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Umlaut

En phonĂ©tique, le processus d’Umlaut /ˈʊmˌlaÊŠÌŻt/[1] (de l’allemand um-, « autour, transformation » + Laut, « son »), ou mĂ©taphonie (terme grec de mĂȘme sens ; ne pas confondre avec le paronyme mĂ©tatonie) ou encore inflexion, dĂ©signe le changement de timbre d’une voyelle (apophonie) Ă  la suite de l’amuĂŻssement d’une autre voyelle dans une syllabe suivante. La voyelle altĂ©rĂ©e garde pour ainsi dire une trace de la voyelle disparue en rĂ©cupĂ©rant une de ses caractĂ©ristiques. C’est un type complexe de dilation.

Trois villes allemandes sur ce panneau de signalisation contiennent la lettre ĂŒ (« u umlaut »).

Cette modification phonĂ©tique doit ĂȘtre distinguĂ©e d’un changement de voyelle indiquant une diffĂ©rence de fonction grammaticale, appelĂ© alternance vocalique ou apophonie (en allemand, Ablaut), comme dans la conjugaison du verbe irrĂ©gulier anglais « chanter » sing / sang / sung. L’apophonie est apparue en indo-europĂ©en, tandis que la mĂ©taphonie est apparue plus tardivement. Ces termes sont parfois utilisĂ©s aussi pour des changements similaires dans d’autres familles linguistiques.

La mĂ©taphonie (modification d’une voyelle induite par une autre voyelle dans une syllabe suivante) est typique des langues germaniques[2], mais l’existence de ce phĂ©nomĂšne dans le gotique est controversĂ©e[3]. La mĂ©taphonie la plus frĂ©quente dans les langues germaniques est la mĂ©taphonie par /i/ (c'est-Ă -dire: /i/, /Ä«/, /j/ dans une syllabe suivante), par exemple : [meĂ°jaz] > allemand Mitte « milieu », nĂ©erlandais mid- et midden « milieu » et anglais mid- et middle « milieu ».

Le terme d'umlaut dĂ©signe aussi le trĂ©ma qui marque en allemand les voyelles produites par ce changement phonĂ©tique, ainsi que les graphĂšmes entiers comportant ce diacritique ou notĂ©s en digramme. En français, le pluriel d’umlaut se forme Ă  la française : umlauts.

En allemand

Fonctionnement de la métaphonie

Le cas est surtout connu pour l’allemand dont les voyelles /a/, /i/, /o/ et /u/ inflĂ©chies par la mĂ©taphonie subissent une palatalisation ou un changement de leur aperture. L’environnement conditionnant d’origine Ă©tait la prĂ©sence d’un /i/ ou d’un /j/, phonĂšmes palataux, dans la syllabe suivante, qui s’est amuĂŻ en laissant son caractĂšre palatal Ă  la voyelle prĂ©cĂ©dente, ou d’un /a/, voyelle ouverte qui, en disparaissant, ouvre Ă  son tour la voyelle prĂ©cĂ©dente. AprĂšs que l’umlaut a acquis un rĂŽle grammatical, son usage s’est Ă©tendu par analogie. Les mĂ©taphonies historiques se sont dĂ©roulĂ©es en trois phases, durant la pĂ©riode du vieux haut allemand au moyen haut allemand inclus (de la fin du VIIIe au XIVe siĂšcles).

Voici quelques exemples de métaphonies :

  • En vieux haut allemand, gast « hĂŽte », faisait son pluriel en gesti. Le changement de timbre de la voyelle radicale indique qu’il y a bien eu mĂ©taphonie et que la voyelle finale s’était amuĂŻe ou Ă©tait en passe de le faire. C’est une mĂ©taphonie par /i/. En haut allemand moderne, on Ă©crit (et on dit) Gast / GĂ€ste.
  • Inversement, on trouve helphan, « aider », en vieux haut allemand, issu d’un radical *hilp- (prĂ©sent en gotique) dont la voyelle a subi l’inflexion par /a/ et s’est ouverte. En haut allemand moderne, le verbe est devenu helfen, qu’on peut comparer Ă  ses 2e et 3e personnes du singulier au prĂ©sent de l'indicatif hilfst - hilft ou au nom commun correspondant Hilfe, « aide ». La mĂ©taphonie n’est, dans le cas de /i/ devenu /e/, pas notĂ©e par un diacritique.

En vieux haut allemand, le e de gesti et celui de helphan n’étaient pas identiques : le premier Ă©tait fermĂ© [e] et le second ouvert [Δ]. Cette diffĂ©rence subsiste en alĂ©manique, oĂč hĂ€lfe a une voyelle plus ouverte que gescht[4]. Cette diffĂ©rence de prononciation n’a, en revanche, rien Ă  voir avec la diffĂ©rence d’orthographe de l’allemand standard actuel entre GĂ€ste et helfen (on Ă©crit GĂ€ste pour marquer le lien avec le singulier Gast).

Finalement, les mĂ©taphonies sont les suivantes (la notation suit l’API) :

  • /a... i/ → /e... i/
  • /i... a/ → /Δ... a/
  • /u... i/ → /y... i/
  • /u... a/ → /ɔ... a/
  • /ɔ... i/ → /Ɠ... i/

Notation des voyelles infléchies

Le mot umlaut est aussi utilisĂ© pour dĂ©signer la marque diacritique composĂ©e de deux petits traits verticaux placĂ©s au-dessus d’une voyelle pour indiquer la mĂ©taphonie. Il faut faire attention de ne pas confondre le umlaut et le trĂ©ma (en français ou en catalan par exemple), qui est constituĂ© de deux points.

L’origine de ce symbole graphique est un e diacritique Ă©crit derriĂšre la voyelle concernĂ©e qui s’est ensuite suscrit (tracĂ© au-dessus de la voyelle) et puis simplifiĂ© en deux traits. Les graphies anciennes en Ă©criture gothique, puis Fraktur et SĂŒtterlinschrift, permettent de mieux comprendre un tel processus de simplification : les lettres sont en effet plus raides et angulaires et le e peut se rĂ©duire Ă  deux traits verticaux plus ou moins reliĂ©s par le haut, ce qu’il est devenu dans la SĂŒtterlinschrift. Du reste, la marque d’umlaut en SĂŒtterlinschrift est clairement un petit e suscrit, ce qui montre combien l’origine du diacritique est restĂ©e longtemps Ă©vidente aux Allemands et explique pourquoi la confusion avec un trĂ©ma Ă©tait impossible. Le tableau suivant montre les caractĂšres en SĂŒtterlinschrift et Antiqua (variante « normale » de l’alphabet latin) :

Antiqua
e ae oe ue Ă€ ö ĂŒ
SĂŒtterlinschrift

Ce e ne s’est Ă©crit qu’aprĂšs les voyelles a, o et u. La mĂ©taphonie de /i/ en /e/ n’a pas besoin d’ĂȘtre notĂ©e par cet artifice : la lettre e suffit. Par exemple, le nom Mann /man/, « homme », devient au pluriel MĂ€nner /'mΔnər/. Les voyelles qui peuvent, en allemand, subir la mĂ©taphonie sont les suivantes :

  • a /a/ → Ă€ /Δ/ (Ăš de pĂšre) ;
  • o /o/ → ö /Ăž/ (eu de peu) ;
  • u /u/ (ou de cou) → ĂŒ /y/ (u de su).

En fonction de l’époque, de la rĂ©gion (Suisse alĂ©manique) et des moyens techniques (machine Ă  Ă©crire archaĂŻque, fontes anciennes) et dans des noms de personnes, les umlauts peuvent figurer sous la forme de digrammes, soit ae, oe, ue. Cela est alors davantage le cas des majuscules initiales, soit Ae, Oe, Ue (la graphie AE, OE, UE ne servant que dans le tout-en-capitales). C’est une orthographe archaĂŻsante mais qui se rencontre aussi sur internet, lorsque les caractĂšres Ă  diacritiques sont indisponibles. Depuis la gĂ©nĂ©ralisation de l’encodage Unicode, cela est dĂ» exclusivement Ă  des dispositions de clavier pĂ©rimĂ©es.

Dans d'autres langues

L’orthographe allemande a inspirĂ© d’autres langues qui n’ont pas toujours de rapport gĂ©nĂ©tique.

Les lettres Ă  umlaut du hongrois, du turc, de l’azĂ©ri et d’autres sont ö et ĂŒ, dont la prononciation est similaire Ă  celles de l’allemand (Ă©galement, en hongrois, il existe un « umlaut long », c’est-Ă -dire un double accent aigu permettant d’obtenir Ƒ et Ʊ en regard de ö et ĂŒ). On note l’absence de Ă€.

En finnois, en estonien, dans les langues sames, dans certaines langues scandinaves (islandais et suĂ©dois), des caractĂšres d’aspect et de prononciation similaire aux lettres Ă  umlaut allemandes (Ă€, ö, ĂŒ) sont utilisĂ©s mais sont considĂ©rĂ©s comme des lettres indĂ©pendantes et sont traitĂ©es Ă  part dans l’ordre alphabĂ©tique, oĂč elles apparaissent en fin de liste.

langues finno-ougrienneslangues germaniques
estonienfinnoisallemandsuédoisislandaisdanois, norvégien, féroïen
ÀÀÀÀ(e, Ê)(e, Ê)
ööööö(Þ)
ĂŒ(y)ĂŒ(y)(y)(y)
Utilisation de lettres Ă  trĂ©ma dans diverses langues du nord de l’Europe (et leurs Ă©quivalents)

En dehors des langues germaniques (allemand et langues scandinaves), les voyelles Ă  trĂ©ma ne servent pas Ă  marquer des variations grammaticales ou lexicales, et utiliser le terme d’umlaut pour les dĂ©signer est donc impropre. Il vaut mieux, dans ce cas, parler d’un trĂ©ma.

Cependant, la fonction de l’umlaut a Ă©tĂ© reprise pour certaines transcriptions de langues chinoises comme le hanyu pinyin pour la lettre « u/U » (avec la mĂȘme nuance de prononciation que pour l’allemand), ce qui donne les signes diacritiques ǖ/Ǖ, ǘ/Ǘ, ǚ/Ǚ et ǜ/Ǜ, le signe supĂ©rieur donnant le ton.

Codage des voyelles Ă  umlaut

Voyelles à umlaut et ß sur un clavier informatique allemand.

À l’édition, quand les umlauts ne sont pas disponibles ou dans les mots croisĂ©s, ils sont remplacĂ©s par la voyelle sous-jacente suivie d’un e. Cette modification est parfaitement appropriĂ©e Ă  l’allemand, les voyelles autres que e et i n'Ă©tant pas suivies d’un e, Ă  part pour quelques mots Ă©trangers.

En HTML, l’entitĂ© nommĂ©e les reprĂ©sentant sera notĂ©e &?uml; (la lettre de base suivie de uml). Toutes les voyelles Ă  umlaut et le ß (eszett, autre caractĂšre typique de l’allemand, inclus ici pour rĂ©fĂ©rence) font partie du jeu de caractĂšre ISO/CEI 8859-1 et possĂšdent le mĂȘme point de code dans ce jeu et en Unicode. Dans LaTeX, les diacritiques sont ajoutĂ©s par \"? (deux points) et \H? (deux accents aigus).

CaractÚre Substitution Entité HTML Point de code Unicode/ISO 8859-1 Code LaTeX
Ă€aeäx00E4\"{a}, Ă€ : \H{a}
öoeöx00F6\"{o}, ö : \H{o}, Ƒ
ĂŒueüx00FC\"{u}, ĂŒ : \H{u}, Ʊ
ßssßx00DF \ss , ß
ÄAeÄx00C4\"{A}, Ä : \H{A}
ÖOeÖx00D6\"{O}, Ö : \H{O}, Ɛ
ÜUeÜx00DC\"{U}, Ü :\H{U}, Ć°

En anglais

L’anglais, langue germanique, a conservĂ© certaines de ces modifications Ă  travers des pluriels irrĂ©guliers comme man « homme » : men (pl.), tooth « dent » : teeth (pl.), mouse « souris » : mice, etc., mĂȘme s'il a perdu les suffixes dĂ©sinentiels mĂ©taphonisants qui les avaient provoquĂ©s. L’orthographe et la prononciation en portent encore la marque de la mĂ©taphonie fermante (dite aussi palatale) par i. L’action mĂ©taphonique s’est dĂ©roulĂ©e en vieil anglais au VIIe siĂšcle.

Par exemple, le couple foot « pied » : feet (pl.) remonte aux Ă©tymons suivants : *fƍtz au singulier, *fƍtiz au pluriel. L’orthographe montre que ce mot est passĂ© par les rĂ©alisations suivantes :

  • singulier : germ.com. *fƍtz → v.angl. fƍt → angl. du XVe siĂšcle fot [fuːt] (fermeture Ă  la suite du grand changement vocalique) → actuellement foot [fʊt] (abrĂšgement et changement de timbre) ;
  • pluriel : g.c. primitif *fƍtiz → g.c. tardif fētiz (antĂ©riorisation) → v.angl. fēt (amuĂŻssement de la dĂ©sinence) → actuellement feet [fiːt] (fermeture Ă  la suite du grand changement vocalique).

Cette mĂ©taphonie fermante par i se rencontre aussi dans la dĂ©rivation lexicale et permet de comprendre pourquoi un mot comme blood « sang » est liĂ© au mĂȘme radical que bleed « saigner » (v.angl. blēdan, issu d'un g.c. *ƀlĆĂŸijanaⁿ).

Notes et références

  1. Prononciation en allemand standard (haut allemand) retranscrite selon la norme API.
  2. Fausto Cercignani, Early "Umlaut" Phenomena in the Germanic Languages, in « Language », 56/1, 1980, pp. 126-136.
  3. Fausto Cercignani, Alleged Gothic Umlauts, in « Indogermanische Forschungen », 85, 1980, pp. 207-213.
  4. Source : grammaires du vieil allemand, par exemple : Wilhelm Braune, Althochdeutsche Grammatik ; nombreuses Ă©ditions, voir leur chapitre sur les voyelles.

Articles connexes


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