fonction de la gĂ©ographie de leur Ăźle (vers la mer, vers la terre).

Le mwotlap n’a Ă©tĂ© dĂ©crit en dĂ©tail pour la premiĂšre fois qu’en 2001 par Alexandre François, linguiste au CNRS.

Nom

Si le nom de l’üle utilisĂ© par les Ă©trangers, Mota Lava, provient du mota, la langue qui y est parlĂ©e a Ă©tĂ© plus souvent appelĂ©e motlav, mwotlav ou mwotlap (le nom le plus utilisĂ© de nos jours), qui sont des transcriptions du terme M̄otlap, prononcĂ© [Ƌ͡mʷɔtlap] (cf. Phonologie pour l’alternance entre v et p). Ce mot est le nom de l’üle : les locuteurs du mwotlap appellent leur langue « le parler / les paroles / le discours de Mota Lava » (na-gatgat / no-hohole / na-vap to-M̄otlap) et se nomment eux-mĂȘmes « les gens de Mota Lava » (ige to-M̄otlap)[a 2].

Répartition géographique

Mota Lava, l’üle d’origine du Mwotlap.

Le mwotlap est parlĂ© au nord du Vanuatu, dans l’archipel des Ăźles Banks, par environ 2 100 locuteurs[1]. Parmi ceux-ci, 1 640 vivent sur l’üle Mota Lava et l’ülot voisin Ra[3] ; il faut leur ajouter quelques centaines de personnes vivant ailleurs au Vanuatu[a 3] :

Classification

Le mwotlap appartient Ă  la grande famille des langues austronĂ©siennes, qui regroupent plus de 1 200 langues. À l’intĂ©rieur de ce groupe, le mwotlap fait partie des langues ocĂ©aniennes, parlĂ©es dans l’ocĂ©an Pacifique et issues d’un ancĂȘtre commun hypothĂ©tique appelĂ© proto-ocĂ©anien ; plus prĂ©cisĂ©ment, il appartient au sous-groupe dit « nord et centre du Vanuatu », qui regroupe 95 langues, soit la majoritĂ© des langues du pays[a 4].

Histoire

La premiĂšre description du mwotlap a Ă©tĂ© donnĂ©e en 1885 par Robert Henry Codrington (en), prĂȘtre anglican qui a Ă©tudiĂ© les sociĂ©tĂ©s mĂ©lanĂ©siennes. Bien que spĂ©cialisĂ© principalement en mota, il consacre douze pages de son ouvrage The Melanesian Languages Ă  la langue « motlav ». Bien qu’assez brĂšve, cette description permet de connaĂźtre certaines des Ă©volutions du mwotlap au cours du XXe siĂšcle. De plus, Codrington dĂ©crit le volow, langue proche du mwotlap (parfois mĂȘme considĂ©rĂ©e comme un dialecte du mwotlap) parlĂ©e dans l’est de Mota Lava, aujourd’hui quasiment Ă©teinte[a 5].

Phonologie

Consonnes

Le mwotlap possĂšde 16 phonĂšmesconsonantiques (plus quelques allophones et phonĂšmes Ă©trangers). Il prĂ©sente la particularitĂ© d’avoir des consonnes labiales-vĂ©laires avec un relĂąchement spirant en [w][a 6].

On peut Ă©galement mentionner le phonĂšme /r/, prĂ©sent dans certains emprunts rĂ©cents, comme rin̄ [riƋ] (« tĂ©lĂ©phoner »), empruntĂ© Ă  l’anglais ring. Un son Ă©tranger encore plus rare est [ᔑɥ], orthographiĂ© â€č ឥ â€ș, rencontrĂ© dans quelques emprunts tels que no-áž ot (« Dieu », de l’anglais God via le bislama Got).

Le phonÚme /v/ possÚde trois réalisations possibles, en distribution complémentaire :

Par exemple, Ă  partir du radical vlag (« courir »), on obtient les formes valag [va.laÉŁ] (« courent ») et me-plag [mɛp.laÉŁ] (« il a couru »). Bien que la transcription utilise v dans le premier cas et p dans l’autre, il s’agit bien du mĂȘme phonĂšme. (Certaines conventions orthographique utilisent v dans les deux cas, ce qui explique pourquoi la langue est connue sous le nom de motlav et mwotlap.)

Le son [p] apparaĂźt cependant en dĂ©but de syllabe dans des mots empruntĂ©s, comme ne-pepa [nɛ.pɛ.pa] (« papier », de l’anglais paper). Dans des emprunts plus anciens, un p Ă©tait gĂ©nĂ©ralement reflĂ©tĂ© par [ᔐb] (ou plus rarement [kÍĄpÊ·]), par exemple no-bomdete [nɔ.ᔐbɔm.ⁿdɛ.tɛ] (« pomme de terre », empruntĂ© au français).

Un phĂ©nomĂšne similaire se produit avec les consonnes prĂ©nasalisĂ©es : en fin de syllabe, /ᔐb/ devient [m] et /ⁿd/ devient [n]. Par exemple, le radical bnē~ (« main ») donne bēnē-k [ᔐbÉȘ.nÉȘk] (« de ma main ») et na-mnē-k [nam.nÉȘk] (« ma main »). (LĂ  encore, le fait que â€č b â€ș devienne â€č m â€ș Ă  l’écrit rĂ©sulte de la convention orthographique. Il s’agit toujours du mĂȘme phonĂšme.) Cependant, contrairement au cas de /v/, il ne s’agit pas de distribution complĂ©mentaire, puisqu’il existe des paires minimales opposant b Ă  m et d Ă  n, comme na-nay [nanaj] (« veuve ») et na-day [naⁿdaj] (« sang »). Par consĂ©quent, un [m] en fin de syllabe peut correspondre soit Ă  un /m/, soit Ă  un /ᔐb/ sous-jacent.

La consonne /ÉŁ/ est de plus en plus souvent rĂ©alisĂ©e [É°] et ressemble alors Ă  /w/ : dans certains cas, aprĂšs /o/, /ɔ/ ou /ʊ/, les locuteurs eux-mĂȘmes hĂ©sitent entre w et g. Ainsi, la sĂ©quence [aÉ°] est parfois entendue par les Ă©trangers comme une diphtongue *[au] ou *[ao] : par exemple, Vet Tagde [ÎČɛtaɰˈⁿdɛ], un Ăźlot inhabitĂ©, est orthographiĂ© VĂ©taounde sur les cartes françaises.

Hormis quelques rares cas particuliers, il n’y a pas d’assimilation entre les consonnes. N’importe quelle consonne peut se trouver avant ou aprùs n’importe quelle autre. Il n’y a que deux rùgles de sandhi entre les consonnes :

  • /wÉŁ/ devient /w/ ;
  • deux consonnes identiques consĂ©cutives se simplifient en une seule consonne, aussi bien Ă  l’intĂ©rieur d’un mot qu’entre deux mots.

Voyelles

Le mwotlap possĂšde sept voyelles orales. Il n’y a pas de voyelle nasale, ni de voyelle longue, ni de diphtongue (deux voyelles consĂ©cutives, mĂȘme de mĂȘme timbre, sont prononcĂ©es sĂ©parĂ©ment).

Voyelles en mwotlap
AntérieuresCentralePostérieures
Fermées [i] i [u] u
Mi-fermĂ©es [ÉȘ] ē [ʊ] ƍ
Mi-ouvertes [ɛ] e [ɔ] o
Ouverte [a] a

Les voyelles /ɛ/ et /ɔ/ se rĂ©alisent parfois plus fermĂ©es ([e] et [o]), mais cette diffĂ©rence n’est pas pertinente dans la langue[a 7].

Orthographe

Le mwotlap Ă©tant une langue de tradition orale, il n’a pas d’écriture propre. Cet article emploiera l’orthographe du linguiste Alexandre François, basĂ©e sur l’alphabet latin complĂ©tĂ© de macrons.

Alphabet du mwotlap[a 8]
Lettre abdeēghiklmm̄
Prononciation [a][ᔐb][ⁿd][ɛ][ÉȘ][ÉŁ][h][i][k][l][m][Ƌ͡mÊ·]
Lettre nn̄oƍpqstuvwy
Prononciation [n][Ƌ][ɔ][ʊ][p][kÍĄpÊ·][s][t][u][v][w][j]

Prosodie

Le mwotlap n’a pas de tons. L’accent tonique tombe sur la derniùre syllabe d’un mot ou d’un syntagme, tout comme en français[a 9].

Syllabes

La structure des syllabes est (C)V(C) : cela implique qu’il ne peut pas y avoir plus de deux consonnes consĂ©cutives Ă  l’intĂ©rieur d’un mot, et qu’un mot ne peut pas commencer ou finir par plus d’une consonne. Les rares exceptions Ă  ce systĂšme sont des emprunts rĂ©cents, comme skul (« Ă©cole », de l’anglais school)[a 10].

Pour respecter ce schĂ©ma, quand un radical commence par deux consonnes se trouvant en dĂ©but de mot, une voyelle Ă©penthĂ©tique (la mĂȘme que la voyelle suivante) est insĂ©rĂ©e entre ces consonnes[a 11]. Par exemple, le radical tron̄ (« saoul », de l’anglais drunk) peut donner les formes suivantes :

  • me-tron̄ [mɛt.rɔƋ] (« il s’est saoulĂ© ») : les consonnes t et r appartiennent Ă  deux syllabes diffĂ©rentes ;
  • toron̄ [tɔ.rɔƋ] (« ils se saoulent ») : l’insertion d’une voyelle entre t et r est obligatoire pour empĂȘcher que la syllabe commence par deux consonnes successives.

Copie vocalique

La copie vocalique dĂ©signe la capacitĂ© de certains prĂ©fixes Ă  copier la voyelle du mot qui suit. C’est le cas notamment de l’article na-, du locatif le- ou de te-, qui sert Ă  former des adjectifs d’origine. Ils donnent par exemple nƍ-vƍy (« volcan »), ni-hiy (« os »), to-M̄otlap (« de Mota Lava »), mais na-pnƍ (« Ăźle ») et na-nye-k (« mon sang »). En fait, certains mots permettent la copie de leur voyelle, mais d’autres l’empĂȘchent : ces derniers sont les radicaux qui commencent par deux consonnes. Ainsi, les radicaux vƍy et hiy autorisent la copie de leur voyelle, mais les deux consonnes au dĂ©but de vnƍ et nye- la bloquent.

Il existe cependant quelques exceptions (moins de 5 % des noms), telles que lo (« soleil ») et tqē (« champ »), qui donnent respectivement avec l’article na-lo et nē-tqē, et pas *no-lo et *na-tqē comme on pourrait s’y attendre[a 12].

Un phĂ©nomĂšne similaire mais plus rare, appelĂ© transfert vocalique, concerne une poignĂ©e de lexĂšmes : la premiĂšre voyelle du mot, au lieu d’ĂȘtre copiĂ©e par le prĂ©fixe, est transfĂ©rĂ©e. Ainsi, hinag (« igname ») devient ni-hnag et pas *ni-hinag[a 13].

Évolution phonĂ©tique

Le mwotlap, comme les autres langues du nord et du centre du Vanuatu, a perdu les consonnes finales du proto-océanien[a 14].

Plus rĂ©cemment (il y a quelques siĂšcles), les mots Ă©taient accentuĂ©s sur l’avant-derniĂšre syllabe, avec un accent secondaire toutes les deux syllabes. Toutes les voyelles posttoniques (syllabes atones situĂ©es aprĂšs un accent tonique) se sont amuĂŻes. Ainsi, le mot M̄otlap est issu d’une forme *MÌ„ĂłtalĂĄva : les voyelles non accentuĂ©es ont Ă©tĂ© perdues. Cependant, celles-ci se sont maintenues en dĂ©but de mot, comme dans Asol (« Sola »), qui provient de *a-SĂłla[a 15].

D’autre part, les voyelles amuĂŻes ont dans certains cas influencĂ© le timbre de la voyelle prĂ©cĂ©dente : dans *lagi [laÉŁi] (« se marier »), le i a lĂ©gĂšrement fermĂ© le a en disparaissant, donnant la forme moderne leg [lɛɣ]. Dans l’autre sens, le proto-ocĂ©anien *pulan (« lune ») a donnĂ© wƍl [wʊl] : le a a ouvert le u. Ce phĂ©nomĂšne d’umlaut ou mĂ©taphonie, que l’on retrouve Ă©galement dans quinze autres langues de la rĂ©gion[4], explique que le mwotlap a augmentĂ© son inventaire de cinq voyelles (celles du proto-ocĂ©anien) Ă  sept. En outre, ces Ă©volutions historiques permettent de comprendre la morphophonologie complexe des voyelles en mwotlap[a 15].

Parmi les Ă©volutions les plus rĂ©centes, le son [r], encore prĂ©sent au XIXe siĂšcle, a Ă©tĂ© remplacĂ© par [j] au cours du XXe siĂšcle : qirig (« aujourd’hui »), relevĂ© en 1885 par Codrington[5], est maintenant qiyig[a 16]. (Le fait que ce son rĂ©apparaisse dans des emprunts est un phĂ©nomĂšne diffĂ©rent.)

Grammaire

Le mwotlap est une langue SVO : l’ordre des mots dans la phrase est fixe et est toujours sujet-verbe-complĂ©ment-complĂ©ments circonstanciels[a 1].

Contrairement au français qui ne distingue que deux nombres (singulier et pluriel), le mwotlap en distingue quatre : singulier, duel, triel et pluriel. Ceci n’est valable que pour les mots qui dĂ©signent des humains ; les noms non humains n’ont pas d’opposition de nombre et sont exprimĂ©s comme des singuliers[a 17].

Noms et substantifs

Alors qu’en grammaire française, « nom » et « substantif » sont synonymes, ils dĂ©signent deux catĂ©gories similaires mais distinctes en mwotlap.

  • Les substantifs sont tous les mots se rĂ©fĂ©rant Ă  des humains, que ce soient des noms propres ou des termes comme imam (« pĂšre »), bulsal (« ami »), m̄alm̄al (« jeune fille »), etc. Ils peuvent servir de sujet, d’objet, de possesseur, etc[a 18].
  • Les noms sont tous les autres mots que l’on peut qualifier de noms communs, mais qui ne dĂ©signent pas des personnes. Ils doivent ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ© d’un article pour fonctionner comme un substantif.

Il n’y a que trois exceptions Ă  ce systĂšme : les radicaux lqƍvēn (« femme/femelle »), tm̄an (« homme/mĂąle ») et et (« ĂȘtre humain »), qui se comportent comme des noms. De plus, certains mots dĂ©signant des humains peuvent prendre l’article, mĂȘme si ce n’est pas obligatoire : « docteur » peut se dire aussi bien dokta que na-dokta[a 19].

L’article en mwotlap est un prĂ©fixe, na-[a 20]. Il existe d’autres prĂ©fixes qui peuvent le remplacer, comme le locatif le-[a 21].

UtilisĂ©s seuls, les noms qualifient le mot prĂ©cĂ©dent : par exemple, nu-bus lƍqƍvēn signifie « une chatte » (littĂ©ralement : « un chat femelle »)[a 22]. Avec le prĂ©fixe na-, ils deviennent des substantifs et peuvent prendre la place de sujet, d’objet ou se trouver aprĂšs une prĂ©position[a 20].

Ni-siokme-mwoy.
art-piroguepft-brisé
La pirogue est cassée.
Kēytototmina-baybay.
3plao:couperavecart-hache
Ils coupent [le bois] avec des haches.

Les phrases précédentes seraient incorrectes si on omettait le préfixe na-.

L’article n’est ni dĂ©fini, ni indĂ©fini : na-gasel peut signifier aussi bien « le couteau » que « un couteau ». Il n’a pas non plus de nombre fondamental, puisque le mwotlap ne distingue pas le nombre pour les noms non humains. Les seules exceptions sont les rares noms humains qui prennent l’article : dans ce cas, il est singulier[a 23].

Numéraux

Le systĂšme numĂ©ral du mwotlap est dĂ©cimal, mais on devine les vestiges d’un systĂšme quinaire dans certains numĂ©raux (liviyƍ et levetēl rappellent vƍyƍ et vētēl)[a 24].

Numéraux en mwotlap
NombreTraductionNombreTraduction
1vitwag11son̄wul tiwag nanm̄e vitwag
2vƍyƍ20son̄wul yƍ
3vētēl23son̄wul yƍ nanm̄e vētēl
4vēvet30son̄wul tēl
5tēvēlēm40son̄wul vet
6levete50son̄wul tēvēlēm
7liviyƍ100m̄eldēl (vag-tiwag)
8levetēl333m̄eldēl vag-tēl son̄wul tēl nanm̄e vētēl
9levevet1 000tey vag-tiwag
10son̄wul (tiwag)1 000 000tey vag-tey

On remarque que les numĂ©raux de 1 Ă  4 ont deux formes, une simple (tiwag, yƍ, tēl, vet) et une prĂ©fixĂ©e (vitwag, vƍyƍ, vētēl, vēvet). La forme simple ne se trouve qu’aprĂšs quelques mots tels que son̄wul et vag-. Pour former les nombres de 10 Ă  99, on emploie son̄wul (« dix ») suivie de la forme simple du chiffre des dizaines et, le cas Ă©chĂ©ant, nanm̄e puis le chiffre des unitĂ©s : on a par exemple son̄wul liviyƍ nanm̄e vēvet (74, soit « dix sept plus quatre »). Tey (« mille », mais signifiant Ă©galement « innombrable ») et m̄eldēl (« cent ») sont multipliĂ©s par la forme simple du numĂ©ral prĂ©fixĂ©e avec vag- (« fois »). 1998 se dit ainsi tey vag-tiwag m̄eldēl vag-levevet son̄wul levevet nanm̄e levetēl, soit « mille une fois, cent neuf fois, dix neuf plus huit ». Dans le cas oĂč il n’y a pas de chiffre des dizaines, on sĂ©pare les centaines des unitĂ©s avec vēpnegi : 407 se dit m̄eldēl vag-vet vēpnegi liviyƍ[a 25].

Cependant, les Mwotlaps comptent moins souvent que les Occidentaux ; par conséquent, les nombres élevés sont trÚs peu utilisés, et les jeunes générations remplacent bien souvent les numéraux mwotlaps par des emprunts au bislama, la langue véhiculaire du Vanuatu[a 24].

Les ordinaux sont formĂ©s rĂ©guliĂšrement avec le suffixe -negi : vƍyƍ-negi (« deuxiĂšme »), levetēl-negi (« huitiĂšme »). L’exception est « premier », qui se dit totogyeg[a 26].

Les numĂ©raux suivent le nom qu’ils qualifient : Inti-k vētēl mo-gom (« Mes trois enfants sont malades », littĂ©ralement « Mes enfants trois sont malades »). Ils peuvent avoir la fonction de prĂ©dicat (Inti-k vētēl, « J’ai trois enfants », littĂ©ralement « Mes enfants [sont] trois ») aussi bien que de sujet (Vētēl no-gom, « Les trois sont malades »)[a 27]. Les noms humains, qui connaissent normalement l’opposition de nombre, sont toujours exprimĂ©s au singulier avec un numĂ©ral[a 28].

RĂ©duplication

Comme la plupart des autres langues austronésiennes, le mwotlap utilise beaucoup la réduplication (ou redoublement) pour exprimer de nombreuses nuances.

Morphologie

La rĂ©duplication d’un mot consiste essentiellement Ă  rĂ©pĂ©ter sa premiĂšre syllabe : hag (« assis ») → haghag ; su (« petit ») → susu ; mÌ„Ćkheg (« respirer ») → mÌ„ĆkmÌ„Ćkheg. Comme deux consonnes identiques consĂ©cutives se simplifient, un mot tel que tit (« cogner ») donne titit. Quand la derniĂšre consonne est h, celle-ci disparaĂźt : meh (« douloureux ») → memeh. Il existe aussi des exceptions devant ĂȘtre apprises : lat (« cassĂ© en deux ») → lalat ; liwo (« grand ») → lililwo ; itƍk (« ĂȘtre bon ») → itƍktƍk.

Dans le cas des radicaux commençant par deux consonnes, il faut rĂ©pĂ©ter les trois premiers phonĂšmes. Ainsi, wseg (« tirer ») donne wsewseg. Comme la phonologie du mwotlap n’autorise pas deux consonnes en dĂ©but de syllabe, une voyelle est intercalĂ©e et on obtient wesewseg (Ă  moins que le mot soit prĂ©cĂ©dĂ© d’un prĂ©fixe, voir plus haut). La phonologie de la langue peut parfois rendre la forme simple difficile Ă  reconnaĂźtre : ainsi, valaplag provient de v(a)lag (« courir »)[a 29].

Certains mots n’ont pas de forme rĂ©dupliquĂ©e (par exemple momyiy, « froid »). D’autres mots semblent rĂ©dupliquĂ©s, mais n’ont pas de forme simple : qagqag (« blanc ») et yēyē (« rire ») n’apparaissent jamais sous les formes *qag et *yē[a 30].

SĂ©mantique

La rĂ©duplication peut avoir de nombreuses significations, selon les cas et les mots sur lesquels elle porte. Avec les noms, elle n’a que trĂšs rarement une valeur de pluriel (na-hap : « chose », na-haphap : « choses »). Les adjectifs su (« petit ») et liwo (« grand ») sont rĂ©dupliquĂ©s pour indiquer le pluriel, mais cela peut Ă©galement avoir une valeur d’intensitĂ© : n-ēm̄ lililwo peut signifier « des grandes maisons » ou « une maison immense ». La rĂ©duplication peut mĂȘme avoir une valeur diminutive : na-qyan̄ est un trou, mais na-qyaqyan̄ dĂ©signe une multitude de petits trous[a 31].

C’est en fait avec les verbes que la rĂ©duplication est le plus souvent utilisĂ©e. Avec un sujet pluriel, elle indique que les agents agissent sĂ©parĂ©ment :

KēymalmÌ„Ćl.
3placprentrer
Ils sont déjà rentrés (ensemble).
KēymalmÌ„ĆlmÌ„Ćl.
3placprentrerÂČ
Ils sont déjà rentrés (séparément).

Dans d’autres cas, elle a une valeur itĂ©rative : Na-mta-n ni-matbēy (« Il cligna des yeux ») → Na-mta-n ni-matmatbēy (« Il cligna des yeux plusieurs fois »). La rĂ©duplication peut aussi rendre une action moins dĂ©finie : gen signifie « manger (un aliment prĂ©cis) », mais gengen veut dire « manger habituellement » ou « ĂȘtre en train de manger (sans objet prĂ©cis) ». Enfin, la rĂ©duplication des verbes permet d’obtenir des noms : mat (« mourir ») → na-matmat (« la mort ») ; yap (« Ă©crire ») → na-yapyap (« l’écriture »)[a 32].

Pronoms personnels

Comme dit prĂ©cĂ©demment, le mwotlap distingue quatre nombres ; il fait Ă©galement la distinction entre le « nous » exclusif et inclusif, mais ne diffĂ©rencie pas les genres (kē peut signifier aussi bien « elle » que « il »)[a 33].

Pronoms personnels en mwotlap
PersonneSingulierDuelTrielPluriel
1reexclusive no, nokkamyƍkamtēlkem, kemem
inclusive —dƍ, dƍyƍēntēl, dētēlgēn
2e nēkkƍmyƍkēmtēlkimi
3e kēkƍyƍkēytēlkēy

Le pronom dƍ signifie donc « toi et moi », kamtēl « moi et deux personnes (mais pas toi) », kimi « vous (quatre ou plus) », etc. Ces pronoms peuvent ĂȘtre sujet ou objet sans changer de forme ; leur fonction est dĂ©terminĂ©e par l’ordre des mots[a 33].

Kēm-etnēk.
3sgpft-voir2sg
Il t’a vu.
Nēkm-etkē.
2sgpft-voir3sg
Tu l’as vu.

Dans les cas oĂč deux pronoms sont possibles, on peut choisir librement lequel utiliser, sauf dans le cas de la premiĂšre personne du singulier (dans certains contextes, l’emploi de no ou nok est obligatoire), et dƍ et kem ne peuvent ĂȘtre utilisĂ©s qu’en position de sujet[a 33].

Possession

En mwotlap, comme dans d’autres langues ocĂ©aniennes, l’expression de la possession est complexe. La principale caractĂ©ristique est que les noms sont sĂ©parĂ©s en deux catĂ©gories[a 34] :

  • les noms inaliĂ©nables, conçus dans une relation Ă  autre chose et qui doivent obligatoirement avoir un possesseur ;
  • les noms aliĂ©nables, conçus comme autonomes.

La syntaxe de la possession est diffĂ©rente pour ces deux catĂ©gories. Pour les noms aliĂ©nables, en particulier, il est nĂ©cessaire de prĂ©ciser le type de possession dont il s’agit (Ă  manger, Ă  boire, possession provisoire ou autre)[a 34].

Le mwotlap n’a pas de verbe « avoir ». Ainsi, pour traduire une phrase comme « J’ai un enfant », il faut employer (comme en hongrois) une tournure signifiant littĂ©ralement « Il y a mon enfant » ou « Mon enfant existe »[a 35].

Inti-kaē.
enfant-1sgexister
J’ai un enfant.
Inti-ktateh.
enfant-1sgne pas exister
Je n’ai pas d’enfant.

Possession inaliénable

Les noms inaliĂ©nables forment une classe fermĂ©e d’environ 125 mots. Leurs radicaux se terminent tous par une voyelle[a 34]. Ce sont principalement des mots qui dĂ©signent[a 36] :

  • des parties du corps : qti~ (« tĂȘte »), mte~ (« Ɠil ») ;
  • des concepts liĂ©s Ă  une personne : ln̄e~ (« voix »), he~ (« nom ») ;
  • des parties de vĂ©gĂ©taux : tawhi~ (« fleur »), vni~ (« Ă©corce ») ;
  • des parties d’objets : lo~ (« intĂ©rieur »), tētye~ (« manche d’un outil ») ;
  • des termes de parentĂ© : inti~ (« enfant »), igni~ (« Ă©poux, Ă©pouse »).

Ces mots ne peuvent pas ĂȘtre employĂ©s seuls : ils doivent ĂȘtre nĂ©cessairement suivis d’un possesseur[a 37].

Suffixes possessifs

Mis Ă  part le cas oĂč le possesseur est exprimĂ© et n’est pas humain (cf. la section suivante), les noms inaliĂ©nables doivent ĂȘtre suivis d’un suffixe possessif. Ainsi, Ă  partir de dēln̄e~ (« oreille »), on obtient les formes nē-dēln̄e-k (« mon oreille ») et nē-dēln̄a-n (« son oreille »). Comme le montre cet exemple, certains de ces suffixes peuvent modifier les voyelles du radical selon des rĂšgles complexes[a 38].

Suffixes possessifs en mwotlap[a 39]
PersonneSingulierDuelTrielPluriel
1reexclusive -k-(n)mamyƍ-(n)mamtēl-(n)mem
inclusive —-ndƍ-ntēl-ngēn
2e -∅-(n)mƍyƍ-(n)mētēl-(n)mi
3e -n-yƍ-ytēl-y

Le suffixe possessif de la deuxiĂšme personne du singulier est un suffixe zĂ©ro : na-mte signifie « ton Ɠil » ; le suffixe semble absent, mais c’est bien la deuxiĂšme personne qui est indiquĂ©e. Certains suffixes commencent par un n facultatif : il est obligatoire pour deux des classificateurs possessifs (voir la section suivante sur la possession aliĂ©nable), facultatif pour les deux autres classificateurs possessifs et quelques noms inaliĂ©nables (ex. : na-mne-(n)mi, « vos mains »), et interdit pour les autres noms inaliĂ©nables[a 39].

Expression du possesseur

La maniĂšre d’exprimer le possesseur dĂ©pend de si le possesseur est humain[a 40] :

  • s’il est humain, le nom possĂ©dĂ© prend le suffixe possessif de la troisiĂšme personne du singulier et est suivi par le possesseur : na-ha-n na-myanag (« le nom du chef »). MĂȘme si le possesseur est pluriel, on utilise le suffixe singulier : na-ha-y (« leur(s) nom(s) »), mais na-ha-n ige susu (« le nom des enfants », littĂ©ralement : « son nom les enfants »).
  • S’il n’est pas humain, le nom possĂ©dĂ© est exprimĂ© sans suffixe et est suivi du possesseur sans article : na-he vƍnƍ (« le nom du village »).

Il y a des exceptions[a 41] :

  • les humains sont traitĂ©s comme des non humains s’ils sont gĂ©nĂ©riques : na-mta-n na-lqƍvēn (« les yeux de la femme »), mais na-mte lƍqƍvēn (« des yeux de femme ») ;
  • certains grands animaux, pourtant non humains, peuvent ĂȘtre traitĂ©s comme des humains s’ils sont reprĂ©sentĂ©s comme des humains, par exemple dans des contes. C’est aussi le cas quand on emploie mĂ©taphoriquement une relation humaine pour parler d’ĂȘtre vivants (comme quand on dit en français « le lynx est le cousin du chat »).

Si on veut employer un nom inaliĂ©nable sans possesseur, il y a deux solutions. La premiĂšre consiste Ă  utiliser un possesseur gĂ©nĂ©rique en disant littĂ©ralement « une tĂȘte de personne » ou « un fruit d’arbre »[a 42] :

Noma-yapna-ngoet.
1sgpft-Ă©crireart-visagepersonne
J’ai dessinĂ© un visage.
(Litt. : le visage d’une personne)

Ce systĂšme permet d’ailleurs de prĂ©ciser le sens de certains mots. Par exemple, le radical ili~ signifie « cheveu, pelage, plumage », en fonction du possesseur. Avec un possesseur gĂ©nĂ©rique, on peut diffĂ©rencier n-ili et (« un cheveu (d’humain) »), n-ili bus (« un poil de chat ») et n-ili men (« une plume (d’oiseau) »)[a 43].

L’autre moyen est d’employer le suffixe -ge. Il n’est pas Ă©quivalent Ă  l’emploi d’un possesseur gĂ©nĂ©rique : ce suffixe s’emploie seulement dans des situations particuliĂšres et avec un possesseur humain uniquement. Il est utilisĂ© dans des phrases oĂč, en français, on utiliserait « on »[a 44] :

Tƍn-ili-geni-qagqag.
Alorsart-cheveu-onao-blanc
Alors on a les cheveux qui se mettent Ă  blanchir.

N-ili-ge ne se rĂ©fĂšre pas aux cheveux d’une personne particuliĂšre, mais aux cheveux de n’importe qui, par exemple quand on vieillit. Une traduction incorrecte en français mais qui rend bien le sens de ce suffixe serait « les cheveux de “on” ». Cette tournure est utilisĂ©e pour dĂ©crire les symptĂŽmes d’une maladie, par exemple dans la phrase Na-taqn̄ē-ge ni-mehgēt qui signifie « On a le corps qui transpire » (et pas simplement « Le corps transpire »).

Possession aliénable

Les noms aliĂ©nables sont une classe ouverte qui contient tous les autres noms. Leur radical se finit souvent par une consonne. Ils peuvent ĂȘtre utilisĂ©s sans possesseur et ne peuvent pas recevoir les suffixes possessifs[a 34].

Si le possesseur est non rĂ©fĂ©rentiel ou non humain, on utilise la prĂ©position ne entre le possĂ©dĂ© et le possesseur, et dans le cas oĂč le possesseur n’est pas prĂ©cisĂ©, le mot anaphorique nan[a 45] :

  • na-gban ne ok : « la voile de la pirogue » ;
  • na-gban nan : « sa voile ».

Si le possesseur est humain et rĂ©fĂ©rentiel, la syntaxe est moins simple puisqu’il faut employer un classificateur possessif pour exprimer le type de relation dont il s’agit.

Classificateurs possessifs

Comme d’autres langues de MĂ©lanĂ©sie et de MicronĂ©sie telles que le pohnpei et le paluan[a 46], le mwotlap a des classificateurs possessifs qui indiquent le type de relation de possession. Dans cette langue, ils sont quatre[a 47] :

  • ga~ indique que l’objet possĂ©dĂ© est destinĂ© Ă  ĂȘtre mangĂ© (dans certains usages figurĂ©s et familiers, il peut indiquer tout ce qui provoque des sensations, agrĂ©ables ou dĂ©sagrĂ©ables[a 48]) ;
  • ma~ indique qu’il sera bu ;
  • mu~ dĂ©signe une possession provisoire ;
  • no~ reprĂ©sente une possession qui n'entre pas dans les catĂ©gories prĂ©cĂ©dentes.

Ainsi, Ă  partir d’un mot comme wƍh (« coco ») on peut avoir plusieurs sens diffĂ©rents en fonction du classificateur utilisĂ©[a 46] :

  • nƍ-wƍh ne-me-k : « mon lait de coco » (littĂ©ralement « mon coco Ă  boire ») ;
  • nƍ-wƍh na-kis : « ma noix de coco Ă  manger » ;
  • nƍ-wƍh na-mu-k : « ma noix de coco (que je suis en train de porter) » ;
  • nƍ-wƍh mino : « mes cocotiers », « mes noix de coco (par exemple celles que j’ai chez moi) ».

Les classificateurs possessifs reçoivent le suffixe possessif, mais prĂ©sentent certaines irrĂ©gularitĂ©s. Ils sont prĂ©sentĂ©s ici avec l’article.

La forme exceptionnelle mino provient de mi no (« avec moi »). Les classificateurs possessifs apparaissent toujours avec l’article, sauf dans deux cas[a 49] :

  • aprĂšs la particule partitive te : te mu-k ;
  • no~ peut dans certains cas s’allĂ©ger : n-ēm̄ no-no-nmi (« vos maisons ») peut ĂȘtre simplifiĂ© par haplologie en n-ēm̄ no-nmi.

Dans les exemples prĂ©cĂ©dents, le classificateur est placĂ© aprĂšs le mot possĂ©dĂ© (nē-bē ne-me-k, « mon eau », littĂ©ralement « l’eau la-mienne-Ă -boire »). C’est l’usage le plus courant. Il est aussi possible de mettre le classificateur en premier, et dans ce cas le possĂ©dĂ© n’a pas d’article (ne-me-k bē). Cette tournure correspond Ă  un niveau de langue littĂ©raire ou soutenu[a 50].

Si le possesseur est exprimĂ©, il est situĂ© immĂ©diatement aprĂšs le classificateur possessif qui a le suffixe de la troisiĂšme personne du singulier : nƍ-wƍh na-ma-n ige susu (« le lait de coco des enfants »)[a 50].

Ces classificateurs possessifs peuvent ĂȘtre utilisĂ©s avec des non humains (notamment des animaux) : na-mtig na-ga-n tutu (« la noix de coco pour les poules »). Seul no~ est strictement rĂ©servĂ© aux humains ; les mots invariables ne et nan citĂ©s plus haut sont en fait des formes Ă©quivalentes de no~ employĂ©es pour les non humains[a 51].

Directionnels spatiaux

Une particularitĂ© du mwotlap (et d’autres langues austronĂ©siennes) est que la gauche et la droite sont inconnues[b 1] : Ă  la place, les locuteurs se repĂšrent en fonction de la gĂ©ographie de l’endroit oĂč ils se trouvent. Il est courant d’entendre une phrase telle que En malig hag! (« DĂ©cale-toi vers l’est ! », littĂ©ralement « vers le haut »)[b 2]. Six particules directionnelles sont trĂšs utilisĂ©es : hag (« en haut »), hƍw (« en bas »), hay (« dedans »), yow (« dehors »), me (« par ici ») et van (« par lĂ  »)[b 3].

Me indique un endroit oĂč se trouve le locuteur ou une direction orientĂ©e vers le locuteur, par exemple Van me (« Viens », littĂ©ralement « Va vers moi »)[b 4]. Van indique une direction orientĂ©e vers autre chose que le locuteur[b 5].

Le cas des quatre autres particules est plus compliquĂ© : en plus de leurs sens premiers (« en haut », « dehors », etc.), elles ont des sens secondaires dits gĂ©ocentriques, renvoyant Ă  la gĂ©ographie de l’üle. L’üle est vue comme un contenant dans lequel on entre oĂč on sort : hay dĂ©signe l’intĂ©rieur des terres, yow la direction de la mer[b 2]. Ainsi, pour quelqu’un situĂ© sur la cĂŽte sud de Mota Lava, hay dĂ©signe le nord, mais pour quelqu’un qui est au nord de l’üle, hay est au sud[b 6].

Les deux autres particules, hag et hƍw (respectivement « en haut » et « en bas ») dĂ©signent un axe perpendiculaire Ă  l’axe hay-yow : Ă  Mota Lava, hag est la direction est-nord-est et hƍw l’ouest-sud-ouest[b 2]. Ces deux mots dĂ©signent toujours la mĂȘme direction par rapport Ă  l’üle : le sens de yow dĂ©pend de l’endroit de l’üle oĂč se trouve le locuteur, mais hag reste toujours l’est de Mota Lava.

Carte des Ăźles Banks. Mota Lava est en haut du centre de la carte.

Les locuteurs du mwotlap qui se trouvent sur une autre Ăźle doivent assigner une direction Ă  ces particules. Le choix de hay et yow est simple, puisqu’il dĂ©pend de la cĂŽte : ainsi, Ă  Port-Vila, hay dĂ©signe l’est et yow l’ouest, puisque la cĂŽte s’y Ă©tend selon un axe nord-sud et que l’intĂ©rieur des terres est Ă  l’est[b 7]. L’axe hag-hƍw est perpendiculaire Ă  la cĂŽte, mais le sens est plus dĂ©licat Ă  dĂ©terminer : hag dĂ©signe le sud Ă  Port-Vila et des deux cĂŽtĂ©s de Maewo et d’Espiritu Santo, mais le sud-ouest Ă  Malekula et l’est dans le sud d’Ambae comme Ă  Mota Lava. En fait, hag dĂ©signe la direction la plus proche du sud-est[b 8].

En mer, quand aucune Ăźle n’est proche, la direction de l’intĂ©rieur des terres ou de l’ocĂ©an n’a plus de sens et hay et yow ne sont pas utilisĂ©s. Le monde est alors divisĂ© en deux parties : hag, la moitiĂ© sud-est et hƍw, la moitiĂ© nord-ouest[b 9]. Il en est de mĂȘme quand un locuteur veut parler d’une autre Ăźle : ainsi, pour un locuteur situĂ© Ă  Mota Lava, les Ăźles Torres et Salomon sont « en bas » (hƍw) et la plupart des autres Ăźles du Vanuatu sont « en haut » (hag). Une exception est Vanua Lava : comme c’est une grande Ăźle visible depuis Mota Lava et situĂ©e prĂ©cisĂ©ment au sud-ouest, ni hag ni hƍw ne conviennent et les locuteurs emploient hay (« vers l’intĂ©rieur des terres »)[b 10].

Le fait que hag « en haut » dĂ©signe globalement le sud-est est une mĂ©taphore liĂ©e au sens des vents dominants, importants pour un peuple qui avait l’habitude de naviguer. Au sud de l’équateur, les alizĂ©s soufflent du sud-est, en sorte que naviguer dans cette direction consiste Ă  faire voile contre le vent. La difficultĂ© de naviguer face au vent est assimilĂ©e Ă  la difficultĂ© de monter une pente (cf. en français « remonter au vent », en anglais sail upwind) : ceci explique que le sud-est soit dĂ©signĂ©, en mwotlap, par le mĂȘme mot que pour « en haut »[b 11].

Lexique

Exemples

Quelques mots courants en mwotlap[6]
MotTraductionPrononciation
terrenē-vētan[nÉȘÎČÉȘtan]
eaunē-bē[nÉȘᔐbÉȘ]
feun-ep[nɛp]
hommena-tm̄an[natƋ͡mÊ·an]
femmena-lqƍvēn[nalkÍĄpʷʊÎČÉȘn]
mangergen[ɣɛn]
boirein[in]
grandliwo[liwɔ]
petitsu[su]
journa-myen[namjɛn]
nuitnƍ-qƍn̄[nʊkÍĄpÊ·ÊŠĆ‹]

Annexes

Notes et références

  1. p. 154
  2. pp. 21–22
  3. p. 24
  4. pp 12, 83–84
  5. p. 36
  6. pp. 51–75
  7. pp. 75–76
  8. pp. 77–78
  9. p. 81
  10. p. 78
  11. p. 79
  12. pp. 96–105
  13. pp. 114–119
  14. p. 85
  15. pp. 86–92
  16. p. 62
  17. p. 256
  18. pp. 161–162
  19. pp. 213–214
  20. p. 199
  21. p. 165
  22. pp. 162–163
  23. p. 202
  24. pp. 344–345
  25. p. 348
  26. pp. 351
  27. pp. 156–157
  28. pp. 351–353
  29. pp. 129–136
  30. p. 137
  31. pp. 141–143
  32. pp. 144–148
  33. pp. 371–373
  34. p. 419–420
  35. p. 482
  36. La liste complĂšte est publiĂ©e aux pages 428–436.
  37. p. 421
  38. Ces rĂšgles sont exposĂ©es aux pages 468–474.
  39. pp. 465–466
  40. pp. 493–494
  41. pp. 513–523
  42. p. 525
  43. p. 527
  44. pp. 527–539
  45. p. 547
  46. p. 581
  47. p. 548
  48. pp. 588–595
  49. pp. 549–552
  50. pp. 553–554
  51. pp. 572–575
  1. p. 419
  2. p. 417
  3. p. 408
  4. p. 411
  5. pp. 412–413
  6. p. 418
  7. p. 428
  8. pp. 429–430
  9. pp. 430–431
  10. p. 432
  11. pp. 432–434
  • Autres sources et notes
  1. (fr) Alexandre François, « Langues des ßles Banks et Torres » (consulté le )
  2. Code générique, correspondant aux langues austronésiennes.
  3. (en) « 2009 National Population and Housing Census », Vanuatu National Statistics Office, (consulté le ), p. 12
  4. A. François, Unraveling the history of the vowels of seventeen northern Vanuatu languages
  5. R. H. Codrington, The Melanesian Languages, p. 318
  6. A. François, Dictionnaire culturel mwotlap – français – anglais

Bibliographie

  • Alexandre François, Contraintes de structures et libertĂ© dans l’organisation du discours : Une description du mwotlap, langue ocĂ©anienne du Vanuatu, UniversitĂ© Paris-IV Sorbonne, , 1078 p., thĂšse de doctorat en linguistique, 3 volumes (prĂ©sentation en ligne, lire en ligne)
  • Alexandre François, La sĂ©mantique du prĂ©dicat en mwotlap (Vanuatu), Leuven-Paris, Peeters Publishers, coll. « Collection linguistique de la SociĂ©tĂ© de linguistique de Paris », , 408 p. (ISBN 978-90-429-1271-7, prĂ©sentation en ligne, lire en ligne)
  • (en) Alexandre François, « Serial verb constructions in Mwotlap », dans R. M. W. Dixon, Alexandra Aikhenvald, Serial Verb Constructions : A cross-linguistic typology, Oxford, Oxford University Press, (lire en ligne), p. 223–238
  • (en) Alexandre François, « Unraveling the history of the vowels of seventeen northern Vanuatu languages », Oceanic Linguistics, University of HawaiÊ»i Press, vol. 44, no 2,‎ , p. 443–504 (ISSN 0029-8115 et 1527-9421, lire en ligne).
  • (en) Alexandre François, « Of men, hills and winds: Space directionals in Mwotlap », Oceanic Linguistics, vol. 42, no 2,‎ , p. 407–237 (lire en ligne)
  • (en) Robert Henry Codrington, The Melanesian Languages, Oxford: Clarendon Press, , 572 p. (prĂ©sentation en ligne), p. 310–322
  • Alexandre François, Dictionnaire culturel mwotlap – français – anglais, Paris, (lire en ligne)

Liens externes

Articles connexes

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